Le 25 avril 2013, la société Panatta France a ouvert un compte chez BNP Paribas, lui permettant d’effectuer des virements via un espace sécurisé. Le 10 octobre 2016, elle a découvert un débit de 48 718 euros en faveur de la société britannique AA Nowak Building Service, qu’elle n’avait pas autorisé. Après avoir contesté cette opération et déposé plainte, la banque a refusé de rembourser les fonds. Le 5 juillet 2017, Panatta France a assigné la banque en justice. Le tribunal de commerce de Nanterre a rendu un jugement le 9 avril 2019, déboutant Panatta France de sa demande de dommages-intérêts et rejetant sa demande d’expertise, tout en la condamnant à payer 1 500 euros à la banque. Panatta France a interjeté appel le 11 juin 2019. Le 29 mars 2022, la cour a infirmé le jugement concernant la demande d’expertise et a ordonné une expertise sur les circonstances du virement. L’expert a déposé un pré-rapport le 27 septembre 2023. Dans ses conclusions du 16 mai 2024, Panatta France a demandé l’infirmation du jugement et le remboursement des 48 718 euros, tandis que la banque a demandé le déboutement de toutes les demandes de Panatta France et la confirmation du jugement initial. La clôture de l’instruction a été prononcée le 13 juin 2024. La cour a confirmé le jugement en toutes ses autres dispositions et a condamné Panatta France aux dépens d’appel et à payer 1 500 euros à BNP Paribas.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
DE
VERSAILLES
Code nac : 59B
Chambre commerciale 3-2
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 24 SEPTEMBRE 2024
N° RG 21/06618 – N° Portalis DBV3-V-B7F-U2EN
AFFAIRE :
S.A.R.L. PANATTA FRANCE
C/
S.A. BNP PARIBAS
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 09 Avril 2019 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE
N° RG : 2017F01246
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Philippe CHATEAUNEUF
Me Oriane DONTOT
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT QUATRE SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
APPELANTE
S.A.R.L. PANATTA FRANCE
N° SIRET : 441 372 521 RCS NANTERRE
Ayant son siège
[Adresse 2]
[Localité 4]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social
Représentant : Me Philippe CHATEAUNEUF, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 643
Plaidant : Me Marc GIOMMONI de la SELARL GIOMMONI LA RIVIERE ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0855
****************
INTIMEE
S.A. BNP PARIBAS
N° SIRET : 662 042 449 RCS PARIS
Ayant son siège
[Adresse 1]
[Localité 3]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social
Représentant : Me Oriane DONTOT de l’AARPI JRF AVOCATS, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617
Plaidant : Me Julien MARTINET de la SWIFT LITIGATION substitué par Me Aurélien GAZEL, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D 1329
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 25 Juin 2024 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Ronan GUERLOT, Président, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Ronan GUERLOT, Président,
Monsieur Cyril ROTH, Président,
Madame Gwenael COUGARD, Conseillère,
Greffier, lors des débats : Madame Françoise DUCAMIN,
Le 25 avril 2013, la société Panatta France, filiale de la société de droit italien Panatta Srl, a ouvert un compte dans les livres de la société BNP Paribas (la banque). Aux termes de la convention de compte liant les parties, la société Panatta France a la faculté d’effectuer des virements télématiques en utilisant un espace sécurisé mis à la disposition de ses clients par la banque.
Le 10 octobre 2016, la société Panatta France a constaté qu’une opération de débit d’une somme de 48 718 euros avait été effectuée au bénéfice d’une société britannique dénommée AA Nowak Building Service.
Le 11 octobre 2016, elle a contesté cette opération auprès de la banque en affirmant n’avoir ni demandé l’agrément de ce bénéficiaire ni ordonné de virement à son profit. Elle a déposé plainte pour ces faits le 12 octobre 2016.
La banque n’a pas pu récupérer les fonds virés et a refusé de lui rembourser ces fonds.
Le 5 juillet 2017, la société Panatta France a assigné la banque devant le tribunal de commerce de Nanterre qui, par jugement contradictoire du 9 avril 2019, a :
– débouté la société Panatta France de sa demande de paiement de la somme de 48 718 euros au titre des dommages-intérêts ;
– rejeté sa demande d’expertise ;
– condamné la société Panatta France à payer à banque la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné la société Panatta France aux dépens de l’instance.
Par déclaration du 11 juin 2019, cette dernière a interjeté appel de ce jugement en tous ses chefs de disposition.
