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27 février 2007
Cour de cassation
Pourvoi n°
06-86.014
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-sept février deux mille sept, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller LE CORROLLER, les observations de la société civile professionnelle ROGER et SEVAUX, et de la société civile professionnelle RICHARD, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général DAVENAS ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
1 ) les syndicats professionnels :
– LA FEDERATION NATIONALE DES DISTRIBUTEURS DE
X… (Y…),
– LE SYNDICAT DE L’EDITION Z… (SEV),
2 ) les éditeurs :
– LA SOCIETE TWENTIETH CENTURY FOX HOME
A… FRANCE,
– LA SOCIETE BUENA VISTA HOME A…,
– LA SOCIETE GAUMONT COLUMBIA TRISTAR HOME
Z…,
– LA SOCIETE PARAMOUNT HOME A…
FRANCE,
– LA SOCIETE UNIVERSAL PICTURES Z…,
– LA SOCIETE WARNER BROS FRANCE,
3 ) les producteurs :
– LA SOCIETE TWENTIETH CENTURY FOX FILM
B…,
– LA SOCIETE COLUMBIA PICTURES INDUSTRIES INC,
– LA SOCIETE DISNEY ENTREPRISES INC,
– LA SOCIETE PARAMOUNT PICTURES B…,
– LA SOCIETE MGM A… CO,
– LA SOCIETE UNIVERSAL CITY STUDIOS LLLP,
– LA SOCIETE DREAMWORKS,
– LA SOCIETE TRISTAR PICTURES INC,
contre l’arrêt de la cour d’appel de BASTIA ,chambre correctionnelle ,en date du 6 septembre 2005, qui, dans la procédure suivie, pour contrefaçons, notamment contre Marie-Thérèse C…, épouse D…, Arnaud E…, Grégory F…, René G…, Didier H…, Marc I…, Yannick J…, Nicolas D… et Pierre K…, a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
I – Sur le pourvoi de la Y… et du SEV ;
Attendu qu’aucun moyen n’est produit ;
II – Sur le pourvoi des éditeurs et des producteurs en ce qu’il est dirigé contre Didier H…, Yannick J… et Pierre K… ;
Attendu que les éditeurs et les producteurs ne dirigent aucune critique, pour les besoins de leurs actions civiles, contre les dispositions de l’arrêt qui ont relaxé Didier H…, Yannick J… et Pierre K… du chef de contrefaçon par violation de la territorialité des droits et qui ont, par suite, à raison de cette relaxe, débouté de ce chef les parties civiles de leur demandes ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 335-4 du code de la propriété intellectuelle, 2, 3, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
“en ce que l’arrêt attaqué a débouté les producteurs de leurs demandes en réparation du préjudice subi à raison des délits de contrefaçon par violation de la territorialité des droits et mise en location illicite ;
“au motif qu’ainsi qu’ils l’écrivent eux-mêmes dans leurs conclusions, les producteurs des oeuvres contrefaites, qui “entendent soutenir la demande des sociétés d’édition”, “limitent” leurs demandes à un euro symbolique de dommages-intérêts ; que cela signifie qu’ils n’ont subi aucun préjudice et, dès lors, ils ne peuvent réclamer aucun dédommagement de quelque ampleur qu’il soit ;
“alors que la circonstance qu’une partie civile ait sollicité un euro symbolique en réparation du dommage qu’elle considère avoir subi du fait de l’infraction poursuivie ne saurait légalement permettre d’en déduire l’absence de tout préjudice ; que, dès lors, en se fondant sur ce seul motif pour déclarer que les producteurs n’avaient en l’espèce subi aucun préjudice, la cour, qui, par ailleurs, a fait entièrement abstraction de leur demande de publication de la décision à intervenir, a privé sa décision de toute base légale, un producteur, titulaire de l’intégralité des droits d’exploitation de l’oeuvre cinématographique et, par conséquent, seul habilité à décider des modalités de son exploitation, subissant nécessairement un préjudice du fait de l’atteinte à ses prérogatives que lui cause la diffusion d’oeuvres cinématographiques en violation des clauses d’exclusivité qu’il a pu consentir” ;
Vu l’article 593 du code de procédure pénale ;
Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties ; que l’insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;
Attendu que, pour débouter les producteurs de toutes leurs demandes en réparation du préjudice subi en raison, d’une part, des délits de contrefaçon par violation de la territorialité des droits définitivement retenus contre Nicolas D…, Arnaud E…, René Marrug, Marc I…, Marie-Thérèse C…, épouse D…, et Grégory F…, et, d’autre part, des délits de contrefaçon par mise en location illicite définitivement retenus contre Didier H…, Yannick J… et Pierre K…, les juges relèvent que les producteurs limitent leurs demandes à un euro symbolique de dommages-intérêts, ce qui signifie qu’ils n’ont subi aucun préjudice ;
Mais attendu qu’en se déterminant ainsi, sans répondre aux conclusions des producteurs, qui sollicitaient, outre la somme précitée, une mesure de publication à titre de réparation, en faisant valoir que la commercialisation de supports vidéo en violation d’une clause d’exclusivité par eux consentie ou encore la location illicite de ces supports constituaient indéniablement une atteinte à leurs prérogatives et leur causait un préjudice découlant directement des faits objet de la poursuite, la cour d’appel n’a pas justifié sa décision ;
D’où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 335-4 du code de la propriété intellectuelle, 2, 3, 591, 593 du code de procédure pénale, défaut de réponse à conclusion, défaut de motifs et manque de base légale ;
“en ce que l’arrêt attaqué a déclaré qu’au titre de la contrefaçon par violation de la clause d’exclusivité territoriale, le seul préjudice subi par chacune des sociétés d’édition résidait dans l’atteinte à leurs droits entraînant, pour les faire respecter, l’obligation d’engager une procédure judiciaire et, en conséquence, a évalué à la somme de 100 euros le montant de leur préjudice ;
