Violation de clause d’exclusivité : 19 septembre 2018 Cour d’appel de Paris RG n° 18/08183
Violation de clause d’exclusivité : 19 septembre 2018 Cour d’appel de Paris RG n° 18/08183
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19 septembre 2018
Cour d’appel de Paris
RG n°
18/08183

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 4

ARRÊT DU 19 SEPTEMBRE 2018

(n° , 17 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 18/08183

Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 Mars 2018 – Tribunal de Commerce de LYON – RG n° 2015J863

APPELANTES

– SAS SBA

Ayant son siège social : […]

N° SIRET : 484 795 604 (ROMANS)

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

– SARL SBB

Ayant son siège social : […]

N° SIRET : 492 730 262 (ROMANS)

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Représentées par Me Laurence M…, avocat au barreau de PARIS, toque : P0241

Ayant pour avocat plaidant : Me Nelly MACHADO, substituant Me Sandrine X…, du Cabinet RATHEAUX, avocats au barreau de LYON, toque : T666

INTIMÉES

– SASU AGCO DISTRIBUTION S.A.S.

Ayant son siège social : […]

N° SIRET : 501 428 437 (BEAUVAIS)

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Représentée par Me Frédérique Y…, avocat au barreau de PARIS, toque : K0065

Ayant pour avocat plaidant : Me Jean LECASBLE de l’AARPI SARRUT Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : R004

– SAS ETABLISSEMENTS PEILLET

Ayant son siège social : Zone Industrielle

[…]

N° SIRET : 303 829 824 (ROMANS)

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Représentée par Me Bruno Z… de la SCP Z… – BEQUET – MOISAN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0050

Ayant pour avocat plaidant : Me Christian BOURGEON de la SCP BOURGEON MERESSE GUILLIN BELLET & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0166

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 12 Juin 2018, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposé, devant Madame Irène LUC, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Irène LUC, Présidente de chambre, rédacteur

Madame Dominique MOUTHON VIDILLES, Conseillère,

Madame Laure COMTE, Vice-Présidente Placée,

qui en ont délibéré.

Un rapport a été présenté à l’audience par Madame Irène LUC dans les conditions prévues par l’article 785 du Code de Procédure Civile.

Greffier, lors des débats : Madame Cécile PENG

ARRÊT :

– contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame Irène LUC, président et par Madame Cécile PENG, greffier auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

La société Agco Distribution (la société Agco) est spécialisée dans la fourniture de matériels agricoles commercialisés notamment sous la marque « Fendt ».

La société SBA assure la distribution de matériels agricoles.

La société SBB est une société holding détenant 100% des titres composant le capital social de la société SBA, dont elle assure la fonction de président.

La société Établissements Peillet exerce une activité de vente et de réparation de matériels agricoles.

Le 2 mai 2006, la société Agco SA, aux droits de laquelle vient aujourd’hui la société Agco Distribution, et la société SBA ont conclu un contrat de concession à durée indéterminée, aux termes duquel la société SBA s’est vue confier la distribution exclusive, sur un territoire défini, des machines agricoles et forestières sous marque « Fendt », fournis par la société Agco Distribution.

Le 8 mars 2010, la société SBA a par ailleurs conclu avec la société Agco Finance un contrat intitulé « Protocole d’Accord Concessionnaire/Distributeur Financement sur Stock AGCO ». En application de ce protocole, la société Agco Distribution cédait immédiatement, à la société Agco Finance, les créances afférentes aux engins agricoles commandés par la société SBA.

L’article 2 de ce « contrat de concessionnaire agricole » prévoit que « le concessionnaire (‘) aura sur le territoire (concédé) la responsabilité exclusive de l’organisation des ventes des produits ». « Au titre de cette exclusivité, AGCO s’engage à ne nommer sur le territoire aucun autre concessionnaire ou distributeur, et à n’autoriser aucun autre de ses concessionnaires ou distributeurs à ouvrir sur le territoire un établissement’». En contrepartie de cette exclusivité de distribution sur le territoire concédé, «’le concessionnaire s’engage, sauf accord particulier intervenu avec AGCO, à ne pas s’intéresser, fabriquer, acheter, vendre ou revendre des produits, et encore, représenter aucune marque ou enseigne, concurrençant directement ou indirectement les produits dont la vente lui a été confiée par AGCO dans le cadre du présent contrat, impliquant en particulier sans que cela soit limitatif, la commercialisation de produits concurrents à travers une entité juridique séparée, filiale ou non, dans laquelle le concessionnaire ou ses dirigeants mais encore ses actionnaires ou associés exerceraient de droit ou de fait l’administration ou la gestion et/ou le contrôle ». Le concessionnaire est également tenu à une obligation d’approvisionnement exclusif auprès d’AGCO.

Au titre de l’article 10 de ce contrat de concession, il est prévu que « chacune des parties pourra mettre fin au présent contrat par notification écrite par lettre recommandée avec accusé de réception moyennant un préavis d’au moins un an. Toutefois, à l’expiration des six premiers mois de préavis et en dérogation aux dispositions de l’article 2 du présent contrat, le concessionnaire ne sera plus tenu, vis-à-vis d’AGCO, à son obligation d’exclusivité de marque et AGCO aura en contrepartie la faculté de nommer un ou plusieurs distributeurs ou autres futurs concessionnaires AGCO sur le territoire défini à l’annexe 1 du présent contrat pour tout ou partie de la durée du préavis restant à courir ».

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 25 juin 2010, ayant pour objet le « Renouvellement contrat concessionnaire », la société Agco indiquait à la société SBA de « [lui] signifier [son] accord exprès sur le renouvellement pour une nouvelle période de cinq ans à compter du 1er Décembre 2010 de [ses] obligations de non-concurrence définies à l’article 2 d[u] contrat ». La société SBA a accepté ce renouvellement.