Le 29 mars 2022, cette cour a :
-rejeté la demande de sursis à statuer de la société Panatta France,
-infirmé le jugement en ce qu’il a débouté la société Panatta France de sa demande d’expertise,
Statuant à nouveau de ce chef et avant dire droit sur le surplus,
-ordonné une expertise et désigné M. [L] pour y procéder avec pour mission notamment de décrire le processus de validation du nouveau bénéficiaire inscrit le 3 octobre 2016 et le processus d’exécution du virement litigieux le 10 octobre 2016 via le site sécurisé de la banque réalisés au moyen de la carte transfert sécurité / lecteur sans fil ; rechercher tous éléments de nature à établir dans quelles circonstances l’ajout du bénéficiaire et le virement litigieux ont été effectués et s’ils résultent ou non d’une fraude.
L’expert a déposé un pré-rapport le 27 septembre 2023.
Par dernières conclusions du 16 mai 2024, la société Panatta France demande à la cour de :
– infirmer le jugement en toutes ses dispositions ;
Et statuant à nouveau,
– débouter la banque de l’ensemble de ses demandes, fins, moyens et conclusions ;
– condamner la banque à lui payer la somme de 48 718 euros ;
– dire que cette somme sera assortie des intérêts de droit à compter de la demande ;
– condamner la banque à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner la banque aux entiers dépens de première instance et d’appel, dont distraction pour ces derniers au profit de M. Chateauneuf, avocat, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Par dernières conclusions du 29 mai 2024, la banque demande à la cour de :
– débouter la société Panatta France de l’ensemble de ses demandes, appel, fins et conclusions ;
– confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions en ce qu’il a :
– débouté la société Panatta France de sa demande de paiement de la somme de 48 718 euros au titre des dommages et intérêts ;
– rejeté la demande d’expertise de la société Panatta France ;
– condamné la société Panatta France à payer à la société BNP Paribas la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné la société Panatta France aux dépens de l’instance ;
Y ajoutant,
– condamner la société Panatta France au paiement, au profit de BNP Paribas, d’une indemnité de 10 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens, dont distraction au profit de M. Dontot, JRF & Associés, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
La clôture de l’instruction a été prononcée le 13 juin 2024.
Pour un plus ample exposé des moyens des parties, il est renvoyé à leurs dernières écritures.
1- Sur la demande en paiement de la somme de 48 718 euros
La société Panatta France soutient que les premiers juges ont inversé la charge de la preuve et fait valoir qu’il incombait à la banque de démontrer qu’elle avait commis une faute grave ou que le système de paiement n’était pas affecté d’une déficience ou autre. Elle expose que l’expert judiciaire désigné par la présente cour a exprimé un doute quant à l’origine du virement litigieux, n’excluant pas une fraude, origine qui avait été au demeurant évoquée immédiatement après les faits par les techniciens de la banque. Elle ajoute que doit être exclue comme cause du virement litigieux toute complicité, estimant que la comptable de la société Panatta Srl, seule habilitée à réaliser des opérations sur la plateforme de la banque, a toute la confiance de ses employeurs et que les précautions suffisantes ont été prises pour conserver la carte de transfert sécurisé remise par la banque. Elle en déduit que la fraude par infection virale comme origine du virement doit être privilégiée puisqu’il suffit à un fraudeur de connaître l’identifiant et le code PIN d’un client pour contourner le processus de sécurisation de la banque. Elle estime que la banque était consciente des failles de son process puisqu’elle a mis en place un mécanisme de confirmation par mail de l’ajout d’un bénéficiaire étranger avant d’exécuter un virement et observe que ce processus n’avait pas été mis en ‘uvre pour le virement litigieux.
Elle fait valoir que si, en application de l’article 14 des conditions générales de la convention de compte, la banque s’est engagée à rembourser son client sauf à apporter la preuve d’une autorisation de ce dernier, la banque a toutefois rendu inopérant cet article par l’article 20 de la même convention qui vient contredire l’engagement de remboursement de la banque prévu à l’article 14 et qui de surcroît déroge à l’article L. 133-23 précité en opérant un renversement de la charge de la preuve au profit de la banque alors que ce texte est d’ordre public. Elle fait valoir que ce texte a été instauré pour protéger les clients auxquels les banques opposaient le respect formel d’une procédure informatique pour se dédouaner de leur obligation de remboursement et explique que, dans l’hypothèse d’un hameçonnage, la procédure informatique est toujours formellement respectée par les auteurs du pishing car ils disposent des codes. Elle en conclut que l’article 20 de la convention ne peut pas lui être opposé.
