Votre prestataire de services est-il salarié ?

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Votre prestataire de services est-il salarié ?
Ce point juridique est utile ?

En l’absence de pouvoir de sanction à l’égard d’un prestataire, la requalification en contrat de travail est impossible.

Il résulte des articles L.1221-1 et suivants du code du travail que le contrat de travail suppose un engagement à travailler pour le compte et sous la subordination d’autrui, moyennant rémunération.

En l’absence de contrat écrit, il appartient à celui qui revendique un lien de subordination dans la relation de travail d’en démontrer la réalité.

Il est constant que le contrat de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination de leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée la prestation de travail.

Il se caractérise par trois critères cumulatifs, à savoir une prestation de travail, une rémunération et un lien de subordination juridique, critère décisif.

Le lien de subordination est lui-même caractérisé par l’exécution d’une prestation de travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

Selon l’article L.8221-6 du code du travail dans sa version applicable au litige, ‘ sont présumés ne pas être liés avec le donneur d’ordre par un contrat de travail dans l’exécution de l’activité donnant lieu à immatriculation ou inscription :

1° Les personnes physiques immatriculées au registre du commerce et des sociétés, au répertoire des métiers, au registre des agents commerciaux ou auprès des unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales pour le recouvrement des cotisations d’allocations familiales ;

2° Les personnes physiques inscrites au registre des entreprises de transport routier de personnes, qui exercent une activité de transport scolaire prévu par l’article L. 213-11 du code de l’éducation ou de transport à la demande conformément à l’article 29 de la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 d’orientation des transports intérieurs ;

3° Les dirigeants des personnes morales immatriculées au registre du commerce et des sociétés et leurs salariés ;

II. – L’existence d’un contrat de travail peut toutefois être établie lorsque les personnes mentionnées au I fournissent directement ou par une personne interposée des prestations à un donneur d’ordre dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l’égard de celui-ci.

Dans ce cas, la dissimulation d’emploi salarié est établie si le donneur d’ordre s’est soustrait intentionnellement par ce moyen à l’accomplissement des obligations incombant à l’employeur mentionnées à l’article L. 8221-5.[…]’

Résumé de l’affaire

Monsieur Y a conclu plusieurs contrats de prestation de services avec la société Woodoo pour développer un prototype de bois translucide. Suite à la fin de ces contrats, Monsieur Y a saisi le conseil de prud’hommes de Paris pour demander la requalification de ces contrats en contrat de travail, ainsi qu’un rappel de salaire pour heures supplémentaires. Le conseil de prud’hommes a jugé que la relation de travail s’analysait en des contrats de prestation de services et a débouté Monsieur Y de ses demandes. Monsieur Y a interjeté appel de ce jugement et demande à la cour de requalifier la relation en contrat de travail, de reconnaître des heures supplémentaires non payées et de condamner la société Woodoo à diverses sommes. La société Woodoo, de son côté, demande à la cour de confirmer le jugement initial et de condamner Monsieur Y pour procédure abusive.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

4 juillet 2024
Cour d’appel de Paris
RG n°
22/07847
Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 8

ARRET DU 04 JUILLET 2024

(n° , 1 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/07847 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CGKWC

Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 Juillet 2022 -Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de PARIS – RG n° 18/02398

APPELANT

Monsieur [T] [Y]

[Adresse 7]

[Localité 1]

Représenté par Me Bruno REGNIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0050

INTIMÉS

Monsieur [C] [V] ès qualités de mandataire ad hoc de la société WOODOO

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représenté par Me Sandra OHANA, avocat au barreau de PARIS, toque : C1050

SAS WOODOO

[Adresse 5]

[Localité 2]

Représentée par Me Sandra OHANA, avocat au barreau de PARIS, toque : C1050

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 14 Mai 2024, en audience publique, les avocats ne s’étant pas opposés à la composition non collégiale de la formation, devant Madame Nathalie FRENOY, Présidente, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Nathalie FRENOY, présidente de chambre

Madame Isabelle MONTAGNE, présidente de chambre

Madame Sandrine MOISAN, conseillère

Greffier, lors des débats : Madame Sophie CAPITAINE

ARRÊT :

– CONTRADICTOIRE

– mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

– signé par Madame Nathalie FRENOY, présidente et par Madame Nolwenn CADIOU, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

Monsieur [T] [Y] a souscrit le 29 octobre 2015 un contrat de prestation de services d’une durée de 7 mois, à compter du 1er novembre suivant, avec la société Woodoo, en vue d’apporter des améliorations techniques à un procédé de modification et d’imprégnation du bois pour le développement d’un prototype de bois translucide de section épaisse.