Par courrier recommandé avec accusé de réception du 18 juin 2014, la société Agco a notifié à la société SBA la résiliation du contrat de concession, sous réserve du respect d’un préavis de 18 mois, soit une fin des relations au 31 décembre 2015. La société Agco, en vertu de l’article 10 du contrat, a rappelé qu’à l’expiration des six premiers mois de préavis, le concessionnaire n’était plus tenu à son obligation d’exclusivité et que, réciproquement, Agco avait la faculté de nommer un ou plusieurs distributeurs sur le territoire concédé.

À compter de cette notification, la société Agco aurait, selon la société SBA, cessé de respecter ses obligations contractuelles :

– en refusant d’exécuter les commandes passées par la société SBA,

– en procédant à la défacturation de véhicules commandés, d’ores et déjà livrés à la société SBA, et, enfin,

– en cessant de respecter l’exclusivité territoriale de distribution stipulée à l’article 2 du contrat de concession, la société Établissements Peillet distribuant désormais les produits Fendt sur le territoire de la société SBA.

Par courrier d’avocat du 3 novembre 2014, la société SBA a notamment mis en demeure la société Agco de procéder à la livraison de sept véhicules commandés, ainsi que de respecter, sans délai, l’exclusivité territoriale de distribution dont elle disposait. Cette lettre faisait état de cessation de livraison, dès le mois de juillet 2014, de l’annulation unilatérale le 30 octobre 2014 par Agco de commandes, de défacturations de plusieurs véhicules livrés à la société SBA et exposés dans sa concession, et enfin du démarchage, par la société Etablissements Peillet, de la clientèle de la société SBA, toutes pratiques caractérisant une rupture totale des relations commerciales établies. Cette lettre est restée sans effet.

Par exploit du 31 octobre 2014, la société Agco Finance a assigné la société SBA devant le tribunal de commerce de Romans en paiement d’une somme de 1.028.254 euros.

Par exploit du 5 décembre 2014, la société SBA a assigné en référé la société Agco Distribution devant le président du tribunal de grande instance de Paris, compétent selon une clause attributive de compétence stipulée au contrat de concession, afin qu’il lui soit enjoint sous astreinte, de poursuivre les relations commerciales établies jusqu’au 31 décembre 2015, correspondant au préavis annoncé par la société Agco Distribution, de procéder aux livraisons de véhicules et de respecter l’exclusivité territoriale de distribution. Par ordonnance du 9 avril 2015, le président du tribunal de grande de Paris a débouté la société SBA de ses demandes, estimant qu’il n’y avait pas lieu à référé.

Par courriers d’avocat du 19 novembre 2014, la société SBA a mis en demeure d’une part, la société Établissements Peillet, et d’autre part, la société Agco Finance d’avoir à respecter la clause d’exclusivité territoriale concédée à la société SBA par la société Agco Distribution, sous réserve d’engager leur responsabilité civile.

Par requête aux fins d’autorisation de constat du 24 janvier 2015, la société SBA a sollicité, auprès du président du tribunal de commerce de Romans, l’autorisation de faire procéder à l’établissement d’un procès-verbal de constat dans les locaux de la société Établissements Peillet. Par ordonnance du 9 février 2015, celui-ci a fait droit à cette demande. Les opérations de constat ont été réalisées par Maître A…, huissier de justice, et ont fait l’objet d’un procès-verbal de constat dressé le 9 mars 2015.

Par jugement du 27 avril 2015, le tribunal de commerce de Romans a ouvert une procédure de sauvegarde à l’encontre de la société SBA. La Selarl AJ Partenaires, représentée par Maître Bruno B…, a été nommée en qualité d’administrateur judiciaire, et la Selarl MJ C… en tant que mandataire judiciaire.

Par exploit du 29 avril 2015, la société SBA a assigné la société Agco Distribution et la société Établissements Peillet devant le tribunal de commerce de Lyon, sollicitant dans ses dernières écritures leur condamnation in solidum à lui payer, à titre principal, la somme de 2.010.306,26 euros au titre du préjudice prétendument subi du fait de la rupture abusive du contrat de concession et des actes de concurrence déloyale commis de concert, et, à titre subsidiaire, la condamnation de la société Agco Distribution à l’indemniser des préjudices subis du fait de la rupture brutale du contrat de concession.

Les organes de la mise sous sauvegarde sont intervenus à la procédure par conclusions d’intervention volontaire identiques à celles de la société SBA signifiées à l’audience d’orientation du 19 septembre 2015 du tribunal de commerce de Lyon.

Par conclusions du 12 juillet 2016, la société SBB est intervenue volontairement à l’instance pendante devant le tribunal de commerce de Lyon afin d’obtenir réparation d’un préjudice prétendument personnel et distinct à hauteur de 690.000 euros et de 426.655 euros.

Par jugement du 21 octobre 2016, le tribunal de commerce de Romans a arrêté le plan de sauvegarde de la société SBA.

Par jugement du 27 mars 2018, le tribunal de commerce de Lyon a :

– pris acte de l’intervention volontaire de la Selarl AJ Partenaires, prise en la personne de Maître Bruno B…, ès-qualités d’administrateur de la société SBA, de la Selarl MJ C… prise en la personne de Maître D…, en qualité de mandataire judiciaire de la société SBA, et de la société SBB,

– jugé le contrat de concession agricole à effet du 2 mai 2006 ayant lié les société SBA et Agco Distribution à durée indéterminée,

– jugé le préavis de 18 mois accordé par la société Agco à la société SBA suffisant,

– jugé la rupture contractuelle ni brutale ni abusive,

– dit la société Agco Distribution en droit d’annuler et de ne pas donner suite aux commandes de la société SBA sans engagement de sa responsabilité délictuelle,

– dit le contrat de concession agricole résilié de plein droit par la société Agco Distribution en date du 26 juin 2015,

– débouté la société SBA de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions à l’encontre de la société Agco Distribution,

– dit la responsabilité in solidum des Établissements Peillet non engagée,

– débouté la société SBA de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions à l’encontre des Ets Peillet,

– jugé les demandes de la société SBB irrecevables et mal fondées et l’en a déboutée,

– rejeté comme non fondés tous autres moyens, fins et conclusions contraires des parties et les en a déboutées,

-condamné la société SBA à verser à chacune des sociétés Agco Distribution et Établissements Peillet la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la société SBA aux dépens de l’instance.

