Violation de clause d’exclusivité : 6 septembre 2022 Cour d’appel de Pau RG n° 20/01703

Violation de clause d’exclusivité : 6 septembre 2022 Cour d’appel de Pau RG n° 20/01703

6 septembre 2022
Cour d’appel de Pau
RG n°
20/01703

PhD/ND

Numéro 22/3144

COUR D’APPEL DE PAU

2ème CH – Section 1

ARRÊT DU 06/09/2022

Dossier : N° RG 20/01703 – N° Portalis DBVV-V-B7E-HTHD

Nature affaire :

Demande en paiement ou en indemnisation formée par un intermédiaire

Affaire :

S.A.S. OAK AND WINE

C/

S.A.S. WONDER WOOD WINES

Grosse délivrée le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 06 Septembre 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l’audience publique tenue le 20 Juin 2022, devant :

Monsieur Philippe DARRACQ, magistrat chargé du rapport,

assisté de Madame Nathalène DENIS, greffière présente à l’appel des causes,

Philippe DARRACQ, en application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d’opposition a tenu l’audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :

Madame Jeanne PELLEFIGUES, Présidente

Monsieur Philippe DARRACQ, Conseiller

Monsieur Marc MAGNON, Conseiller

qui en ont délibéré conformément à la loi.

dans l’affaire opposant :

APPELANTE :

S.A.S. OAK AND WINE

immatriculée au RCS de Tarbes sous le n° 414 979 344

[Adresse 6]

[Adresse 2]

[Localité 7]

Représentée par Me Edwige GARRETA de la SCP GARRETA ET ASSOCIES, avocat au barreau de PAU

Assistée de Me Hélène POULOU, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMEE :

S.A.S. WONDER WOOD WINES

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentée par Me Olivia MARIOL de la SCP LONGIN/MARIOL, avocat au barreau de PAU

Assistée de Me Sandrine MAS-BLANCHOT, avocat au barreau de BORDEAUX

sur appel de la décision

en date du 09 DECEMBRE 2019

rendue par le TRIBUNAL DE COMMERCE DE TARBES

FAITS – PROCEDURE – PRETENTIONS et MOYENS DES PARTIES

La société par actions simplifiée Oak and wine, ayant son siège social à [Localité 7] et la société par actions simplifiée Wonder wood wines, ayant son siège social à [Localité 5], représentée par M. [H] ont signé deux contrats d’agence commerciale, à durée indéterminée, en date du 7 janvier 2013 par lesquels la première a confié à la seconde un mandat de négociation de la vente de barriques en chêne de France pour la Californie et l’Etat de Washington, objet d’un premier contrat, et pour [Localité 3] et [Localité 4], objet du second contrat.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 19 juillet 2018, faisant suite à une réunion du 9 juin 2018, le mandant a notifié à son agent le retrait du secteur de la Californie du périmètre de son mandat d’agence commerciale en raison de la chute des ventes au titre de l’année 2018.

Par deux lettres recommandées avec accusé de réception du 29 août 2018, se plaignant du silence de son agent, le mandant a résilié les deux contrats d’agence commerciale pour l’Etat de Washington, d’une part, et de [Localité 3] et [Localité 4], d’autre part, à effet au 30 novembre 2018.

S’estimant victime d’une résiliation brutale des relations contractuelles, concrétisée dès le retrait du secteur de la Californie, et suivant exploit du 28 novembre 2018, la société Wonder wood wines a fait assigner la société Oak and wine par devant le tribunal de commerce de Tarbes en indemnisation de son préjudice au titre de la rupture des mandats américains et français, sur la base de trois années de commissions pour la Californie et de deux années pour les autres secteurs, outre une indemnité de préavis pour la Californie.

