Violation de clause d’exclusivité : 28 septembre 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 22/01028

Violation de clause d’exclusivité : 28 septembre 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 22/01028

28 septembre 2023
Cour d’appel de Douai
RG n°
22/01028

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 2

ARRÊT DU 28/09/2023

****

N° de MINUTE :

N° RG 22/01028 – N° Portalis DBVT-V-B7G-UEIF

Jugement (N° 2021005664) rendu le 27 janvier 2022 par le tribunal de commerce de Lille Métropole

APPELANTE

SASU Business Dealmaker, représentée par M. [O] [K] en qualité de président de ladite société

ayant son siège social, [Adresse 1]

représentée par Me Anne-Sophie Audegond-Prud’homme, avocat au barreau de Douai, avocat constitué

assistée de Me Yassine Maharsi, avocat au barreau de Paris, avocat plaidant

INTIMÉES

SAS Jellej Jouets, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

ayant son siège social, [Adresse 2]

SAS Toys ‘R’ Us Real Estate, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

ayant son siège social [Adresse 2]

représentées par Me Marie-Hélène Laurent, avocat au barreau de Douai, avocat constitué

assistées de Maîtres Ozan Akyurek et David Swinburne, substitué par Me Thomas Grelier, avocats au barreau de Paris, avocats plaidant

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Samuel Vitse, président de chambre

Nadia Cordier, conseiller

Agnès Fallenot, conseiller

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GREFFIER LORS DES DÉBATS : Marlène Tocco

DÉBATS à l’audience publique du 25 mai 2023, après rapport oral de l’affaire par Agnès Fallenot

Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 28 septembre 2023 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Samuel Vitse, président, et Marlène Tocco, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 16 mai 2023

****

FAITS ET PROCEDURE

La société Business Dealmaker, société par actions simplifiée, dont l’actionnaire unique et le président est Monsieur [O] [K], exerce une activité de conseil et stratégie en développement, en immobilier d’entreprise et en gestion immobilière.

La société Jellej jouets, société par actions simplifiée, détenue à 82,17% par le fonds d’investissements américain Cyrus Capital Partners, à 16,67 % par certains membres de la famille [H] et à 1,16% par certains membres de la famille [M], exerce une activité de vente de jouets en magasins spécialisés. Monsieur [Z] [M] assure les fonctions de président et de président du conseil d’administration de cette société.

Dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire de la société Toys ‘R’ Us Real Estate ouverte le 25 juillet 2018 par le tribunal de commerce d’Evry, la société Jellej jouets s’est rapprochée de la société Business Dealmaker, selon lettre du 13 septembre 2018, en lui demandant de négocier, en vue d’une offre de reprise portant sur quarante-trois fonds de commerce, de nouveaux baux commerciaux.

Par décision du 6 octobre 2018, le tribunal de commerce d’Evry a désigné la société Jellej jouets comme repreneur de la société Toys ‘R’ Us Real Estate.

Les prestations de la société Business Dealmaker, facturées le 31 mai 2019 à hauteur de 318 233,40 euros TTC, lui ont été réglées.

La société Jellej jouets a ensuite souhaité réorganiser ses activités et réalisé un apport partiel d’actifs à la société Luderix international, société spécialisée dans la vente de jouets, exerçant sous l’enseigne PicWic, à l’issue duquel elle est restée propriétaire de ‘cinq (5) magasins et six (6) baux constructions’, la société Toys’R’ Us Real Estate restant quant à elle propriétaire de ‘neuf (9) magasins’.

Par contrat en date du 20 juin 2019, les sociétés Jellej jouets et Toys ‘R’ Us Real Estate ont confié à la société Business Dealmaker « une prestation de conseil et de services en vue d’optimiser les surfaces exploitées par l’enseigne Toys R Us », commençant « rétroactivement le 20 mai 2019 et devant prendre fin au plus tard le 31 juillet 2021 à défaut de reconduction par les parties ».

Ce contrat comprenait une clause d’exclusivité au profit de la société Business Dealmaker, interdisant aux sociétés Jellej jouets et Toys ‘R’ Us Real Estate de « consentir à toutes personnes physiques ou morales tout mandat et/ou tout contrat de prestation de services dont l’objet serait identique à l’article 1 du présent contrat, de sorte que le Bénéficiaire consent au Prestataire une exclusivité de prestations de conseil et de services définies à l’article 3 ci-après » pendant toute la durée du contrat.

A la même date, soit le 20 juin 2019, la société Business Dealmaker a signé avec la société Luderix international un contrat identique à celui signé avec les sociétés Jellej jouets et Toys ‘R’ Us Real Estate.

Le 27 mars 2020, Monsieur [Z] [M], dirigeant des sociétés Jellej jouets et Toys ‘R’ Us Real Estate, a adressé un courriel à Monsieur [O] [K], dirigeant de la société Business Dealmaker, lui demandant de signer un acte de résiliation du contrat du 20 juin 2019.

En réponse, Monsieur [O] [K], par mail du 29 mars 2020, a proposé de revoir certaines conditions du contrat (honoraires et clause d’exclusivité afin d’inclure d’autres conseils).

Le 2 avril 2020, les sociétés Jellej jouets et Toys ‘R’ Us Real Estate ont mis en demeure la société Business Dealmaker d’exécuter le contrat de prestation de services et de leur adresser les éléments permettant d’attester du respect des obligations mises à sa charge par la loi Hoguet, précisant qu’en l’absence de réponse, elles se verraient dans l’obligation de résilier unilatéralement le contrat, avec effet immédiat, et sans préjudice des dommages et intérêts auxquels elles pourraient prétendre.

