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4 octobre 2012
Cour d’appel de Paris
RG n°
11/17783
Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 5
ARRÊT DU 04 OCTOBRE 2012
(n° , 19 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : 11/17783
Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 Février 2008 -Tribunal de Commerce de PARIS – RG n° 2004025675
APPELANTE
S.A. FGM-AROME ET BEAUTÉ, Société de droit chilien, représentée par son Président
Ayant son siège social
[Adresse 5]
Providencia, [A]
CHILI
Représentée par la SELARL RECAMIER AVOCATS ASSOCIES, Me Anne-laure GERIGNY, avocats au barreau de PARIS, toque : K0148
Assistée de Me Corinne KHAYAT et Me Catherine CHAPPELLET, avocats au barreau de PARIS, toque : P 261, plaidant pour la SCP VGGC.
INTIMÉE
S.A. GUERLAIN représentée par son Président et tous Représentants légaux
Ayant son siège social
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Sylvie CHARDIN, avocat au barreau de PARIS, toque : B0718
Assistée de Me Antoine FOURMENT et de Me Michel RASLE, avocats au barreau de PARIS, toque : P 298, plaidant pour la SELARL CARBONNIER LAMAZE RASLE’ASSOCIES
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 28 juin 2012, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposé, devant Madame Colette PERRIN, Présidente chargée d’instruire l’affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Colette PERRIN, Présidente
Madame Patricia POMONTI, Conseillère
Madame Irène LUC, Conseillère désignée par ordonnance de Monsieur le Premier Président de la cour d’appel de Paris en vertu de l’article R 312-3 du code de l’organisation judiciaire pour compléter la chambre.
Greffier, lors des débats : Mademoiselle Emmanuelle DAMAREY
ARRÊT :
– contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Madame Colette PERRIN, Présidente et par Mademoiselle Emmanuelle DAMAREY, Greffier des services judiciaires auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
****
La société de droit chilien FGM-Arôme et Beauté, créée en 1986, a pour activité la distribution de parfums et cosmétiques de luxe au Chili pour plusieurs grande marques dont celles dépendant du groupe LVMH et notamment la société Guerlain.
Le 1er janvier 1999, la société Guerlain et la société FGM-Arôme et Beauté ont conclu un contrat de distribution d’une durée de trois ans renouvelable ensuite pour une durée indéterminée.
En juin 2002, les directions des marques Guerlain et Dior ont fait l’objet d’un regroupement au sein de la filiale de Miami et un nouveau directeur régional Amérique Latine et Caraïbes a été nommé .
A partir de cette date les relations entre les deux sociétés ont connu des difficultés.
Par lettre du 23 mai 2003, la société Guerlain a notifié à FGM la résiliation immédiate de son contrat de distribution .
La société FGM, estimant cette rupture brutale et abusive et faisant état de manquements de la société Guerlain à ses obligations contractuelles, notamment d’une violation de la clause d’exclusivité dont elle bénéficiait, a assigné le 19 mars 2004, la société Guerlain devant le tribunal de commerce en réparation de ses préjudices.
Par jugement du 3 février 2008 le tribunal de commerce de Paris a :
– dit la société FGM-Arôme et Beauté recevable
– condamné la société Guerlain à lui payer la somme de 55 663 611 pesos chiliens ou son équivalent en euros au titre du préjudice subi du fait de la rupture brutale de la relation commerciale établie entre les parties
– débouté la société Guerlain en sa demande reconventionnelle de dommages et intérêts
– ordonné à la société FGM-Arôme et Beauté de restituer à la société Guerlain sous astreinte de 500 euros par jour passé le délai de 60 jours à compter de la signification du jugement, l’intégralité de ses stocks de produits de marque, pour lui être repris aux conditions contractuelles ainsi que le matériel de promotion et de publicité qui avait été mis à sa disposition, dit qu’à défaut d’exécution au terme de ce délai le tribunal qui se réserve la liquidation de l’astreinte pourra à nouveau être saisi
– condamné la société Guerlain à payer à la société FGM-Arôme et Beauté la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile
LA COUR
Vu l’appel interjeté le 2 juillet 2008 par la société FGM-Arôme et Beauté
Vu les dernières conclusions en date du 29 mai 2012 par lesquelles la société FGM-Arôme et Beauté demande à la cour de :
– confirmer le jugement en ce qu’il a considéré que la société Guerlain a rompu de manière brutale et abusive la relation commerciale établie avec la société FGM-Arôme et Beauté
– infirmer le jugement en ce qu’il a octroyé à la société FGM-Arôme et Beauté un préavis de onze mois et demi et la somme de 55 663 611 pesos chiliens ou son équivalent en euros en réparation de son préjudice et en ce qu’il a rejeté les autres demandes indemnitaires en particulier ses demandes au titre de la réparation de la violation de son exclusivité territoriale
En conséquence
– dire et juger que la société Guerlain a commis des manquements contractuels en procédant à des ventes directes au profit d’entreprises tierces sur le territoire contractuel incluant le marché local chilien et les zones franches d’Iquique et de Puntas Arenas, concédé à titre exclusif à FGM-Arôme et Beauté en violation des articles1 et 2 du contrat
– dire et juger que la société Guerlain a manqué à ses obligations contractuelles en modifiant unilatéralement les conditions d’exécution du contrat:
. en refusant ou s’abstenant de communiquer à la société FGM-Arôme et Beauté les éléments essentiels à la distribution des produits contractuels et en supprimant les visites rendues au Chili à la société FGM-Arôme et Beauté pendant plus de six mois
. en rompant les engagements pris au titre du financement des meubles Guerlain
. en réduisant sa participation au budget publicitaire
. en modifiant les conditions antérieures de prise en charge des salariés de la marque Guerlain
. en cessant brutalement tout remboursement des frais avancés par la société FGM-Arôme et Beauté pour le compte de la société Guerlain
– dire et juger que la rupture du contrat de distribution est irrégulière au regard des dispositions de l’article 11.2 du contrat relatives à la rupture anticipée du contrat
– dire et juger qu’aucun des griefs invoqués par la société Guerlain à l’appui de la résiliation unilatérale du contrat n’était de nature à justifier sa rupture immédiate et sans préavis
– dire et juger que la rupture du contrat de distribution imputable à la société Guerlain est abusive
– dire et juger qu’en application des dispositions d’ordre public de l’article L442-6 1 5° du code de commerce dont l’application , conformément à la Convention de Rome, ne saurait être écartée au profit de la loi chilienne, la durée du préavis raisonnable dont la société FGM-Arôme et Beauté aurait dû bénéficier ne saurait être inférieur à 18 mois
– dire et juger que cette rupture brutale et abusive ainsi que les manquements contractuels de la société FGM-Arôme et Beauté ont causé un préjudice à la société FGM-Arôme et Beauté
En conséquence
– condamner la société Guerlain à payer à la société FGM-Arôme et Beauté la somme totale de 1 469 024 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice et se décomposant comme suit:
. 473 288 euros au titre du préjudice subi du fait de la violation de la clause d’exclusivité contractuelle pendant la période de janvier 1999 à juin 2003
. 149 478 euros au titre du préjudice subi du fait de la rupture brutale de la relation commerciale établie de 12 ans
. 3 428 euros au titre des frais de licenciements auxquels la société FGM-Arôme et Beauté a été contrainte
. 51 946 euros au titre de la reprise des stocks de produits Guerlain déjà restitués à la société Guerlain par la société FGM-Arôme et Beauté
. 21 769 euros au titre du préjudice subi du fait des restitutions de produits
. 153 449 euros au titre des factures impayées
. 500 000 euros au titre de son préjudice moral
– condamner la société Guerlain à lui payer la somme de 30 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile
La société FGM fait observer que la société Guerlain admet avoir commis des violations de l’exclusivité territoriale qui lui avait été consentie.