Par jugement du 9 décembre 2019, rectifié par jugement du 15 juin 2020, auquel il convient expressément de se référer pour un plus ample exposé des faits et des prétentions et moyens initiaux des parties, le tribunal a :

– dit que la société Oak and wine est mal fondée en son exception de nullité de l’assignation

– constaté l’absence de faute grave privative d’indemnité de fin de contrat de la part de société Oak and wine

– constaté l’absence de brutalité et de déloyauté dans la rupture des contrats par la société Oak and wine

– déclaré fondée la décision de rupture des liens contractuels prise à l’initiative de la société Oak and wine sur le secteur de la Californie

– condamné la société Oak and wine à régler à la société Wonder wood wines une indemnité compensatoire d’un montant de deux ans de commissions sur les secteurs de l’Etat de Washington, [Localité 3] et [Localité 4]

– condamné la société Oak and wine à payer à la société Wonder wood wines une indemnité réprésentative de la rupture du contrat sur le secteur de l’Etat de Californie sur trois mois de commissions, arrêtée à 11.500 euros (après rectification de l’erreur matérielle mentionnant initialement la somme de 115.000 euros)

– condamné la société Oak and wine à payer à la société Wonder wood wines la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

– dit qu’il n’y a pas lieu d’ordonner l’exécution provisoire

– rejeté comme infondés tous autres moyens, fins et demandes des parties

– condamné la société Oak and wine aux dépens de l’instance liquidés à 73,22 euros.

Par déclaration faite au greffe de la cour le 29 juillet 2020, la société Oak and wine a relevé appel de ce jugement limité à la disposition l’ayant condamnée au paiement de l’indemnité de préavis de trois mois.

Par conclusions du 27 janvier 2021, la société Wonder wood wines a formé un appel incident sur le montant de l’indemnité de rupture du contrat d’agence commerciale pour la Californie.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 12 janvier 2022.

Les parties ont été avisées par message RPVA que la décision sera rendue par anticipation le 06 septembre 2022.

***

Vu les dernières conclusions notifiées le 26 février 2021 par la société Oak and wine qui a demandé à la cour, au visa de l’article L. 134-12 du code de commerce, de :

– infirmer le jugement entrepris sur l’indemnité de préavis, inapplicable au retrait d’un secteur, et débouter la société Wonder wood wines de sa demande de ce chef

– à titre subsidiaire, infirmer le jugement sur le montant de cette indemnité, allouée ultra petita par le tribunal, et ramener la condamnation à la somme de 10.500 euros équivalant à trois mois de commissions

– débouter la société Wonder wood wines de son appel incident

– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a constaté qu’elle n’avait commis aucune rupture brutale et déloyale des contrats d’agent commercial souscrits avec la société Wonder wood wines

– en tout état de cause, condamner la société Wonder wood wines à lui payer une indemnité de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

*

Vu les dernières conclusions notifiées le 26 mai 2021 par la société Wonder wood wines qui a demandé à la cour, au visa des articles 112 et 114 du code de procédure civile, L. 134-11 et L. 134-12 du code de commerce, de :

– débouter la société Oak and wine de son appel limité

– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il lui a alloué une somme correspondant au préavis prévu par le contrat

– fixer cette indemnité à la somme de 10.500 euros

– réformer le jugement en ce qu’il a évalué l’indemnité de fin de contrat sur le territoire de la Californie à deux années de commissions

– fixer le montant de cette indemnité à la somme de 126.000 euros

– dire et juger que la société Oak and wine est redevable des sommes de :

– 3.569,74 euros correspondant à une indemnité de préavis de trois mois pour le contrat France

– 4.375 euros correspondant à une indemnité de préavis de trois mois pour le contrat de Washington

– confirmer le jugement pour le surplus

– condamner la société Oak and wine au paiement d’une somme de 4.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS

La société Oak and wine ne conteste pas son obligation de verser à son agent commercial l’indemnité compensatrice légale, prévue à l’article L. 134-12 du code de commerce, au titre de la résiliation des deux contrats d’agence commerciale des 7 janvier 2013, sur la base de deux années de commissions réalisées dans chacun des quatre secteurs attribués à son agent, s’opposant seulement au versement d’une indemnité de préavis pour le secteur de la Californie, objet de son appel, en faisant grief au jugement d’avoir non seulement statué ultra petita mais sans fondement légal dès lors que ce secteur a fait l’objet d’un simple retrait du périmètre du contrat sans remettre en cause celui-ci, lequel s’est poursuivi pour le secteur de l’Etat de Washington avant d’être résilié dans le respect du préavis de trois mois.

