Vol par un salarié : les limites de la vidéosurveillance

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Vol par un salarié : les limites de la vidéosurveillance

Afin d’établir le vol de marchandises par un salarié, il est préférable de présenter à la juridiction le film de visionnage et non pas des captures d’écran de vidéosurveillance.

En l’espèce, l’huissier ayant établi le constat sur lequel se fonde principalement l’employeur pour établir la matérialité des faits qui lui sont reprochés, a fait des constatations tendant à dire qu’il aurait pris des produits en rayon et les aurait mis dans des sacs de la commande de sa compagne. Or les captures d’écran, qui ne comportent pas le cachet de l’huissier, montrent uniquement le salarié (licencié pour vol) ou sa compagne prendre un article qu’il est impossible d’identifier et la capture suivante le montre plus tard avec des paquets.

Ainsi, les captures d’écran ne permettant pas de visualiser si le salariéa mis l’article indéfini dans un sac ou non, la preuve principale versée aux débats par l’employeur souffre d’imprécision diminuant sa valeur probante (licenciement sans cause réelle et sérieuse).

Résumé de l’affaire : Monsieur [Y] [G] a été embauché par la société CAMPADIS en tant que Directeur de magasin à Leader Price le 5 janvier 2017, avec une ancienneté reconnue depuis le 1er mars 2013. Il a été convoqué à un entretien préalable le 5 juillet 2017 et mis à pied à titre conservatoire. Le 10 juillet 2017, la société a notifié son licenciement pour faute grave. Monsieur [G] a saisi le conseil de prud’hommes d’Aix en Provence le 5 juillet 2018 pour contester son licenciement et demander des indemnités. Le jugement du 17 mars 2020 a confirmé la faute grave et débouté Monsieur [G] de ses demandes, tout en le condamnant à verser 500 euros à la société. Monsieur [G] a interjeté appel le 11 juin 2020, demandant la requalification de son licenciement et des indemnités. La société FRANPRIX LEADER PRICE HOLDING, venant aux droits de CAMPADIS, a demandé la confirmation du jugement initial et a proposé des montants pour diverses indemnités en cas de requalification. La procédure a été clôturée le 6 juin 2024.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

20 septembre 2024
Cour d’appel d’Aix-en-Provence
RG
20/05364
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-1

ARRÊT AU FOND

DU 20 SEPTEMBRE 2024

N° 2024/208

Rôle N° RG 20/05364 – N° Portalis DBVB-V-B7E-BF4ZZ

[Y] [G]

C/

Société FRANPRIX venant aux droits de la société CAMPADIS

Copie exécutoire délivrée

le :

20 SEPTEMBRE 2024

à :

Me Maud DAVAL-GUEDJ, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

Me Gilles MATHIEU, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’AIX EN PROVENCE en date du 17 Mars 2020 enregistré au répertoire général sous le n° 18/00450.

APPELANT

Monsieur [Y] [G], demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Maud DAVAL-GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ – MONTERO – DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

INTIMEE

Société FRANPRIX venant aux droits de la société CAMPADIS, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Gilles MATHIEU de la SELARL SELARL MATHIEU DABOT & ASSOCIÉS, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Nathalie ROMAIN, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 06 Juin 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Emmanuelle CASINI, Conseillère, chargée du rapport, qui a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Véronique SOULIER, Présidente de chambre

Mme Stéphanie BOUZIGE, Conseillère

Mme Emmanuelle CASINI, Conseillère

Greffier lors des débats : Monsieur Kamel BENKHIRA

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 20 Septembre 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 20 Septembre 2024.

Signé par Madame Véronique SOULIER, Présidente de chambre et Monsieur Kamel BENKHIRA, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Monsieur [Y] [G] a été embauché par la société CAMPADIS suivant contrat à durée indéterminée à temps plein à compter du 5 janvier 2017 en qualité de Directeur de magasin à l’enseigne Leader Price aux [Localité 5] , avec reprise d’ancienneté reprise d’ancienneté au 1er mars 2013 (suite à son emploi antérieur au sein du groupe formé par les sociétés Holdimag et Unifrais).