Elle soutient qu’à compter de l’été 2002 la nouvelle direction de la société Guerlain et Dior à Miami a modifié unilatéralement les conditions d’exécution du contrat et mis en place une stratégie d’éviction de FGM qui a abouti le 23 mai 2003 soit 8 mois plus tard à la résiliation unilatérale et sans préavis du contrat de distribution en violation des termes du contrat.
Elle expose que l’exclusivité dont elle bénéficiait porte sur le marché local chilien dont font partie notamment les magasins compris dans la zone des vols nationaux dits duty paid, boutiques qui ont été approvisionnées directement par la société Guerlain.
Elle reproche également à la société Guerlain d’avoir approvisionné les boutiques de l’entreprise Aldeasa ainsi que des boutiques situées en zone franche d’Iquique et de Punta Arenas.
Au titre de la modification des conditions d’exécution, elle fait valoir que la société Guerlain:
– a refusé de lui adresser la liste des prix à FGM
– ne lui a pas adressé le plan marketing 2003
– n’a pas répondu à ses demandes relatives au paiement des concours, à l’envoi des CD
– a cherché à suspendre tout investissement
– a refusé de financer des meubles d’exposition de ses produits
– a cherché à réduire sa participation au budget publicitaire
– a refusé de régler ses factures malgré des relances
– a cessé ses visites
– a cessé de répondre à ses demandes
La société FGM soutient que les dispositions de l’article L442 en matière de rupture des relations commerciales sont applicables dès lors que le contrat international est soumis à la loi française et que le distributeur, partie au contrat, est en droit d’en revendiquer l’application.
Sur la durée des relations commerciales, elle fait valoir qu’elle a commencé ses activités en 1986 et qu’elle a noué des relations avec la société Guerlain en 1991, lesquelles ont été formalisées par un contrat en 1999.
Elle fait valoir qu’elle n’a bénéficié d’aucun préavis et conteste les griefs avancés par la société Guerlain;
Vu les dernières conclusions en date du 7 juin 2012 par lesquelles la société Guerlain demande à la cour de :
– dire et juger qu’il est justifié de la gravité des manquements et des agissements de la société FGM Arômes et Beauté en violation de ses obligations contractuelles et des conséquences dommageables pour la société Guerlain et ses produits sur le marché Chilien
– dire que les manquements allégués par la société FGM-Arôme et Beauté ne peuvent justifier ses fautes et agissements
– dire et juger que c’est à juste titre que la société Guerlain a mis un terme de manière anticipée au contrat de distribution
– dire et juger l’article L442-6,I,5 ° du code de commerce inapplicable, la loi française ne gouvernant que les actions de nature contractuelle et le droit chilien seul applicable en raison de la localisation de fait dommageable, ne comportant pas de dispositions spécifiques réprimant la rupture brutale d’une relation commerciale établie
– dire et juger que la société FGM-Arôme et Beauté ne peut valablement invoquer les dispositions de l’article L442-6,I,5 ° du code de commerce, ce texte excluant son application lorsque la rupture résulte de l’inexécution par l’autre partie de ses obligations
– dire et juger que les multiples violations contractuelles imputables à la société FGM-Arôme et Beauté, les graves agissements dûment constatés et les menaces pesant sur la marque Guerlain imposaient la rupture immédiate et sans préavis du contrat de distribution
– dire et juger que la société Guerlain s’est strictement conformée aux dispositions de la clause résolutoire stipulée au contrat
– dire et juger que la société FGM-Arôme et Beauté ne justifie d’aucun préjudice réparable et ne peut prétendre à compensation à aucun titre y compris au titre de la restitution du stock de produits périmés de son fait
– dire et juger sans fondement le calcul du préjudice au titre des ventes directes de la société Guerlain évalué par la société FGM-Arôme et Beauté à la somme de 473 288€ ou 465 008 dollars [Localité 8] et l’en débouter
– dire et juger que la société FGM-Arôme et Beauté ne peut prétendre avoir subi un manque à gagner supérieur à 91 386,90 dollars [Localité 8] ( 66 867,80€) du chef des ventes directes de la société Guerlain à Aldeasa duty paid et à des détaillants des zones franches d’Iquique et de Punta Arenas
– dire et juger la rupture du contrat de distribution imputable aux torts et griefs exclusifs de la société FGM-Arôme et Beauté
En conséquence, confirmer le jugement entrepris et recevoir la société Guerlain en son appel incident
Y faisant droit,
– dire et juger que la société Guerlain s’est conformée aux dispositions du contrat en mettant régulièrement en demeure FGM-Arôme et Beauté par lettre recommandée du 10 mars 2003 préalablement à la notification de la rupture en date du 23 mai 2003
– dire et juger que la gravité des agissements de la société FGM-Arôme et Beauté et l’urgence d’y mettre un terme auraient justifié la résiliation immédiate du contrat
– dire et juger la rupture du contrat exempte de tout caractère brutal
– condamner la société FGM-Arôme et Beauté au paiement de la somme de 1 million d’euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par la société Guerlain
– condamner la société FGM-Arôme et Beauté au paiement de la somme de 20 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile
La société Guerlain fait valoir la légitimité de la rupture sans préavis au regard de la gravité des manquements reprochés à la société FGM
Elle reproche à la société FGM d’avoir:
– totalement délaissé la distribution de la marque
– détourné une partie du budget publicitaire
– vendu des produits Guerlain au détail à des consommateurs
– écoulé sur le marché des produits Guerlain retirés de la vente
– exposé et vendu des produits concurrents sur des comptoirs Guerlain réservés aux produits de la marque
En réponse aux griefs de la société FGM, elle fait valoir quelle n’a pas volontairement porté atteinte à l’exclusivité consentie à FGM, ni dissimulé des faits ;
Au sujet de ces ventes elle conteste les chiffres avancés par la société FGM . Elle affirme que les ventes directes réalisées par erreur qu’elle reconnaît à hauteur de 23 000 euros par an n’ont pu que générer un préjudice symbolique à la société FGM de même que les ventes en duty paid et les ventes à destination des zones franches.
La Cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions initiales des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, par application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile
MOTIFS
Sur la violation de l’exclusivité contractuelle alléguée par la société FGM :
Considérant que, si la société Guerlain ne conteste pas avoir revendu des produits à trois revendeurs des zones franches chiliennes, elle affirme l’avoir fait sans avoir eu conscience de porter atteinte à l’exclusivité territoriale de FGM et prétend que cette atteinte n’a pas causé de préjudice à la société FGM qui ne disposait pas de revendeurs dans cette zone;
Considérant que la société FGM fait valoir au contraire que la société Guerlain n’a eu de cesse de minimiser ces ventes en dissimulant au tribunal des informations essentielles de sorte que sa demande indemnitaire à ce titre a été rejetée;
Considérant que l’article 1 du contrat stipule « Guerlain concède au distributeur qui l’a accepté le droit exclusif d’importer et de vendre les produits dans le territoire »;
Que l’article 2 définit ainsi le territoire : « Le terme territoire vise le marché local du Chili et les zones franches d’impôts d’Iquique et de Punta Arenas »;
Considérant qu’en cause d’appel la société FGM produit quatre factures établies par la société Guerlain en août et décembre 2001, correspondant à des livraisons effectuées depuis son entrepôt français à destination de la société Importaciones Eximbien à Iquique au Chili;
Que la société Guerlain fait valoir qu’il s’agit de livraisons effectuées par erreur ; que, toutefois, à la suite de la sommation qui lui a été délivrée par la société FGM d’en justifier, elle a fait valoir ne pouvoir y donner suite que pour la période de 2001 à 2003, les archives pour la période antérieure au 1er janvier 2002 ayant été détruites ; qu’elle ne verse qu’une attestation de son commissaire aux comptes pour la période 2002/2003 qui indique ne pas avoir mis en oeuvre de procédure pour s’assurer de l’existence éventuelle de relations commerciales avec d’autres distributeurs sur le marché chilien que ceux recensés sur l’état récapitulatif, étant observé que cet état récapitulatif a été dressé par le directeur financier de la société Guerlain ;
Qu’en revanche, la société FGM produit deux certificats établis par l’administration des douanes chiliennes qui démontrent que la société Guerlain a réalisé, entre le 16 mars 1999 et le 30 novembre 2001, 76 opérations d’importation de ses produits dans la zone franche d’Iquique dont aucune n’était destinée à la société FGM et au cours des mois d’octobre 1999, mars et octobre 2000, août et octobre 2002, 25 opérations d’importation de ses produits dont 10 seulement étaient destinées à FGM ;
Qu’il résulte des factures produites par la société Guerlain qu’en 2001, 12 ont été adressées à la société Terra Australis distributeur dans la zone franche de Punta Arenas pour un montant de 29 580€ et une facture en 2002 pour un montant de 4 188€ ;
Qu’ainsi il est justifié pour les seules années 2001 et 2002 que la société Guerlain a réalisé des ventes directes auprès de deux distributeurs situés dans les zones franches d’Iquique et de Punta Arenas lesquels faisaient partie du territoire concédé à titre exclusif à la société FGM;
Que la société Guerlain fait état de la situation particulière des aéroports et fait valoir qu’il existe un marché spécifique concernant les zones aéroportuaires dites duty free et duty paid avec des produits spécifiques par leur conditionnement, leurs modalités de présentation (coffret), leur exposition à la vente de sorte que ce marché est distinct du marché local avec lequel il ne saurait entrer en concurrence ;
Qu’elle reconnait avoir vendu à la société Aldeasa en charge des boutiques de l’aéroport de [A] , cette société ayant neuf magasins dont cinq situés dans la zone internationale, après le passage en douane dite « duty free » et quatre dans la zone domestique dite « duty paid »;
Que la comparaison des contrats de distribution conclus par la société Guerlain d’une part avec la société FGM, d’autre part avec la société Givenchy démontre que dans ce dernier cas, le contrat a prévu expressément l’exclusion des deux zones ; qu’il convient d’en déduire que telle n’était pas l’intention des deux parties à l’occasion du contrat liant les sociétés Guerlain et FMG;
Que le marché dit duty paid ne bénéficie sur le sol chilien d’aucun statut particulier le distinguant du marché domestique;
Que même si la société FGM connaissait la situation particulière de la socété Aldeasa au motif que l’une de ses filiales a mis à disposition de la société Aldeasa une de ses salariées dont le salaire était pris en charge par la société Guerlain, il convient de relever qu’elle s’en est plaint sans que la société Guerlain réagisse ;
Qu’ainsi en procédant à des ventes directes alimentant des magasins situés dans des zones aéroportuaires situées en dehors du duty free international la société Guerlain a violé sciemment l’exclusivité territoriale de la société FGM;
Qu’enfin l’article 1er du contrat stipule que « Guerlain prendra toute mesure raisonnable pour empêcher toute importation illicite des produits dans le territoire »;
Que par courrier du 4 janvier 2002, la société FGM lui a indiqué qu’elle se trouvait confrontée à « une augmentation du marché parallèle irrégulier qui nous affaiblit face aux négociations avec les détaillants et limite notre présence sur le marché »;
Que par lettre du 13 mars 2003, la société FGM a également attiré l’attention de la société Guerlain sur l’approvisionnement des boutiques Aldeasa situées en dehors de la zone duty free;
Que la société Guerlain a de façon constante affirmé que ces approvisionnements provenaient d’autres marchés alors qu’elle-même par le biais de son service travel retail était à l’origine d’une partie de ceux-ci.