Le 1er juin 2016, un nouveau contrat de même nature, d’une durée de 3 mois, a été conclu entre les parties.

Un troisième contrat de prestation de services en date du 1er septembre 2016 proposé par la société SAS Woodoo, non signé, est produit.

Par courrier du 12 décembre 2016, Monsieur [Y] y a mis un terme.

La société Woodoo a fait l’objet d’une radiation du registre du commerce et des sociétés le 15 février 2017 ; Monsieur [V] en a été désigné mandataire ad hoc.

Sollicitant la requalification de ses contrats de prestation de services en contrat de travail, outre un rappel de salaire pour heures supplémentaires notamment, Monsieur [Y] a saisi le 28 mars 2018 le conseil de prud’hommes de Paris qui, par jugement rendu par la formation de départage le 28 juillet 2022,

– s’est déclaré compétent,

– a dit que la relation de travail s’analysait en des contrats de prestation de services,

– a débouté en conséquence Monsieur [Y] de ses demandes,

– a débouté la société Woodoo prise en la personne de Monsieur [V], mandataire ad hoc, de sa demande reconventionnelle,

– a rejeté le surplus de ses demandes,

– a laissé à Monsieur [Y] la charge des dépens de l’instance.

Par déclaration du 26 août 2022, Monsieur [Y] a interjeté appel de ce jugement.

Dans ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 31 mars 2023, Monsieur [Y] demande à la cour de :

– infirmer le jugement attaqué en ce qu’il a considéré que la relation de travail s’analysait en des contrats de prestation de service,

– confirmer le jugement en ce qu’il a déclaré le conseil de prud’hommes compétent pour statuer sur les demandes de Monsieur [Y] et a débouté la société Woodoo de sa demande reconventionnelle,

statuant à nouveau,

à titre principal :

– constater l’existence d’un contrat de travail à durée indéterminée entre la société Woodoo, la société SAS Woodoo et Monsieur [Y],

– constater que l’emploi de Monsieur [Y] correspond à la classification conventionnelle niveau C3, coefficient 420 de la convention collective applicable,

– constater que Monsieur [Y] a pris acte de la rupture de son contrat de travail,

– dire et juger que la prise d’acte produit les effets d’un licenciement abusif,

– constater que Monsieur [Y] a réalisé de nombreuses heures supplémentaires qui ne lui ont jamais été rémunérées,

– constater que la société Woodoo et la société SAS Woodoo se sont rendues coupables de travail dissimulé,

– constater que la société Woodoo et la société SAS Woodoo ont exécuté de manière déloyale le contrat de travail les liant à Monsieur [Y],

– débouter la société Woodoo de sa demande reconventionnelle pour procédure abusive,

– déclarer irrecevable la demande subsidiaire des intimées portant sur l’incompétence ratione materiae,

en conséquence,

– condamner solidairement les sociétés aux sommes suivantes :

– 48 897,91 euros bruts à titre de rappel de salaires pour la période de mai 2015 à décembre 2016,

– 4 889,79 euros bruts au titre des congés payés afférents,

– 21 802 euros bruts à titre de rappel d’heures supplémentaires pour la période de novembre 2015 à décembre 2016,

– 2 108,20 euros bruts au titre des congés payés afférents,

– 1 012,31 euros à titre d’indemnité légale de licenciement,

– 6 246 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

– 624,60 euros bruts au titre des congés payés afférents,

– 6 246 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif,

– 18 738 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

– 18 738 euros à titre d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

– 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la société Woodoo et la société SAS Woodoo à la remise des documents de fin de contrat de travail conformes sous astreinte de 50 euros par jour de retard,

– soumettre les condamnations prononcées aux intérêts légaux à compter de la saisine du conseil de prud’hommes,

– ordonner la capitalisation des intérêts sur le fondement de l’article 1154 du Code civil.