Par déclaration du 26 avril 2018, enregistrée au greffe le 2 Mai 2018, la société SBA et la société SBB ont relevé appel de ce jugement.

Par requête aux fins d’être autorisée à assigner à jour fixe, la société SBA a saisi le premier président de la cour d’appel de Paris, lequel, par ordonnance du 9 mai 2018 a donné une suite favorable à cette requête

Par assignations aux fins de plaider à jour fixe devant la cour d’appel de Paris, des 16 et 23 mai 2018, la société Agoco Distribution et la société Établissements Peillet ont été respectivement citées à comparaître devant le pôle 5-chambre 4 de la cour d’appel de Paris à l’audience du 12 juin 2018.

LA COUR

Vu l’appel des sociétés SBA et SBB et leurs conclusions déposées le 30 mai 2018, par lesquelles il est demandé à la cour, au visa des articles 917 et suivants du code de procédure civile, 1383 et suivants anciens du code civil et L.442-6, I, 5° du code de commerce, de :

– réformer, en toutes ses dispositions, le jugement déféré,

et, statuant à nouveau,

sur les demandes de la société SBA :

à titre principal, le contrat de concession agricole étant un contrat à durée déterminée,

– dire que le courrier adressé le 25 juin 2010 par la société Agco Distribution par la société SBA démontre que celles-ci ont entendu modifier le contrat de concession agricole du 2 mai 2006 en contrat à durée déterminée expirant le 30 novembre 2015,

– dire que la société Agco Distribution a cessé d’exécuter ledit contrat dès le mois de juillet 2014,

– dire que la société Établissements Peillet a commis des actes de concurrence déloyale, par violation, en complicité avec la société Agco Distribution, de la clause d’exclusivité territoriale concédée à la société SBA, dûment portée à sa connaissance,

en conséquence,

– condamner in solidum la société Agco Distribution et la société Établissements Peillet à payer à la société SBA la somme de 2.010.306,26 euros au titre du préjudice subi du fait de la rupture abusive du contrat de concession et des actes de concurrence déloyale commis de concert,

– condamner également, in solidum la société Agco Distribution et la société Établissements Peillet à payer à la société SBA la somme de 50.000 euros au titre de la mise à disposition d’un tracteur d’occasion fourni à la société E… du fait de la carence de la société Agco Distribution dans la livraison du tracteur Fendt commandé,

– condamner in solidum la société Agco Distribution et la société Établissements Peillet à payer à la société SBA la somme de 100.000 euros pour préjudice moral subi par la société SBA au regard de l’atteinte portée à sa notoriété et à son image,

à titre subsidiaire, si, par extraordinaire, le contrat de concession agricole était considéré comme un contrat à durée indéterminée,

– dire que la société Agco Distribution aurait dû respecter un préavis de vingt-quatre mois,

en tout état de cause,

– dire que la société Agco Distribution a, dès le mois de juillet 2014 et, au plus tard, en octobre 2014’:

* cessé d’exécuter les commandes passées par la société SBA,

* refusé de procéder à toute livraison de véhicules commandés par la société SBA,

– dire que la société Agco Distribution a unilatéralement, pendant la période de préavis, défacturé des commandes de la société SBA,

– dire que la société Agco Distribution a désigné, sur le territoire exclusif de la société SBA, un nouveau concessionnaire,

– dire que la société Agco Distribution a ainsi, dès le début de la période de préavis, brutalement rompu le contrat de concession exclusive conclu avec la société SBA,

– dire que la société Établissements Peillet s’est rendue coupable d’actes de concurrence déloyale, par violation, en complicité avec la société Agco Distribution, de la clause d’exclusivité territoriale concédée à la société SBA, dûment portée à sa connaissance,

en conséquence,

– condamner in solidum la société Agco Distribution et la société Établissements Peillet à payer à la société SBA la somme de 2.838.079,30 euros au titre d’indemnisation du préjudice subi du fait de la rupture brutale des relations commerciales, et des actes de concurrence déloyale commis de concert,

– condamner également, in solidum la société Agco Distribution et la société Établissements Peillet à payer à la société SBA la somme de 50.000 euros au titre de la mise à disposition d’un tracteur d’occasion fourni à la société E… du fait de la carence de la société Agco Distribution de la livraison du tracteur Fendt commandé,

– condamner in solidum la société Agco Distribution et la société Établissements Peillet à payer à la société SBA la somme de 100.000 euros pour préjudice moral subi par la société SBA au regard de l’atteinte portée à sa notoriété et à son image,

en tout état de cause,

– dire que la société Agco Distribution a évincé la société SBA de son réseau de distribution exclusive, sans justifier de critères objectifs de sélection,

en conséquence,

– condamner la société Agco Distribution à régler à la société SBA la somme de 5.084.892,33 euros à titre d’indemnisation du préjudice subi du fait de la résiliation abusive du contrat de concession exclusive,

– ordonner la publication de l’arrêt à intervenir dans cinq journaux ou revues au choix de la société SBA, et ce aux frais avancés de la société Agco Distribution et de la société Établissements Peillet dans la limite d’un montant maximal de 5.000 euros TTC par publication,

– ordonner également la publication de l’arrêt à intervenir sur le site internet habituel de la société Agco Distribution sur sa page d’accueil avec un lien hypertexte dans une police d’au moins 20 points pendant une durée minimale de six mois aux frais avancés de la société Agco Distribution et ce sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard à compter de la signification de l’arrêt à intervenir,

– dire que la cour d’appel de Paris se réserve la liquidation de l’astreinte ainsi prononcée,

– condamner in solidum la société Établissements Peillet et la société Agco Distribution à payer à la société SBA la somme de 50.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner in solidum la société Agco Distribution et la société Établissements Peillet aux entiers dépens de procédure qui seront distraits, selon les dispositions de l’article 699 du code de procédure civile, à Maître Laurence M…, avocat sur son affirmation de droit, en ce compris le procès-verbal de constat dressé par Maître A… en date du 9 mars 2015,

sur les demandes de la société SBB :