La convention collective applicable est celle du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire.

Par courrier du 20 juin 2017 remis en main propre, Monsieur [G] a été convoqué à un entretien préalable le 05 juillet 2017 et mis à pied à titre conservatoire.

Par courrier recommandé avec accusé de réception du 10 juillet 2017, la société CAMPADIS a notifié à Monsieur [G] son licenciement pour faute grave.

Au dernier état de la relation, Monsieur [G] percevait un salaire mensuel moyen brut d’un montant de 3.314,12 euros.

Par requête du 05 juillet 2018, Monsieur [Y] [G] a saisi le conseil de prud’hommes d’Aix en Provence aux fins de contester son licenciement, solliciter un rappel de salaire durant sa mise à pied, des indemnités de rupture ainsi que l’indemnisation de son préjudice.

Par jugement rendu le 17 mars 2020, le conseil de prud’hommes d’Aix en Provence a :

– Dit que Monsieur [G] a commis une faute grave.

– Dit que le licenciement repose sur une faute grave.

– Débouté le salarié de l’intégralité de ses demandes.

– Condamné Monsieur [G] à verser à la société CAMPADIS la somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

Par déclaration d’appel du 11 juin 2020, Monsieur [Y] [G] a interjeté appel de ce jugement.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 30 janvier 2023, Monsieur [Y] [G] demande à la cour de :

Réformer le jugement du conseil de prud’hommes d’Aix en Provence du 17 mars 2020,

Requalifier son licenciement pour faute grave en licenciement sans cause réelle et sérieuse;

Par conséquent,

Condamner la société CAMPADIS à lui régler les sommes suivantes :

‘9.942,36 euros brut au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

‘ 994,23 euros brut au titre de l’indemnité de congés payés sur préavis,

‘ 2.872,23 euros au titre de l’indemnité de licenciement,

‘ 39.769,44 euros brut à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

‘ 2.296,15 euros brut au titre du salaire du pendant la période de mise à pied du 20 juin au 10 juillet 2017,

‘ 200 euros au titre du remboursement de notes de frais exposées,

‘ 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamner la partie intimée aux entiers frais et dépens de la procédure.

Par conclusions notifiées par voie électronique à la cour le 15 juin 2023, la société FRANPRIX LEADER PRICE HOLDING venant aux droits de la SARL CAMPADIS demande à la cour de :

Au principal :

Confirmer le jugement rendu le 17 mars 2020 par le conseil de prud’hommes d’Aix-en-Provence qui a considéré que le licencient notifié à Monsieur [G] le 20 juillet 2017 reposait bien sur une faute grave.

Déclarer que Monsieur [G], qui a manqué à ses obligations professionnelles et à son obligation de loyauté, a commis une faute grave justifiant son licenciement immédiat. Déclarer que le licenciement notifié à Monsieur [G] le 20 juillet 2017 repose sur une faute grave.

Le débouter, en conséquence, de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

Le condamner à verser la somme de 1.500 euros en vertu de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

Subsidiairement,

Procéder à la requalification du licenciement pour faute grave en un licenciement pour cause réelle et sérieuse.

Fixer le revenu moyen brut de Monsieur [G] à la somme de 3.100 euros bruts.

Fixer l’indemnité conventionnelle de licenciement à hauteur de 2.761,67 euros.

Fixer l’indemnité compensatrice de préavis à la somme de 9.000 euros bruts.

Fixer le remboursement de la mise à pieds à titre conservatoire à la somme de 2959,13 euros bruts.

Débouter Monsieur [G] du surplus de ses prétentions.

A titre infiniment subsidiaire,

Faire une stricte application des dispositions de l’article L. 1235-5 du code du travail.

Réduire à 6 mois ses prétentions indemnitaire de Monsieur [G], soit à la somme de 18.600 euros.

Le débouter du surplus de ses prétentions.

Statuer ce que de droits sur les dépens.

La procédure a été clôturée suivant ordonnance du 6 juin 2024.