En date du 7 avril 2020, les sociétés Jellej jouets, Toys ‘R’ Us Real Estate et Business Dealmaker ont signé un acte de résiliation amiable du contrat de prestation de services, sans indemnité pour l’une ou l’autre des parties.

Le 2 juin 2020, la société Luderix international a annoncé un plan de réorganisation prévoyant la fermeture de vingt-trois magasins de l’enseigne. Dans ce cadre, elle a conclu un contrat de prestation de services, le 3 juin 2020, avec la société Business Dealmaker, ‘afin de fermer dans les meilleures conditions les 23 magasins et/ ou conserver une partie d’entre eux avec des conditions locatives revues fortement à la baisse’.

Le 21 septembre 2020, le conseil de la société Business Dealmaker a adressé aux sociétés Jellej jouets et Toys ‘R’ Us Real Estate une demande de réparation du préjudice subi par la société Business Dealmaker à hauteur de 5 millions d’euros, arguant de la nullité de la résiliation du contrat du 20 juin 2019, obtenue selon lui par des man’uvres dolosives.

En réponse, par courrier du 19 octobre 2020, les sociétés Jellej jouets et Toys ‘R’ Us Real Estate ont réfuté tout dol de leur part.

Dans l’intervalle, par acte d’huissier du 12 octobre 2020, la société Business Dealmaker les a assignées devant le tribunal de commerce de Lille Métropole.

Par jugement rendu le 27 janvier 2022, le tribunal de commerce de Lille Métropole a statué en ces termes :

« Déboute la société BUSINESS DEALMAKER de sa demande de voir prononcer la nullité du contrat de résiliation ;

Déboute la société BUSINESS DEALMAKER de sa demande de dommages et intérêts pour violation de la clause d’exclusivité et du devoir de bonne foi ;

Déboute les sociétés JELLEJ JOUETS et TOYS R US REAL ESTATE de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

Dit irrecevable la demande des sociétés JELLEJ JOUETS et TOYS R US REAL ESTATE au paiement par la société BUSINESS DEALMAKER d’une amende civile pour défaut de qualité à agir ;

Condamne la société BUSINESS DEALMAKER à payer aux sociétés JELLEJ JOUETS et TOYS R US REAL ESTATE la somme de 2.500 € chacune au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile :

DEBOUTE les parties de leurs autres demandes ;

CONDAMNE la société BUSINESS DEALMAKER aux entiers dépens, taxés et liquidés à la somme de 89.65 € (en ce qui concerne les frais de Greffe) ».

Par déclaration du 1er mars 2022, la société Business Dealmaker a relevé appel de l’ensemble des chefs de cette décision, à l’exception de ceux ayant débouté les sociétés Jellej jouets et Toys ‘R’ Us Real Estate de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive et dit irrecevable la demande des sociétés Jellej jouets et Toys ‘R’ Us Real Estate en paiement par la société Business Dealmaker d’une amende civile pour défaut de qualité à agir.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par conclusions régularisées par le RPVA le 27 avril 2023, la société Busines Dealmaker demande à la cour de :

‘Vu les articles 1101, 1103, 1104, 1130, 1137, 1217, 1231-1 du Code civil ;

Vu les articles 12, 31 et 700 du Code de procédure civile ;

Vu l’article 721-3 du Code de Commerce ;

Vu la jurisprudence citée ;

Vu le Jugement du Tribunal de commerce de Lille du 27 janvier 2022 ;

Vu les pièces versées aux débats ;

(…)

– DECLARER la société BUSINESS DEALMAKER recevable et bien fondée en ses demandes, fins et conclusions,

– INFIRMER le Jugement rendu par le Tribunal de commerce de Lille en ce qu’il a :

« Débouté la société BUSINESS DEALMAKER de sa demande de voir prononcer la nullité du contrat de résiliation ;

Débouté la société BUSINESS DEALMAKER de sa demande de dommages et intérêts pour violation de la clause d’exclusivité et du devoir de bonne foi ;

Condamné la société BUSINESS DEALMAKER à payer aux sociétés JELLEJ JOUETS et TOY R US REAL ESTATE la somme de 2.500 euros chacun au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile :

Débouté les parties de leurs autres demandes ;

Condamné la société BUSINESS DEALMAKER aux entiers dépens, taxés et liquidés à la somme de 89, 65 euros (en ce qui concerne les frais de greffe). »

ET JUGER DE NOUVEAU :

– CONSTATER l’existence d’un dol ayant vicié le consentement de la société BUSINESS DEALMAKER lors de la conclusion de la résiliation amiable signée le 7 avril 2020,

– PRONONCER la nullité la résiliation du contrat signée le 7 avril 2020 par les sociétés JELLEJ JOUETS, TOYS R US et BUSINESS DEALMAKER,

– REQUALIFIER la résiliation amiable du contrat en résiliation abusive, en ce que la signature de la société BUSINESS DEALMAKER a été extorquée par des man’uvres dolosives,

– DIRE ET JUGER que les sociétés JELLEJ JOUETS et TOYS R US REAL ESTATE ont procédé à une rupture abusive du contrat de prestation signé le 20 juin 2019,

– DIRE ET JUGER que la rupture abusive du contrat a causé un préjudice à la société BUSINESS DEALMAKER, lequel doit être réparé,

– DIRE ET JUGER que la société JELLEJ JOUETS et la société TOYS R US REAL ESTATE ont manqué à leurs obligations contractuelles, notamment en violant délibérément la clause d’exclusivité stipulée dans le contrat et le devoir général de bonne foi, et partant que ces dernières ont commis une faute de nature contractuelle ayant causé un préjudice à la société BUSINESS DEALMAKER,

– DIRE ET JUGER que la société JELLEJ JOUETS et la société TOYS R US REAL engagent leur responsabilité contractuelle.