– dire que la société SBB justifie d’un préjudice personnel et distinct de celui de la société SBA,

en conséquence,

– condamner la société Agco Distribution à régler à la société SBB les sommes suivantes :

* 690.000euros au titre de la perte de revenus tirés du mandat de président de la société SBA,

* 426. 665euros au titre de la perte des revenus générés par la convention d’assistance conclue entre la société SBA et la société SBB le 8 janvier 2007,

– condamner la société Agco Distribution à payer à la société SBB la somme de 10.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la société Agco Distribution aux entiers dépens dont le recouvrement sera poursuivi par Maître Laurence M… conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;

Vu les dernières conclusions de la société Agco Distribution, intimée, déposées et notifiées le 8 juin 2018, par lesquelles il est demandé à la cour, au visa de l’article L.442-6, I, 5° du code de commerce, de :

– dire que le contrat de concessionnaire agricole à effet du 2 mai 2006 ayant lié les sociétés SBA et Agco Distribution est demeuré à durée indéterminée et en tirer toutes conséquences de droit,

– dire que la société SBA a bénéficié d’un préavis raisonnable et suffisant lors de la décision de rupture de sa relation par la société Agco Distribution,

en conséquence,

– dire que la rupture de la relation commerciale avec la société Agco Distribution n’a été ni brutale ni partielle au sens des dispositions de l’article L.442-6, I, 5°du code de commerce,

– dire que la société Agco Distribution a été en droit de résilier de plein droit le contrat de concessionnaire agricole ayant lié les parties à compter du 26 juin 2015,

– dire que la société Agco Distribution n’a commis aucun acte de concurrence déloyale à l’égard de la société SBA,

en conséquence,

– débouter la société SBA de l’intégralité de ses demandes dirigées à l’encontre de la société Agco Distribution à ces titres,

– dire que la société Agco Distribution a été en droit d’annuler et/ou de ne pas donner suite à des commandes de la société SBA et que celle-ci n’a subi aucun préjudice du fait de trois dé-facturations de tracteurs,

subsidiairement,

– constater, concernant ces commandes, que la perte de marge brute de la société SBA sur la vente de dix tracteurs non livrés ne saurait s’établir à une somme au-delà de 200.000 euros,

– dire que la société Agco Distribution a été en droit de nommer les Ets. Peillet en lieu et place de la société SBA laquelle n’a ainsi pas été victime d’une « éviction»,

– dire irrecevables et mal fondées les demandes de la société SBB, laquelle ne justifie pas d’un préjudice personnel et distinct,

en conséquence,

– débouter la société SBB de l’ensemble de ses demandes,

en conséquence,

– confirmer en toutes ses dispositions le jugement dont appel, de surcroît en ce qu’il a rejeté comme non fondés tous les autres moyens, fins et conclusions contraires des sociétés SBA et SBB,

y ajoutant,

– condamner in solidum les sociétés SBA et SBB à payer à la société Agco Distribution la somme de 50.000 euros en vertu des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner in solidum les sociétés SBA et SBB aux entiers dépens de première instance et d’instance dont, pour ces derniers, au bénéfice de Me Frédérique Y… en application de l’article 699 du code de procédure civile ;

Vu les dernières conclusions de la société Établissements Peillet, intimée, déposées et notifiées le 5 juin 2018, par lesquelles il est demandé à la cour de :

– confirmer le jugement du tribunal de commerce de Lyon du 27 Mars 2018 en ce qu’il a :

* dit la responsabilité de la société Établissements Peillet non engagée « in solidum » avec celle de la société Agco Distribution,

* débouté la société S.B.A. de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions à l’encontre de la société Établissements Peillet,

* condamné la société S.B.A. à payer à la société Établissements Peillet la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

y ajoutant,

– condamner la société S.B.A. à payer à la société Établissements Peillet une somme supplémentaire de 10.000 euros sur ce même fondement.

– condamner la société S.B.A. en tous les dépens ;

SUR CE

À titre liminaire, sur la qualification du contrat de concession

Sollicitant l’infirmation du jugement entrepris, la société SBA soutient que le contrat de concession agricole à durée indéterminée du 2 mai 2006 a été modifié en contrat à durée déterminée par courrier de la société Agco du 25 juin 2010.

L’appelante soutient en effet avoir retourné à la société Agco Distribution le courrier du 25 juin 2010, signé, manifestant son accord quant au « renouvellement du contrat de concession », soit la modification en contrat à durée déterminée de cinq ans. Bien que le courrier litigieux ne se réfère qu’à l’obligation de non-concurrence, celle-ci est intimement liée aux clauses du contrat de concession, puisqu’elle constitue la contrepartie de l’exclusivité territoriale concédée à la société SBA et une clause déterminante du contrat de concession, de sorte que sa limitation rejaillit nécessairement sur la durée du contrat. L’acceptation par SBA de ce courrier, dont l’objet « renouvellement contrat concessionnaire» est dénué de toute ambiguïté, a opéré une novation d’un contrat à durée indéterminée en contrat à durée déterminée.

La société SBA conclut, dès lors, que, depuis le 1er décembre 2010, elle était liée, d’un commun accord avec la société Agco, par un contrat à durée déterminée et ce, jusqu’au 30 novembre 2015 inclus.

En réplique, la société Agco fait valoir que la lettre standard et circulaire du 25 juin 2010, adressée à l’ensemble de ses concessionnaires et non pas uniquement à la société SBA, a simplement consisté à solliciter l’accord exprès de la société SBA pour le renouvellement de sa seule obligation de non-concurrence pour une durée de 5 ans, et ce, en application du Règlement d’exemption UE/330/2010 du 20 avril 2010.

Sollicitant la confirmation du jugement entrepris, la société Agco conclut que, nonobstant l’intitulé de l’objet de la lettre du 25 juin 2010, il n’y a pas eu en l’espèce de volonté des parties de modifier de quelque façon que ce soit le contrat initial ayant pris effet le 2 mai 2006, ni sa durée.