MOTIFS DE L’ARRET

Sur le licenciement pour faute grave

Monsieur [Y] [G] critique le jugement du conseil de prud’hommes qui a jugé que son licenciement pour faute grave était justifié.

Il fait valoir que le constat d’huissier du 20 juin 2017 sur lequel se fonde l’employeur pour retenir des griefs à son encontre, est critiquable; que les enregistrements de vidéosurveillance du magasin sont d’une telle qualité que l’huissier n’a pu dans son constat, mentionner le type d’articles qu’il aurait pris dans les rayons. Il ajoute que les captures d’écran que l’huissier a indiqué avoir réalisé en son étude, ne portent pas son cachet validant son authenticité.

Monsieur [G] soutient que la société FRANPRIX venant aux droits de la société CAMPADIS ne démontre pas, comme elle l’indique dans la lettre de licenciement, qu’il s’est livré à des agissements frauduleux répétés. Il explique qu’il a bien suivi la procédure applicable en cours au 6 juin 2017 dans le magasin LEADER PRICE, s’agissant des produits manquants d’une commande Drive, tel que l’atteste son directeur adjoint Monsieur [H], autorisant les clients accompagnés par un personnel du magasin, à venir récupérer dans les rayons des produits de substitution, sans passer par la caisse.

La société FRANPRIX venant aux droits de la société CAMPADIS fait valoir que le visionnage des caméras de vidéo surveillance du magasin a révélé diverses anomalies imputables à Monsieur [G] le 6 juin 2017 décrites par l’huissier de justice, Maitre [O] dans son constat établi le 20 juin 2017. Elle précise que l’huissier a pris la précaution de viser les 23 captures d’écran réalisées en son étude sur les copies des fichiers vidéos, insérées dans son procès verbal qu’il a signé et daté et qui porte son cachet, de sorte que l’authenticité de ces captures d’écran n’est pas discutable. L’employeur indique ainsi qu’alors que la commande Drive de sa compagne Mme [D] devait n’être prête qu’à 13h, les caméras de vidéo surveillance révèlent que Monsieur [G] et Mme [D] se sont rendus le 6 juin à 7h30, avant l’ouverture du magasin, dans les réserves du Drive interdites au public, ce qu’il ne pouvait ignorer, et qu’ils se sont ensuite rendus dans le magasin pour prendre différents produits dans les rayons, sont sortis sans passer par la caisse en empruntant le tourniquet, conçus pour tourner uniquement dans le sens des entrées. Il soutient que les explications de Monsieur [G] ne sont pas convaincantes, les produits de substitution ne correspondant pas aux produits pris dans le magasin et que le témoignage de Monsieur [H] est mensonger et de pure complaisance; celui ci décrivant notamment une formation qui aurait eu lieu le 7 juin, curieusement, lendemain des faits reprochés à l’appelant sur les commandes de produits Drive.

La société FRANPRIX venant aux droits de la société CAMPADIS estime que la matérialité des faits reprochés à Monsieur [G] est établie et que celui ci était tenu, en sa qualité de Directeur du magasin, à une particulière exemplarité, qu’il a ainsi manqué à son obligation de loyauté de sorte que le licenciement pour faute grave est pleinement justifié.

*

L’article L 1232-1 du code du travail dispose que tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse, c’est à dire pour un motif existant, exact, objectif et revêtant une certaine gravité rendant impossible, sans dommages pour l’entreprise, la continuation du contrat de travail et nécessaire le licenciement.

La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant d’un contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise pendant le temps du préavis.

En application des dispositions des articles L 1234-1, L.1234-5 et L.1234-9 alinéa 1 du code du travail, la reconnaissance de la faute grave entraîne la perte du droit aux indemnités de préavis et de licenciement.

L’employeur doit rapporter la preuve de l’existence d’une telle faute et le doute profite au salarié.

Enfin, la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige, est ainsi libellée :

‘Le 20 juin 2017, un procès-verbal de constat a été réalisé par notre huissier suite à l’observation d’incidents via les caméras de vidéo protection de notre point de vente.

Ce procès-verbal fait état de manoeuvres frauduleuses que vous avez réalisées au sein de notre point de vente le 6 juin 2017.