Que la société Guerlain expose que les zones franches de Punta Arenas et d’Iquipe n’avaient qu’un intérêt limité pour la société FGM dans la mesure où celle-ci ne disposait d’aucun point de vente et que l’article 8 du contrat oblige la société FGM à « obtenir de Guerlain son accord préalable avant de vendre les produits à tout nouveau détaillant », autre que ceux visés à l’annexe 5 ;
Que les termes du contrat et l’annexe jointe mettent en évidence que les deux parties ont entendu fixer une liste de détaillants que la société FGM était autorisée à approvisionner; qu’en conséquence afin de pouvoir livrer un nouveau détaillant, FGM devait obtenir l’autorisation de Guerlain ;
Que la société FGM fait valoir qu’elle disposait par l’intermédiaire de la société [M] dans laquelle elle avait des intérêts capitalistiques de trois points de vente à Iquique et qu’en raison des conditions de vente dans les zones franches similaires à celles des duty free, la société Guerlain livrait directement la société [M] afin de se conformer à la législation chilienne qui exige que les marchandises entreposées en zone franche proviennent de l’étranger ;
Que la société Guerlain reconnaît avoir accepté de procéder à une livraison à la société [M], avoir ensuite fait retirer par FGM des produits en stock à Iquique pour les replacer sur le marché intérieur, enfin lui avoir fait également détruire ceux retirés de la vente car périmés, ce qui démontre que la société FGM gérait les stocks de produits Guerlain de cette société et avait donc un intérêt dans la distribution des produits Guerlain en zone franche;
Que la société Guerlain ne peut prétendre que les livraisons faites à la société [M] ne participaient pas du contrat de distribution de la société FGM sauf à admettre avoir effectué celles-ci en violation de l’exclusivité territoriale dont bénéficiait la société FGM;
Que de plus, la société Guerlain a écrit à la suite de la visite sur place les 18 et 19 avril 2002 de son représentant « J’ai profité de mon déplacement à Iquique pour visiter vos points de vente. Trois points de vente au total : 1113, 1131 et 2087 », points de vente pour lesquels la société FGM souhaitait un agrément ;
Que les approvisionnements directs par la société Guerlain des grossistes et détaillants des zones franches ne pouvaient qu’influer négativement sur la demande d’agrément sollicitée par la société FGM pour l’ouverture de nouveaux points de vente dans la mesure où la société Guerlain avait déjà deux autres distributeurs;
Qu’ainsi, contrairement aux affirmations de la société Guerlain, les ventes directes n’ont pas constitué un phénomène isolé qui aurait pu relever d’une erreur , les seules importations pour les zones franches ont fait l’objet pour les années 2001 et 2002 de 45 factures pour un montant de 101 350 USD soit plus de 48 % des achats réalisés sur la même période par la société FGM ;
Que, s’agissant des ventes directes à la société Aldeasa, la société FGM se réfère à la configuration actuelle de l’aéroport de [A] qui comporte 9 magasins dont quatre en zone duty paid et chiffre son préjudice au prorata de cette répartition ; que, si elle verse une lettre des douanes chiliennes de 2006 faisant état de l’exploitation de quatre duty free sans préciser le nombre de duty paid, ce courrier ne permet pas de retenir une évolution de la configuration des boutiques de nature à inférer sur le montant du préjudice de la société FGM;
Que la société Guerlain fait valoir que la marge doit s’appliquer aux prix qu’elle même a facturé à la société Aldeasa et aux importateurs des zones franches;
Que ce raisonnement ne peut être retenu dans la mesure où la perte de la société FGM est constituée par la marge que celle-ci aurait pratiquée sur les reventes aux détaillants ;
Qu’il y a lieu de retenir un seul mode de calcul dans la mesure où, si la société FGM a envisagé d’ouvrir des points de vente en zone franche auquel cas elle aurait également été détaillant, elle n’a fait une demande d’agrément à ce titre auprès de la société Guerlain qu’au cours des derniers mois de leur relation commerciale; qu’elle ne peut en conséquence pas se prévaloir d’un préjudice à ce titre et que son seul préjudice est celui subi en tant que distributeur revendeur auprès de détaillants ;
Qu’il n’est pas contesté que la société FGM s’est vue imposer un taux de marge de 45%;
Que la société Aldeasa a procédé à des achats de produits Guerlain pour un montant de 104 474, 12 USD en 2001, de 39 536,06USD en 2002 et de 30 545,86USD au premier semestre 2003 soit un total de 174 556USD dont une partie était nécessairement destinée aux quatre magasins duty paid ;
Que la société FGM expose que les ventes en duty paid déclarées pour l’année 2002 ont représenté 40,88% des ventes en duty free, soit 11 473,34USD ce qui représente un montant mensuel à hauteur de 956USD; qu’il y a lieu de retenir ce chiffre sans qu’il soit utile de procéder à une évaluation au prorata du nombre de boutiques situées à l’intérieur du territoire domestique chilien ; qu’en conséquence le montant des ventes au titre des magasins duty paid sur la période du 1er janvier 2001 au 23 mai 2003 sont de l’ordre de 27 724€ et la société FGM ne peut prétendre qu’au préjudice lié à la perte de marge de 45% qu’elle aurait réalisée sur ces ventes;
Que cette perte de marge concernant les magasins duty paid doit être ajoutée à celle sur les ventes effectuées par la société Guerlain en zones franches pour un montant de 101 350 USD ce qui représente la somme totale de 129 074 USD;
Que faisant application du coefficient de prix grossiste contractuellement convenu de 3,16 et du taux de marge de 45%, la cour chiffre à 183 232 USD le préjudice subi par la société FMG pour la période de janvier 2001 à mai 2003 ce qui représente une perte annuelle à hauteur de 75 816USD soit une perte mensuelle de 6318 USD soit pour cette période 183 222 USD ( 75816 * 2 + 31590 ) ou son équivalent en euros selon les taux de change en vigueur au 31 décembre de chaque année échue et au 23 mai 2003;
Que la société Guerlain n’ayant pas contesté l’existence de ces ventes au cours des années antérieures, il y a lieu de fixer le préjudice de la société FMG au prorata de cette somme et de lui allouer pour les années 1999 et 2000 la somme de 151 653USD ou son équivalent en euros selon les taux de change en vigueur au 31 décembre pour chacune des années 1999 et 2000;
Qu’il y a lieu en conséquence de condamner la société Guerlain à payer à la société FGM la somme totale de 334 855USD ou son équivalent en euros et aux intérêts précités;
Sur les autres manquements allégués par la société FGM
Considérant que la société FGM expose que la société Guerlain a mis en oeuvre une stratégie d’éviction afin de lui substituer un nouveau distributeur , la société Tais et de réunir ainsi la distribution des produits Dior et Guerlain entre les mains d’un seul distributeur, cette stratégie ayant consisté à modifier unilatéralement les conditions d’exécution du contrat et à multiplier à son endroit les reproches injustifiés ;
Que la société FGM fait valoir que malgré plusieurs relances elle n’a obtenu que très tardivement le plan Marketing soit à peine plus d’un mois avant le commencement de l’année 2003 ce qui ne lui a pas permis d’établir sa stratégie pour 2003 , ni de participer aux négociations d’emplacements dans les grands magasins ;
Que si l’article 10.4 du contrat stipule que le distributeur devait adresser à son fournisseur un plan annuel, celui-ci ne saurait inclure le plan marketing .