En conséquence,

– CONDAMNER in solidum la société JELLEJ JOUETS et la société TOYS R US REAL ESTATE au paiement de la somme de cinq millions trois cent mille euros (5.300.000 €) – à parfaire – à la société BUSINESS DELAMAKER au titre des dommages et intérêts suite à la rupture abusive de la relation contractuelle,

– CONDAMNER in solidum la société JELLEJ JOUETS et la société TOYS R US REAL ESTATE à verser entre les mains de la société BUSINESS DEALMAKER la somme de huit cent quatre-vingt mille euros (880.000 €) ‘ à parfaire – à titre de dommages et intérêts, en réparation du préjudice subi par la violation de la clause d’exclusivité, outre par la violation du devoir de bonne foi.

En tout état de cause,

– CONDAMNER in solidum la société JELLEJ JOUETS et la société TOYS R US FRANCE REAL ESTATE à verser à la société BUSINESS DEALMAKER la somme de cinq mille euros (5.000 €) en application de l’article 700 du Code de procédure civile,

– CONDAMNER in solidum la société JELLEJ JOUETS et la société TOYS R US FRANCE REAL ESTATE aux entiers dépens ;

– DIRE ET JUGER que le montant des condamnations sera assorti des intérêts de droit au taux légal en vigueur à compter de la décision à intervenir,

– DEBOUTER la société JELLEJ JOUETS et la société TOYS R US REAL ESTATE de l’ensemble de leurs demandes ;

– ORDONNER la capitalisation des intérêts ;’.

La société Business Dealmaker soutient qu’elle a honoré l’ensemble de ses engagements contractuels, en accomplissant les missions prévues dans le contrat de prestation de services, alors qu’en revanche, les sociétés bénéficiaires ont délibérément manqué au devoir général de bonne foi, à travers leur comportement ayant consisté à solliciter la résiliation amiable du contrat pour des griefs fallacieux, avant d’exiger, quelques jours plus tard, l’exécution de ce dernier par l’envoi d’une mise en demeure.

Elles ont eu recours à de fausses promesses et à des pressions afin de déterminer la société Business Dealmaker à signer une résiliation amiable du contrat du 20 juin 2019. A cette fin, elles ont assuré à la prestataire qu’elle ferait partie de l’équipe en charge de la cession de leurs actifs fonciers. Elles ont aussi prétexté que le contrat de prestation de services n’avait pas été transféré dans l’apport partiel d’actifs, les contraignant à y mettre un terme dans la mesure où le fonds Cyrus souhaitait être accompagné par un grand agent immobilier, allégation infondée et inopérante. Elles ont enfin utilisé des allégations mensongères, telles que l’absence de commencement d’exécution de la mission et la violation des obligations imposées par la loi Hoguet, alors que la société Business Dealmaker a accompli avec diligence la mission confiée, consistant en une mission de conseil et non en un mandat d’agent immobilier. Ces mensonges, comportements et pressions constituent à n’en point douter des man’uvres frauduleuses. Son consentement a été vicié et en l’absence d’un quelconque manquement contractuel de la prestataire, les bénéficiaires ont procédé à une résiliation du contrat en dehors de tout cadre légal.

Si la société Business Dealmaker n’a pas répondu à la mise en demeure qui lui a été adressée en plein confinement, le 2 avril 2020, c’est uniquement parce qu’elle n’a pas été en mesure de le faire, la résiliation abusive étant intervenue moins de cinq jours après.

La résiliation abusive du contrat lui a causé un préjudice économique puisqu’elle s’est vue arbitrairement privée d’une partie des prestations qui lui avaient été confiées, et, par conséquent, des honoraires escomptés. Elle évalue ce préjudice, consistant en une perte de chance d’obtenir le paiement des honoraires auxquels elle aurait légitimement pu prétendre, de la manière suivante :

-le contrat stipulait qu’en cas de vente des actifs, les honoraires du prestataire correspondraient à 5% du prix de vente ; le travail effectué par le prestataire concernait vingt sites dont le prix de vente des actifs était évalué à 100 millions d’euros selon les conditions du marché ; la résiliation abusive du contrat l’a ainsi privée de la chance de pouvoir percevoir des honoraires de cinq millions d’euros ;

-le contrat précisait qu’en cas de cession partielle, la prestataire percevrait 5% du montant de la vente ; cette dernière avait négocié des cessions partielles pour un montant total de 4 millions d’euros, la résiliation abusive l’a dès lors privée de trois cent mille euros d’honoraires.

Le contrat de prestation de services conclu a par ailleurs explicitement prévu une clause d’exclusivité. Les parties ont décidé que la résiliation n’aurait aucune incidence sur la mission de ‘downsizing’. La clause d’exclusivité a été maintenue dans sa version initiale. Pourtant, les bénéficiaires ont confié à un tiers, Monsieur [S], un mandat afin de commercialiser leurs actifs immobiliers. Il ne fait aucun doute qu’un tel mandat est compris dans le périmètre de la mission confiée au prestataire et viole la clause d’exclusivité.

Cela a porté atteinte à l’image et à la réputation de la société Business Dealmaker, laquelle a été contrainte de justifier auprès de ses interlocuteurs la présence d’un nouvel intervenant sur les dossiers jusqu’alors traités par ses soins. Ce discrédit a entaché sa crédibilité.

