Violation des droits liés à la garde à vue : tardiveté de la notification et conséquences sur la légalité de la rétention

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Violation des droits liés à la garde à vue : tardiveté de la notification et conséquences sur la légalité de la rétention

Contexte de l’affaire

En présence d’un interprète assermenté pour la langue ukrainienne, la personne retenue, M. [Z] [E], a été assistée par un avocat désigné d’office lors de l’audience publique. Le préfet de la Seine-et-Marne était également représenté par un avocat.

Notification des droits en garde à vue

M. [Z] [E] a soulevé un moyen de nullité concernant la notification tardive de ses droits lors de son placement en garde à vue. Selon l’article 63-1 du code de procédure pénale, la notification des droits doit être immédiate, et tout retard injustifié porte atteinte aux intérêts de la personne concernée.

État d’alcoolémie et comportement de l’intéressé

Les éléments de la procédure indiquent que M. [Z] [E] a été interpellé le 18 octobre 2024, avec des indications de forte alcoolisation. Les rapports mentionnent un comportement incohérent et un état d’ébriété, mais ne précisent pas clairement son aptitude à comprendre ses droits.

Décision sur la tardiveté de la notification

La notification des droits a été effectuée le 19 octobre 2024 à 4 heures 10, soit après un délai inacceptable. En l’absence de preuves de l’inaptitude de M. [Z] [E] à comprendre ses droits, la tardiveté de la notification a été jugée préjudiciable.

Conséquences de la décision

La procédure ayant précédé le placement en rétention administrative a été déclarée irrégulière, entraînant la remise en liberté de M. [Z] [E], sauf appel suspensif du Procureur de la République. La demande de prolongation de la rétention a été rejetée en raison de l’irrégularité de la procédure.

Rappels et informations complémentaires

M. [Z] [E] a été rappelé à l’obligation de se conformer à la mesure d’éloignement. Des informations sur les droits des personnes retenues, les recours possibles et les contacts avec des organisations compétentes ont également été fournies.

Notification de l’ordonnance

L’ordonnance a été notifiée à M. [Z] [E] dans une langue comprise, avec des informations sur le délai d’appel et les modalités d’exercice de cette voie de recours. Des copies de l’ordonnance ont été transmises aux avocats concernés.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

24 octobre 2024
Tribunal judiciaire de Meaux
RG
24/02687
Dossier N° RG 24/02687

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MEAUX
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CONTENTIEUX DE LA RETENTION ADMINISTRATIVE
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Annexe du palais de Justice de Meaux – [Adresse 12] – [Localité 22]

Ordonnance statuant sur la première requête en prolongation d’une mesure de rétention administrative

Ordonnance du 24 Octobre 2024
Dossier N° RG 24/02687

Nous, Boujemaa ARSAFI, magistrat du siège au tribunal judiciaire de Meaux, assisté de Amandine CHAPOUX, greffier ;

Vu les articles L742-1 à L 742-3, L 741-10, L 743-3, L 743-19, L 743-20, R 741-1 à R 743-9 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

Vu l’arrêté pris le 16 avril 2024 par le préfet de Police de [Localité 27] faisant obligation à M. [Z] [E] de quitter le territoire français ;

Vu la décision de placement en rétention administrative prise le 19 octobre 2024 par le PRÉFET DE LA SEINE ET MARNE à l’encontre de M. [Z] [E], notifiée à l’intéressé le 19 octobre 2024 à 16h45 ;

Vu la requête du PRÉFET DE LA SEINE ET MARNE datée du 23 octobre 2024, reçue et enregistrée le 23 octobre 2024 à 08h56 au greffe du tribunal, tendant à la prolongation de la rétention administrative pour une durée de vingt six jours de :

Monsieur [Z] [E], né le 04 novembre 1965 à [Localité 25] (UKRAINE), de nationalité Ukrainienne

Vu l’extrait individualisé du registre prévu par l’article L. 744-2 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

En l’absence du procureur de la République régulièrement avisé par le greffier, dès réception de la requête, de la date, de l’heure, du lieu et de l’objet de la présente audience ;

En présence de [B] [K], interprète inscrit sur la liste établie par le procureur de la République près le tribunal judiciaire de Meaux, assermenté pour la langue ukrainienne déclarée comprise par la personne retenue à l’inverse du français ;

