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21 juillet 2016
Cour d’appel de Grenoble
RG n°
13/03053
RG N° 13/03053
AME
N° Minute :
Copie exécutoire
délivrée le :
la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC
Me Alexandra WIEN
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT DU JEUDI 21 JUILLET 2016
Appel d’une décision (N° RG 2010R106)
rendue par le Tribunal de Commerce de ROMANS SUR ISÈRE
en date du 19 juin 2013
suivant déclaration d’appel du 04 juillet 2013
APPELANTE :
SARL CENTRE TECHNIQUE D’ASSÈCHEMENT CTA prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité
[Adresse 1]
[Localité 1]
Représentée par Me Josette DAUPHIN de la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant, et par Me Bastien LAURENT GRAND PRE, avocat au barreau de LYON, plaidant
INTIMÉE :
SARL BATI CONSEIL
[Adresse 2]
[Localité 2]
Représentée par Me Alexandra WIEN, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant, et par Me Nicolas PETIT, avocat au barreau de BAYONNE, plaidant
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Madame Dominique ROLIN, Président de Chambre,
Madame Fabienne PAGES, Conseiller,
Monsieur Anne-Marie ESPARBÈS, Conseiller,
DÉBATS :
A l’audience publique du 18 Mai 2016
Madame Anne-Marie ESPARBÈS, Conseiller, en son rapport, assistée de Madame COSNARD, Greffier, a entendu les avocats en leurs conclusions et plaidoiries, les parties ne s’y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 786 et 910 du Code de Procédure Civile. Il en a rendu compte à la Cour dans son délibéré initialement prévu au 30 juin 2016 et prorogé ce jour.
FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES
La Sarl Centre technique d’assèchement CTA (gérant M. [W], société localisée à [Localité 3]) est spécialisée dans la fabrication et la commercialisation d’appareils permettant l’assèchement des bâtiments, ainsi que dans le diagnostic et l’expertise pour le traitement des problèmes d’assèchement. Elle commercialise notamment le procédé Mur Tronic dans le cadre d’un réseau constitué au Sud de la France.
Par contrat et avenant du 1er janvier 1998, CTA a conclu avec la société BATI CONSEIL (M. [N], société localisée à [Localité 4]) un contrat de distribution exclusive du procédé Mur Tronic pour les départements des Pyrénées Atlantiques (64), des Hautes Pyrénées (65) et des Landes (40), pour une durée de deux ans renouvelable par tacite reconduction par année sous préavis de trois mois. En substance, BATI CONSEIL s’interdisait de démarcher les clients sur un autre ressort géographique et ne pouvait commercialiser un autre appareil concurrent. La fourniture des appareils à charge de CTA intervenait sous 48h et le règlement était stipulé à 60 jours pour les collectivités locales et à 30 jours pour les particuliers.
Les relations se sont dégradées entre les parties par suite de retards de paiement allégués par CTA, qui ont entraîné la suspension par CTA de livraison des commandes de BATI CONSEIL des 26 août 2010 (2 appareils) et 13 septembre 2010 (2 appareils).
Saisi par BATI CONSEIL par exploit du 19 octobre 2010 pour obtenir la livraison des 4 appareils Mur Tronic commandés mais non livrés dits payés le 10 septembre 2010, ainsi que celle de 4 autres appareils commandés en cours de procédure les 27 octobre, 3 novembre et 17 décembre 2010, et par ordonnance du 24 janvier 2011, le juge des référés du tribunal de commerce de Romans sur Isère a’:
– constaté qu’à la date de l’assignation, BATI CONSEIL n’était pas à jour de ses paiements,
– dit que CTA a légitimement opposé à BATI CONSEIL l’exception d’inexécution,
– débouté BATI CONSEIL de sa demande de livraison sous astreinte à l’encontre de CTA,
– donné acte à CTA de ce qu’elle sollicite le renvoi des parties devant les juges du fond afin d’entendre prononcer la résolution du contrat de distribution au regard des fautes commises par son revendeur BATI CONSEIL,
– renvoyé les parties devant la formation collégiale du tribunal à l’audience du 7 février 2011,
– et dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile.