Que la société Guerlain ne peut contester être débitrice de cette obligation, ayant écrit le 25 novembre 2002 « Concernant le plan marketing 2003, comme vous en êtes informé, Guerlain Amérique Latine n’avait pas encore envoyé un plan formel pour l’année 2003 puisque les éléments restaient à formaliser. Il a maintenant été finalisé et vous le recevrez bientôt »;
Que ce courrier démontre que si ce plan a finalement été transmis par la société Guerlain, il l’a été tardivement;
Que l’examen du plan marketing met en évidence que celui-ci a pour objet de cibler certains produits de la marque, choix relevant de la marque et non du distributeur mais dont la connaissance lui était indispensable pour la mise en oeuvre de sa propre politique commerciale; qu’ainsi par courrier du 7 décembre 2001, la société Guerlain a indiqué une modification du plan déjà transmis en raison du lancement du produit Samsara shine en mars 2002 au lieu de 2001 et indique « Je joins à la présente le plan marketing mis à jour »;
Qu’il s’ensuit que sa communication tardive a constitué une gêne certaine pour le distributeur;
Considérant que la société FGM fait grief à la société Guerlain d’avoir refusé de financer des meubles d’exposition en violation d’accords déjà conclus et des engagements pris par la société FGM de les fournir aux grands magasins ainsi que d’avoir cherché à suspendre tout investissement ;
Que la société Guerlain reconnaît que le contrat laissait aux parties le soin de décider au cas par cas des modalités de financement des comptoirs et qu’elle avait jusque là entièrement financé tous les comptoirs ;
Que, par courrier du 28 août 2002, la société Guerlain indique qu’il a été convenu de l’installation de trois stands et que la société FGM a donné son accord pour en financer deux et qu’elle a accepté lors d’une réunion en juillet d’assurer la moité du financement global , demandant à la société FGM de « confirmer son accord »et indiquant « il s’agit pour Guerlain d’une nécessité que ces trois comptoirs soient installés avant la fin 2002 »;
Que, par courrier du 25 novembre 2002, la société Guerlain a informé la société FGM du report de ces investissements ;
Que, si l’article 8.2 du contrat faisait obligation à la société FGM de soumettre à la société Guerlain toute ouverture de stands dédiés à la marque, il convient de relever que la société Guerlain avait en l’espèce donné son accord pour l’installation des meubles et accepté de financer la moitié des meubles, démontrant par là-même son accord sur l’ouverture des points de vente concernés, ; que dès lors elle ne saurait se prévaloir de cette clause pour justifier sa décision qui mettait en difficulté son distributeur vis à vis des détaillants concernés;
Que la société Guerlain reconnaît avoir cherché à réduire le budget publicitaire convenu par les parties en le ramenant de 15 à 10% ;
Considérant que la société FGM reproche à la société Guerlain d’avoir cessé d’effectuer ses visites habituelles au Chili destinées au développement de sa marque entre le mois d’octobre 2002 et avril 2003 pour ne plus s’occuper que de la marque Dior ou contrôler les points de vente FGM un mois avant la rupture;
Que la société Guerlain fait état de visites sur place en mars, avril , juillet et septembre/octobre 2002 ainsi qu’en mars et avril 2003 ; que FGM ne démontre pas l’absence de visite de son fournisseur, ni si c’était le cas d’une exigence formulée par elle qui n’aurait pas été satisfaite ; que ce grief n’est dès lors pas fondé;
Sur la demande de la société FGM au titre de factures impayées
Considérant que la société FGM reproche à la société Guerlain de ne pas lui avoir réglé des factures pour un montant de 189 418USD soit 153 440 euros;
Que les premiers juges ont rejeté la demande de la société FGM en considérant que les factures n’étaient pas certifiées conformes ; que le droit français ne dispose pas d’une telle obligation en matière de facturation ;
Que la société Guerlain conteste cette demande et fait valoir que, d’une part par un courrier en date du 8 novembre 2002 , la société FGM indiquait avoir procédé à la compensation de factures en raison de retards de paiement et chiffrait le solde que la société Guerlain restait lui devoir à la somme de 19 341,78USD, d’autre part que ce courrier faisait suite à celui qu’elle-même avait adressé à la société FGM le 28 août 2002 lui rappelant qu’elle avait un solde impayé de 88 851,85USD au 27 avril 2002 ;
Qu’en opérant une compensation, la société FGM se reconnaissait débitrice ;
Que la société FGM, après avoir réclamé la somme de 204 792,11US a émis le 21 mars 2003 une facture pour un montant de 235 895,11USDet correspondant à :
des frais d’exploitation engagés pour la société Guerlain
des frais promotionnels engagés pour la société Guerlain
des meubles d’exposition
les salaires des superviseurs directs
les salaires des superviseurs indirects
les salaires des consultants des points de vente ;
Qu’elle ne démontre pas de la réalité des prestations ainsi visées , ni qu’elles étaient à la charge de la société Guerlain;
Qu’il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté la société FGM de ses demandes à ce titre ;
Sur l’imputabilité de la rupture des relations commerciales
Considérant que la société FGM a conclu à la confirmation du jugement en ce qu’il a considéré que les fautes qu’elle avait commises n’étaient pas d’une gravité suffisante pour justifier une rupture du contrat sans observation d’un délai de préavis raisonnable sauf à critiquer le préavis octroyé comme insuffisant sur le fondement de l’article L442-6,5° du code de commerce ;
Considérant que la société Guerlain soutient que les fautes reprochées à la société FGM étaient d’une gravité telle qu’elles rendaient impossible la poursuite du contrat;
Qu’elle conclut à une fin de non recevoir au motif que les dispositions de l’article L442-6,5° du code de commerce engagent la responsabilité délictuelle de leur auteur et que la loi applicable est celle de l’Etat où le fait dommageable s’est produit nonobstant la loi désignée par le contrat;
Que, toutefois, au terme de l’article 3 du code civil, les obligations extracontractuelles sont régies par la loi du lieu où est survenu le fait qui leur a donné naissance ; que le fait générateur est constitué par la rupture du contrat prononcée en France par la société Guerlain ;
Que de plus, en cas de délit complexe lorsque le lieu du fait générateur et le lieu de réalisation du dommage sont distincts, il y a lieu de rechercher le pays présentant les liens les plus étroits avec le fait dommageable, un tel lien pouvant résulter de la relation contractuelle préexistante entre les parties, en l’espèce des relations commerciales de plus de 12 ans que les parties ont formalisé par un contrat conclu à Paris et désignant le droit français comme loi applicable et le tribunal de commerce de Paris comme juridiction compétente ;