Après avoir, en audience publique, rappelé à la personne retenue les droits qui lui sont reconnus par le Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, puis entendu en leurs observations, moyens et arguments :
– Me Julia MORONI, avocat de permanence au barreau de Meaux désigné d’office à la demande de la personne retenue pour l’assister ;
– Me ISCEN Elif (cabinet centaure) substituée par Me SCOTTO, avocat représentant le PRÉFET DE LA SEINE ET MARNE ;
-Monsieur [Z] [E]

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le moyen de nullité tiré de la tardiveté de la notifications des droits afférents au placement en garde à vue de l’intéressé :

Attendu que M. [Z] [E] soulève par la voie de son conseil un moyen tiré de la notification tardive des droits en garde à vue sans qu’aucun procès-verbal de comportement ne vienne expliquer en quoi l’intéressé serait apte à se voir notifié ses droits afférents à son placement en garde à vue ;

Attendu qu’il résulte des dispositions de l’article 63-1 du code de procédure pénale que la personne placée en garde à vue est immédiatement informée par un officier de police judiciaire des droits attachés à cette mesure, tout retard dans la mise en œuvre de cette obligation, non justifié par des circonstances insurmontables, portant nécessairement atteinte aux intérêts de la personne concernée.
Attendu qu’il convient par ailleurs de relever que la seule référence à des taux d’alcoolémie, sans motifs concrets sur l’état et le comportement de la personne et les raisons pour lesquelles l’alcoolémie relevée ne lui permet pas de comprendre la portée de la notification des droits, ne suffit pas à retarder une telle notification (Crim 4 janvier 1996 n°95-84.330 – crim 5 juin 2019 n°18-83.590 – crim 21 février 2021 n°20-83.233) ;
Attendu qu’il est constant que M. [Z] [E] a été interpellé puis placé en garde à vue le 18 octobre 2024 à22 heures 05 minutes , que la fiche “A” relative aux vérifications concernant l’alcoolémie au moment de son interpellation mentionne que “l’intéressé sent l’alcool” ; que son élocution est “bégayante”, que ses explications sont “incohérentes et son équilibre “titubant” ; qu’en outre, le procès-verbal d’interpellation du 18 octobre 2024 à 22 heures 30 mentionne que l’intéressé “est fortement alcoolisé” ; que le 19 octobre 2024 à heures 05 son taux d’alcoolémie est de 00,00 mg/l d’alcool par litre d’air expiré tel que cela résulte du procès-verbal de vérification de l’état alcoolique de l’intéréssé du même jour à 4 heures ; que ce seul procès-verbal ne fait état d’aucune précision relative au comportement de l’intéressé ayant trait à sa capacité à prendre acte de ses droits inhérents à la mesure de garde à vue ;
Attendu qu’il est constant que l’intéressé s’est vu notifier ses droits en garde à vue le 19 octobre 2024 à 4 heures 10 ;
Attendu qu’en l’absence de toute mention explicitant l’inaptitude du gardé à vue à prendre connaissance et à exercer ses droits, il convient de considérer que les droits ont été notifiés tardivement ; que cette tardiveté fait nécessairement grief à la personne gardée à vue ;
Que dès lors, il convient de déclarer la procédure ayant immédiatement précédée le placement en rétention administrative comme irrégulière ;
Qu’il convient de faire droit au moyen soutenu sans qu’il ne soit nécessaire de statuer de plus ample façon sur la requête en première prolongation telle que présentée par l’administration ;
Qu’il convient par ailleurs d’ordonner la remise en liberté de M. [Z] [E] sauf appel suspensif du Procureur de la République ;

Attendu qu’indépendamment de tout recours contre la décision de placement, le juge doit se prononcer en tant que gardien de la liberté individuelle sur la légalité de la rétention ;

SUR LA DEMANDE DE PROLONGATION DE LA RÉTENTION:

La procédure étant irrégulière, disons n’y avoir lieu à statuer sur la requête en prolongation de la préfecture ;

PAR CES MOTIFS,

DÉCLARONS la procédure irrégulière ;

REJETONS la requête du PRÉFET DE LA SEINE ET MARNE.

RAPPELONS à M. [Z] [E] qu’il devra se conformer à la mesure d’éloignement ;

Prononcé publiquement au palais de justice du Mesnil-Amelot, le 24 Octobre 2024 à 15  h 13 .

Le greffier, Le juge,

qui ont signé l’original de l’ordonnance.

