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6 janvier 2010
Cour d’appel de Versailles
RG n°
09/06227
COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 00A
14ème chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 06 JANVIER 2010
R.G. N° 09/06227
AFFAIRE :
[O] [G]
C/
Société CEIA SPA
…
Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 16 Juillet 2009 par le Tribunal de Commerce de PONTOISE
N° Chambre :
N° Section :
N° RG : 2009R147
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
SCP LISSARRAGUE DUPUIS BOCCON GIBOD
SCP JULLIEN, LECHARNY, ROL ET FERTIER
EXPERTISE
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LE SIX JANVIER DEUX MILLE DIX,
La cour d’appel de VERSAILLES, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
Monsieur [O] [G]
né le [Date naissance 3] 1950 à [Localité 9]
de nationalité Française
[Adresse 8]
[Localité 6]
représenté par la SCP LISSARRAGUE DUPUIS BOCCON GIBOD – N° du dossier 0946754
assisté de Me André ROLLAND (avocat au barreau de VANNES) de la SCP ROLLAND JOUANNO MAIRE LUNVEN
APPELANT
****************
Société CEIA SPA
[Adresse 10]
[Localité 5]
représentée par la SCP JULLIEN, LECHARNY, ROL ET FERTIER – N° du dossier 20090910
assistée de Me Jeanne Marie HENRIOT BELLARGENT (avocat au barreau de PARIS)de la SCP LARANGOT-HENRIOT-BELLARGENT
S.A.S. CEIA INTERNATIONAL
[Adresse 4]
[Localité 7]
représentée par la SCP JULLIEN, LECHARNY, ROL ET FERTIER – N° du dossier 20090910
assistée de Me Jeanne Marie HENRIOT BELLARGENT (avocat au barreau de PARIS) de la SCP LARANGOT-HENRIOT-BELLARGENT
INTIMEES
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 786 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 23 Novembre 2009 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Ingrid ANDRICH, conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Jean-François FEDOU, président,
Madame Ingrid ANDRICH, conseiller,
Monsieur Philippe BOIFFIN, conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Marie-Pierre LOMELLINI,
FAITS ET PROCEDURE,
La société CEIA SPA de droit italien occupe, au monde, une place prépondérante dans la fabrication de portiques équipés de détecteurs de métaux.
En 1997, la société CEIA INTERNATIONAL FRANCE, filiale à 100 % de la première, a concédé à Monsieur [G], exploitant sous l’enseigne Etablissements [O] [G], un contrat exclusif de distribution d’appareils de détection de métaux destinés à l’industrie alimentaire pour treize départements de l’Ouest de la France.
A compter du 12 décembre 2001, un contrat signé entre la société CEIA SPA et Monsieur [G] a étendu à six nouveaux départements l’exclusivité de la distribution, puis par un dernier contrat du 9 janvier 2004, à l’ensemble du territoire français pour une durée de cinq années, fixant une obligation d’achat minimum annuel dont le non respect permet la résiliation du contrat et le retrait du bénéfice de l’exclusivité.
Monsieur [G], dénonçant la violation des dispositions de ce contrat de distribution établie par la livraison par la société CEIA INTERNATIONAL FRANCE de juin 2005 à avril 2007 à une société SVIC concurrente, puis de 2006 à 2008 la vente en direct par la société CEIA INTERNATIONAL FRANCE au mépris de l’exclusivité qui lui a été consentie, l’embauche de Monsieur [K] par la société française alors qu’il a été son salarié chargé de l’activité de distribution d’avril 1997 à août 2007, a attrait devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Pontoise, la société de droit italien et la société CEIA INTERNATIONAL FRANCE pour obtenir, sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile, une mesure d’instruction.
Par ordonnance du 16 juillet 2009, le juge des référés a estimé que le Règlement et la jurisprudence communautaires ne lui permettaient que d’ordonner des mesures destinées à éviter le dépérissement des preuves et qu’en l’espèce, les pièces dont le recueil était l’objet de la mesure d’instruction sollicitée par Monsieur [G] sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile étant obligatoirement conservées pendant une durée de dix années, la condition présidant à l’application des dispositions de l’article 31 du Règlement CE 44/2001 n’était pas remplie.
Monsieur [G] est appelant de cette décision dont il sollicite l’infirmation totale.
Selon ses conclusions signifiées le 17 novembre 2009, auxquelles il y a lieu de se reporter pour plus ample exposé des moyens, l’appelant expose que la condition telle qu’appréciée par le juge des référés du tribunal de grande instance de Pontoise ne s’applique pas au litige existant entre lui-même et la société CEIA INTERNATIONAL FRANCE.
Il soutient qu’en droit interne, rappelant notamment que la société SVIC a cessé toute activité en 2007 et que son gérant a été embauché par la société CEIA INTERNATIONAL FRANCE, il justifie d’un motif légitime au sens de l’article 145 du code de procédure civile et qu’il justifie également d’un intérêt à agir au regard des dispositions de l’article 31 du Règlement CE 44/2001 sur la compétence judiciaire, dès lors que la mesure destinée à être exécutée en France, est l’unique moyen de connaître l’étendue du préjudice causé par la violation de la clause d’exclusivité concédée, ce qui est un préalable nécessaire à la saisine future du tribunal d’Arezzo, juridiction d’un autre Etat de la Communauté européenne, compétente pour apprécier le préjudice et en ordonner réparation.