Dans leurs dernières conclusions communiquées par voie électronique le 28 mars 2023, la société Woodoo et la société SAS Woodoo demandent à la cour de :

– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il :

* s’est déclaré compétent pour dire que la relation de travail avec la société Woodoo s’analyse en des contrats de prestation de services,

* n’a, à bon droit, à aucun moment visé la SAS Woodoo, qui n’a jamais eu de relation commerciale avec Monsieur [Y],

* a débouté en conséquence Monsieur [Y] de ses demandes et a laissé à sa charge les dépens de l’instance,

à titre subsidiaire :

– se déclarer incompétente ratione materiae,

en tout état de cause, y ajoutant :

– dire bien fondée la société Woodoo en sa demande reconventionnelle,

en conséquence,

– condamner Monsieur [Y] à payer à la société Woodoo la somme de 10 000 euros pour procédure abusive,

– condamner Monsieur [Y] à payer à la société Woodoo la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– le condamner aux entiers dépens.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 19 mars 2024 et l’audience de plaidoiries a eu lieu le 14 mai 2024.

Il convient de se reporter aux énonciations de la décision déférée pour plus ample exposé des faits et de la procédure antérieure, ainsi qu’aux conclusions susvisées pour l’exposé des moyens des parties devant la cour.

MOTIFS DE L’ARRET

Sur la nature de la relation de travail :

Monsieur [Y] affirme avoir eu une relation de travail salariée avec la société Woodoo et la société SAS Woodoo, ayant été recruté pour développer un concept de bois translucide, dès la création de l’entreprise. Il fait valoir qu’il a apporté son expertise de mai à octobre 2015 sans que cette collaboration ne soit formalisée par un contrat. Il rappelle, dans le cadre de la collaboration à compter du 1er novembre 2015, avoir eu un rôle majeur dans la réalisation du projet, intervenant à toutes ses phases, avoir été détaché au sein du laboratoire Lermab à [Localité 6] par son employeur, avoir été intégré dans la gestion quotidienne du projet avec l’ensemble des fondateurs et partenaires de la société qui s’est approprié les droits de propriété intellectuelle résultant de son travail. Il souligne avoir eu une adresse mail ‘woodoo’, une carte de visite à l’en-tête de cette société, avoir été présenté comme son directeur de la recherche, avoir représenté l’employeur aux événements le concernant, avoir été associé à la gestion des recrutements, avoir eu une rémunération fixe mensuelle, avoir rendu des comptes sur son activité, sans autonomie, et ce alors que son statut d’auto-entrepreneur lui avait été imposé par l’entreprise. Alors qu’il dédiait l’ensemble de son temps de travail à la société intimée et se trouvait dans un lien de subordination permanente avec Monsieur [V], représentant la société Woodoo, il estime avoir travaillé dans le cadre d’un contrat de travail et devoir bénéficier de la classification niveau C3 coefficient 420 de la convention collective nationale du travail mécanique du bois, des scieries, du négoce et de l’importation des bois.

Les sociétés intimées font valoir la présomption de non-salariat d’une personne physique inscrite au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers et la preuve lui incombant d’un lien de subordination avec le donneur d’ordre, rappellent les conditions cumulatives indispensables à une requalification en contrat de travail et concluent en l’espèce à la confirmation du jugement dans la mesure où le prestataire ne travaillait pas exclusivement pour Woodoo, disposait d’une liberté d’organisation de son travail – lequel se faisait en grande partie à son domicile – et d’une autonomie pour mener à bien le projet, sans encourir aucune sanction, alors qu’en octobre 2016, Monsieur [Y] a perdu la quasi-totalité des données de son travail accompli pour elles. Elles critiquent les pièces adverses qui ne sont constitutives que d’éléments sans valeur probante d’un lien de subordination, tels que prises de contact spontanées, récupération d’un prix en l’absence du gérant de la société, échanges non-coercitifs avec questionnement sur la disponibilité du prestataire, offres d’emploi à compter de février 2017 notamment.