En effet, à cette date, alors que vous étiez accompagné par votre compagne, venue retirer une commande Drive faite le 03/06/2017, vous avez fait le tour du magasin en passant par le Rayon Frais 1, la Réserve, le Rayon Hygiène, le Rayon Boucherie-Volaille, le Rayon Frais 2 et les devants de caisse et en prenant des articles dans chacun d’eux.

Au moment de quitter le point de vente, vous êtes passé par le tourniquet d’entrée sans payer les articles ajoutés à votre commande de DRIVE initiale.

Nous vous rappelons qu’en votre qualité de salarié de notre point de vente, vous êtes tenu de respecter les procédures en place au sein de celui-ci et notamment la procédure d’achat des employés. De même, en votre qualité de Directeur de magasin, vous êtes garant de la lutte contre la démarque au sein de notre magasin.

Vos agissement frauduleux, répétés et délibérés nuisent aux intérêts financiers de notre société et remettent fortement en cause la confiance que nous vous accordions dans l’exercice de vos fonctions de Directeur de magasin.De plus, vous vous êtes rendus dans des zones réservées au personnel avec votre compagne qui ne fait pas partie des employés du magasin. Or, nous vous rappelons qu’il est strictement interdit de faire pénétrer des personnes extérieures dans les zones interdites au public.

Par vos faits, vous avez remis en cause la confiance que nous pouvions vous accorder dans l’exercice de vos fonctions de Directeur de magasin. Nous vous avons notifié, en date du 20 juin 2017, votre mise à pied à titre conservatoire. Au cours de votre entretien, vous n’avez apporté aucun justificatif de paiement et n’avez apporté aucune explication de nature à modifier notre appréciation quant à ces actes. Par conséquent, au regard des motifs énoncés ci-dessus et de votre acte frauduleux, nous sommes amenés à vous notifier votre licenciement pour faute grave.’

Il est ainsi reproché à Monsieur [Y] [G]:

-d’avoir le 6 juin 2017 accompli des manoeuvres frauduleuses répétées au préjudice de l’employeur à l’occasion d’une commande effectuée au Drive du magasin par sa compagne, Mme [D]

-de s’être rendu, le même jour, avec sa compagne qui ne fait pas partie des employés du magasin, dans une zone interdite au public.

A l’appui de ses griefs, la société FRANPRIX LEADER PRICE HOLDING venant aux droits de la société CAMPADIS produit :

-le constat d’huissier établi par Maître [Z] [O], huissier de justice en date du 20 juin 2017 comme suit :

‘Je procède aux constatations suivantes;

Depuis un moniteur situé dans le bureau de direction du magasin, Madame [P] (directrice du magasin) sélectionne les vidéos enregistrées par les caméras de vidéosurveillance.

Sur ces enregistrements du 06/06/2017, on peut apercevoir deux individus qu’elle me désigne comme étant Monsieur [G] [Y] et sa compagne,Madame [D] [U].

II m’est précisé que sa compagne avait passé commande auprès du service LEADER DRIVE (facture jointe en annexe du présent procès verbal, établie sur trois pages)

Quatre articles n’étaient pas disponibles à la vente; à savoir. les «pavés de b’uf aux 3 poivres », le «sel de mer fin, iodé », le ‘riz basmati, Sévrina’ et 1’adoucissant Lénor beurre de Karité, 40 doses », Ces articles n’ont donc pas été facturés.

Madame [P] me précise, avant le visionnaqe, que l’heure indiquée sur les vidéos retarde, En effet, le changement d’heure d’été n’ayant pas été effectué, il convient d’aiouter une heure à l’heure affichée pour obtenir l’heure exacte des faits. Mon accompagnante ouvre les fichiers vidéo et déplace les curseurs sur aux moments des faits.

-Caméra intitulée : ( RAYON FRAIS 1» affichant la date du 06/06/2017, de 07h32:42 à 07 :32 :54 (Photos n°1 à 3) :

Sur cet enregistrement, j’aperçois deux individus qui circulent dans les rayons frais.