Au visa de l’article L. 133-23, elle soutient que la banque doit apporter la preuve concomitante et cumulative du respect de la procédure formelle d’authentification et de l’absence de déficience technique de son process « ou autre ». Elle en déduit que cette dernière ne peut pas s’exonérer de sa responsabilité en se limitant à démontrer que l’opération litigieuse a été dument authentifiée, enregistrée et comptabilisée et considère que c’est à tort que le tribunal a retenu qu’elle ne rapportait pas la preuve de la faute de la banque alors que cette preuve ne lui incombait pas. Elle ajoute que la longue description du processus technique d’authentification faite par la banque, sensée démontrer sa robustesse, n’est pas de nature à exclure catégoriquement l’hypothèse d’une fraude opérée pour un tiers et fait valoir que la banque ne démontre pas l’existence d’une faute grave ou d’imprudence qui lui serait imputable.
En réponse, la banque explique que, par dérogation aux dispositions de l’article L. 133-23 du code monétaire et financier, l’article 20 des conditions générales de la convention stipule que la preuve de l’exécution d’une opération est établie par l’enregistrement par la banque de l’utilisation de l’instrument de paiement et qu’en l’espèce, elle a démontré que l’opération litigieuse avait été autorisée par l’appelante.
Elle fait observer que contrairement à ce l’appelante affirme, les dispositions de l’article L. 133-23 ne sont pas d’ordre public pour les personnes morales et souligne que l’article 20 déroge à l’article L. 133-23 et définit les modalités de preuve de l’autorisation d’une opération de paiement. Elle explique que cette preuve est réputée faite par la démonstration de l’utilisation du dispositif mis à la disposition du titulaire du compte. Elle expose que l’article 20 permet toutefois au titulaire du compte de renverser la présomption d’autorisation et fait valoir qu’en l’espèce, elle justifie de l’enregistrement de l’utilisation du dispositif convenu par les parties tant pour ce qui concerne l’ajout du bénéficiaire que l’exécution d’un virement. Elle précise que l’expert judiciaire a estimé que son processus était robuste et permettait d’identifier l’auteur d’une opération. Elle soutient que les justificatifs des différentes étapes d’enregistrement, de validation et d’exécution constituent la preuve de l’autorisation donnée par l’appelante à l’exécution du virement litigieux.
Répondant à cette dernière sur sa prétendue connaissance de la faillibilité de son processus à la suite de la mise en place d’une demande complémentaire de validation par mail, elle considère que l’appelante ne saurait tirer argument d’une demande ponctuelle de confirmation de l’ajout d’un bénéficiaire domicilié en Pologne pour fonder une obligation de la banque dépassant le cadre légal et conventionnel de ses obligations.
Elle soutient ensuite que la charge de la preuve n’a pas été inversée en faisant observer que la présente cour a déjà statué sur ce point dans son arrêt précédent.
Elle conteste le moyen de l’appelante selon lequel l’article 20 de la convention contreviendrait à une norme impérative dès lors que l’article L. 133-2 du code monétaire et financier permet de déroger à l’article L. 133-23 lorsque le titulaire du compte est une personne morale.
Répondant à l’appelante selon laquelle il lui incomberait de prouver que l’opération n’a pas été affectée d’une déficience technique ou « autre », elle considère que les arguments de cette dernière ne permettent pas de renverser la charge de la preuve apportée par la banque du caractère autorisé du virement au sens de la convention.
Elle souligne que l’appelante ne remet pas en cause le schéma de sécurité du processus de la banque et que celle-ci ne donne pas d’éléments permettant de rendre crédible sa thèse de la fraude.
Elle en déduit que l’appelante ne rapporte pas la preuve qui lui incombe de l’absence de son consentement ou de l’existence d’une déficience technique.
Réponse de la cour
L’article L. 133-23 du code monétaire et financier dispose :
« Lorsqu’un utilisateur de services de paiement nie avoir autorisé une opération de paiement qui a été exécutée, ou affirme que l’opération de paiement n’a pas été exécutée correctement, il incombe à son prestataire de services de paiement de prouver que l’opération en question a été authentifiée, dûment enregistrée et comptabilisée et qu’elle n’a pas été affectée par une déficience technique ou autre.