Pour information :

– Lorsqu’une ordonnance met fin à la rétention, elle doit être notifiée au procureur de la République. A moins que ce dernier n’en dispose autrement, l’étranger est alors maintenu à la disposition de la justice pendant un délai de vingt quatre heures à compter de la notification de l’ordonnance au procureur. Durant cette période, l’étranger peut, s’il le souhaite, contacter son avocat ou un tiers, rencontrer un médecin et s’alimenter. Dans le cas où, dans ce délai de vingt quatre heures le procureur de la République décide de former appel en demandant que son recours soit déclaré suspensif, l’intéressé reste maintenu à la disposition de la justice jusqu’à ce le premier président de la cour d’appel ou son délégué statue sur la demande du procureur, voire sur le fond s’il apparaît justifié de donner un effet suspensif à l’appel du ministère public.
– Le préfet peut aussi faire appel mais, en ce cas, son recours n’est pas suspensif.
– L’appel du procureur de la République ou du préfet est transmis par tout moyen au greffe de la Cour d’appel de Paris (Service des étrangers – Pôle 1 Chambre 11), notamment par télécopie au n° : [XXXXXXXX03] ou par courriel à l’adresse mail [Courriel 24] .
– Tant que la rétention n’a pas pris fin, la personne retenue peut demander l’assistance d’un interprète, d’un avocat ainsi que d’un médecin, et communiquer avec son consulat ou toute personne de son choix.
– La personne retenue bénéficie également du droit de contacter toute organisation et instance nationale, internationale ou non gouvernementale compétente pour visiter les lieux de rétention, notamment :
• le Contrôleur général des lieux de privation de liberté ([Adresse 13]- [Localité 21] Cedex 19 ; www.cglpl.fr ; tél. : [XXXXXXXX05] ; fax : [XXXXXXXX02]) ;
• le Défenseur des droits ([Adresse 17] – [Localité 20] ; tél. : [XXXXXXXX08]) ;
• France Terre d’Asile ([Adresse 14] – [Localité 19] ; tél. : [XXXXXXXX04]) ;
• Forum Réfugiés Cosi ([Adresse 15] – [Localité 16] ; tél. : [XXXXXXXX07]) ;
• Médecins sans frontières – MSF ([Adresse 23] – [Localité 18] ; tél. : [XXXXXXXX01]).
– La CIMADE, association indépendante de l’administration présente dans chacun des centres de rétention du [Localité 26] (Tél. CIMADE CRA2 : [XXXXXXXX010] / [XXXXXXXX011] – Tél. CIMADE CRA 3 : [XXXXXXXX09] / [XXXXXXXX06]) est à la disposition de toute personne retenue, sans formalité, pour l’aider dans l’exercice effectif de ses droits, aux heures d’accueil précisées par le règlement intérieur.
– A tout moment, la personne retenue peut demander que sa privation de liberté prenne fin, par simple requête, motivée et signée, adressée au magistrat du siège par tout moyen, accompagnée de toutes les pièces justificatives.
– L’ordonnance qui met fin à la rétention ne fait pas disparaître l’obligation de quitter le territoire français imposée par l’autorité administrative tant que la personne concernée n’en est pas relevée. Si celle-ci n’a pas quitté la France en exécution de la mesure d’éloignement ou si elle revient en France alors que cette mesure est toujours exécutoire, elle peut faire l’objet d’une nouvelle décision de placement en rétention, à l’expiration d’un délai de 7 jours à compter du terme de sa rétention ou d’un délai de 48 heures en cas de circonstances nouvelles de fait ou de droit.

Reçu le 24 octobre 2024, dans une langue comprise, notification de la présente ordonnance avec remise d’une copie intégrale, information du délai d’appel et des modalités d’exercice de cette voie de recours, ainsi que le rappel des droits en rétention.

La personne retenue, L’interprète ayant prêté son concours

Copie intégrale de la présente ordonnance a été transmise par l’intermédiaire d’un moyen de télécommunication comportant un accusé de réception, le 24 octobre 2024, à l’avocat du PRÉFET DE LA SEINE ET MARNE, absent au prononcé de la décision.
Le greffier,

Copie intégrale de la présente ordonnance a été transmise par l’intermédiaire d’un moyen de télécommunication comportant un accusé de réception, le 24 octobre 2024, à l’avocat de la personne retenue, absent au prononcé de la décision.
Le greffier


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