Ils ne portent pas les uniformes du magasin.

Il s’agit d’un homme et d’une femme. L’homme porte un haut noir et un pantalon gris. La femme qui le suit porte un haut blanc et un pantalon gris.Mon accompagnante me désigne l’homme comme étant Monsieur [G] [Y] et la femme comme Madame [D] [U], sa compagne.

L’homme se saisit d’un article dans un bac réfrigéré puis ils poursuivent leur chemin en passant devant des salariés en train de travailler.

– Caméra intitulée: « RESERVE 1 » affichant la date du 06/06/2017

de 07 :33 00 à 07 :34 :48 (Photos n°4 à 10) :

II s’agit de la réserve du magasin dans laquelle sont entreposées les commandes préparées afin qu’elles soient réceptionnées. Cet espace est strictement interdit au public.

J’aperçois les deux individus qui entrent dans la réserve.

Monsieur [G] porte l’article qu’il a pris dans le rayon frais. ll saisit un sac plastique pour l’y ranger. Il récupère un chariot à roulettes dans lequel sont disponibles des articles.

Puis, il dépose le Bac plastique dans un sac en papier contenant d’autres articles. II récupère l’ensemble et le positionne sur le chariot.

Durant les faits, je constate que des salariés portant des tenues aux couleurs du magasin travaillent et circulent à côté des deux individus.

Les deux individus examinent des feuilles, Madame [P] me précise qu’il s’agit certainement de la commande.

Puis, ils sortent de la réserve en emportant le chariot plein d’articles.

– Caméra ‘ HYGIENE’ affichant la date du 06/06/2017 à 07 :35 :

Les deux individus circulent dans les rayons du magasin. Il s’agit selon mon accompagnante du rayon hygiène. Monsieur [G] récupère un article qu’il pose dans le chariot.

– Caméra ‘ BOUCHERIE VOLAILLE» affichant la date du 06/06/2017 à 07 :36 (Photo n°11):

J’aperçois les deux individus devant le rayonnaqe réfrigéré des articles boucherie et volailles.

Monsieur [G] récupère deux articles et les pose avec les autres dans le chariot.

-Caméra ‘ RAYON FRAIS 2 », affichant la date du 06/06/2017 à 07h37:28 (Photo n°12) Mon accompagnante m’indique que le rayonnage réfrigéré expose les articles de type snacking, plats cuisinés) fromage et charcuterie ; or, dans la facture, aucun article manquant ne se trouve dans ce rayon.

Je constate que Monsieur [G] récupère un article et le range dans le sac en papier.

– Caméra ‘ CAISSES », affichant la date du 06/06/2017 de 07 :39 : 04

à 07 :39 :38 (Photos n°13 à 17) :

J’aperçois Monsieur [G] suivi de Madame [D] qui pousse le chariot.

Celui-ci s’approche d’une vitrine réfrigérée et se sert. Il prend un article.

Il se dirige ensuite vers les rayonnages situés en caisse et choisi un article.

Madame [D], qui l’y a rejoint, a également choisi un article.

Ils placent les articles dans le chariot.

-Caméra« ENTREE », affichant la date du 06/06/2017 de 07 :39 :59 à 07 :40 :15 (Photos n018 à 23)

J’aperçois les deux individus munis de leur chariot comprenant les différents articles précédemment constatés.

Ils se dirigent vers l’entrée du mapasin où se situe un tourniquet. Madame [P] me précise que ce tourniquet est à sens unique, conçu seulement pour tourner dans le sens des entrées, Madame [D] tient le tourniquet afin qu’ il ne tourne plus et le passe accompagnée de Monsieur [G] [Y] qui pousse le chariot.

Ils sortent tous les deux du magasin avec le chariot

Mes opérations terminées, Je me suis retiré.’

-En annexe du constat d’huissier précité: le courriel adressé à Mme [D] le 6 juin 2017 à 8h46 mentionnant un prix de 103,52 euros.

-la commande Drive de Mme [D] du 3 juin 2017 (pièce 3 du salarié) comportant une liste de produits pour un montant de 120, 61 euros.