***

Le règlement n° 330/2010 du 20 avril 2010 prévoit en son article 5 que «l’exemption prévue à l’article 2 ne s’applique pas aux obligations suivantes contenues dans des accords verticaux : a) toute obligation directe ou indirecte de non-concurrence dont la durée est indéterminée ou dépasse cinq ans». Il est précisé à la fin de cet article qu’« une obligation de non-concurrence tacitement renouvelable au-delà d’une période de cinq ans est considérée comme ayant été conclue pour une durée indéterminée ».

C’est donc pour éviter que l’obligation de non-concurrence de l’article 2 du contrat de concession soit considérée comme une obligation à durée indéterminée, donc non exemptable en vertu du règlement précité, que la société Agco a notifié à l’ensemble de ses concessionnaires un courrier leur demandant de manifester leur accord exprès au renouvellement de cette obligation pour une durée de cinq ans.

Aucun autre effet juridique ne saurait être attaché à ce courrier, indûment intitulé « renouvellement contrat concessionnaire », l’analyse de son contenu révélant de façon indiscutable qu’il était limité au renouvellement de la seule clause de non-concurrence et ne concernait en aucun cas le contrat de concession dans son ensemble.

La circonstance alléguée par la société appelante que l’obligation de non concurrence assortie de l’exclusivité territoriale constitue l’élément déterminant du contrat de concession et qu’ainsi, elle lui est indissociablement liée, n’exclut pas la faculté pour le concédant de demander l’accord des concessionnaires pour un renouvellement de cinq ans de cette seule obligation. La limitation temporelle de cette obligation ne peut entraîner de façon automatique celle du contrat dans son ensemble, en l’absence d’accord exprès des parties sur ce point, en l’espèce inexistant.

Il convient donc d’approuver les premiers juges d’avoir estimé que le contrat de concession demeurait, après l’envoi de ce courrier et l’acceptation par la société SBA, un contrat à durée indéterminée.

Les moyens de rupture abusive d’un contrat à durée déterminée soutenus par la société SBA n’ont donc pas à être examinés par la cour, qui répondra directement à la demande subsidiaire fondée sur la rupture brutale des relations commerciales établies.

Sur la rupture brutale des relations commerciales établies

La société SBA fait valoir que le contrat a été brutalement rompu par la société Agco Distribution puisque le préavis de 18 mois, dont elle a bénéficié, était insuffisant.

Si, aux termes de l’article L 442-6-I-5° du code de commerce, « Engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers : De rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels », la société qui se prétend victime de cette rupture doit établir au préalable le caractère suffisamment prolongé, régulier, significatif et stable du courant d’affaires ayant existé entre elle et l’auteur de la rupture, qui pouvait lui laisser augurer que cette relation avait vocation à perdurer. Par ailleurs, « les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d’inexécution par l’autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure ».

Les parties s’accordent sur l’existence de relations commerciales d’une durée de huit années et sur l’imputabilité de la rupture, annoncée par courrier recommandé avec accusé de réception du 18 juin 2014 par la société Agco, sous réserve du respect d’un préavis de 18 mois, soit une fin des relations au 31 décembre 2015.

Elles s’opposent en revanche sur le caractère suffisant du préavis accordé et sur son effectivité.

Sur la durée du préavis

La société SBA soutient qu’elle aurait dû bénéficier d’un préavis d’une durée de 24 mois, compte tenu de l’ancienneté des relations commerciales entre les parties, soit 8 années, des spécificités du marché de la vente d’engins agricoles, caractérisé par son caractère faiblement concurrentiel et eu égard au fait qu’elle se trouvait dans un état de dépendance économique vis-à-vis de son fournisseur en raison de l’exclusivité imposée par l’article 2 du contrat de concession, lui interdisant de commercialiser des produits concurrents de ceux de la société Agco Distribution.

En réplique, la société Agco estime que le préavis de 18 mois accordé à la société SBA était suffisant puisque le concessionnaire distribuait d’autres équipements agricoles de sociétés tierces.

***

Le délai de préavis doit s’entendre du temps nécessaire à l’entreprise délaissée pour se réorganiser, c’est-à-dire pour préparer le redéploiement de son activité, trouver un autre partenaire ou une autre solution de remplacement. Les principaux critères à prendre en compte sont la dépendance économique, l’ancienneté des relations, le volume d’affaires et la progression du chiffre d’affaires, les investissements spécifiques effectués et non amortis, les relations d’exclusivité et la spécificité des produits et services en cause. Le délai de préavis suffisant s’apprécie au moment de la notification de la rupture.

La société SBA ne peut déduire son état de dépendance de l’exclusivité qui lui était imposée par l’article 2 du contrat de concession. En effet, cet article lui interdisait de vendre des produits concurrents de ceux de la société Agco, lui laissant toute latitude pour distribuer d’autres produits. Elle n’indique d’ailleurs pas à la cour la part de son chiffre d’affaires représentée par les produits Fendt.

Elle soutient, sans le démontrer, le caractère très peu concurrentiel du marché, la coexistence alléguée de 37 marques en Europe et la présence de trois grands groupes détenant plusieurs marques et représentant plus de la moitié du marché, ne pouvant en soi permettre à la cour d’en déduire le faible degré de concurrence prévalant sur le marché et la difficulté des concessionnaires à se reconvertir.

Enfin, elle ne prétend pas avoir engagé des investissements spécifiques, à la demande de la société Agco, qu’elle n’aurait pu reconvertir à la fin des relations.

Compte tenu de la durée des relations commerciales, du volume d’affaires concerné et des autres circonstances rappelées plus haut, le préavis de 18 mois consenti par la société Agco est suffisant, de sorte que la résiliation n’a pas été brutale, sous réserve de l’effectivité de ce préavis.

Sur le caractère effectif du préavis accordé

La société SBA fait valoir que la société Agco Distribution n’a concrètement respecté qu’un préavis d’à peine un mois, puisque, dès le 18 juin 2014, elle a brutalement rompu les relations commerciales établies entre les parties, en :

– refusant d’exécuter les commandes passées par la société SBA,

– procédant à la défacturation de véhicules commandés, d’ores et déjà livrés à la société SBA,

– cessant de respecter l’exclusivité territoriale de distribution prévue à l’article 2 du contrat de concession.