Les onze dossiers confiés et traités devaient conduire à une augmentation de cinquante mille euros annuels de loyer par site pour les bénéficiaires, représentant ainsi une augmentation totale de 550 000 euros. Or il était prévu que les honoraires du prestataire correspondraient à 30 % de cette somme. La société Business Dealmaker s’est donc vue priver illégitimement de 165 000 euros d’honoraires.

En outre, en violant la clause d’exclusivité, les bénéficiaires ont mis en échec les différentes opérations de ‘downsizing’ sur lesquelles la prestataire avait travaillé, lesquelles concernaient onze sites, en créant une confusion chez ses interlocuteurs. Cette mise en échec, loin de la priver uniquement des honoraires qu’auraient dû lui verser les bénéficiaires, l’a également privée des honoraires que la société Luderix international lui aurait payés. Ce préjudice est évalué à 65 000 euros par site, soit un montant total de 715 000 euros.

Par conclusions régularisées par le RPVA le 10 mai 2023, les sociétés Jellej jouets et Toys ‘R’Us Real Estate demandent à la cour de :

‘Vu l’article 1130, 1137 et 1231-1 du Code civil, et l’article 32-1 du Code de procédure civile,

Vu la jurisprudence citée,

Vu les pièces versées au débat,

(…)

– CONFIRMER le jugement du Tribunal de commerce de Lille Métropole du 27 janvier 2022 en ce qu’il a statué :

« Déboute la société Business Dealmaker de sa demande de voir prononcer la nullité du contrat de résiliation ;

Déboute la société Business Dealmaker de sa demande de dommages et intérêts pour violation de la clause d’exclusivité et du devoir de bonne foi ;

Déboute [la société Business Dealmaker ]de ses autres demandes ;

Condamne la société Business Dealmaker aux entiers dépens, taxés et liquidés à la somme de 89,65 €. »

– INFIRMER le jugement du Tribunal de commerce de Lille Métropole du 27 janvier 2022 en ce qu’il a statué :

« Déboute les sociétés Jellej Jouets et Toys R Us Real Estate de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

Condamne la société Business Dealmaker à payer aux sociétés Jellej Jouets et Toys R Us Real Estate la somme de 2.500 € chacune au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile »

Statuant à nouveau :

– CONDAMNER la société Business Dealmaker à verser aux sociétés Jellej Jouets et Toys R Us France Real Estate, la somme de 10.000 euros chacune à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

– CONDAMNER la société Business Dealmaker à verser aux sociétés Jellej Jouets et Toys R Us France Real Estate, la somme de 35.000 euros au titre des frais exposés en première instance sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;

Y ajoutant :

– CONDAMNER la société Business Dealmaker à verser aux sociétés Jellej Jouets et Toys R Us France Real Estate, la somme de 30.000 euros au titre des frais exposés en cause d’appel sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile’.

Les sociétés Jellej jouets et Toys’R’ Us Real Estate rappellent que suite au contrat du 20 juin 2019, la société Business Dealmaker devait prendre en charge des prestations de ‘mise en ‘uvre du plan d’optimisation des surfaces exploitées’ prévues à l’article 3.2, relevant des dispositions impératives de la loi Hoguet n°70-2 du 2 janvier 1970 ainsi que du décret n°72-678 du 20 juillet 1972, en ce qu’elles impliquaient notamment :

-pour la partie location, des prestations de réduction du coût locatif (loyer et/ou charges) à périmètre constant ; cession droit au bail / fonds de commerce ; réduction partielle, cession partielle ou sous-location ; transfert ;

-pour la partie foncière, des prestations de cession de terrain totale ou partielle ; cession du contrat de location ; augmentation du coût locatif à périmètre constant ; transfert ou découpage.

Relevant après quelques mois que la société Business Dealmaker n’était pas en conformité, les sociétés intimées l’ont mise en demeure d’attester qu’elle respectait bien les obligations légales en leur fournissant l’ensemble de la documentation requise et exigible. A ce jour, la société Business Dealmaker ne s’est toujours pas exécutée et se limite à prétendre, péremptoirement, que cette loi serait inapplicable.

Les sociétés Jellej Jouets et Toys ‘R’ Us France Real Estate soutiennent que la société Luderix international avait également, et ce, dès l’année 2020, exigé que la société Business Dealmaker lui justifie de sa bonne conformité avec la loi Hoguet en lui fournissant sa carte professionnelle, et, compte tenu de sa carence, avait pris l’initiative de résilier le contrat conclu avec elle dès le 18 novembre 2020.

En effet, alors que la société Business Dealmaker s’était engagée à fournir auprès des sociétés Jellej jouets et Toys ‘R’ Us Real Estate, bailleresses, des prestations de conseil et de services en vue d’optimiser les surfaces exploitées par la société Luderix international, preneur, elle avait conclu, de sa propre initiative, et le même jour, le même contrat avec cette dernière. Cela n’avait pas manqué de les interpeller et elles avaient dénoncé la situation de conflit d’intérêts dans laquelle se trouvait la société Business Dealmaker, qui agissait à la fois pour les bailleresses et le preneur.

Le 2 avril 2020, soit près d’un an après la conclusion du contrat de prestation de services du 20 juin 2019, les propositions formulées par la société Business Dealmaker n’étaient pas acceptables pour les sociétés Jellej jouets et Toys ‘R’ Us Real Estate. En effet, elle proposait de leur faire supporter les coûts de division des surfaces exploitables sans pour autant que ces coûts puissent être amortis par une augmentation des loyers pratiqués. En revanche, la société Luderix international y trouvait un avantage non négligeable en voyant notamment ses loyers diminuer de manière notable.