BATI CONSEIL ayant formé appel à l’encontre de l’ordonnance, le tribunal saisi du fond de l’affaire a sursis à statuer en attente de l’arrêt.
Par courrier recommandé avec accusé de réception du 28 février 2011, CTA a fait savoir à BATI CONSEIL sa décision de ne pas renouveler le contrat de distribution avec effet au 31 décembre 2011.
Un arrêt du 20 décembre 2012 a confirmé l’ordonnance du juge des référés du 24 janvier 2011.
Par le jugement déféré du 19 juin 2013, le tribunal statuant en reprise du fond de l’affaire a, au visa de l’article 1134 du code civil :
– fixé la date de résiliation du contrat de distribution liant les parties au 31 décembre 2012,
– débouté CTA de l’ensemble de ses demandes d’indemnisation faute de justifier d’un manquement dommageable de BATI CONSEIL à ses obligations contractuelles,
– dit que la fin des relations contractuelles trouve sa cause dans le défaut de livraison de CTA à titre de mesure coercitive,
– arrêté le montant du préjudice de BATI CONSEIL à 150.000 euros consécutif à la perte de marché du fait de la rupture des relations contractuelles,
– condamné CTA à payer à BATI CONSEIL cette somme à titre de dommages-intérêts,
– rejeté la demande d’exécution provisoire,
– dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,
– et condamné CTA aux dépens.
Appelante par acte du 4 juillet 2013 et par conclusions du 10 novembre 2014 fondées sur les articles 1134 et suivants du code civil, la Sarl Centre technique d’assèchement CTA a sollicité par voie de réformation’:
– de constater que BATI CONSEIL a violé les délais de paiements contractuels de manière systématique,
– de constater qu’à la date de sa mise en demeure adressée à elle par BATI CONSEIL pour la livraison des appareils Mur Tronic, BATI CONSEIL était débitrice à son égard rendant légitime son exception d’inexécution,
– de constater que BATI CONSEIL a refusé d’appliquer les dispositions contractuelles de paiement et ignorés ses propositions, ce qui aurait permis une reprise des livraisons,
de constater que BATI CONSEIL a violé son obligation d’approvisionnement exclusif et de non-concurrence,
– de constater que BATI CONSEIL a manqué à son obligation de loyauté en portant atteinte au réseau Mur Tronic par ses correspondances,
– de constater que BATI CONSEIL n’a pas respecté les règles du réseau Mur Tronic en matière de publicité régionale et de diagnostic gratuit,
– de constater qu’elle-même n’a commis aucun manquement contractuel et que BATI CONSEIL n’a subi aucun préjudice du fait de la suspension des livraisons, s’étant approvisionnée en parallèle hors du réseau Mur Tronic et ayant largement maintenu son chiffre d’affaires sur la période,
– de constater que son préjudice s’élève à 109.203 euros au titre de la perte de marge sur les exercices 2010 et 2011,
– de constater que le montant des intérêts de retard dus par BATI CONSEIL sur 2009 et 2010 s’élève à 4.136,60 euros,
– de constater que son préjudice s’élève à 15.398 euros au titre de l’absence de publicité régionale depuis 2007,
– de constater que son préjudice s’élève à 10.000 euros pour atteinte à son image,
à titre principal, de constater qu’elle a valablement résilié le contrat de distribution au 31 décembre 2011,
à titre subsidiaire, de constater que les manquements contractuels de BATI CONSEIL justifient une «’résolution’» judiciaire du contrat de distribution à la même date,
par conséquent et en tout état de cause’:
– de la décharger des condamnations prononcées contre elle en principal, intérêt, frais et accessoires,
– de juger que le contrat de distribution a pris fin au 31 décembre 2011,
– de condamner BATI CONSEIL à lui payer la somme provisionnelle de 138.738 euros au titre de ses manquements contractuels,
– d’ordonner une expertise et donner mission à l’expert, en substance’:
* de déterminer le montant du chiffre d’affaires réalisé par BATI CONSEIL depuis le 1er janvier 2010 jusqu’à la fin de son obligation de non-concurrence contractuelle par la commercialisation, directe ou indirecte, sur les départements 64, 65 et 40, de tous procédés d’assèchement de bâtiments Mur Tronic non livrés par elle, ou concurrents (Aquaraid, Omhega, Isocec, Evo, Aquawita, Technisec, MurTech, Stop Rise, Mur Prime, Hygrostop, Ecodry, Mur Tronic2 etc…) ou produits liés,