La loi 2010-1609 du 22 décembre 2010 modifiant l’ordonnance du 2 novembre 1945 relatif au statut des huissiers de justice a précisé que les contatations de l’huissier font foi jusqu’à preuve contraire.

En l’espèce, la cour constate, à instar de l’appelant, que Maître [O], huissier ayant établi le constat du 20 juin 2017 sur lequel se fonde principalement l’employeur pour établir la matérialité des faits qui lui sont reprochés, a fait des constatations tendant à dire qu’il aurait pris des produits en rayon et les aurait mis dans des sacs de la commande de sa compagne. Or les captures d’écran, qui ne comportent pas le cachet de l’huissier, montrent uniquement Monsieur [G] ou sa compagne prendre un article qu’il est impossible d’identifier et la capture suivante le montre plus tard avec des paquets.

Ainsi, les captures d’écran ne permettant pas de visualiser si Monsieur [G] a mis l’article indéfini dans un sac ou non, la preuve principale versée aux débats par l’employeur souffre d’imprécision diminuant sa valeur probante.

Monsieur [G] affirme avoir suivi la procédure applicable à l’époque concernant les produits manquants lors d’une commande au drive du magasin.

Il explique que sa compagne, Mme [D], a fait une commande Drive par courriel le 3 juin 2017 d’un montant de 120,61 euros; qu’elle a reçu un courriel du Drive le 6 juin 2017 lui indiquant qu’un certain nombre de produits commandés étaient manquants et que sa facture s’élevait donc à 103,52 euros. (Etaient ainsi manquants les pavés de b’uf, les chewing gums freedent, le sel, le riz basmati, l’adoucissant, la lessive et les cotons à démaquiller); que dans la mesure où elle devait venir récupérer sa commande, elle a, comme tous les autres clients à qui ils manquaient des produits dans leur commande, pris des produits de substitution à l’instar des chewing-gums, de la lessive ou encore des cotons à démaquiller et qu’elle a donc reçu un nouveau courriel le 6 juin 2017 pour lui indiquer que sa facture s’élevait désormais à 110,55 euros.

Il explique encore, que lorsqu’elle est venue récupérer sa commande, elle est entrée à ses côtés dans le local où sont entreposées les commandes Drive et non dans la réserve, puis ils sont passés en rayon (ex : rayon frais, hygiène) afin de prendre des produits de substitution comme cela était fait avec tous les clients du magasin et compléter la commande qui n’était pas encore prête.

Au soutien de ses dires, Monsieur [G] verse aux débats :

-la commande Drive de Mme [D] du 3 juin 2017 comportant une liste de produits pour un montant de 120, 61 euros,

-le courriel adressé à Mme [D] le 6 juin 2017 à 7h49 mentionnant un prix de 103,52 euros

-le courriel adressé à Mme [D] le 6 juin 2017 à 8h46 mentionnant un prix de 110,55 euros

Il produit également aux débats une attestation du directeur adjoint du magasin, Monsieur [H], qui déclare :

« Travaillant au magasin Leader Price [Localité 6] j’ai pu constater personnellement :

– L’absence d’un panneau d’interdiction d’accès au public au sein de la réserve du drive.

– Lorsque des produits manquaient dans les rayons et ne pouvaient donc pas être dans les commandes drive, les clients qui venaient récupérer leur commande et qui souhaitaient un remplacement des produits suivaient la personne qui les livraient en rayon pour choisir leur produit de remplacement. Ensuite nous modifions manuellement en enlevant le manquant du produit original sur l’ordinateur du Drive. Nous avons été formés sur les procédures du drive le 7 juin 2017. Cette procédure était donc une procédure usuelle.

– De plus, nous passions avec les clients du drive, lorsque nous faisions les remplacements de produits par le tourniquet amovible de l’entrée du magasin. Nous ne passions pas par les caisses car aucune validation au passage en caisse n’était nécessaire.’