Les sociétés Jellej jouets, Toys ‘R’ Us Real Estate et Business Dealmkaer ont donc convenu de résilier le contrat du 20 juin 2019. Conscient des bonnes relations entretenues dans le passé, Monsieur [M] a uniquement indiqué à la société Business Dealmaker ne pas exclure ‘à l’avenir de [la] contacter pour une éventuelle nouvelle mission’ tout en rappelant qu’en l’état ‘la priorité [était] la clarification de l’état de [leurs] relations contractuelles’.

Puis la société Business Dealmaker leur semblant s’engager vers une voie visant à ralentir sa sortie du contrat pourtant inévitable, les sociétés Jellej jouets et Toys ‘R’ Us Real Estate ont pris l’initiative, dès le 2 avril 2020, de lui adresser une mise en demeure qui n’a fait l’objet d’aucune réponse de sa part, ayant pris conscience de son intérêt de résilier à l’amiable le contrat plutôt que de se voir imposer une résiliation unilatérale à ses torts.

Celle-ci a donc, tout à fait librement, consenti à la résiliation amiable du contrat de prestation de services. Il ressort clairement des pièces versées aux débats qu’elle n’a entendu discuter ni du principe, ni du contenu de la résiliation amiable qu’elle a signée sans réserve et renvoyée aux intimées le 8 avril 2020. En outre, se présentant comme un ‘conseil en stratégie de développement et d’optimisation du patrimoine immobilier’ et disposant ‘d’une longue expérience et une forte expertise en ces domaines tant en France qu’à l’étranger’, Monsieur [O] [K], président de la société Business Dealmaker, est un opérateur averti, en pleine capacité de mesurer la réalité ainsi que les conséquences de ses éventuels manquements contractuels et la nécessité de conclure une résiliation amiable.

L’acte n’entérinait aucune promesse et libérait les parties contractantes de toutes obligations futures les unes par rapport aux autres. Contrairement à ce qui est affirmé dans les conclusions de la société Business Dealmaker, la résiliation amiable ne prévoyait ni que cette résiliation n’aurait aucune incidence sur la mission de ‘downsizing’ confiée à la prestataire, ni que la clause d’exclusivité était maintenue dans sa version initiale. Au 7 avril 2020, les sociétés Jellej jouets et Toys ‘R’ Us Real Estate n’entretenaient plus aucune relation contractuelle avec la société Business Dealmaker.

En toute hypothèse, cette dernière ne démontre pas l’existence d’un dol. Elle n’établit aucun élément matériel et moral dolosif émanant de ses cocontractantes, ni qu’elle aurait commis une erreur déterminante de son consentement. Elle se contente d’affirmer péremptoirement que les sociétés Jellej jouets et Toys ‘R’ Us Real Estate auraient eu ‘recours à de fausses promesses et des pressions’. Aucune pièce ne vient établir ses allégations.

Pour tenter d’engager la responsabilité contractuelle des sociétés Jellej jouets et Toys ‘R’ Us Real Estate, la société Business Dealmaker leur reproche trois prétendus manquements contractuels sans davantage les prouver. Aucune résiliation abusive ne saurait leur être imputée, les parties ayant valablement résilié d’un commun accord le contrat de prestation de services du 20 juin 2019, mettant par là même un terme à la force exécutoire de la clause d’exclusivité. Seule la société Business Dealmaker a manqué à son obligation de bonne foi.

L’appelante ne démontre aucun lien de causalité entre les fautes alléguées, et non démontrées, et les indemnisations demandées. Elle se contente de conjectures hasardeuses. Elle ne fournit aucune preuve que :

-les propositions qu’elle aurait soumises aux sociétés Jellej jouets et Toys ‘R’ Us Real Estate, au demeurant inexistantes, étaient viables au point d’aboutir à la concrétisation d’offres pour un montant de 5 300 000 euros ;

-les projets prétendument réalisés au titre de la mission de ‘downsizing’ étaient aboutis au point d’atteindre l’objectif d’une augmentation de 550 000 euros annuelle de loyers et que leur échec soit exclusivement imputable aux sociétés Jellej jouets et Toys ‘R’ Us Real Estate ;

-elle allait recevoir des honoraires de 715 000 euros au titre de son contrat de prestation de services avec la société Luderix international.

Sur ce dernier point, les sociétés Jellej jouets et Toys ‘R’ Us Real Estate observent que la société Business Dealmaker cherche à obtenir le paiement d’honoraires qu’elle aurait prétendument perdus au titre d’un contrat conclu de parfaite mauvaise foi et dont l’exécution n’a fait que trahir le conflit d’intérêts dans lequel elle se trouvait. Cette demande est d’autant plus choquante qu’elle a cherché en parallèle, dans le cadre d’une procédure initiée contre la société Luderix international devant le tribunal de commerce de Lille Métropole, à obtenir le paiement de ces mêmes honoraires, qu’elle chiffrait alors à 660 484 euros.

La réparation sollicitée est également démesurée et imprécise. Elle ne correspond pas à l’indemnisation d’une perte de chance, laquelle n’est en aucun cas démontrée. Le montant des honoraires prévus en faveur de la société Business Dealmaker est très largement inférieur et donc en contradiction complète avec le montant fantaisiste de ses demandes.