La société SAS Woodoo relève en outre n’avoir jamais eu de relation commerciale avec l’appelant et sollicite la confirmation du jugement qui ne l’a jamais visée comme ayant eu une telle relation.

Au sujet de cette dernière demande, il convient de relever que le troisième contrat de prestation de services émane de la société SAS Woodoo, en date du 1er septembre 2016 et qu’il a été exécuté (nonobstant l’absence de signature par Monsieur [Y] ) jusqu’au 12 décembre 2016 puisque ce dernier y a mis un terme par courrier à cette date.

Il y a lieu de rappeler en outre que le jugement de première instance qui concerne les deux sociétés, Woodoo et SAS Woodoo, n’a pas mis hors de cause celle-ci, considérant au contraire que la relation de travail s’analysait en plusieurs contrats de prestations de services entre les parties.

Les conclusions des parties (à titre principal pour les sociétés intimées) se rejoignant sur la compétence de la juridiction prud’homale, il convient de confirmer que le conseil de prud’hommes de Paris était compétent pour déterminer si la relation contractuelle de l’espèce relevait du droit du travail ou non.

Il résulte des articles L.1221-1 et suivants du code du travail que le contrat de travail suppose un engagement à travailler pour le compte et sous la subordination d’autrui, moyennant rémunération.

En l’absence de contrat écrit, il appartient à celui qui revendique un lien de subordination dans la relation de travail d’en démontrer la réalité.

De février à novembre 2015, aucun contrat, aucun écrit n’a été établi par les parties.

Or, Monsieur [Y] considère avoir été d’ores et déjà, pendant cette période, dans un lien de subordination avec la société Woodoo.

Pour démontrer la réalité du lien de subordination qu’il invoque, Monsieur [Y] produit son courrier de résiliation du contrat en date du 12 décembre 2016 relatant ses modalités de travail ainsi que plusieurs échanges avec Monsieur [V] datant de mai 2015, faisant référence à un contact téléphonique ‘ d’il y a quelques mois’ et détaillant la possibilité d’une collaboration dans le cadre d’une thèse pour le premier et en vue du développement du projet de délignification et d’imprégnation du bois pour le second.

Le courrier de résiliation fait état de travaux bibliographiques et de rédaction d’une demande de brevet français, sans être corroboré par des éléments objectifs relatifs au cadre juridique de leur réalisation.

De même, les éléments contenus dans les courriels de mai 2015, comme les discussions suscitées par ces échanges, ne permettent de retenir aucune prestation de travail de la part de Monsieur [Y], et a fortiori aucun lien de subordination auquel ce dernier aurait pu être soumis dès avant la conclusion d’un quelconque contrat.

Par ailleurs, il est constant que le contrat de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination de leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée la prestation de travail.

Il se caractérise par trois critères cumulatifs, à savoir une prestation de travail, une rémunération et un lien de subordination juridique, critère décisif.

Le lien de subordination est lui-même caractérisé par l’exécution d’une prestation de travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

Selon l’article L.8221-6 du code du travail dans sa version applicable au litige, ‘ sont présumés ne pas être liés avec le donneur d’ordre par un contrat de travail dans l’exécution de l’activité donnant lieu à immatriculation ou inscription :

1° Les personnes physiques immatriculées au registre du commerce et des sociétés, au répertoire des métiers, au registre des agents commerciaux ou auprès des unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales pour le recouvrement des cotisations d’allocations familiales ;

2° Les personnes physiques inscrites au registre des entreprises de transport routier de personnes, qui exercent une activité de transport scolaire prévu par l’article L. 213-11 du code de l’éducation ou de transport à la demande conformément à l’article 29 de la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 d’orientation des transports intérieurs ;

3° Les dirigeants des personnes morales immatriculées au registre du commerce et des sociétés et leurs salariés ;

II. – L’existence d’un contrat de travail peut toutefois être établie lorsque les personnes mentionnées au I fournissent directement ou par une personne interposée des prestations à un donneur d’ordre dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l’égard de celui-ci.