La société Wonder wood wines accepte l’indemnisation de son préjudice sur la base de deux années de commissions pour les trois secteurs de l’Etat de Washington, [Localité 3] et [Localité 4] mais fait grief au jugement, au soutien de son appel incident, d’avoir refusé de porter à trois années de commissions l’indemnisation de la perte du secteur de la Californie en dépit du caractère brutal et abusif du retrait, assimilable à une résiliation du contrat, justifiant également le versement de l’indemnité de préavis, conjugué à la violation délibérée de la clause d’exclusivité en confiant à un salarié d’une autre société du groupe la négociation de la vente des barriques dans ce même secteur au prétexte d’une baisse du chiffre d’affaires et d’une présence insuffisante aux Etats-Unis.

1 – sur le contrat d’agent commercial pour la France et l’Etat de Washington

Le jugement a condamné la société Oak and wine à payer une indemnité compensatrice d’un montant de deux ans de commissions sur les secteurs de l’Etat de Washington, [Localité 3] et [Localité 4] mais sans en fixer le montant.

La société Oak and wine ne conteste pas, à cet égard, devoir verser :

– contrat pour la France, une indemnité compensatrice de 28.557,92 euros

– secteur de l’Etat de Washington, une indemnité compensatrice de 35.000 euros

Le jugement sera confirmé et précisé en ce sens.

A hauteur d’appel, la société Wonder wood wines a demandé le paiement de l’indemnité contractuelle de préavis de trois mois pour le contrat France, soit 3.569,74 euros, et pour l’Etat de Washington, soit 4.375 euros.

La société Oak and wine n’a pas conclu sur cette demande.

La cour constate, en outre, que l’appelante n’a pas produit les accusés de réception des deux lettres du 29 août 2018, qualifiées de « recommandée avec accusé de reception », portant résiliation du contrat France et du contrat Etat de Washington à effet au 30 novembre 2018, de sorte que la cour n’est pas en mesure de vérifier si le délai de préavis de trois mois a été effectivement respecté.

En outre, pour les motifs ci-après développés, il sera démontré que le retrait du secteur de la Californie équivaut à une résiliation du contrat pour les Etats-Unis dans son ensemble.

En l’état des débats et des productions, il convient de condamner la société Oak and wine à payer les indemnités de préavis précitées.

2 – sur le secteur de la Californie

Le contrat d’agent commercial pour les Etats-unis confie à la société Wonder wood wines la négociation de la vente des barriques pour les secteurs de la Californie et de l’Etat de Washington.

Le secteur de la Californie, soutenu par l’importante activité viticole de la région NAPA, représente la part prépondérante du marché américain des barriques de chêne, la société Wonder wood wines réalisant 70,58 % de son chiffre d’affaires américain sur ce seul secteur.

Contrairement à ce que soutient l’appelante, aucune clause contractuelle ne réservait au mandant la faculté de retirer à son agent un secteur du périmètre du contrat.

En décidant unilatéralement de retirer, en juillet 2018, le secteur de la Californie, au prétexte d’une baisse importante du chiffre d’affaires réalisé en 2018, en réalité de 30,38 %, et non de 58 % comme indiqué dans la lettre de retrait, alors que cet exercice avait été précédé d’une croissance tendancielle n’ayant appelé, pas plus qu’au cours de l’année 2018, aucune observation ou mise en garde de quelque nature que ce soit sur les performances ou l’organisation du l’activité de son agent, ne caractérisant aucune faute grave à son encontre susceptible de compromettre irrémédiablement la finalité du mandat d’intérêt commun les liant, la société Oak and wine a illégalement porté une atteinte substantielle aux droits et obligations de son agent commercial qui s’est vu imposer une réduction drastique de son potentiel économique équivalant à une résiliation du contrat d’agent commercial pour les Etats-Unis.

En application du dernier alinéa de l’article L. 134-11 du code de commerce, la société Oak and wine ne peut donc prétendre être exonérée du paiement de l’indemnité contractuelle, et légale, de préavis de trois mois.

Le jugement sera donc confirmé en son principe mais réformé sur le montant de l’indemnité de préavis, la société Oak and wine étant condamnée à payer la somme de 10.500 euros de ce chef.

S’agissant de l’indemnité compensatrice, il faut rappeler que la société Oak and wine avait la faculté contractuelle de résilier le contrat à tout moment, sous réserve d’un préavis de trois mois.

La société Wonder wood wines ne justifie d’aucun préjudice spécial imputable à la forme ou aux circonstances de la rupture de ce contrat qui devrait être compensé au-delà de la perte des rémunérations acquises lors de l’activité développée dans l’intérêt commun des deux parties pendant cinq années.

S’agissant également de la violation de la clause d’exclusivité, la société Wonder wood wines ne rapporte pas la preuve des faits allégués alors que le détachement en Californie d’un salarié d’une autre société du groupe auquel appartient la société Oak and wine, chargé de négocier la vente des mêmes barriques en chêne, est contemporaine à la décision de retrait de la Californie et que les faits litigieux mentionnés dans les attestations versées aux débats sont postérieurs à la décision de retrait prise par la société Oak and wine.

La société Wonder wood wines ne justifie donc ni du manquement contractuel allégué, ni, même d’un quelconque préjudice en relation avec les faits de nature à fonder une majoration de l’indemnité compensatrice dont le calcul sur la base de deux années de commissions couvrent pleinement le préjudice subi du fait de la cessation des relations contractuelles.

Le jugement entrepris sera confirmé en son principe et précisé en ce sens que la société Oak and wine est condamnée à payer la somme de 84.000 euros de ce chef.

Le jugement entrepris sera confirmé sur les dépens et les frais irrépétibles.

La société Oak and wine sera condamnée aux dépens d’appel et à payer une indemnité complémentaire de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile

PAR CES MOTIFS

la cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

CONFIRME le jugement entrepris sur :

– le principe de la condamnation de la société Oak and wine à verser une indemnité compensatrice calculée sur la base de deux années de commissions pour les deux contrats d’agent commercial du 7 janvier 2013

– le principe de la condamnation de la société Oak and wine à payer une indemnité de préavis de trois mois pour la résiliation du secteur de la Californie

– la condamnation de la société Oak and wine aux dépens et au paiement d’une indemnité de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

PRECISE que, en exécution de ces dispositions, la société Oak and wine est condamnée à payer à la société Wonder wood wines les indemnités compensatrices suivantes :

– 28.557,92 euros pour l’ensemble du contrat France

– 35.000 euros pour le contrat Etats-unis, secteur de l’Etat de Washington

– 84.000 euros pour le contrat Etats-Unis, secteur de la Californie

REFORME le jugement rectifié entrepris sur le montant de l’indemnité de préavis de trois mois pour la Californie,

et statuant à nouveau,

REDUIT à 10.500 euros le montant de la condamnation mise à la charge de la société Oak and wine au titre de ladite indemnité de préavis,

Y ajoutant,

CONDAMNE la société Oak and wine à payer à la société Wonder wood wines les indemnités de préavis suivantes :

– 3.569,74 euros pour le contrat France

– 4.375 euros pour le secteur Etat de Washington

CONDAMNE la société Oak and wine aux dépens d’appel,

CONDAMNE la société Oak and wine à payer à la société Wonder wood wines une indemnité complémentaire de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Le présent arrêt a été signé par Madame Jeanne PELLEFIGUES, Présidente, et par Madame Nathalène DENIS, greffière suivant les dispositions de l’article 456 du Code de Procédure Civile.

La GreffièreLa Présidente

 


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