Qu’enfin les dispositions de l’article L442-6,5° du code de commerce en ce qu’elles sont cruciales pour l’organisation de l’ordre économique et constituent des dispositions de police présentent un caractère impératif qui leur permet en vertu de l’article 7 de la convention de Rome de régir la situation ;
Qu’il y a lieu en conséquence de rejeter la fin de non recevoir soulevée par la société Guerlain;
Considérant que la société Guerlain fait valoir que le contrat de distribution comporte une clause résolutoire de plein droit s’appliquant en cas de :
.cession ou de changement de contrôle du distributeur
.non atteinte par le distributeur du chiffre d’affaires minimum d’achat de l’année écoulée
.défaut d’accord des parties sur la révision du montant minimum d’achat au plus tard à la fin du mois de janvier de l’année concernées
.cessation des paiements, liquidation ou autre hypothèse d’insolvabilité
.non respect ou violation par le distributeur de l’une quelconque des obligations du contrat et dans cette hypothèse si le manquement est susceptible de remède, un délai de 30 jours à compter d’une notification infructueuse ;
Que la société Guerlain affirme qu’en l’absence de mesures susceptibles de remédier aux manquements relevés, elle avait, après une lettre du 23 janvier 2003 par laquelle elle avait demandé à FGM de s’expliquer sur l’état du marché chilien, sur l’état de son stock et de communiquer les justificatifs de l’emploi du budget publicité et de promotion pour les années 2001 et 2002, notifié par une lettre du 10 mars 2003 qu’elle se réservait « d’exercer tous les droits résultant de l’accord de distribution en ce compris le droit de mettre fin à notre accord pour protéger nos opérations au Chili » ;
Qu’elle estime que ce courrier constitue une mise en demeure non équivoque et que la société FGM n’a pas dans le délai de 30 jours répondu à ses demandes ;
Que toutefois ce courrier a été suivi d’une réunion et d’une lettre en date du 1er avril 2003 dans laquelle la société Guerlain a écrit « Nous vous avons demandé à plusieurs reprises de nous envoyer votre business plan et votre stratégie pour notre marque….
Enfin dans votre courrier en date du 21 mars vous nous avez informé que notre marque avait été évincée d’une chaîne clé de department stores au Chili- Falabella- et une fois de plus vous avez demandé à Guerlain des dédommagements indiquant également « Nous avons apprécié avec [W] [V] d’avoir pu parler des différents points en suspens. Nous espérons réellement être ainsi parvenus à la même compréhension de la situation »;
Qu’en conséquence, le courrier du 10 mars qui faisait grief à la société FGM de ne pas avoir apporté de réponse au précédent mais n’articulait aucun grief précis sur des manquements du distributeur à ses obligations contractuelles ne saurait constituer une interpellation suffisante et valant mise en demeure ;
Qu’il s’ensuit que la résiliation résulte du seul courrier du 23 mai 2003 à effet immédiat ;
Que la société Guerlain soutient qu’aux termes de l’article 11.2.2 du contrat, la résiliation pouvait être notifiée immédiatement au distributeur si le manquement ou la violation n’était pas susceptible de remède .
Que l’article 11.2.2 du contrat stipule que « Cependant dans l’hypothèse où le distributeur commettrait une violation manifestement sérieuse telle qu ‘en serait affectée en particulier la réputation de la marque Guerlain, Guerlain aura le droit de suspendre immédiatement l’exécution du présent accord et de prendre directement en charge la fourniture des clients sur le territoire »;
Qu’il convient de relever que la notification faite par la société Guerlain ne fait pas état d’une procédure de suspension et que la société Guerlain n’a pas pris en charge directement la fourniture des clients mais a fait choix d’un nouveau distributeur pour remplacer la société FGM ; qu’il s’agit en l’espèce d’une rupture des relations commerciales ;
Considérant que l’article L 442-6-I-5 du code de commerce dispose qu’ ‘ engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels sauf en cas d’inexécution par l’autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure ;
Considérant que la société Guerlain reproche à son distributeur d’avoir commis des fautes graves, attentatoires à la marque Guerlain, insusceptibles de remèdes et justifiant une résiliation immédiate ;
Considérant que la société Guerlain soutient que la société FGM qui distribuait plusieurs autres marques de luxe a délibérément abandonné la marque Guerlain; qu’elle se fonde sur des statistiques établies par la société Segmenta dont elle est la cliente et qui ne présentent donc pas un degré d’objectivité suffisant d’autant qu’elles sont contredites par le rapport d’audit du cabinet d’expertise comptable Ahumada produit par la société FGM;
Que la société Guerlain ne saurait reprocher à la société FGM le non respect des minima de vente antérieurs à la reconduction du contrat de distribution en 2002 ou de minima contractuels en 2002 ou 2003 alors que leur montant n’a pas été fixé de façon précise et en tout état de cause n’a jamais été accepté par la société FGM ; que la société Guerlain a d’ailleurs conclu que « La question de la légitimité de la rupture ne dépend pas de l’atteinte ou de la non atteinte des minima contractuels »;
Que d’ailleurs, la société Guerlain a reconduit le contrat du 1er janvier 1999 qui comportait des objectifs qui n’ont jamais été atteints sans avoir formalisé la moindre observation, félicitant au contraire son distributeur pour les résultats obtenus soit une hausse de 30% du chiffre d’affaires entre 2000 et 2001 et reconnaissant que le report du lancement de certains produits et la hausse de ses prix n’avaient pas permis d’atteindre le chiffre d’affaires escompté;
Que la société Guerlain n’a jamais invoqué les dispositions de l’article 11.2.3 du contrat qui lui donnaient la possibilité de résilier, pendant le premier trimestre calendaire , l’accord de distribution avec effet immédiat en cas de non atteinte par le distributeur de ses objectifs de l’année précédente;
Que, de plus, le contrat a prévu en cas de renouvellement tacite que les objectifs d’achats et de chiffre d’affaires devaient être révisés d’un commun accord entre les parties ce qui n’a pas été le cas, la société Guerlain mentionnant dans ses différents courriers des objectifs d’achats variables ;
Que la société Guerlain a écrit le 7 décembre 2001 :
« Par rapport à octobre 2000, la hausse est de 31% en dollars et de 53% en pesos chiliens en raison de la dévaluation de la monnaie….