En l’état de ce témoignage et en l’absence de production du règlement intérieur de l’entreprise ou de tout autre élément (photographie d’un panneau marquant l’interdiction par exemple), il y a lieu de relever que l’employeur ne justifie pas de l’interdiction faite à la clientèle de se rendre dans la réserve du Drive, et ce d’autant que Mme [D] était en l’espèce accompagnée par Monsieur [G], personnel du magasin.

Ce grief n’est donc pas établi.

S’agissant des manoeuvres frauduleuses répétées reprochées à l’appelant, la cour note en premier lieu qu’il n’est pas établi, en l’absence d’éléments produits sur l’heure d’ouverture du magasin Leader Price que Monsieur [G] se soit rendu avec sa compagne dans le magasin, avant son ouverture, comme le soutient l’employeur, l’huissier mentionnant notamment qu’il convenait d’ajouter une heure à l’heure mentionnée sur les caméras de vidéosurveillance (les faits décrits s’étant donc déroulés entre 8h32 et 8h40 et non entre 7h32 et 7h40).

En second lieu, il convient d’observer que la dernière facture émise par courriel du 6 juin 2017 à 08h46 d’un montant de 110,55 euros correspond à celle émise par courriel du 6 juin 2017 à 7h49 d’un montant de 103,52 euros à laquelle a été ajouté le prix des chewing-gums, de la lessive et des cotons à démaquiller, produits de substitution que Monsieur [G] reconnait avoir pris et qui ont bien été payés par sa compagne.

S’il manquait effectivement 4 produits par rapport à la commande initiale du 3 juin 2017 à savoir : les pavés de boeufs, le sel, l’adoucissant et le riz basmati et que Maitre [O] a indiqué qu’il avait vu Monsieur [G], ainsi que sa compagne, en train de prendre un article dans le ‘rayon frais 1″, un article dans le ‘rayon hygiène’, deux articles dans le rayon ‘boucherie/volaille’, un article dans ‘le rayon frais 2″, un article au ‘rayon réfrigéré’ près des caisses, sans procéder à leur paiement, le salarié explique qu’il s’était aperçu qu’il existait des erreurs dans la commande préparée par ses salariés et que cette commande était incomplète, raison pour laquelle il a pris les articles adéquats dans les rayons frais par exemple, afin que la commande soit bien prête.

La cour observe à ce titre que la commande initiale du 3 juin 2017 effectuée par Mme [D] comporte bien des produits à prendre dans les rayons frais ou réfrigérés.

Par ailleurs, le fait d’avoir utilisé le tourniquet afin de sortir du magasin, ne constitue pas une preuve de la volonté attribuée à l’appelant de soustraire des articles du magasin, le directeur adjoint ayant de plus indiqué ‘ nous passions avec les clients du drive, lorsque nous faisions les remplacements de produits par le tourniquet amovible, de l’entrée du magasin.

Il s’ensuit que la société FRANPRIX venant aux droits de la société CAMPADIS n’apporte pas d’éléments suffisants permettant d’ établir l’existence de manoeuvres frauduleuses répétées, imputables à Monsieur [G] durant la récupération de la commande Drive de sa compagne le 6 juin 2017.

Dès lors, le licenciement opéré alors que les faits reprochés au salarié ne sont pas établis, est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Sur les demandes subséquentes

Sur le salaire de référence

Alors que Monsieur [G] fonde ses demandes indemnitaires sur un salaire mensuel brut moyen de 3.314,12 euros, la société intimée estime que le salaire de référence doit être fixé à la somme de 3.100 euros correspondant à la moyenne des 12 derniers mois de salaire.

Le salaire de référence est constitué du salaire mensuel moyen brut des douze ou des trois derniers mois précédant la rupture du contrat de travail, suivant la formule la plus avantageuse pour le salarié.

En l’espèce, il résulte des bulletins de salaires produits aux débats par les parties que le salaire mensuel brut moyen le plus avantageux est celui des trois derniers mois et s’élève à 3.300 euros en y intégrant la prime du dimanche versé au salarié.

Sur l’indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents :

La convention collective applicable prévoit en son annexe III, que les cadres bénéficient d’un préavis d’une durée de 3 mois. Aussi, la cour estime que M. [G] est bien fondé à obtenir la condamnation de l’employeur à lui payer une somme de 9.900 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis, correspondant à 3 mois de préavis outre 990 euros de congés payés afférents.