L’utilisation de l’instrument de paiement telle qu’enregistrée par le prestataire de services de paiement ne suffit pas nécessairement en tant que telle à prouver que l’opération a été autorisée par le payeur ou que celui-ci n’a pas satisfait intentionnellement ou par négligence grave aux obligations lui incombant en la matière. Le prestataire de services de paiement, y compris, le cas échéant, le prestataire de services de paiement fournissant un service d’initiation de paiement, fournit des éléments afin de prouver la fraude ou la négligence grave commise par l’utilisateur de services de paiement. »
Aux termes de l’article L. 133-2 de ce code, les parties peuvent déroger par contrat aux dispositions de l’article L. 133-23 du code monétaire et financier, sauf dans les cas où l’utilisateur est une personne physique agissant pour des besoins non professionnels.
Les conditions générales de la convention de compte produites aux débats par l’appelante prévoient que toute opération de paiement non autorisée par le client et dénoncée à la banque dans un certain délai fait l’objet d’un remboursement immédiat par celle-ci, sauf si la banque établit que l’opération litigieuse a été autorisée par le titulaire du compte.
Ainsi, on peut lire à l’article 14.1.1 « qu’il appartient au client d’informer immédiatement la banque de toute opération de paiement mal exécutée ou non autorisée au plus tard dans le délai de mois deux mois de la comptabilisation de ladite opération » (article 14.1.1.) et au paragraphe C intitulé « régime applicable aux opérations de paiement non autorisées » que « lorsque la contestation a été notifiée à la banque conformément aux stipulations de la convention, la banque remboursera immédiatement au client le montant de l’opération de paiement non autorisé et le cas échéant rétablira le compte débité dans l’état où il se trouverait si l’opération de paiement non autorisée n’avait pas eu lieu, sauf à apporter la preuve que l’opération de paiement ait été préalablement autorisée par le client. »
Par ailleurs, l’article 20 des conditions générales intitulé « preuve d’une opération bancaire » stipule que « par dérogation à l’article L. 133-23 du code monétaire et financier, l’utilisation de l’instrument de paiement telle qu’enregistré par la banque permettra d’apporter la preuve (i) qu’une opération bancaire a été autorisé par le client ou correctement exécutée par la banque ou (ii) que le client n’a pas satisfait aux obligations qui lui incombait en la matière. Cette stipulation ne fait pas obstacle à (i) la faculté pour le client d’apporter la preuve contraire et (ii) à l’application des dispositions du premier paragraphe de l’article L. 133-23 du code monétaire et financier. »
Il résulte de ce qui précède que la convention permet à la banque, par dérogation aux dispositions du code monétaire et financier, de rapporter la preuve de l’autorisation d’une opération de paiement par le seul enregistrement de l’utilisation de l’instrument de paiement.
Pour s’opposer à cette stipulation dérogatoire au code monétaire et financier, l’appelante soutient comme en première instance que l’article L. 133-3 du code monétaire et financier qui prévoit les règles de preuve est d’ordre public et vise à protéger les clients contre les banques qui se retranchent derrière leur process informatique.
Toutefois, comme l’a pertinemment retenu le tribunal et ainsi que cette cour l’a indiqué dans son arrêt du 29 mars 2022, l’article L. 133-2 précité autorise les personnes morales à déroger aux dispositions relatives à la charge de la preuve de l’autorisation d’une opération de paiement prévues à l’article L. 133-23. Dès lors, le moyen selon lequel l’article 20 des conditions générales de la convention signée par les parties est inopposable à l’appelante est inopérant. Pour démontrer que l’opération litigieuse a été autorisée, la banque peut donc opposer à l’appelante l’utilisation de l’instrument de paiement telle qu’elle l’a enregistrée, conformément à l’article 20, par dérogation à l’article L. 133-23 précité.
L’appelante ne peut pas utilement prétendre que l’article 20 serait en contradiction avec l’article 14 ou comporterait une contradiction interne. En effet, comme cette cour l’a relevé dans son arrêt du 29 mars 2022, l’article 14 des mêmes conditions générales prévoit le remboursement du client en cas d’opération non autorisée, sauf lorsque la banque apporte la preuve que l’opération litigieuse a été préalablement autorisée par le client, alors que l’article 20 précise les conditions dans lesquelles la banque peut apporter la preuve que l’opération a été autorisée ainsi que la faculté pour le client d’apporter la preuve contraire, ce emporte l’application des dispositions de l’article L. 133-23.