La société SBA conclut qu’elle s’est par conséquent trouvée dans une situation équivalente à une absence totale de respect de tout préavis et ce depuis le 18 juin 2014, puisque la société Agco Distribution a cessé de respecter ses engagements contractuels auxquels elle était pourtant tenue au cours de cette même période de préavis annoncée de 18 mois et fait valoir qu’aucune des fautes que lui reproche la société Agco n’était d’une gravité telle qu’elles justifiaient de mettre fin à la relation sans préavis.

En réplique, la société Agco soutient que la société SBA est mal fondée à lui reprocher que l’exclusivité territoriale dont elle bénéficiait n’ait pas perduré jusqu’à l’expiration de son préavis, soit jusqu’au 31 décembre 2015, chacune des parties pouvant de manière réciproque se délier de cette obligation d’exclusivité à l’expiration de 6 mois de préavis, en vertu de la clause d’abandon réciproque stipulée à l’article 10 du contrat de concession.

La société fait par ailleurs valoir que, consciente de la dégradation financière manifeste dès le mois de juin 2014 de la société SBA, elle était en droit de ne pas donner suite à des commandes en suspendant ses livraisons, sachant parfaitement qu’elle ne serait pas payée davantage que la société Agco Finance et encore moins au comptant.

La société Agco conclut que l’ensemble de ces faits démontre que si la résiliation du contrat en cours de préavis avec effet au 26 juin 2015 est finalement intervenue, ce n’est pas de son fait mais de celui de la société SBA, laquelle avait, qui plus est, d’ores et déjà vendu son fonds de commerce et n’avait entrepris aucune démarche pour continuer à distribuer les matériels Fendt en respectant les conditions générales de vente de la société Agco.

***

Sauf circonstances particulières, l’octroi d’un préavis suppose le maintien de la relation commerciale aux conditions antérieures. Toutefois, il ne peut être reproché à l’auteur de la rupture de ne pas exécuter le préavis dans les conditions antérieures, si ce défaut d’exécution est imputable à la victime de la rupture.

L’arrêt des commandes

La société SBA expose que dès le commencement de la période de préavis, la société Agco a refusé de livrer les commandes passées par elle.

Mais il résulte des pièces du dossier que le 8 mars 2010, la société SBA a conclu avec la société Agco Finance un protocole d’accord concessionnaire/distributeur de financement sur stock Agco. Aux termes de ce protocole d’accord, la société SBA s’était engagée à acheter des matériels et à les vendre à des utilisateurs finaux. La société Agco Finance s’engageait à acheter les créances dues par la société SBA relativement à la vente des matériels. Cette société payait donc le matériel à la société Agco Distribution, puis la société SBA la remboursait une fois que le matériel était vendu à l’acquéreur final.

Or, dès le 29 mai 2014, la société SBA ne s’est pas acquittée de ses factures envers la société Agco Finance. Sa dette à l’égard de cette société s’élevait en octobre 2014 à plus d’un million d’euros.

La société SBA ne peut minimiser l’importance de cette dette en soutenant qu’elle détenait un encours supérieur au cours des trois dernières années, dont le montant était supérieur à la créance réclamée par Agco Finance et qu’une pratique tolérée pendant plusieurs années ne saurait constituer une faute d’une gravité suffisante. En effet, il ressort de la pièce 58 de la société SBA que cet encours était relatif à la « valeur totale du parc », sans que l’on puisse en retracer précisément les contours, et que cet encours n’avait aucun rapport avec une dette exigible, comme en l’espèce.

La société appelante ne peut davantage exciper d’une quelconque inopposabilité à Agco Distribution de ces modalités de règlement du matériel entre les sociétés Agco Finance et SBA, les conditions générales de vente Agco en vigueur à l’époque et dûment acceptées par la société SBA le 15 avril 2014, et le protocole d’accord susvisé étant intimement liés. Dès lors que le protocole entre SBA et la société Agco Finance ne pouvait plus s’appliquer, en raison des impayés de SBA, les conditions générales de paiement contenues dans les CGV d’Agco Distribution s’appliquaient. Or, en vertu de celles-ci, « ces conditions générales de paiement peuvent être modifiées ou les livraisons peuvent être suspendues, si Agco Distribution considère que l’évolution de la situation du concessionnaire Fendt le justifie ». Dès la fin septembre 2014, en l’absence d’avance de la société Agco Finance, la société SBA devait payer elle-même le matériel à la commande.

Par ces raisons, conscient de la dégradation financière dès le mois de juin 2014 de la société SBA, la société Agco Distribution pouvait légitimement ne pas donner suite aux commandes ou suspendre des livraisons, sachant qu’elle ne serait pas payée.

Si la société SBA verse aux débats 7 commandes qui n’auraient pas été livrées par Agco Distribution, cet élément de preuve ne peut suffire à démontrer le caractère fautif du comportement d’Agco Distribution, compte tenu de l’imprécision des allégations de l’appelante et des explications apportées en retour par la société Agco Distribution, auxquelles il n’est pas utilement répondu. Il est notamment soutenu que la société SBA n’a pas demandé la livraison de certains tracteurs 60 jours après qu’ils aient été commandés, ce qui a, conformément aux conditions générales de vente, entraîné l’annulation des commandes. Tel est notamment le cas du tracteur Fendt 312 commandé par M. E… (pièce 18 de SBA).

Enfin, la société SBA ne justifie d’aucune autre commande inexécutée durant le préavis et d’une seule réclamation de client.

La défacturation de trois commandes

La défacturation de véhicules commandés, pour un montant de 363 000 euros, d’ores et déjà livrés à la société SBA, mais non revendus, correspond à l’annulation des factures impayées correspondantes de SBA à l’égard d’Agco Finance, en contrepartie de la restitution des véhicules. Aucun comportement répréhensible ne peut davantage en être déduit à la charge de la société Agco Distribution. La société SBA ne démontre pas avoir subi un préjudice de ce fait, ni d’avoir été empêchée de vendre ou livrer les véhicules concernés, ni d’avoir reçu des commandes ou perçu des acomptes sur ces véhicules.

La perte de l’exclusivité territoriale

La perte, par le concessionnaire, de son exclusivité territoriale au bout de six mois de préavis, conforme à l’article 10 du contrat de concessionnaire agricole, ne constitue pas en soi une modification substantielle de l’exécution du préavis, puisque la contrepartie réside dans l’abandon réciproque et concomitant, par Agco, de l’obligation d’approvisionnement exclusif et de non-concurrence pesant sur la société SBA.

La mise en ‘uvre de cette clause n’est pas subordonnée à l’initiative du concessionnaire, contrairement à ce que suggère la société SBA, de sorte qu’aucun grief ne peut résulter de son déclenchement par la société Agco.

Il n’est pas établi que la société Etablissements Peillet serait devenue distributeur, par définition non-exclusif, dans la zone d’exclusivité de SBA avant 1er janvier 2015. Il n’est en effet pas démontré que cette société aurait vendu du matériel à des utilisateurs finals.

En effet, les confirmations de commande datées du 17 novembre 2014 au 1er décembre 2014 (pièces 124 à 136 de la société SBA) ne constituent pas des commandes effectuées par des clients finals auprès de la société Etablissements Peillet, mais des commandes effectuées par Agco Distribution auprès d’Agco International Gmbh. Les autres pièces versées au dossier ne sont que le reflet de la préparation de la société Etablissements Peillet à son activité future de distribution (demandes de financement, ouverture de compte, rencontres avec Agco’). De même, la livraison de pièces détachées par la société Etablissements Peillet au mois de décembre 2014 (pièces 73 à 77, 104 à 108) ne démontre pas que ces pièces auraient été vendues à des utilisateurs finals, ces pièces ayant pu être livrées en magasin en prévision de l’ouverture de janvier.

En définitive, la société SBA ne démontre pas que la société Agco l’aurait privée, par son comportement, de la faculté d’utiliser le préavis pour se reconvertir. Il convient de noter à cet égard qu’elle a réussi à vendre son fonds de commerce 1er avril 2015 à la société Tranchard et fils, concessionnaire John F… et ne justifie pas avoir passé la moindre commande de matériel Fendt au cours de l’année 2015 à la société Agco.

Le préavis n’ayant pas été rendu ineffectif du fait de la société Agco Distribution, il y a lieu d’approuver les premiers juges d’avoir estimé non brutale la rupture intervenue.

Sur l’éviction prétendument abusive de la société SBA du réseau

La société SBA soutient que la société Agco Distribution a résilié le contrat de concession pour confier cette même exclusivité à la société Établissements Peillet et qu’elle n’a pas, lors de cette résiliation, fait état du moindre critère objectif justifiant son choix de confier cette exclusivité de distribution à la société Établissements Peillet plutôt qu’à la société SBA, ni même du moindre motif de résiliation.

La société SBA conclut dès lors que cette résiliation du contrat de concession au profit de la société Établissements Peillet est, de ce fait, abusive et fait valoir qu’elle est par conséquent recevable et bien fondée à solliciter l’indemnisation du préjudice qui lui est causé du fait de son éviction du réseau de distribution exclusive de la société Agco Distribution, laquelle doit correspondre à la marge brute que la société SBA aurait réalisée si le contrat n’avait pas été résilié.

En réplique, la société Agco soutient que la liberté contractuelle est de règle en matière de distribution sélective et ainsi, a fortiori, en matière de concession exclusive.

La société Agco conclut dès lors au débouté de la demande formée par la société SBA en indemnisation du préjudice qui lui aurait été causé du fait d’une prétendue «éviction » du réseau Fendt et qui correspondrait à la marge brute que la société SBA aurait réalisée durant 5 ans si le contrat n’avait pas été « résilié ».

Il y a lieu de rejeter cette demande non étayée, un concessionnaire évincé du réseau n’ayant aucun droit à bénéficier du renouvellement de son contrat. Le jugement déféré sera confirmé sur ce point.

Sur les demandes de la société SBA à l’égard de la société Établissements Peillet

La société SBA soutient que la société Établissements Peillet s’est rendue coupable de la violation, par complicité avec la société Agco Distribution, de la clause d’exclusivité dont la société SBA bénéficiait et que les agissements commis de concert entre la société Établissements Peillet et la société Agco Distribution constituent, concernant la société Établissements Peillet, des fautes de nature délictuelle, s’analysant en actes de concurrence déloyale et partant engageant pleinement sa responsabilité civile.

La société SBA conclut dès lors à l’infirmation du jugement entrepris sur ce point et sollicite la condamnation in solidum de la société Établissements Peillet avec la société Agco Distribution, sur le fondement de la responsabilité civile au titre des fautes qu’elle a commises, qui ont conduit à empêcher la poursuite normale du contrat de concession agricole conclu au profit de la société SBA, pendant la phase de préavis.

En réplique, la société Établissements Peillet sollicite la confirmation intégrale du jugement entrepris, faisant valoir que les demandes de la société SBA fondées sur une prétendue complicité de sa part dans la rupture abusive d’un contrat de concession à durée déterminée l’ayant soi-disant liée à la société Agco ou sur leur prétendue complicité dans la rupture brutale de la relation commerciale que la société SBA avait entretenue avec son fournisseur, sont dépourvues de tout fondement tant en droit, la société Établissements Peillet ayant qualité de tiers au contrat, qu’en fait puisque la société Agco lui a notamment toujours indiqué qu’elle était en droit de lui concéder la distribution non exclusive des matériels Fendt sur la partie n° 1 du territoire visée au protocole du 20 Mai 2014, à compter du 1er Janvier 2015 et jusqu’au 30 Juin 2016.

A titre surabondant, la société Établissements Peillet soutient que l’appelante ne justifie d’aucun préjudice en relation avec les actes de concurrence déloyale dont cette dernière prétend, sans le démontrer, que la société Établissements Peillet se serait rendue coupable.