La décision du conseil de prud’hommes sera infirmée de ce chef.

Sur l’indemnité de licenciement

Compte tenu de son ancienneté (4 ans et 4 mois), Monsieur [G] est également en droit d’obtenir condamnation de son employeur à lui payer une indemnité légale de licenciement d’un montant de 2.860 euros calculée comme suit : (1/5 x 3.300 )x 4)+ (1/5 x 3.300 x 4/12)

La décision du conseil de prud’hommes sera infirmée de ce chef.

Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Il n’est pas contesté par l’employeur que la société CAMPADIS aux droits de laquelle vient la société FRANPRIX, employait plus de 11 salariés et que Monsieur [Y] [G] disposait d’une ancienneté de 4 années et 4 mois, soit supérieure à deux ans, au moment de la rupture de son contrat de travail. Les dispositions de l’article L1235-3 dans leur version applicable au présent litige, trouvent à s’appliquer, de sorte qu’à défaut de réintégration, le salarié licencié pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, a droit à des dommages et intérêts dont le montant ne peut être inférieur aux salaires des six derniers mois.

Compte tenu de son âge au moment de la rupture du contrat de travail (44 ans), de son ancienneté dans l’entreprise (4 ans et 4 mois), de sa qualification, de sa rémunération mensuelle moyenne (3.300 euros bruts), des circonstances de la rupture et en l’état d’un emploi retrouvé dès le mois d’octobre 2017, mais pour une rémunération inférieure (cf bulletin de paie de Monsieur [G] en qualité de Directeur du Leader [Localité 4] avec un salaire mentionnant un salaire de 2.900 euros bruts) , il y a lieu de lui octroyer une somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Il convient, en application de l’article L1235-4 du code du travail, d’ordonner le remboursement par l’employeur des indemnités de chômage éventuellement versées à Monsieur [G], à compter du jour de son licenciement dans la limite de 3 mois d’indemnités chômage.

La décision du conseil de prud’hommes sera infirmée de ces chefs.

Sur le salaire à payer pendant la mise à pied

Le licenciement pour faute grave étant dépourvu de cause réelle et sérieuse, la mise à pied conservatoire était injustifiée.

En conséquence, l’employeur sera condamné à payer à Monsieur [G] la somme de 2.200 euros (soit 20/30 x 3.300 euros) au titre du salaire qu’il aurait dû percevoir sur la période de mise à pied du 20 juin au 10 juillet 2017.

La décision du conseil de prud’hommes sera infirmée de ce chef.

Sur les notes de frais

Monsieur [G] sollicite le remboursement de frais exposés à la demande de son employeur pour aider à l’ouverture du Leader Price de [Localité 3] pour un montant de 200 euros, précisant avoir communiqué à la société CAMPADIS tous les justificatifs relatifs à ce déplacement.

S’il verse aux débats le mail que lui a adressé l’employeur le 20 avril 2017 lui signifiant qu’il comptait sur lui pour l’implantation du magasin de [Localité 3] et lui précisant qu’il avait la possibilité de prendre un hôtel et d’émettre une note de frais, la cour observe qu’il ne produit nullement cette note de frais, ni les justificatifs afférents au déplacement à [Localité 3] (facture d’hôtel, frais de route etc).

Les éléments produits à l’appui de la demande étant insuffisants, la cour confirme la décision du conseil de prud’hommes d’Aix en Provence qui a rejeté la demande de Monsieur [G] au titre du remboursement de ses frais professionnels.

Sur les intérêts

Les créances salariales porteront intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de la lettre de convocation devant le bureau de conciliation et les sommes allouées de nature indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

L’équité commande d’infirmer le jugement de première instance relativement aux frais irrépétibles et de condamner la société FRANPRIX venant aux droits de la société CAMPADIS à payer à M [Y] [G] une indemnité de 2.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel.

L’employeur qui succombe, doit être tenu aux dépens de première instance et d’appel.

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