Nous devrions clôturer l’année 2001 avec un chiffre d’affaires d’environ 400 000USD ce qui représente une hausse de 35% par rapport à 2000.
Pour l’année 2002, l’objectif minimum que nous nous sommes fixés est de 600 000 USD qui représenterait une hausse de 50% par rapport à l’année précédente »;
Que la société FGM justifie d’un chiffre d’affaires qui au moment de la rupture, soit sur 4 mois et demi, était de 218 247USD et en hausse alors qu’il avait déjà progressé de 346 446USD en 2001 à 355 579USD en 2002 , chiffres qui démontrent qu’elle se situait dans les objectifs souhaités par la marque;
Considérant que la société Guerlain prétend que sa marque a été déférencée de la chaîne de magasins [B] alors qu’elle a seulement été avisée par la société FGM que cette chaîne souhaitait procéder à un retour de stocks; que la société FGM produit une attestation du dirigeant de cette chaîne qui atteste que les produits Guerlain ont continué à être commercialisés dans ses 14 points de vente et que ceux-ci ont été fournis par FGM jusqu’au mois de mai 2003;
Considérant que la société Guerlain soutient que la société FGM aurait affecté le budget publicitaire de la marque Guerlain à d’autres marques ; qu’il s’agit d’une affirmation reposant sur la critique d’une technique publicitaire ayant consisté à présenter côte à côte des produits de différentes marques sans que celle-ci soit imputable à FGM, qui justifie par ailleurs de pages publicitaires entières ayant eu pour seul objet un parfum Guerlain ; que l’association de produits de luxe, fussent-ils de marque différente, ne banalise pas pour autant l’une d’elles ;
Considérant que la société Guerlain reproche à son distributeur d’avoir vendu au détail et produit trois certificats notariés constatant des achats réalisés le 25 octobre 2002 par Mme [O] [P] [H] [X] et le 12 mai 2002 par Mme [S] [L] de plusieurs marques dont la sienne au siège de la société ;
Que la société FGM fait valoir qu’il s’agit d’une pratique ancienne connue et acceptée par Guerlain et produit une attestation de M.[R] [E], directeur régional de la marque Guerlain entre 1989 et 1997 qui atteste « les ventes spéciales (produits périmés et autres) ou avec remises furent effectuées uniquement dans le magasin interne de la société , exclusivement à ses employés, leurs familles et invités spéciaux »;
Que la société FGM mentionne que le distributeur des produits Guerlain qui lui a succédé possède aussi un store office au sein duquel il procède aussi à des ventes aux consommateurs avec des réductions de prix pouvant atteindre 65% et donnant lieu à des publicités;
Que si la société Guerlain reproche à la société FGM d’avoir reçu des commandes qu’elle a fait livrer par bus, la société FGM affirme qu’il s’agissait de commandes de ses détaillants, sans que la preuve contraire soit rapportée;
Considérant que la société Guerlain reproche à la société FGM d’avoir procédé à l’écoulement clandestin de stocks de produits retirés du marché ;
Que la société FGM verse trois certificats en date des 2 et 4 octobre 2001 attestant de destructions de produits qu’elle a fait authentifier par acte notarié; que la société Guerlain ne peut prendre prétexte de la date d’authentification pour remettre en cause l’un d’eux;
Considérant que la société Guerlain reproche à la société FGM d’avoir utilisé ses comptoirs pour exposer des produits concurrents et produit un constat dressé le 9 avril 2003 par Maître [K] [D] [G], notaire à [A], dans deux magasins Almacenes Paris situés dans deux centres commerciaux de [A];
Que celui-ci a mentionné « je me suis rendu…. aux fins de constater la présence d’un counter d’exposition des produits de parfumerie de la marque Yves Saint Laurent »;
Que si des photographies et un épigraphe apposé sur celles-ci ont été produits avec le constat, la société FGM produit une attestation de Maître [K] [D] [G] qui affirme ne pas en être l’auteur ;
Que de plus ces photographies ne sont pas datées et comportent un commentaire en anglais alors que le constat a été dressé en espagnol ; qu’un cachet y est apposé alors que l’une des photographies avait déjà été communiquée sans cachet;
Qu’en toute hypothèse, l’utilisation des comptoirs Guerlain relevait de la responsabilité des détaillants et non de la société FGM ;
Qu’enfin plusieurs intervenants de l’industrie du luxe et notamment les représentants des enseignes en charge de la vente des produits Guerlain au Chili témoignent des qualités professionnelles de la société FGM et de son dirigeant ;
Que M.[E], directeur de la zone Amérique du Sud pour la société Guerlain pendant 10 ans atteste « Pendant tout le temps que je fus chargé du marché chilien, je peux sans aucun doute qualifier le travail de M.[M] et de l’équipe de FGM Arôme et Beauté comme extrêmement positif et satisfaisant pour les parfums Guerlain »;
Qu’en conséquence, la société Guerlain ne démontre aucun manquement sérieux de la société FGM à ses obligations contractuelles et aucune faute de nature à porter atteinte à sa marque ou à créer pour elle un trouble justifiant une résiliation sans préavis ;
Considérant que la société Guerlain ne conteste pas l’existence de relations commerciales établies mais expose qu’il s’agit d ‘une relation de 10 ans et n’ayant entraîné aucune dépendance économique du distributeur;
Que la société FGM fait état d’une relation de 12 ans, faisant valoir qu’elle a été le distributeur exclusif de la marque Guerlain au Chili de 1999 à 2003 et que la revente des produits Guerlain a constitué au cours de ces années une part non négligeable de son chiffre d’affaires et qu’il a toujours été en progression ;
Que c’est la société FGM qui a lancé la marque au Chili alors qu’elle y était inconnue et a investi de façon importante en termes de publicité ;
Qu’il convient de relever que la société Guerlain indique que le marché chilien des produits de beauté est devenu au cours de la décennie le plus dynamique d’Amérique latine , tout en étant un marché étroit et extrêmement concentré ;
Que la société Guerlain reconnaît également que jusqu’à la fin des années 1990, la marque Guerlain se trouvait reléguée aux environs du 15ème rang en termes de parts de marché par rapport à ses concurrents au Chili ;
Qu’elle relate que c’est en 1991 qu’une société FGM International a acquis un stock de produits Guerlain et que cette société a été reprise par la société FGM Arômes et Beauté le 19 janvier 1998 ;
Considérant que la société Guerlain reconnaît qu’aux termes de l’annexe 7 du contrat, la société FGM s’était engagée à constituer et à maintenir à ses frais exclusifs « une équipe de vente dédiée hautement qualifiée »en charge de la distribution Guerlain composée de quatre personnes dont un responsable de la marque dont il était stipulé que FGM ne pouvait en changer sans l’accord préalable de la société Guerlain
Que dès lors , en présence d’une relation commerciale établie depuis plus de 12 ans et des circonstances de la rupture, il y a lieu de fixer à 18 mois la durée du préavis dont aurait raisonnablement dû bénéficier FGM et de réformer en ce sens la décision entreprise.