Il fait valoir qu’il résulte de l’arrêt [V] rendu le 21 mai 1960 par la CJCE qu’il est nécessaire d’appeler devant la juridiction française, la société de droit italien.
Les sociétés CEIA SPA et CEIA INTERNATIONAL FRANCE dans leurs conclusions signifiées le 18 novembre 2009 auxquelles il y a lieu de se reporter pour plus ample exposé des moyens, soulignent que le litige qui est relatif à l’exécution du contrat du 9 janvier 2004, signé entre Monsieur [G] et la société CEIA SPA de droit italien attribuant compétence exclusive au tribunal d’Arezzo, est un litige international.
Elles opposent aux prétentions de l’appelant que, si l’article 31 du Règlement sus-visé permet la saisine du juge français, celui-ci n’a compétence que pour ordonner les mesures conservatoires au sens de cet article tel qu’interprété par la jurisprudence de la Cour européenne, à savoir les mesures qui ont pour seul objet de maintenir une situation de fait ou de droit afin de sauvegarder les droits respectifs des parties.
Elles se prévalent de décisions de la Cour européenne, retenant notamment qu’une mesure qui n’a pas d’autre justification que de permettre d’évaluer l’opportunité d’une action éventuelle, de déterminer le fondement d’une telle action, d’apprécier la pertinence des moyens soulevés, ne répond pas à la finalité poursuivie par l’article 24 de la convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 repris par l’article 31 du règlement communautaire 44/2001 du 22 décembre 2000.
Subsidiairement, elles répliquent que Monsieur [G] ne justifie pas d’un motif légitime au sens de l’article 145 du code de procédure civile, puisqu’il invoque la nécessité de déterminer l’étendue de son préjudice alors même que la caractérisation d’une faute dont elles réfutent l’existence, doit précéder l’évaluation d’un éventuel préjudice. Elles reprochent à Monsieur [G], une inversion de l’ordre des facteurs alors qu’il convient préalablement d’établir si les faits invoqués sont matériellement exacts et s’ils caractérisent une faute contractuelle.
Plus subsidiairement encore, dans l’hypothèse où la cour d’appel ferait droit à la demande de mesure d’instruction, elles demandent que la mission de l’expert soit limitée, à la recherche du point de savoir si les clients livrés par la société CEIA INTERNATIONAL FRANCE figurent sur la liste de clients transmise par Monsieur [G] à la date du 12 décembre 2007 dans le cadre de l’accord intervenu entre les parties sur le retrait de l’exclusivité et la protection de la clientèle de Monsieur [G] .
L’appelant et les intimées forment respectivement une demande de condamnation en application de l’article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS DE L’ARRÊT
Considérant que le règlement CE 44/2001 prévoit en son article 31 que les mesures provisoires ou conservatoires prévues par la loi d’un Etat membre peuvent être demandées aux autorités judiciaires de cet Etat, même si, en vertu de ce règlement, une juridiction d’un autre Etat membre est compétente pour connaître du fond ;
Que la compétence au fond du tribunal d’Arezzo en Italie à connaître du litige opposant Monsieur [G] à la société CEIA SPA n’est pas discutée ;
Que la présence de la société CEIA SPA de droit italien à la procédure visant l’obtention de mesures d’investigations devant être mises en oeuvre au sein de la société de droit français, tiers au contrat, est justifiée par la nécessité de lui rendre opposable la mesure d’instruction sollicitée ;
Qu’à l’égard de la société de droit italien, la mise en oeuvre d’une mesure d’instruction destinée à conserver ou à recueillir, avant tout procès, des éléments techniques et de fait dont pourrait dépendre la solution d’un litige, constitue une mesure entrant dans le champ d’application des dispositions de l’article 31 précité, dès lors que le lien de rattachement exigé entre la mesure demandée et le tribunal français saisi existe ;
Que cette mesure doit être exécutée dans le ressort territorial de la juridiction française saisie et en l’espèce au siège social de la société de droit français CEIA INTERNATIONAL FRANCE dont les rapports avec Monsieur [G], dans le cadre de la présente procédure, sont régis par les dispositions de l’article 145 du code de procédure civile ;
Considérant que les sociétés intimées soutiennent que l’inversion de l’ordre des facteurs qui supposerait s’agissant d’une action en réparation d’un préjudice que l’existence d’une faute contractuelle soit d’abord démontrée, prive la demande de Monsieur [G] de motif légitime ;
Qu’aucune disposition légale n’impose un ordre de facteurs ;
Que toute action en réparation suppose le constat d’un dommage, fait dont la preuve peut être rapportée et conservée par une mesure d’instruction légalement admissible qui ne préjudicie pas au débat de fond sur l’existence d’une faute et d’un lien de causalité dont la démonstration est exigée pour désigner à qui incombe la réparation du dommage ;
Considérant que Monsieur [G] reproche à la société CEIA SPA une inexécution de ses obligations contractuelles et à la société CEIA INTERNATIONAL FRANCE d’avoir, par ses agissements, participé à la violation de la clause d’exclusivité ;