***

La société Etablissements Peillet ne pourrait être condamnée, in solidum avec la société Agco Distribution que pour tierce complicité de la violation de la clause d’exclusivité territoriale.

Or il a été vu supra qu’une telle violation de la clause d’exclusivté territoriale ne pouvait être caractérisée à l’encontre de la société Agco Distribution.

S’agissant de la période courant à compter du 1er janvier 2015, le contrat signé le 1er janvier 2015 entre les sociétés Agco et Etablissements Peillet n’était pas assorti d’une clause d’exclusivité respectant ainsi le préavis alors en cours entre les sociétés SBA et Agco.

S’agissant du prétendu démarchage des clients de SBA par la société Etablissements Peillet avant le 1er janvier 2015, qui serait, selon la société SBA, constitutif de pratiques de concurrence déloyale, il est étayé par trois attestations de clients versées aux débats par SBA.

L’attestation de M. G… (pièces 17 et 22 de SBA) du 30 octobre 2014, relate que celui-ci a annulé sa commande de matériel agricole, faute pour la société SBA d’avoir été livrée et il ajoute « lors d’une discussion commerciale avec M. H… Karim responsable de la société Peillet à Romans/Isère il m’a annoncé qu’il allait être concessionnaire Fendt sur notre secteur à partir du 1er janvier 2015. J’ai été étonné de cette annonce qu’il m’a faite au mois de juillet 2014 ».

Or, le responsable de la société Peillet pouvait légitimement annoncer qu’il allait devenir concessionnaire à compter du 1er janvier 2015. En outre, il n’est pas démontré que l’annulation de la commande de matériel agricole auprès de la société SBA soit la conséquence de cette annonce ou d’une quelconque pression de la société Peillet.

De même, M. I… qui s’est vu livrer par SBA du matériel Fendt début septembre 2014 relate dans son attestation du 30 octobre 2014 : « J’ai donc été surpris par la visite le vendredi 17 octobre 2014 du commercial M. J… de la concession Peillet à Romans qui s’est présenté comme le nouveau distributeur de la marque Fendt ».

Mais en premier lieu, la commune dans laquelle est située l’exploitation de M. I… ne fait pas partie du secteur de prospection de M. J…. En second lieu il n’est pas établi que cette déclaration ait eu une influence sur le comportement commercial de M. I… à l’égard de la société SBA.

Monsieur K… (pièce 24 de SBA) atteste le 30 octobre 2014 avoir été incité par Agco Finances à attendre le 1er janvier 2015 pour acheter un tracteur Fendt au nouveau concessionnaire Fendt, celui commandé auprès de SBA n’ayant pas été livré.

Mais aucune pratique répréhensible de la société Peillet n’en découle.

Par ailleurs, les publicités effectuées par la société Etablissements Peillet le 8 janvier 2015 (pièces SBA 30 et 31) ou l’exposition de tracteurs de la marque Fendt dans son parc le 9 janvier 2015 (pièce 33 de SBA) ne sont pas déloyales, la seule circonstance que ces publicités aient nécessairement été commandées avant le 1er janvier et les tracteurs commandés avant cette date ne rendant pas ces opérations illicites, car un opérateur peut se préparer à entrer sur un marché, sans pour autant enfreindre l’exclusivité d’un concurrent.

Aucune vente de machines agricoles de Marque Fendt par la société Etablissements Peillet, avant le 1er janvier 2015 n’est établie, ni aucun détournement de fichiers, de clients ou de salariés de la société SBA.

En définitive, aucun des éléments invoqués par la société SBA ne démontre que les Etablissements Peillet se seraient rendus coupables d’actes de déloyauté à son égard en distribuant des matériels Fendt avant le 1er janvier 2015, ou postérieurement à cette date, en violation d’un droit exclusif conservé par la société SBA sur la distribution de ces matériels dont les Etablissements Peillet auraient eu connaissance.

Il y a donc lieu d’approuver les premiers juges en ce qu’ils ont rejeté les demandes dirigées à l’encontre de la société Etablissements Peillet.

Sur les demandes de la société SBB

La société SBB soutient que du fait de la violation de son exclusivité territoriale, par la société Agco Distribution, en complicité avec la société Établissements Peillet, la société SBA s’est retrouvée dans l’impossibilité de réaliser la moindre vente, entraînant pour la société SBB, une perte de rémunération au titre :

– d’une part, de son mandat de président de la société SBA,

– d’autre part, de la convention d’assistance conclue entre les sociétés SBB et SBA le 8 janvier 2007.

En réplique, la société Agco fait valoir qu’à la date de la rupture des relations entre les sociétés SBA et Agco, M. Stéphane L… était « Représentant permanent », mais également associé unique de la société SBB outre ses fonctions de gérant de ladite société. La société Agco conclut que la société SBB ne justifie d’aucun préjudice personnel ni distinct de celui de la société SBA et qu’en tout état de cause le litige dont est saisi la cour ne concerne pas les conséquences de la rupture de la relation ayant lié la société Agco et la société SBA. La société Agco conclut au débouté de la demande formée par la société SBB et sollicite la confirmation du jugement entrepris sur ce point.

La société SBA ayant été déboutée de toutes ses demandes, il n’y a pas lieu d’examiner celles de la société SBB.

Le jugement entrepris sera également confirmé sur ce point.

Sur les dépens et frais irrépétibles

Succombant au principal, les sociétés SBA et SBB seront condamnées in solidum à supporter les dépens d’appel ainsi qu’à payer in solidum à la société Agco Distribution la somme de 25’000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Il y a également lieu de condamner la société SBA à payer à la société Établissements Peillet une somme supplémentaire de 10.000 euros sur ce même fondement.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

y ajoutant,

CONDAMNE les sociétés SBA et SBB à supporter in solidum les dépens d’appel qui seront recouvrés selon les dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;

CONDAMNE les sociétés SBA et SBB à payer in solidum à la société Agco Distribution la somme de 25’000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société SBA à payer à la société Établissements Peillet la somme de 10.000 euros sur ce même fondement.

Le Greffier La Présidente

Cécile PENG Irène LUC

 


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