* de donner son avis sur le préjudice financier subi par elle du fait de cette violation de l’obligation d’approvisionnement exclusif et de non-concurrence depuis le 1er janvier 2010 jusqu’à la date de fin de son obligation de non-concurrence contractuelle, terme de l’obligation de non-concurrence,
– de surseoir à statuer dans l’attente du rapport sur le montant définitif de son préjudice subi du fait de la violation de l’obligation d’approvisionnement exclusif de non-concurrence,
– de condamner BATI CONSEIL au paiement de 20.000 euros au titre du préjudice moral subi par elle,
– d’ordonner la publication de l’arrêt à intervenir aux frais de BATI CONSEIL dans trois journaux ou revues à son choix,
– de condamner BATI CONSEIL à consigner entre les mains du bâtonnier de Lyon, en qualité de séquestre, dans les15 jours de la signification de l’arrêt, la somme correspondant à ces publications, et, sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard passé le délai d’un mois après la signification de l’arrêt,
– de dire que le bâtonnier de Lyon lui attribuera les sommes séquestrées sur présentation des bulletins de commande d’insertion des publications en cause,
– de condamner «’la société [D]Assèchement’» [lire plutôt BATI CONSEIL] à faire publier en page d’accueil sur tout site internet lui appartenant l’arrêt à intervenir dans son intégralité pendant 6 mois à compter de sa signification, sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard,
– de dire que les intérêts seront capitalisés par périodes annuelles, conformément à l’article 1154 du code civil,
– de condamner BATI CONSEIL à lui payer la somme de 12.000 euros par application de l’article 700 du Code de procédure civile et tous les dépens.
Par conclusions du 2 mars 2015, la Sarl BATI CONSEIL a sollicité’:
– de rejeter les demandes de CTA à son encontre, comme irrecevables et mal fondées,
– de prononcer la «’résolution’» judiciaire du contrat de distribution exclusif liant les parties aux torts exclusifs de CTA,
– de condamner CTA à l’indemniser du manque à gagner annuel moyen, en compensation de l’impossibilité de poursuivre l’activité depuis le mois d’août 2010, et ce, du seul fait de CTA à savoir’:
* si la cour retient la date du 31 décembre 2011 comme étant la fin du contrat de distribution, une somme de 115.838,85 euros,
* si la cour retient la date du 31 décembre 2012, une somme de 197.607,45 euros, et dans cette seconde hypothèse, à titre subsidiaire, de confirmer le jugement déféré et dès lors la condamnation de CTA à lui verser 150.000 euros à titre de dommages-intérêts,
– de condamner CTA à lui verser 163.537,20 euros correspondant au manque à gagner annuel moyen pour les deux années postérieures à la résolution du contrat, cette indemnisation venant compenser l’impossibilité de poursuivre l’activité durant cette période et ce, du seul fait de CTA,
– de juger que l’ensemble des sommes précitées seront assorties de l’intérêt à taux légal à compter de l’arrêt,
– d’ordonner la capitalisation des intérêts par périodes annuelles,
– de condamner CTA à lui verser 10.000 euros en réparation du préjudice moral subi du fait de son comportement dolosif,
– de condamner CTA à lui verser 10.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,
avec charge des dépens d’instance.
La procédure a été clôturée le 24 mars 2016.
MOTIFS
Sur l’irrecevabilité
Le moyen soutenu par BATI CONSEIL est rejeté dès lors que, si CTA sollicitait devant le premier juge une seule somme de 147.999 euros en réparation de l’ensemble des préjudices invoqués causés par les manquements allégués à l’encontre de BATI CONSEIL, ses demandes devant la cour, fondées sur les mêmes manquements, sauf le paiement de la redevance publicitaire et la formation du nouveau distributeur que CTA a abandonnés, se chiffrent à un total de 138.737,60 euros correspondant à quatre chefs de préjudices (109.203 + 4.136,60 +15.398 + 10.000 euros) auxquels s’ajoute une demande au titre du préjudice moral (20.000 euros), ce qui au global ne peut s’analyser comme des demandes irrecevables au sens de l’article 564 du code de procédure civile.
Sur la résiliation contractuelle
Les parties s’accordent à dire que la convention de distribution qui les liait depuis le 1er janvier 1998 est contractuellement résiliée.
Sur la date d’effet de la résiliation, le premier juge a retenu la date du 31 décembre 2012 suggérée par BATI CONSEIL dans ses écritures, en estimant que la preuve de la réception par cette dernière du courrier de résiliation adressé par CTA à la date du 28 février 2011 à effet au 31 décembre 2011 n’était pas établie.
Ce qui est erroné.
En effet, ce courrier recommandé posté le 28 février 2011 a été remis le 3 mars 2011 à BATI CONSEIL ainsi qu’en atteste l’accusé de réception signé versé aux débats ainsi que l’attestation de La Poste du 6 février 2012 selon laquelle le courrier destiné à «’BATI CONSEIL[X][N][Adresse 3]’» a été ré-acheminé vers [Localité 5].
Les moyens contraires soutenus par BATI CONSEIL sont inopérants, dont celui tiré de son absence à l’étranger à cette époque, dès lors qu’il apparaît que le signataire s’est dit habilité à recevoir le courrier, au demeurant annoncé dès le 26 janvier 2011 par le conseil de CTA au conseil de BATI CONSEIL.
Le respect du préavis de trois mois par CTA n’étant par ailleurs pas discuté, la résiliation contractuelle a pris effet le 31 décembre 2011.
Par suite, la demande de CTA de voir fixer la date de résiliation contractuelle au 31 décembre 2012 est rejetée.
Sur les manquements de BATI CONSEIL reprochés par CTA
A titre principal, pour imputer à BATI CONSEIL les torts de la rupture, justifier la suspension de ses livraisons et solliciter des dommages-intérêts en réparation des préjudices qu’elle allègue, CTA lui reproche des retards de paiement systématiques, une violation de l’obligation d’approvisionnement exclusif, un non-respect des obligations du distributeur en matière de publicité, ainsi qu’une atteinte à son image et à celle du réseau et de la marque Mur Tronic.
Sur les retards de paiements
Le contrat stipule à son article 3-3 que le «’prix sera payable dans un délai de 60 jours pour les collectivités locales et 30 jours pour les particuliers de la date d’expédition. Le règlement se fera par LCR. En contrepartie de ces délais de paiement ainsi accordés, le revendeur fournira à CTA une caution bancaire de 100.000 F’».
CTA soutient que les retards de paiement sont importants et systématiques, ainsi qu’ils ont atteint en 2009 jusqu’à 152 jours (ou plutôt 150 jours tels que visés au tableau pièce 2) une seule facture ayant été réglée à son échéance, et que le retard moyen est de 77 jours.
Pour le contester, BATI CONSEIL produit un tableau comparatif des délais qui, au total des factures examinées, indique un chiffre de retard cumulé de 350 jours, au lieu des 1.406 jours de dépassement dits par CTA. Ce tableau manque de caractère probant dès lors que BATI CONSEIL se réfère à la date de facturation comme point de départ du délai de paiement au lieu de la date d’expédition, inscrit comme date de paiement celle du chèque sans tenir compte
des délais d’envoi, et n’a pas accepté de produire les preuves des dates de débits exacts de son compte bancaire.
Pour autant, de tels retards pour lesquels BATI CONSEIL n’a pas reçu de mise en demeure écrite et circonstanciée avant le courrier du 26 août 2010 ne constituent pas un manquement contractuel à la charge de BATI CONSEIL et ne peuvent pas justifier le défaut de livraison par CTA à BATI CONSEIL. Il appartenait à CTA de solliciter les intérêts de retard prévus à l’article L.441-6 du code de commerce, ce que vise CTA elle-même dans ses écritures, et de mettre en ‘uvre la caution bancaire stipulée au contrat, le fait que celle-ci n’ait finalement pas été réclamée par CTA à la souscription du contrat et avant l’instance étant inopérant.
En d’autres termes, le litige entre les parties relativement aux paiements ne permettait pas à CTA de se dispenser de ses propres obligations, notamment de livrer les appareils commandés dans le délai contractuel de 48h. La proposition de CTA de reprendre les livraisons si elles étaient garanties par un paiement comptant ou un chèque remis à la commande à encaisser postérieurement, n’est pas compatible avec la convention.
Sur la violation de l’obligation d’approvisionnement exclusif
Le contrat stipule en son article 1er- 4 que «’Le revendeur bénéficiant d’un contrat de distribution exclusive dans son secteur s’interdit de distribuer directement ou indirectement, sous quelque forme que ce soit, des produits susceptibles de concurrencer ceux dont la commercialisation lui est confiée par les présentes et notamment de diffuser un autre procédé d’assèchement des murs.
Pendant l’exécution du présent contrat, le revendeur s’engage à ne pas exploiter directement ou indirectement ou par personne interposée, notamment par personne morale dont il serait associé, dirigeant ou représentant une entreprise dont l’activité serait susceptible de concurrencer celle faisant l’objet des présentes.’»
BATI CONSEIL ne disconvient pas être tenue d’une telle obligation contractuelle de non-concurrence et de distribution exclusive.
CTA soutient avoir appris en 2011 que BATI CONSEIL ne respectait pas son obligation d’approvisionnement exclusif, se faisant livrer des appareils d’assèchement concurrents, ce qui serait conforté par le rapprochement du chiffre d’affaires de BATI CONSEIL et la faiblesse de ses commandes auprès de CTA.
En précisant que la société [D] Assèchement localisée à [Localité 6] (contre qui elle a obtenu en novembre 2011 l’autorisation judiciaire sur requête de procéder à un constat d’huissier) est en lien étroit avec BATI CONSEIL, CTA évoque’:
– trois factures établies sur des commandes de septembre et octobre 2010 par [D] Assèchement ou M. [V] [D] architecte pour des chantiers situés dans les départements 40 et 64 pour les clients [A] et [R], pour lesquels BATI
CONSEIL avait déjà passé des commandes de Mur Tronic auprès de CTA.
– un devis du 27 mars 2011 présenté par [D] Assèchement au client Syndic[Adresse 4] pour un matériel concurrent distribué par la société Geco,
– et deux autres devis des 7 et 15 avril 2011 établis par la même [D] Assèchement au profit de deux autres clients du département 64 pour des procédés concurrents Aquaraid.
Pour autant, ces pièces n’établissent pas le manquement de BATI CONSEIL (qui ne reconnaît que la commande d’un seul appareil Mur Tronic à un autre distributeur sous la pression du client la Résidence [R] et en l’état du refus de livraison par CTA) à son obligation, étant noté que BATI CONSEIL établit par ailleurs que CTA a, avant l’expiration du contrat, fait intervenir un autre distributeur (Rey assèchement) sur son secteur (client Jacobins).
Le fait que [D] Assèchement est une entreprise amie selon le site de BATI CONSEIL et que son gérant M. [D] est expert judiciaire comme l’est M. [N], est inopérant. Il est de plus rappelé que les parties étaient en conflit depuis août 2010 sur le point du paiement des commandes de BATI CONSEIL ce qui avait entraîné la suspension des livraisons (8 livraisons listées par BATI CONSEIL en page 32 de ses écritures), ce qui est jugé illégitime en application du contrat, peu important que le juge des référés dont la décision n’a pas autorité de chose jugée ait débouté BATI CONSEIL de sa demande de livraison forcée.
CTA fait ensuite valoir un chiffre d’affaires réalisé par BATI CONSEIL hors de son champ d’exclusivité sur les exercices 2010 et 2011 à hauteur de 77.078 euros (commandes bloquées par CTA et honorées avec des appareils non livrés par CTA) + 108.541 euros (chiffre d’affaires non expliqué par BATI CONSEIL se rapportant probablement à des appareils concurrents).
Cependant, une telle argumentation, qui ne peut non plus fonder une mesure d’expertise judiciaire à laquelle CTA a conclu à tort, n’est pas probante.
De première part, BATI CONSEIL qui n’est pas interdit d’exercer toute autre activité dans le respect du contrat de distribution exclusive en litige, rappelle et justifie d’un chiffre d’affaires intégrant une activité d’expertise, et de seconde part, la cour relève que l’article 5 du contrat autorise «’le revendeur (à) commercialiser des articles non-concurrents sous réserve qu’ils ne compromettent pas l’image de marque des produits Mur Tronic’». Or, l’atteinte à cette image n’est pas plus démontrée.
Aucun manquement n’est retenu à l’encontre de BATI CONSEIL relativement à son obligation d’approvisionnement exclusif.
Sur le non-respect des obligations du distributeur en matière de publicité
L’article 2-2 du contrat de distribution relatif à l’assistance commerciale stipule qu’en contrepartie de l’action publicitaire réalisée par CTA sur le plan national qui la conduira à transmettre rapidement au revendeur tous les contacts, «’Le revendeur réglera une somme de 450 F HT par mois et par département concédé par prélèvement bancaire. Ce chiffre est arrêté chaque année en fonction de l’évolution du budget publicitaire’».
CTA expose que ces règles ont été modifiées en 2004, de sorte que la redevance qui n’était plus versée devait être investie par chaque revendeur dans sa publicité régionale.
La lettre circulaire du 17 mars 2008 adressée aux membres du réseau confirme que la charge de la publicité nationale revenait à CTA sans paiement de redevance de la part des revendeurs et que la publicité locale revenait à ces derniers, ce dont BATI CONSEIL ne disconvient pas.
CTA soutient que BATI CONSEIL n’a plus assuré son obligation de publicité depuis 2007, ce qui serait préjudiciable au réseau Mur Tronic qui ne bénéficierait plus de publicités locales sur les départements 64, 65 et 40, que Mur Tronic n’apparaît plus sur les courriers de BATI CONSEIL, sur son site internet ni sur les pages jaunes, et que M. [N] ne fait pas non plus de salons, de publicités dans les journaux ni de journées d’information destinées aux architectes et aux maires, encore que BATI CONSEIL ne démontre aucun budget investi au profit du réseau (autre que celui profitant aux multiples activités de M. [N]), au contraire d’autres distributeurs tels que ACF, ECTB et Rays Candas.
En indiquant le montant de son budget publicité réservé au procédé Mur Tronic (6.000 à 7.000 euros/an), BATI CONSEIL rétorque à juste titre que le budget de publicité nationale investi par CTA (38.552 euros pour l’exercice 2011) est faible ne représentant que 2’% de son chiffre d’affaires, ce qui n’est pas contredit. Il ajoute que CTA ne s’est pas plaint avant l’instance de ce prétendu défaut de publicité régionale de la part de BATI CONSEIL, et que le courrier de 2008 accorde une publicité nationale à la charge de CTA sans contrepartie. La cour retient la pertinence de ces arguments, en ajoutant qu’aucune disposition conventionnelle n’impose en effet à BATI CONSEIL un chiffre en investissement publicitaire, qui, s’il était insuffisant, serait sanctionné par une insuffisance de commandes dont le revendeur serait la première victime.
Aucun manquement n’est donc retenu à l’encontre de BATI CONSEIL relativement à son obligation en matière de publicité.
Sur l’atteinte à l’image de CTA, du réseau et de la marque Mur Tronic
1 – L’article 6 du contrat stipule que «’Pendant toute la durée du contrat, le revendeur devra s’abstenir de toute action susceptible de compromettre la promotion ou la bonne notoriété de la marque Mur Tronic’»
CTA fait valoir une rupture de la relation de confiance entre les parties, par le fait que BATI CONSEIL a diffusé aux autres membres du réseau un courriel de son avocat avec des propos («’ci-joint le courrier de mon avocat du 24 09 2010 depuis plus de nouvelles de [W]. Si rien d’ici demain soir lundi tribunal de Lyon. C’est parti pour trois ans de guerre’») destinés à la discréditer, que cette attitude est inadmissible de la part d’un membre du réseau et d’un partenaire commercial et qu’elle implique tout le réseau dans un litige qui ne concerne que CTA et BATI CONSEIL.
Cependant, un tel fait qui est occasionné par l’engagement de la procédure initiée par BATI CONSEIL et motivée par un refus illégitime de livraison de la part de CTA, n’a pu fonder une telle atteinte à l’image de CTA et celle du réseau, qui n’est nullement démontrée.
2 – Il en est de même quant à l’atteinte alléguée par CTA à l’image de la marque Mur Tronic.
CTA soutient sur ce point que la pratique de BATI CONSEIL de faire payer au client le diagnostic est incompatible avec la publicité effectuée par CTA lors des salons nationaux ainsi qu’avec la pratique des autres revendeurs du procédé, et que ce fait a porté atteinte à la compétitivité du réseau dans le secteur géographique de BATI CONSEIL en provoquant le mécontentement de la clientèle.
Ce qui sera aussi écarté.
En effet, les documents versés aux débats par CTA en date d’avril 2010 font état de deux ou trois clients (selon que le client [H] est ou pas l’un des deux clients évoqués dans le courrier du 7 avril 2010), donc sous la référence d’un seul nom de client connu, ce qui est insuffisant à caractériser le manquement allégué.
Par ailleurs, en rappelant être libre d’exercer son métier d’origine (expert en humidité, et expert judiciaire ce qui ne suppose que des missions ponctuelles), BATI CONSEIL communique des documents contraires, justifiant par exemple que, si une expertise humidité est payante pour le client, le devis quant au matériel susceptible d’être proposé est gratuit à la suite de l’expertise, et encore que le choix est donné au client de privilégier soit l’expertise, soit le devis Mur Tronic par le moyen d’un long courrier explicatif. En tous cas, la problématique du devis gratuit, qui a donné lieu à échange entre les parties depuis 2009, n’a pu justifier les torts imputés à BATI CONSEIL.
Aucun manquement n’est retenu de ce chef à l’encontre de cette dernière.
Par voie de conséquence, CTA se voit déboutée de toutes ses demandes chiffrées ainsi que de sa demande d’expertise judiciaire et de publication, non fondées.
Sur les manquements de CTA reprochés par BATI CONSEIL
Pour entendre prononcer la «’résolution’» (plutôt la résiliation) judiciaire du contrat de distribution exclusif liant les parties aux torts exclusifs de CTA, BATI CONSEIL invoque pour l’essentiel un défaut de livraison des commandes depuis août 2010, une immixtion manifeste induisant le défaut d’application de bonne foi du contrat, outre la violation de la clause d’exclusivité territoriale fixée à son bénéfice.
Le grief tenant au défaut de livraison des commandes d’août et septembre 2010, a déjà été évoqué précédemment en lien avec le refus injustifié de CTA de délivrer les commandes, il est établi.
Il en est de même de celui de l’immixtion de la part de CTA dans l’activité professionnelle de BATI CONSEIL, établie comme le dit BATI CONSEIL en premier lieu par la critique faite à BATI CONSEIL de procéder à des expertises humidité pourtant exercées dans le cadre de son autre activité que celle dépendante du réseau Mur Tronic, et en second lieu par le ton employé par M. [W] (CTA) à l’égard des membres du réseau et spécialement de M. [N] (BATI CONSEIL) dans divers courriers qui sont communiqués, qui ne vont pas, toutefois, jusqu’à avaliser la qualification de «’régime despotique’» de la part de M. [W], expression employée par BATI CONSEIL que la cour ne retiendra pas.
Quant à la violation de la clause d’exclusivité territoriale, qui confirme une application du contrat de la part de CTA en l’absence de la bonne foi exigée par la convention, elle est fondée sur les éléments précédemment débattus relatifs par exemple au client [Adresse 5], servi sur la demande de CTA par Rey assèchement sur le secteur géographique de BATI CONSEIL, ainsi que par la facturation d’octobre 2009 directement par CTA de la cliente[Localité 7]. En revanche, les éléments ultérieurs après positionnement du nouveau distributeur ayant remplacé BATI CONSEIL dans son secteur géographique après rupture du contrat au 31 décembre 2011, sont à écarter, CTA étant maître de l’installation d’un nouveau distributeur après rupture du contrat avec BATI CONSEIL. Il en est de même des documents qui émanent de BATI CONSEIL sans autre élément extérieur les corroborant.
Sur l’indemnisation de BATI CONSEIL
En réparation des préjudices dont le lien causal est établi avec les griefs précédemment retenus à l’encontre de CTA, tandis que CTA a échoué dans la preuve de l’absence de perte des marchés pour BATI CONSEIL qui se serait fournie en appareils Mur Tronic auprès d’autres distributeurs ou encore en appareils concurrents, BATI CONSEIL verse aux débats des justificatifs comptables (attestation de l’expert comptable, tableau récapitulatif avec listing factures), démontrant, non pas comme il le soutient que son chiffre d’affaires annuel moyen résultant de l’activité Mur Tronic aurait chuté de 200.000 euros HT à la moitié en 2010, ce qui est inexact, mais que sa marge brute, établie à une moyenne annuelle de 81.768,60 euros sur la période 2005 à 2009 a considérablement chuté à 11.243 euros en 2010.
Il sera toutefois tenu compte des difficultés personnelles de M. [N] sur la période 2009-2010 qui ont eu une incidence sur son activité, évoquées dans des pièces communiquées.
En revanche, d’une part, les chiffres d’affaires sur les deux exercices ultérieurs 2011 et 2012 ne seront pas considérés dès lors que le contrat est arrivé à son terme au 31 décembre 2011 tel que retenu en tête de cet arrêt, et que cette échéance a mis en vigueur pour deux années la
clause de non-concurrence insérée au contrat dont la validité n’a pas été critiquée.
D’autre part, il ne sera pas retenu, comme le soutient à tort BATI CONSEIL, sa contrainte de développer son autre activité d’expertise avec modification de ses statuts, dès lors qu’il ne s’agit pas d’un préjudice réparable, ni l’incidence du licenciement de sa salariée, puisque cet événement est survenu en juillet 2014 soit tardivement, près de 4 ans après le naissance du litige entre les parties. Ces deux faits sont étrangers aux griefs prouvés à l’encontre de CTA.
Au global, les éléments communiqués autorisent la cour à allouer à BATI CONSEIL, du fait de l’imputation des torts de la rupture à CTA, des dommages-intérêts d’un montant de 80.000 euros au lieu des 150.000 euros retenus par le premier juge.
Par ailleurs, la demande de BATI CONSEIL au titre du préjudice moral qu’il aurait subi du fait des agissements de CTA sera rejetée, à défaut d’être démontrée par des éléments circonstanciés.
La condamnation de CTA à hauteur du principal de 80.000 euros au profit de BATI CONSEIL est assortie des intérêts au taux légal à compter de l’arrêt tel que demandé. Les intérêts échus depuis une année à partir de la demande, qui sera datée de la date de plaidoirie devant le premier juge à défaut de plus ample élément permettant de dater la demande de BATI CONSEIL soit le 20 mars 2013, seront capitalisés.
Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens
Les dépens de première instance et d’appel sont à la charge de CTA qui supportera le paiement au profit de BATI CONSEIL d’une indemnité de procédure de 7.000 euros, étant rappelé que le premier juge n’a pas fait application de l’article 700.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et après en avoir délibéré conformément à la loi,
Confirme le jugement déféré en ce qu’il a débouté la Sarl Centre technique d’assèchement (CTA) de sa demande d’exception d’inexécution et de l’ensemble de ses demandes d’indemnisation,
L’infirme sur le surplus et statuant à nouveau,
Fixe la date de résiliation du contrat de distribution liant les parties au 31 décembre 2011,
Condamne la Sarl Centre technique d’assèchement (CTA), en réparation des préjudices subis par la Sarl BATI CONSEIL du fait des griefs qui sont établis à son encontre, à verser à LA SARL BATI CONSEIL des dommages-intérêts à hauteur de 80.000 euros,
Y ajoutant,
Déboute la Sarl Centre technique d’assèchement (CTA) de toutes ses demandes formées en cause d’appel,
Déboute la Sarl BATI CONSEIL du surplus de ses prétentions,
Condamne la Sarl Centre technique d’assèchement (CTA) à verser à la Sarl BATI CONSEIL une indemnité de procédure de 7.000 euros,
Dit que les dépens de première instance et d’appel sont à la charge de la Sarl Centre technique d’assèchement (CTA).
SIGNE par Madame PAGES, Conseiller, pour le Président empêché et par Madame COSNARD, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le GreffierLe Conseiller