S’agissant des processus d’autorisation d’ajout du bénéficiaire et d’autorisation du virement, la cour relève que, selon l’expert judiciaire, le processus de sécurité de validation d’opérations de paiement de la banque repose sur trois facteurs d’authentification, à savoir une carte à puce physique (carte de transfert sécurisé) fournie par la banque, un code de déverrouillage de la carte à puce à l’aide d’un clavier numérique physique également fourni par la banque, enfin un code généré par le boitier sans fil à partir d’un code obtenu par le portail bancaire. L’expert souligne que ce processus implique une interaction humaine pour fournir au portail bancaire le code nécessaire à l’authentification de l’opération.
En outre, dans ses réponses aux dires des parties (voir page 13), l’expert exprime l’avis suivant sur le processus d’ajout d’un bénéficiaire et d’exécution d’un virement :
« la fonctionnalité permettant d’effectuer des opérations de virement est sécurisé avec un composant physique indépendant : la carte transfert qui est elle-même sécurisée par un mécanisme cryptographique, une carte à puce et un secret (un code de déverrouillage de la carte à puce. Afin d’autoriser des opérations de virement, il est nécessaire qu’une personne ait à la fois la connaissance du fonctionnement de la carte transfert, accès physiquement à la carte transfert, connaissance du code de déverrouillage de la carte à puce. Ces conditions garantissent l’authentification des opérations. Ce dispositif hors ligne permet de protéger l’authentification des opérations et d’éviter une attaque sur le système hébergeant la fonctionnalité d’authentification comme un téléphone / smartphone recevant un code d’authentification par SMS ou généré par une application qui pourrait être interceptée par un attaquant pour authentifier une opération illicite. »
S’agissant plus particulièrement des opérations litigieuses des 3 octobre 2016 (ajout du bénéficiaire société AA Nowak Building Service) et du 10 octobre 2016 (exécution du virement de 48 718 euros), la cour relève que l’expert a constaté, à partir « des journaux informatiques » fournis par la banque en pièces 5 à 7 (soit la liste des connexions par l’utilisation de données d’authentification par EMV CAP, liste des demandes d’ajout de bénéficiaire par la société Panatta France, copie de l’enregistrement de la validation du compte bénéficiaire litigieux), retraçant les étapes aboutissant à l’ajout du bénéficiaire et à l’exécution du virement, « un succès » d’authentification le 3 octobre 2016 pour l’ajout du bénéficiaire, et « un succès » d’authentification pour l’exécution du virement du 10 octobre 2016. Il précise en page 10 : « à partir de copies d’écran du portail bancaire de BNP Paribas détaillant le virement, l’expert constate la saisie du virement et sa validation par l’utilisateur authentifié à 15h05mn 0 s à 15h06 mn 40 s. »
L’expert conclut plus généralement que « le processus de sécurisation des virements mis en ‘uvre par BNP est robuste et permet d’identifier l’auteur des opérations de virement. »
Le seul courriel du 29 juillet 2016 versé en pièce 25 par l’appelante dans lequel la banque sollicite la confirmation de la société mère Panatta Srl pour l’ajout d’un nouveau bénéficiaire pour l’exécution d’un virement en Pologne ne permet pas de remettre en cause cette analyse, en dehors de tout autre élément probant.
De là, il résulte que les processus de validation du nouveau bénéficiaire le 3 octobre 2016 et d’exécution du virement litigieux du 10 octobre 2016 se sont déroulés selon les étapes prévues pour l’utilisation de la carte de transfert sécurisé et du lecteur sans fil, comme l’a retenu à juste titre le tribunal ; que la banque rapporte la preuve qui lui incombait, aux termes des conditions générales de la convention, que l’opération litigieuse a été autorisée conformément à l’article 20 des conditions générales de la convention, puisqu’il lui suffisait de démontrer par l’enregistrement de l’utilisation de l’instrument de paiement que l’opération a été autorisée par le client, sans qu’elle ait à établir une faute lourde ou imprudence du client dans l’utilisation du moyen de paiement, dès lors que, contrairement à ce que soutient à tort l’appelante, les parties sont convenues de déroger à l’article L. 133-23.
Conformément à la convention signée par les parties, la société Panatta France pouvait démontrer, nonobstant l’enregistrement de l’utilisation de l’instrument de paiement, qu’elle n’avait pas autorisé l’ajout de la société AA Nowak Building Service comme nouveau bénéficiaire ainsi que l’exécution du virement de 48 718 euros.