L’appelante se garde bien d’avouer que cette résiliation lui a permis de sortir sans heurts d’un contrat pour lequel elle aurait pu voir sa responsabilité contractuelle engagée. Derrière son action se cache un opportunisme qui devra être sanctionné. Le caractère manifestement mal fondé de son action révèle l’intention de nuire acharnée qu’elle nourrit à l’encontre des sociétés Jellej jouets et Toys ‘R’ Us Real Estate tant sur le plan civil que pénal.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 16 mai 2023.

SUR CE

Au préalable, il sera rappelé que les « demandes » tendant à voir « constater » ou « dire et juger » ne constituent pas des prétentions au sens de l’article 4 du code de procédure civile et ne saisissent pas la cour lorsqu’elles développent en réalité des moyens.

I – Sur la demande d’annulation de l’acte de résiliation amiable du contrat de prestation de services

Aux termes de l’article 1130 du code civil, l’erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu’ils sont de telle nature que, sans eux, l’une des parties n’aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes. Leur caractère déterminant s’apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné.

Aux termes de l’article 1131 du code civil, les vices du consentement sont une cause de nullité du contrat.

Aux termes de l’article 1137 du code civil, le dol est le fait pour un contractant d’obtenir le consentement de l’autre par des man’uvres ou des mensonges.

Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l’un des contractants d’une information dont il sait le caractère déterminant pour l’autre partie.

Néanmoins, ne constitue pas un dol le fait pour une partie de ne pas révéler à son cocontractant son estimation de la valeur de la prestation.

Les pièces versées aux débats montrent que les sociétés Jellej jouets et Toys ‘R’ Us Real Estate ont confié à la société Business Dealmaker ‘une prestation de conseil et de services en vue d’optimiser les surfaces exploitées par l’enseigne Toys R Us’, portant sur :

-l’élaboration d’un ‘plan d’optimisation des surfaces exploitées’, avec ‘détermination du ou des types d’opérations par site (Investissements-Economies-Planning)’, à remettre ‘au Bénéficiaire au plus tard dans un délai de soixante (60) jours fin de mois à compter de la réception des documents’ ;

-la ‘mise en ‘uvre du plan d’optimisation des surfaces exploitées’, ‘dès validation des actionnaires et dans le cas d’un engagement sur un bail commercial supérieur à 3 ans ferme pour l’exploitation avec la validation du conseil de surveillance de la société exploitante’, avec :

‘-sur la partie en location :

réduction du coût locatif (loyer et/ou charges) à périmètre constant

cession DAB/fonds

réduction partielle ou sous location

transfert

-sur la partie foncière :

cession de terrain totale ou partielle

cession du contrat de location

augmentation du coût locatif à périmètre constant

transfert ou découpage’.

Ce contrat a été résilié amiablement entre les parties le 7 avril 2020, sans versement d’indemnité de résiliation par l’une quelconque des parties au profit d’une autre.

La société Business Dealmaker affirme que son consentement à cette résiliation a été surpris par l’existence de man’uvres dolosives des sociétés Jellej jouets et Toys ‘R’ Us Real Estate, lesquelles auraient exercé sur elle des pressions par le moyen de griefs fallacieux et lui auraient fait la promesse d’autres contrats à venir.

Il lui appartient d’en démontrer l’existence, ainsi que l’intention dolosive de ses cocontractantes, et le fait qu’elle n’aurait pas signé l’acte de résiliation amiable si elle n’avait pas été trompée. Or elle ne produit aux débats, pour attester de ses griefs, que :

– le courrier adressé le 27 mars 2020 par Monsieur [M] à Monsieur [K], lui demandant de signer au plus vite l’acte de résiliation du contrat du 20 juin 2019 et de cesser de lui adresser tout document relatif à la vente, directe ou indirecte, des magasins loués à la société Luderix international, n’ayant aucun mandat en ce sens, en lui indiquant : ‘nous n’excluons pas à l’avenir de vous contacter pour une éventuelle nouvelle mission mais nous considérons, pour le moment, que la priorité est à la clarification de l’état de nos relations contractuelles’ ;

– la lettre de mise en demeure adressée le 2 avril 2020 par Monsieur [M], lui reprochant de ne pas avoir commencé à exécuter le contrat du 20 juin 2019, d’intervenir à la fois en qualité de propriétaire et de locataire des actifs, et de ne pas justifier du respect des obligations qui lui incombent conformément à la loi Hoguet ;

– un SMS adressé le 8 avril 2020 par Monsieur [M] à Monsieur [K], indiquant, en réponse à un SMS du même jour de ce dernier lui adressant ‘la résiliation amiable modifiée et signée’ : ‘Tu peux compter sur moi pour ton association aux démarches futures’ ;

– des échanges de courriels courant juillet 2020, par lesquelles Monsieur [M] a indiqué à Monsieur [K] qu’en l’absence de concrétisation des propositions faites, il avait pris contact avec d’autres professionnels de l’immobilier de la région, n’étant pas lié avec lui par la moindre exclusivité, ce que ce dernier a contesté, revendiquant un droit exclusif aux commissions sur les dossiers traités et déplorant un préjudice d’image.

Or il ne ressort de ces éléments ni pression, ni fausse promesse de la part des sociétés Jellej jouets et Toys ‘R’ Us Real Estate.

Il est indéniable que les sociétés Jellej jouets et Toys ‘R’ Us Real Estate sont de mauvaise foi lorsqu’elles reprochent à la société Business Dealmaker de s’être trouvée en situation de conflit d’intérêts en ce qu’elle a agi à la fois pour les bailleresses et leur preneur, en ayant ‘de sa propre initiative’, conclu un contrat de prestation de services avec la société Luderix international similaire à celui conclu avec elles. En effet, les contrats produits, rigoureusement identiques, ont indubitablement été élaborés de concert. Il s’impose d’ailleurs de constater que la société Luderix international a été représentée, pour signer le contrat du 20 juin 2019, par Monsieur [U] [H], également administrateur de la société Jellej jouets. Le courriel adressé le 15 juillet 2020 à Monsieur [K] par Monsieur [J] [I] confirme en outre l’intrication des dirigeants de ces trois sociétés et démontre à suffisance leur stratégie commune.