Sur le préjudice de la société FGM
Considérant que le préjudice au titre du préavis non exécuté doit correspondre à la perte de marge brute escomptée au cours de cette période ;
Que le chiffre d’affaires des trois dernières années d’application du contrat s’établit à :
147 109 889 pesos
171 577 465 pesos
176 100 209 pesos
Que le taux de marge de 45% n’est pas contesté ; que le préjudice de la société FGM à raison du préavis non exécuté doit être fixé à la somme de 111 327 221,70 pesos chiliens ou son équivalent en euros soit 149 478 €;
Considérant que dans la fixation du préavis, il a été tenu compte de l’existence d’un personnel dédié et donc de son licenciement ; qu’il n’y a pas lieu d’ajouter au montant retenu au titre du préavis non exécuté;
Considérant que la société FGM ajoute avoir subi un préjudice moral;
Que la société FGM, ayant été évincée brutalement du marché chilien par une marque prestigieuse après plus de 12 ans de relations commerciales, a nécessairement subi un préjudice, cette décision étant de nature à créer une suspicion auprès de ses clients et portant atteinte à son image et à sa réputation ;
Qu’en conséquence la cour condamnera la société Guerlain à lui payer la somme de 100.000€ en réparation de son préjudice moral;
Sur le préjudice allégué résultant du retour des produits
Considérant que le tribunal a omis de statuer sur cette demande ; que ces retours correspondant à des marchandises vendues ne peuvent être assimilés à des stocks détenus par la société FGM;
Que la société FGM expose avoir subi un retour de marchandises des chaînes [B] et Ripley d’une valeur de 26 872USD.
Que ces retours sont la conséquence de l’absence d’installation des comptoirs destinés à ces produits ce que ne conteste pas la société Guerlain qui soutient que cette situation résulte du refus de FGM d’en assurer le financement ;
Que comme il a été vu précédemment c’est la société Guerlain qui a pris la décision de se désengager de ce projet ce qu’elle a notifié à son distributeur .
Qu’en conséquence il y a lieu de faire droit à la demande de FGM et de condamner la société Guerlain à lui payer la somme de 26 872USD soit 21 679 euros;
Sur la reprise des stocks
Considérant que le tribunal a ordonné à la société FGM de restituer à la société Guerlain sous astreinte de 500 euros par jour…, l’intégralité de ‘ ses stocks de produits de la marque, pour lui être repris aux conditions contractuelles ainsi que le matériel de promotion et de publicité qui avait été mis à sa disposition »;
Que les parties ne critiquent pas cette disposition du jugement, la société FGM exposant avoir mis à la disposition de la société Guerlain les stocks sans que celle-ci procède à leur retrait, stock évalué par les parties à la somme de 45 679,829CLP dont la société FGM demande le paiement, outre le remboursement des frais de renvoi et de stockage soit une somme totale de 67 042,48USD soit 54 311 euros;
Considérant en conséquence qu’il s’agit de disposition relevant de l’exécution de dispositions du jugement dont la cour ne saurait se saisir et qu’elle relève d’office son incompétence.
Sur la demande de la société Guerlain
Considérant que la société Guerlain n’a pas fait la démonstration des griefs allégués à l’encontre de son distributeur ; qu’il y a lieu de la débouter de sa demande de réparation ;
Sur l’article 700 du code de procédure civile
Considérant que la société FGM Arômes et Beauté a dû engager des frais non compris dans les dépens qu’il serait inéquitable de laisser en totalité à sa charge , qu’il y a lieu de faire application des dispositions de l’article 700 dans la mesure qui sera précisée au dispositif.
PAR CES MOTIFS
Et , adoptant ceux non contraires des Premiers Juges,
LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
REJETTE la fin de non recevoir de la société Guerlain
CONFIRME le jugement déféré en ce qu’il a jugé que la société Guerlain a rompu de manière brutale et abusive la relation commerciale établie avec la société FGM
REFORME le jugement déféré pour le surplus et statuant à nouveau
DIT ET JUGE que la société Guerlain a commis des manquements contractuels en procédant à des ventes directes sur le territoire contractuel concédé à titre exclusif à la société FGM,
DIT et JUGE la durée du préavis raisonnable est de 12 mois
CONDAMNE la société Guerlain à payer à la société FGM les sommes de :
334 855 USD au titre du préjudice subi du fait de la violation de l’exclusivité contractuelle entre janvier 1999 et juin 2003 ou son équivalent en euros selon les taux de change en vigueur au 31 décembre pour chacune des années de 1999 à 2002 et au 23 mai 2003
– 111 327 221,70 pesos chiliens ou son équivalent en euros soit 149 478 €;au titre du préjudice subi du fait de la rupture brutale du contrat de distribution
– 26 872USD soit 21 679 euros au titre du retour des produits
– 100 000 euros au titre de son préjudice moral
DECLARE la cour incompétente suer la demande au titre de la reprise des stocks
REJETTE toute autre demande, fin ou conclusion
CONDAMNE la société Guerlain à payer à la société FGM la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile
CONDAMNE la société Guerlain aux dépens
La GreffièreLa Présidente
E. DAMAREYC. PERRIN