Se fondant sur les dispositions de l’article L. 133-23, qu’elle considère comme impératives, la société Panatta France estime que la banque ne peut pas se retrancher l’éventuelle parfaite authentification de l’opération pour soutenir que l’utilisation de l’instrument de paiement démontrait l’autorisation du client ainsi que l’absence de déficience technique du site. Elle souligne à cet égard que la banque n’a pas exclu l’hypothèse d’une fraude.
Toutefois, le moyen tiré du caractère d’ordre public de l’article L. 133-23 est inopérant, de sorte qu’il incombe à l’appelante de démontrer qu’elle n’a pas autorisé les opérations litigieuses, notamment par l’existence d’une défaillance technique ou d’une fraude.
La société Panatta France s’appuie sur courriel du 18 octobre 2016 de la banque dans lequel cette dernière indique à la société Panatta Srl que selon ses informaticiens « en l’absence de complicité interne à l’entreprise, la fraude par l’infection virale est la piste privilégiée. Le client a pu ouvrir une pièce jointe avec un virus ou un faux mail qui comprenait un lien internet vers un faux site. Le fraudeur a maintenant connaissance de son accès (identifiant + code PIN), il faut qu’un informaticien vérifie son poste informatique et le nettoie complètement. » (pièce 13).
La cour relève que l’expert judiciaire dont l’une des missions était de rechercher si l’ajout d’un bénéficiaire et le virement litigieux résultaient d’une fraude n’a toutefois pas pu confirmer ou infirmer l’hypothèse d’une fraude à l’origine du virement de 48 718 euros.
Sur ce point, la cour relève qu’il a conclu que, compte tenu de l’indisponibilité de « journaux techniques » dans les systèmes informatique de la banque et de l’indisponibilité de l’ordinateur de la comptable de la société Panatta Srl, il ne pouvait expliquer techniquement si le virement litigieux résultait ou non d’une fraude (voir page 16 du pré-rapport).
Il précise qu’en l’absence de ces éléments, il n’a pu se fonder que sur les pièces fournies par les parties, notamment « les traces » fournies par la banque, qui révèlent que tant l’ajout du nouveau bénéficiaire que l’exécution du virement ont été réalisés à partir d’une même adresse IPV4 attribuée, selon son analyse, à la société Panatta Sport Italy, étant observé qu’il n’est pas discuté que seule Mme [R], employée de la société mère italienne, la société Panatta Srl était habilitée à réaliser les mouvements financiers de la société Panatta France et à utiliser la carte de transfert sécurisé remise par la banque.
En somme, les conclusions du pré-rapport ne permettent pas d’étayer l’hypothèse d’une fraude. De la même manière, les éléments versés aux débats par l’appelante ne sont pas probants à cet égard.
Ainsi, les plaintes déposées en Italie et en France (voir pièces 8 et 20) pour utilisation frauduleuse d’un moyen de paiement contrefait en France et captation de données à l’étranger déposée ne permettent pas non plus de confirmer l’hypothèse d’une fraude, ces plaintes n’ayant pas eu de suite, comme l’admet l’appelant dans ses écritures.
En outre, il est inopérant de se fonder sur la liste des bénéficiaires « validés » au 13 octobre 2016 (pièce 10 de l’appelante), dans la mesure où il a été établi par les opérations d’expertise que tant l’ajout du bénéficiaire que l’exécution du virement litigieux ont été autorisés par le client.
Dans ces conditions, comme le souligne à juste titre l’intimée, l’appelante n’apporte pas la preuve contraire exigée par la convention que les opérations n’ont pas été autorisées par elle. Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il l’a déboutée de sa demande de paiement de la somme de 48 718 euros.
2- Sur les demandes accessoires
L’équité commande de condamner la société Panatta France à payer la somme de 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
La cour, statuant par arrêt contradictoire
Vu l’arrêt rendu par la cour d’appel de Versailles le 29 mars 2022 qui a rejeté la demande de sursis, a infirmé le jugement en ce qu’il a débouté la société Panatta France de sa demande d’expertise et statuant à nouveau, a ordonné une expertise,
Confirme le jugement en toutes ses autres dispositions ;
Y ajoutant,
Condamne la société Panatta France aux dépens d’appel ;
En application de l’article 700 du code de procédure civile, condamne la société Panatta France à payer à la société BNP Paribas la somme de 1 500 euros.
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Monsieur Ronan GUERLOT, Président, et par Madame Françoise DUCAMIN, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT,