Violation de clause d’exclusivité : 29 avril 2022 Cour d’appel de Douai RG n° 19/02205

Violation de clause d’exclusivité : 29 avril 2022 Cour d’appel de Douai RG n° 19/02205

29 avril 2022
Cour d’appel de Douai
RG n°
19/02205

ARRÊT DU

29 Avril 2022

N° 598/22

N° RG 19/02205 – N° Portalis DBVT-V-B7D-SWBW

BR/CH

Jugement du

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BETHUNE

en date du

18 Octobre 2019

(RG F19/00038 -section 4)

GROSSE :

aux avocats

le 29 Avril 2022

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

– Prud’Hommes-

APPELANT :

M. [F] [U]

[Adresse 1]

représenté par Me Ludovic SARTIAUX, avocat au barreau de BOULOGNE-SUR-MER

INTIMÉS :

M. [X] [T] Maître [T] représente la société Loginor

[Adresse 3]

représenté par Me Dominique SPRIMONT, avocat au barreau de DOUAI

S.A.R.L. LOGINOR en liquidation judiciaire

UNEDIC DELEGATION AGS CGEA D'[Localité 4]

[Adresse 2]

représenté par Me Adeline HERMARY, avocat au barreau de BETHUNE

DÉBATS :à l’audience publique du 08 Mars 2022

Tenue par Béatrice REGNIER

magistrat chargé d’instruire l’affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Valérie DOIZE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Stéphane MEYER

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Béatrice REGNIER

: CONSEILLER

Frédéric BURNIER

: CONSEILLER

ARRÊT :Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 29 Avril 2022,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, signé par Stéphane MEYER, Président et par Séverine STIEVENARD, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 15 février 2022

M. [F] [U] a été engagé par la SARLU Loginor dans le cadre d’un contrat de travail à durée déterminée à temps partiel pour la période du 1et juillet 2016 au 30 novembre 2017 en qualité d’attaché de direction.

Le SARLU Loginor a été placée en liquidation judiciaire le 8 février 2017.

Le 21 février 2017, M. [U] s’est vu notifier la rupture anticipée de son contrat de travail à durée déterminée à effet au 23 février suivant.

Contestant le bien-fondé de cette mesure, il a saisi le 28 janvier 2018 le conseil de prud’hommes de Béthune qui, par jugement du 18 octobre 2019, l’a débouté de ses prétentions.

Par déclaration du 8 novembre 2019, M. [U] a interjeté appel du jugement.

Par conclusions transmises par voie électronique le 31 août 2020, M. [U] demande à la cour d’infirmer le jugement déféré et de :

– fixer sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la SARLU Loginor aux sommes brutes de :

– 34 461,24 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture anticipée illicite de son contrat de travail,

– 6 358 euros à titre d’indemnité de fin de contrat,

– 2 011,85 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés ;

– condamner le CGEA d'[Localité 4] à garantir les condamnations et donc à faire l’avance des fonds ;

– condamner le CGEA d'[Localité 4] à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Il soutient que :

– lors de son embauche, il ne dirigeait plus la société Lodis ; qu’il avait en effet démissionné de cette entreprise et cédé ses parts dès le 20 mai 2016 ; qu’il n’a donc pas méconnu la clause d’exclusivité prévue à son contrat de travail ;

– le contrat de travail à durée déterminée a été rompu en dehors des cas limitativement prévus par le code du travail ; qu’il a donc droit à l’indemnité fixée à l’article L. 1243-4 du code du travail – sans que la démonstration d’un préjudice ne soit nécessaire – ainsi qu’à l’indemnité de fin de contrat ;

– il n’a pas été indemnisé du solde de ses congés payés acquis, soit 19,5 jours.

Par conclusions transmises par voie électronique le 8 septembre 2020, Maître [X] [T], agissant en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SARLU Loginor, demande à la cour de confirmer le jugement entrepris et de condamner M. [U] à lui régler la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Il fait valoir que M. [U] a violé la clause d’exclusivité dans la mesure où il est dirigeant d’autres sociétés de transport ; que par ailleurs l’avenant dérogeant à cette clause a été conclu durant la période suspecte, c’est à dire après la date de cessation des paiements.

Par conclusions transmises par voie électronique le 2 décembre 2021, l’UNEDIC délégation AGS CGEA d'[Localité 4] demande à la cour à titre principal de débouter M. [U] de l’ensemble de ses prétentions et à titre subsidiaire de dire que sa garantie est limitée et plafonnée et que son obligation de garantie ne pourra s’exécuter que sur présentation d’un relevé par le mandataire judiciaire et justification de l’absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder au paiement des sommes dues.

Elle expose que le contrat conclu par M. [U] est un contrat de complaisance ; qu’en effet cette embauche s’est inscrite dans le cadre d’une cession des parts sociales de la SARLU Loginor dont le protocole n’est pas versé aux débats, qu’alors le contrat prévoyait une clause d’exclusivité M. [U] a été gérant de la société Fos Logistique à compter du 8 février 2017 et de la société Lodis jusqu’au 8 juillet 2016, et qu’enfin l’intéressé bénéficiait de conditions très avantageuses. Elle ajoute que M. [U] ne justifie d’aucun préjudice en lien avec la rupture anticipée du contrat de travail.