Que seule la durée de l’exclusivité étant discutée par les deux intimées, Monsieur [G] qui démontre le lien contractuel avec l’une et les actes de vente de l’autre, justifie d’un motif légitime à obtenir qu’un expert-comptable recense et liste les ventes réalisées dans le secteur de l’industrie agro-alimentaire directement par la société CEIA INTERNATIONAL FRANCE ou par l’intermédiaire de la société SVIC au cours de la période pendant laquelle son exclusivité est partiellement discutée ;
Considérant que Monsieur [G] établit encore la démission de Monsieur [K] au mois d’août 2007 et démontre avoir dès le mois d’octobre 2007 alerté la société CEIA SPA de son embauche par la société CEIA INTERNATIONAL FRANCE et des démarches que celui-ci aurait faites auprès des clients qu’il prospectait auparavant pour le compte des établissements [O] [G] dont il était salarié ;
Que les considérations des sociétés CEIA SPA et CEIA INTERNATIONAL FRANCE sur l’existence d’un accord de retrait de l’exclusivité en raison du manquement de Monsieur [G] aux objectifs chiffrés, comme l’absence de clause de non concurrence imposée à Monsieur [K] dont l’embauche après sa démission n’est pas contestée, appartiennent manifestement au débat sur la faute qui doit s’engager devant les juridictions du fond appelées à en connaître selon le fondement susceptible d’être invoqué à l’encontre de chacune des sociétés intimées ;
Que les intimées n’apportent aucun élément de nature à établir une menace sur le secret des affaires que ferait peser la révélation dans le cadre de l’expertise, de l’identité des cocontractants de la société CEIA INTERNATIONAL FRANCE entre 2005 et 2008, appartenant à l’industrie agro-alimentaire, domaine dans lequel Monsieur [G] avait à la même époque une activité de distributeur exclusif des équipements fabriqués par la société mère de la société CEIA INTERNATIONAL FRANCE ;
Que l’ordonnance déférée doit être infirmée ;
Considérant que les sociétés CEIA SPA et CEIA INTERNATIONAL FRANCE doivent être condamnées aux dépens de première instance et d’appel et à verser, à Monsieur [G] la somme de 3 000 € par application de l’article 700 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant contradictoirement et en dernier ressort,
Infirme en toutes ses dispositions l’ordonnance de référé rendue entre les parties par le président du tribunal de commerce de Pontoise le 16 juillet 2009 ;
Statuant à nouveau :
Ordonne une mesure d’instruction au contradictoire de la société CEIA SPA et désigne pour y procéder :
Monsieur [B] [M]
[Adresse 2]
tél. [XXXXXXXX01]
lequel aura pour mission de :
-se rendre, les parties appelées, au siège de la société CEIA INTERNATIONAL FRANCE ou en tout lieu où sont susceptibles d’être conservés les documents nécessaires à l’accomplissement de sa mission ;
– de consulter les ‘Grands Livres’ des années 2005 à 2008 ;
– de recenser et lister les seules ventes de matériels de détections de métaux destinés à l’industrie agro-alimentaire réalisées, entre le 1er juillet 2005 et le 31 décembre 2008, par l’intermédiaire de la société SVIC ou directement par la société CEIA INTERNATIONAL FRANCE ;
– de prendre connaissance du contrat de travail de Monsieur [K], indiquer sa date de signature et d’effet, le montant de sa rémunération et déterminer les visites et ventes réalisées par ce salarié depuis son embauche jusqu’au 31 décembre 2008 ;
– dresser un rapport de ses opérations et constatations qu’il déposera dans le délai de quatre mois de l’avis de consignation qui lui sera adressé par le service des expertises de la cour d’appel ;
Dit que :
– l’expert devra faire connaître sans délai son acceptation au conseiller chargé du contrôle de l’expertise et devra commencer ses opérations dès l’avis de consignation,
– en cas d’empêchement ou de refus de l’expert, il sera procédé à son remplacement par ordonnance du conseiller chargé du contrôle de l’expertise sur simple requête,
– les frais d’expertise seront provisoirement avancés par Monsieur [G] , demandeur à l’expertise, qui devra consigner la somme de 2.000 euros (deux mille euros) à valoir sur la rémunération de l’expert, auprès du régisseur d’avances et de recettes de la cour d’appel, avant le 15 février 2010, étant précisé qu’à défaut de consignation dans le délai imparti, la désignation de l’expert sera caduque ;
Condamne les sociétés CEIA SPA et CEIA INTERNATIONAL FRANCE à verser à Monsieur [G] la somme de 3 000 € (trois mille euros) en application de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne les sociétés CEIA SPA et CEIA INTERNATIONAL FRANCE aux dépens de première instance et d’appel, autorisation étant donnée aux avoués en la cause, de les recouvrer conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure.
Arrêt prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et signé par Monsieur Jean-François FEDOU, Président et par Madame LOMELLINI, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le GREFFIER, Le PRESIDENT,