“aux motifs que, du fait de la contrefaçon par le non-respect des règles de la territorialité, les éditeurs demandent 30 euros par support illégalement importé en France en soutenant que les sociétés établies en France subissaient une concurrence illicite puisque chaque DVD vendu a diminué d’autant le nombre de vente pouvant être espérée par elles, et affirment qu’elles ont en plus subi des préjudices additionnels du fait de l’obligation de défendre leurs droits de la perturbation du marché de l’atteinte à leur image ; mais que la cour relève d’abord que tous les films illégalement importés n’ont pas fait l’objet d’une édition spécifique pour le marché français, ce qui signifie que toutes les ventes des supports zone 1 ne se sont pas substituées à la vente de supports par les sociétés éditrices locales ; qu’elle relève ensuite que les supports litigieux n’ont pas été illégalement reproduits mais ont été achetés, ce qui signifie que, lors de chaque vente, les titulaires des premiers droits ont perçu une somme d’argent, le fait que celle-ci aille à une société mère et non à une filiale locale minorant malgré tout le préjudice de toutes ces sociétés, juridiquement et économiquement liées ; que, par ailleurs, aucune analyse, même sommaire, n’est proposée pour démontrer que la mise en vente de DVD zone 1 en langue anglaise ait réduit de façon significative, et pour une part qui n’est pas plus mentionnée, l’ampleur du marché français des DVD traduits ; que les parties civiles n’indiquent pas, si tel était le cas, quels sont les supports litigieux qui, même lors de leur mise en vente en zone 1, disposaient déjà d’un choix de langue et de lecture incluant la langue française ; que, s’agissant des préjudices additionnels allégués, rien au-delà d’une affirmation de principe ne vient démonter l’existence d’un préjudice “moral” ou d’une “atteinte à l’image” ; qu’en conséquence, le seul préjudice suffisamment démontré, occasionné aux parties civiles, est uniquement l’atteinte à leurs droits entraînant, pour les faire respecter, l’obligation d’engager une procédure judiciaire ;
“alors que, de première part, les sociétés d’édition ayant évalué leur préjudice sur la base de la somme de 30 euros, prix moyen d’un DVD par exemplaire saisi de DVD illégalement importés en France en effectuant leur calcul titre par titre des oeuvres concernés, la cour, qui, pour refuser de faire droit à leurs demandes ainsi calculées, s’est bornée à énoncer que tous les films illégalement importés n’avaient pas fait l’objet d’une édition spécifique pour le marché français sans aucune précision quant aux titres concernés par cette affirmation, n’a pas, en l’état de cette insuffisance de motifs caractérisée, justifié du bien-fondé de sa décision excluant l’existence d’un préjudice économique subi par les éditeurs et ne leur accordant réparation que d’un simple préjudice résultant de la nécessité d’engager un procès et évalué à cent euros ;
“alors que, de deuxième part, la circonstance que des sommes aient été perçues par les titulaires des premiers droits lors de chaque vente en zone 1 de DVD qui, par la suite, ont été illégalement importés et vendus en France, ne saurait exclure ni même diminuer le préjudice subi par les sociétés d’édition résultant de ces agissements frauduleux qui les ont ainsi privé des droits qu’elles auraient perçus lors de la commercialisation régulière de ces mêmes DVD, la circonstance relevée par l’arrêt que toutes les sociétés en cause étaient juridiquement et économiquement liées étant à cet égard dépourvue de toute pertinence, l’application des règles relatives aux droits d’auteurs et aux droits voisins ne pouvant varier en fonction de caractéristiques inhérentes à la personne du bénéficiaire des droits ; qu’il s’en suit qu’en se fondant sur de telles considérations pour rejeter les demandes de réparation du manque à gagner et donc d’un préjudice économique faites par les parties civiles, la cour a, là encore, entaché sa décision d’insuffisance ;
“alors que, de troisième part, la commercialisation de DVD faite par des personnes dépourvues de droit, et à une époque où en tout état de cause le principe de chronologie des médias s’opposait à cette commercialisation sur le territoire français, a nécessairement pour effet de réduire d’autant le produit susceptible d’être retiré de la commercialisation des DVD traduits lorsqu’elle celle-ci devient légalement possible, de sorte qu’en écartant les demandes des éditeurs tendant à ce que leur préjudice soit évalué au montant de ce manque à gagner en leur faisant grief de ne pas rapporter la preuve de l’ampleur de l’impact de ce commerce parallèle sur le montant des ventes réalisées par eux, la cour a, une fois de plus, entaché sa décision d’insuffisance ;
“alors que, de quatrième part, en l’état de ces motifs, la cour n’a pas répondu aux arguments péremptoires des parties civiles invoquant le préjudice affectant le coût de l’exploitation de l’oeuvre audiovisuelle sous forme de DVD et résultant de ce que les importations parallèles faussent l’évaluation des investissements nécessaires pour la conception du DVD français comme pour sa promotion, évaluation faite à partir de la détermination du nombre de ventes de DVD qui sont susceptibles d’être réalisées et qui, du fait de ces importations illicites, se trouve exposé à un risque certain de surestimation ;
“alors qu’enfin, les parties civiles ayant demandé réparation au titre des préjudices additionnels résultant notamment de la perturbation occasionnée, par ces importations parallèles et commercialisations illicites, à ce marché particulièrement fragile qui est celui de l’exploitation des oeuvres audiovisuelles, la cour, qui, pour refuser toute réparation de ce chef, a considéré qu’il s’agissait là d’une affirmation de pur principe, a privé sa décision de toute base légale” ;