Dans ce cas, la dissimulation d’emploi salarié est établie si le donneur d’ordre s’est soustrait intentionnellement par ce moyen à l’accomplissement des obligations incombant à l’employeur mentionnées à l’article L. 8221-5.[…]’

En l’espèce, il n’est pas contesté que Monsieur [Y] s’est inscrit comme dirigeant d’une entreprise et a bénéficié d’un numéro SIRET à compter d’octobre 2015.

Il apparaît, à la lecture de certaines communications électroniques, qu’il a cherché à collaborer dans le cadre de son statut d’étudiant, mais qu’en raison de l’échéance de ce dernier, il a opté pour un statut d’auto-entrepreneur, négociant (dans son courriel du 29 septembre 2015 à 15h44) sa rémunération à hauteur de 2 300 € par mois, laquelle a fait l’objet d’un consensus à hauteur de 2 000 €.

Il résulte d’ailleurs de la pièce n° 34 du dossier du salarié dans laquelle Monsieur [V] indique ‘on ne peut inclure URSSAF (sic) dans les notes de frais, car cela correspond aux charges sociales que tu payes en tant qu’auto-entrepreneur. Les faire prendre en charge par WOODOO reviendrait à reconnaître que nous sommes employeur ( et que ton contrat de prestation est donc un emploi déguisé ), ce qu’on veut éviter. On trouvera un autre moyen de te les rembourser (par exemple: une prime à l’embauche quand tu passeras en contrat standard)’, montrant que si un statut de salarié était envisageable pour Monsieur [Y], il n’était pas d’actualité au départ du projet et qu’un contrat de prestation de services lui était préféré par les parties.

Si Monsieur [Y] a pu travailler au laboratoire Lermab avec lequel la société Woodoo avait conclu un contrat d’étude – prévoyant son hébergement pour ses activités en son sein – via l’université de Lorraine, s’il bénéficiait d’une adresse électronique et d’une carte de visite correspondant à cette start-up, échangeait avec d’autres membres de la société, a pu représenter cette dernière dans le cadre de partenariats ou à l’égard de tiers, force est de constater qu’il s’interrogeait sur sa présentation aux tiers (dans son message du 17 décembre 2015 ‘ ça va si je me présente en tant qu’ ingénieur conseil pour la société Woodoo ou un autre titre me fitterait mieux ”) et surtout qu’il organisait son travail et notamment sa durée et ses modalités ( son télétravail ou non, ses allers-retours à [Localité 6]) comme il le souhaitait, Monsieur [C] [V] le sollicitant sur ses disponibilités pour lui répondre ou échanger (par exemple les messages du 2 novembre 2015 ‘Salut [C], as-tu retenu un horaire pour le coup de fil ‘ Hello Ben oui on peut se dire 21h heure française si ça te va, sinon plus tard, as you wish’ ou message du 30 juillet 2016 ‘on s’appelle cette aprèm, 15h30 te convient” notamment ), qu’il menait ses recherches en toute autonomie ( message de Monsieur [Y] du 16 août 2016 ‘ fraiser le bois ça peut se faire mais sans doute après imprégnation, sinon ça risque d’être difficilement contrôlable. Le thermoformage me semble plus pertinent à développer, y a plus d’application’), nonobstant des suggestions, conseils ou idées du gérant de Woodoo, qui ne sauraient être qualifiés de directives, ni d’instructions.

En outre, les échéances données à Monsieur [Y], en dehors de toute directive ou ordre quant aux modalités d’exécution de la prestation de travail, apparaissent indifférentes dans la détermination d’un lien de subordination, celles-ci étant inhérentes à tout projet mené de concert par plusieurs personnes avec des partenaires, quelle que soit la nature de ladite collaboration.