SUR CE :

Attendu que, selon le premier alinéa de l’article L.1243-1 du code du travail, ‘Sauf accord des parties, le contrat de travail à durée déterminée ne peut être rompu avant l’échéance du terme qu’en cas de faute grave, de force majeure ou d’inaptitude constatée par le médecin du travail.’ et qu’aux termes de l’article L. 1243-4 du même code : ‘La rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée qui intervient à l’initiative de l’employeur, en dehors des cas de faute grave, de force majeure ou d’inaptitude constatée par le médecin du travail, ouvre droit pour le salarié à des dommages et intérêts d’un montant au moins égal aux rémunérations qu’il aurait perçues jusqu’au terme du contrat, sans préjudice de l’indemnité de fin de contrat prévue à l’article L. 1243-8.’

Attendu qu’en l’espèce il est constant que le contrat de travail à durée déterminée de M. [U] a été rompu avant son terme en raison de la fermeture de la SARLU Loginor et partant de la suppression de l’emploi du salarié, et donc pour un motif qui n’est ni la faute grave, ni la force majeure – la liquidation judiciaire ne pouvant être assimilée à un tel cas, ce qu’au demeurant les intimés ne prétendent nullement, ni l’inaptitude ;

Attendu que, pour s’opposer toutefois au paiement de l’indemnité visée à l’article L. 1243-4 susvisé, les intimés invoquent la violation de la clause d’exclusivité contractuellement prévue ainsi que le fait que le contrat aurait été conclu dans le cadre d’une cession de parts sociales et serait de complaisance ;

Attendu cependant qu’aucun de ces moyens, à les supposer fondés, n’est opérant pour justifier qu’il ne soit pas fait application de l’article L. 1243-4 ;

Que, si la violation de la clause d’exclusivité, à la supposer établie, pourrait le cas échéant constituer une faute grave, celle-ci n’est ni visée à la lettre de rupture ni même invoquée en tant que faute grave par les intimés ;

Que, si le moyen tiré de ce que le contrat de travail de M. [U] serait de complaisance pourrait quant à lui le cas échéant être analysé comme tendant à voir reconnaître son caractère fictif, la démonstration de cette fictivité n’est nullement rapportée par Maître [T] ès qualités alors même que cette preuve lui incombe en présence d’un contrat écrit ;

Qu’enfin la circonstance que le contrat ait été régularisé après que M. [U] a cédé ses parts sociales dans l’entreprise est sans incidence ;

Attendu que M. [U] est dès lors bien fondé à réclamer le paiement de l’indemnité visée à l’article L. 1243-4 du code du travail susvisé, soit la somme de 34 461,24 euros correspondant aux rémunérations brutes qu’il aurait dû percevoir jusqu’au terme de son contrat – et ce sans qu’il soit besoin pour lui de justifier d’un préjudice dans la mesure où il s’agit d’une réparation forfaire ;

Attendu qu’il a également droit à l’indemnité de fin de contrat prévue à l’article L. 1243-8 du code du travail, soit 6 358 euros selon le calcul détaillé auquel il a procédé et sur lequel les intimés ne formulent aucune observation ;

Attendu qu’il peut enfin prétendre à une indemnité compensatrice de congés payés de 2 011,85 euros brut correspondant aux 19,5 jours acquis et non pris à la date de la rupture de son contrat de travail – demande sur laquelle les intimés ne formulent aucune observation ;

Attendu qu’en revanche la demande formée par M. [U] au titre de l’article 700 du code de procédure civile à l’encontre du CGEA est irrecevable, une telle indemnité étant exclue de sa garantie comme ne constituant pas une créance due en exécution du contrat de travail au sens de l’article L. 3253-6 du code du travail ; que la demande présentée de ce chef par Maître [T] ès qualités, qui succombe en ses prétentions, est quant à elle rejetée ;

Attendu que les observations formulées par l’AGS quant à l’étendue de ses obligations seront enfin retenues ;

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Infirme le jugement déféré, excepté en ce qu’il a débouté M. [F] [U] de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau sur les chefs réformés et ajoutant,

Déclare irrecevable la demande de M. [F] [U] sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile présentée à l’encontre de l’UNEDIC délégation AGS CGEA d'[Localité 4],

Fixe la créance de M. [F] [U] au passif de la liquidation judiciaire de la SARLU Loginor aux sommes brutes de :

– 34 461,24 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture anticipée illicite de son contrat de travail,

– 6 358 euros à titre d’indemnité de fin de contrat,

– 2 011,85 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés,

Déboute Maître [X] [T] ès qualités de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Déclare le présent arrêt opposable à l’UNEDIC délégation AGS CGEA d'[Localité 4], dans les limites de sa garantie légale telle que fixée par les articles L. 3253-6 et suivants du code du travail et des plafonds prévus à l’article D. 3253-5 du même code,

Dit que l’obligation de l’AGS de faire l’avance des sommes garanties ne pourra s’exécuter que sur présentation d’un relevé de créances par le mandataire judiciaire et justification de l’absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement,

Condamne Maître [X] [T] ès qualités aux dépens de première instance et d’appel,

LE GREFFIER

Séverine STIEVENARD

LE PRESIDENT

Stéphane MEYER

 


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