Il demeure que la société Business Dealmaker n’a jamais justifié, que ce soit dans le cadre du présent litige, ou préalablement dans le cadre de l’exécution du contrat du 20 juin 2019, de la bonne exécution de sa mission de prestation de services. Elle ne produit ainsi aucun ‘plan d’optimisation des surfaces exploitées’, avec ‘détermination du ou des types d’opérations par site (Investissements-Economies-Planning)’, étant rappelé que ce travail devait être remis aux bénéficiaires au plus tard dans un délai de soixante jours fin de mois à compter de la réception des documents, et qu’il lui a été réclamé par mise en demeure du 2 avril 2020.

Dans son courriel du 29 mars 2020, elle a d’ailleurs reconnu que le contrat n’avait connu qu’un ‘commencement d’exécution’, alors que les documents lui avaient été transmis ‘courant juillet et septembre dernier concernant le foncier appartenant à Jellej Jouets’ indiquant à cet égard : ‘j’ai d’ores et déjà procédé à un travail d’analyse et avancé sur l’optimisation des terrains’, ‘trois dossiers finalisés ([Localité 4], [Localité 6], [Localité 3] et [Localité 5]), offres comprises, [ayant] été remis à [U] [H] pour approbation. Tu te doutes bien que pour arriver à des dossiers finalisés avec offres j’ai du faire un laborieux travail préalable d’analyse qui prend du temps portant aussi bien sur les aspects financiers, techniques que juridiques (ci-joint un exemple de dossier comprenant analyse et pièces). Je fais régulièrement un état d’avancement avec les équipes et je suis régulièrement en contact avec elles afin d’échanger notamment sur les problématiques techniques. Par ailleurs, j’attire ton attention sur le fait que depuis la signature du contrat j’ai analysé tous les dossiers fonciers, j’ai analysé et visité les sites et j’ai d’ores et déjà appréhendé toutes les spécificités et subtilités des actifs qui sont très différents les uns des autres (Baux à Construction, typologie des sites, découpage de terrain,…) et méritent une attention particulière pour en tirer le meilleur prix sans porter préjudice aux optimisations en cours avec les sociétés Jellej Jouets et Luderix International.’.

Il ne peut qu’être constaté qu’elle ne produit aux présents débats aucune pièce démontrant la réalité des travaux ainsi revendiqués, étant observé qu’en tout état de cause, l’acte de résiliation amiable a prévu le paiement de toutes les prestations réalisées.

Par ailleurs, la société Business Dealmaker ne peut plaider ne pas être tenue au respect des dispositions de la loi Hoguet.

Il sera rappelé à cet égard que son dirigeant n’a eu de cesse de revendiquer sa ‘longue expérience’ et sa ‘forte expertise’ en tant que ‘conseil en stratégie de développement et d’optimisation du patrimoine immobilier’, sa ‘bonne connaissance du terrain et des réalités opérationnelles’, en affirmant avoir ‘déjà procédé à l’achat et à la vente de sociétés comportant chacune plusieurs actifs immobiliers’ (son courrier du 29 mars 2020).

La société appelante ne saurait se réfugier derrière le fait que lui aurait été confiée une mission ‘de conseil’, compte tenu des termes du contrat du 20 juin 2019 précédemment cités et du fait que les prestations dont elle se prévaut pour justifier ses demandes d’indemnisation portent sur des honoraires dus en cas cession.

Or la loi n°70-9 du 2 janvier 1970 dite loi Hoguet est applicable aux personnes physiques ou morales qui, de manière habituelle, se livrent ou prêtent leur concours, même à titre accessoire, aux opérations portant sur les biens d’autrui et relatives à l’achat, la vente, la recherche, l’échange, la location ou sous-location, saisonnière ou non, en nu ou en meublé d’immeubles bâtis ou non bâtis.

La réalité des manquements invoqués par les sociétés Jellej jouets et Toys ‘R’ Us Real Estate est donc patente.

Par ailleurs, les courriels produits démontrent que les relations se sont poursuivies pendant quelques mois après la résiliation amiable, et ne se sont interrompues qu’en raison du manque de résultat et du comportement revendicatif de Monsieur [K].

La société Business Dealmaker ne peut donc se plaindre de ‘fausses promesses’, Monsieur [M] n’ayant au demeurant jamais pris à son égard d’engagement ferme.

Il doit enfin être tenu compte de ce que Monsieur [K], président et associé unique de la société Business Dealmaker, est rompu au monde des affaires et ne pouvait ignorer la portée de l’acte de résiliation amiable qu’il a signé, après avoir pris un délai de réflexion et l’avoir, selon les termes de son SMS à Monsieur [M] en date du 8 avril 2020, modifié.

La société Business Dealmaker échoue donc à rapporter la preuve qui lui incombe de la réalité des man’uvres dolosives qu’elle allègue qui auraient vicié son consentement à la résiliation amiable du contrat du 20 juin 2019, la rendant abusive.

La décision entreprise sera confirmée en ce qu’elle l’a déboutée de sa demande d’annulation de l’acte de résiliation dudit contrat, signée le 7 avril 2020, et complétée en ce qu’elle a omis de la débouter de sa demande d’indemnisation de ses préjudices consécutifs à cette résiliation.

II – Sur les manquements contractuels reprochés aux sociétés Jellej jouets et Toys ‘R’ Us Real Estate

1) Sur le manquement à l’obligation de bonne foi

La société Business Dealmaker reproche aux sociétés Jellej jouets et Toys ‘R’ Us Real Estate un manquement à leur obligation de bonne foi, en indiquant qu’elles ont, le 27 mars 2020, sollicité la résiliation amiable du contrat, avant de la mettre en demeure, le 2 avril 2020, d’exécuter ce dernier.

Il s’impose cependant de constater que cette mise en demeure est la suite nécessaire du courriel adressé par Monsieur [K] à Monsieur [M] le 29 mars 2020, en réponse à sa demande de signature de l’acte de résiliation amiable, par lequel le président de la société Business Dealmaker a proposé de revoir certaines conditions du contrat, et notamment de revoir les honoraires et d’ouvrir la clause d’exclusivité afin d’inclure d’autres conseils, en se prévalant d’un commencement d’exécution.

Il s’en suit qu’il ne peut être reproché aux sociétés Jellej jouets et Toys ‘R’ Us Real Estate un comportement incohérent caractérisant un manquement à leur obligation de bonne foi.

La faute n’est pas pas établie.

2) Sur la violation de la clause d’exclusivité

C’est sans aucun fondement que la société Business Dealmaker prétend que l’acte de résiliation amiable du 2 avril 2020 n’a pas mis fin à la mission de ‘downsizing’ qui lui avait été confiée et à la clause d’exclusivité que contenait le contrat du 20 juin 2019.

Il sera rappelé que cet acte indique :

‘Aux termes d’un ace sous seing privé en date du 20 juin 2019, les Parties ont conclu un contrat de prestations de services (le ‘Contrat de Prestation de Services’) ; le Prestataire s’engageant à fournir des prestations de conseil et de services en vue d’optimiser les surfaces exploitées par l’enseigne Toys R Us sur la partie location et la partie foncière, moyennant honoraires et le Bénéficiaire s’engageant à consentir au Prestataire une exclusivité pendant toute la durée du contrat.

(…)

Les Parties déclarent mettre un terme définitif et résilier le Contrat de Prestation de services.

Cette résiliation prendra fin à compter du 07 avril 2020 à 14h00.’

Il ne saurait être tiré aucune conséquence contraire des quelques courriels versés aux débats en date du mois de juillet 2020, qui montrent uniquement que la société Business Dealmaker a continué à être associée aux ‘démarches futures’ des sociétés Jellej jouets et Toys ‘R’ Us Real Estate, avec d’autres professionnels de l’immobilier, Monsieur [M] n’ayant pas manqué de rappeler à Monsieur [K] que leurs sociétés n’étaient plus liées par la moindre exclusivité.

La faute n’est donc pas établie et la décision entreprise sera confirmée en ce qu’elle a débouté la société Business Dealmaker de sa demande de dommages et intérêts pour violation de la clause d’exclusivité et du devoir de bonne foi.

III – Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive

Aux termes des articles 1240 et 1241 du code civil, tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. Chacun est responsable du dommage qu’il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence.

Une partie ne peut engager sa responsabilité pour avoir exercé une action en justice ou s’être défendue que si l’exercice de son droit a dégénéré en abus.

En l’espèce, les sociétés Jellej jouets et Toys ‘R’ Us Real Estate plaident que le caractère manifestement mal fondé de l’action de la société Business Dealmaker révèle l’intention de nuire acharnée qu’elle nourrit à leur encontre, tant sur le plan civil que pénal.

Il sera cependant observé que l’appréciation inexacte qu’une partie fait de ses droits ne suffit pas à démontrer une intention de nuire.

Par ailleurs, les sociétés intimées ont très insuffisamment étayé leurs allégations sur le comportement répréhensible de la société Business Dealmaker, se contentant largement d’affirmations péremptoires.

Aucune preuve d’un abus n’étant rapportée, il convient de confirmer la décision entreprise en ce qu’elle a débouté les sociétés Jellej jouets et Toys ‘R’ Us Real Estate de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.

IV – Sur les demandes accessoires

1) Sur les dépens

Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.

L’issue du litige justifie de condamner la société Business Dealmaker aux dépens d’appel et de confirmer la décision entreprise en ce qu’elle l’a condamnée aux dépens de première instance.

2) Sur les frais irrépétibles

Aux termes de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

La décision entreprise sera confirmée du chef des frais irrépétibles de première instance.

La société Business Dealmaker, tenue aux dépens d’appel, sera en outre condamnée à verser aux sociétés Jellej jouets et Toys ‘R’ Us Real Estate la somme de 7 500 euros au titre de leurs frais irrépétibles d’appel, et déboutée de sa propre demande de ce chef.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement rendu le 27 janvier 2022 par le tribunal de commerce de Lille Métropole en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Déboute la société Business Dealmaker sa demande d’indemnisation au titre de ses préjudices consécutifs à la résiliation du contrat de prestation de services conclu le 20 juin 2019 ;

Condamne la société Business Dealmaker à payer aux sociétés Jellej jouets et Toys ‘R’ Us Real Estate la somme de 7 500 euros au titre de leurs frais irrépétibles d’appel ;

Déboute la société Business Dealmaker de sa propre demande au titre de ses frais irrépétibles ;

Condamne la société Business Dealmaker aux dépens d’appel.

Le greffier

Marlène Tocco

Le président

Samuel Vitse

 


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