Il est documenté par ailleurs que Monsieur [Y] a refusé de transmettre les éléments en sa possession en vue du dépôt d’une demande de brevet et d’une extension PCT, contrairement à ce qui avait été demandé par Monsieur [V] (cf l’attestation de l’ingénieur Madame [L]).

Enfin, aucun élément laissant envisager l’exercice d’un pouvoir de sanction à l’encontre de Monsieur [Y] n’est produit, notamment à l’occasion des échanges d’octobre 2016 par lesquels ce dernier a informé de la possible perte de toutes ses données informatiques relatives au projet de la société Woodoo du fait d’un problème technique le contraignant à racheter un nouvel ordinateur (Monsieur [C] [V] répondant seulement

‘ j’espère que ça va s’arranger. On s’appelle ce soir comme convenu pour faire un point si ça te va ‘), alors qu’il a été confirmé ultérieurement qu’aucune donnée n’avait en définitive pu être récupérée.

Par conséquent, indépendamment du choix assumé de plusieurs contrats de prestation de services – dont le dernier – non signé par l’appelant- a été considéré comme effectif et a été dénoncé par le courrier du 12 décembre 2016 – , les éléments ayant caractérisé la réalité de la relation contractuelle de l’espèce montrent une prestation de travail effectuée en toute autonomie, selon des horaires et modalités libres, une rémunération sur laquelle les parties se sont accordées, et l’absence de tout lien de subordination de nature à renverser la présomption simple de non-salariat.

Le jugement de première instance qui n’a pas retenu l’existence d’un contrat de travail au profit de Monsieur [Y] et qui, partant, a rejeté les demandes découlant du statut de salarié revendiqué (rappels de salaire au titre d’une classification revendiquée, heures supplémentaires et congés payés afférents, travail dissimulé, exécution déloyale du contrat de travail, indemnisation de prise d’acte de la rupture ayant les effets d’un licenciement abusif, indemnités de rupture et remise des documents sociaux de rupture ) doit donc être confirmé de ces chefs.

Sur la procédure abusive :

Estimant que l’allégation d’un prétendu contrat de travail caché est déplacée envers l’entreprise et son dirigeant, que Monsieur [Y] a fait du chantage à la co-invention du brevet, que le dirigeant de l’entreprise a fait l’objet d’un harcèlement de la part de ce prestataire eu égard aux nombreuses correspondances adressées -surtout de nuit- par l’appelant, la société Woodoo, représentée par Monsieur [V], son mandataire ad hoc, sollicite la somme de 10’000 € à titre de dommages-intérêts.

Monsieur [Y] considère que la procédure qu’il a initiée était parfaitement justifiée compte tenu de l’ensemble des faits qu’il reproche à son employeur et des éléments qu’il apporte en ce sens. Il conclut au rejet de la demande.

L’exercice d’une action en justice ou d’un recours constitue en son principe un droit qui ne dégénère en abus pouvant donner lieu à dommages et intérêts que s’il caractérise un acte de mauvaise foi ou de malice ou une erreur grossière équipollente au dol.

Dans la mesure où aucune mauvaise foi, aucune malice ou aucune autre forme d’abus n’est documentée en l’espèce par la société Woodoo et que les éléments produits de part et d’autre montrent au contraire que Monsieur [Y] a voulu faire valoir des droits qu’il estimait être les siens, en première instance et en cause d’appel, il convient de rejeter la demande d’indemnisation présentée par la société Woodoo, laquelle ne démontre au surplus aucun préjudice.

Sur les dépens et les frais irrépétibles:

L’appelant, qui succombe, doit être tenu aux dépens de première instance, par confirmation du jugement entrepris, et d’appel.

L’équité commande de ne pas faire application de l’article 700 du code de procédure civile au profit de l’une quelconque des parties ni pour la procédure de première instance, par confirmation du jugement entrepris, ni pour celle d’appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe à une date dont les parties ont été avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

CONFIRME le jugement déféré,

Y ajoutant,

REJETTE les autres demandes des parties,

CONDAMNE Monsieur [T] [Y] aux dépens d’appel.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


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