Violation de clause d’exclusivité : 18 novembre 2022 Cour d’appel de Lyon RG n° 19/06394

Violation de clause d’exclusivité : 18 novembre 2022 Cour d’appel de Lyon RG n° 19/06394

18 novembre 2022
Cour d’appel de Lyon
RG n°
19/06394

AFFAIRE PRUD’HOMALE

DOUBLE RAPPORTEUR

N° RG 19/06394 – N° Portalis DBVX-V-B7D-MSZY

[Z]

C/

STE GOURMALIANCE/ TRIADE

STE PAR

APPEL D’UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de LYON

du 02 Septembre 2019

RG : 12/01694

COUR D’APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE B

ARRET DU 18 Novembre 2022

APPELANTE :

[O] [V] [W] [Z] épouse [Y]

née le 08 Juillet 1972 à [Localité 4]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Philippe NOUVELLET de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON, ayant pour avocat plaidant: Me Laurence SEGURA-LLORENS, avocat au barreau de LYON substituée par Me Béatrice FARABET, avocat au barreau de LYON

INTIMEES :

Société GOURMALLIANCE venant aux droits de la société LA TRIADE

[Adresse 5]

[Localité 3]

prise en la personne de son président en exercice domilicié en cette qualité audit siège.

représentée par Me Nathalie ROSE, avocat au barreau de LYON substituéé par Me Laurent SALAAM-CLARKE, avocat au barreau de PARIS

Société PAR

[Adresse 5]

[Localité 3]

prise en la personne de son président en exercice domilicié en cette qualité audit siège

représentée par Me Nathalie ROSE, avocat au barreau de LYON substituée par Me Laurent SALAAM-CLARKE, avocat au barreau de PARIS

DEBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 15 Septembre 2022

Présidée par Béatrice REGNIER, président et Catherine CHANEZ, conseiller, magistrats rapporteurs (sans opposition des parties dûment avisées) qui en ont rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistés pendant les débats de Ludovic ROUQUET, greffier

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

– Béatrice REGNIER, président

– Catherine CHANEZ, conseiller

– Régis DEVAUX, conseiller

ARRET : CONTRADICTOIRE

rendu publiquement le 18 Novembre 2022 par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Béatrice REGNIER, président, et par Rima AL TAJAR , greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

Exposé des faits:

Mme [O] [Z] épouse [Y] a été engagée dans le cadre de trois contrats à durée indéterminée le 4 janvier 2001 par les SAS Par, qui a pour activité la production et la commercialisation de matériels à usage unique pour la restauration collective, la SAS Triade, filiale de la SAS Par et qui a pour activité la production et la commercialisation de biscuits, pâtisseries et viennoiseries, et la société Prodeal, devenue par la suite la société Nactis Gourmet, qui a pour activité la production d’arômes, ingrédients et fragrances, en qualité de déléguée commerciale.

Les sociétés Par et Triade d’une part, Nactis Gourmet d’autre part, rémunéraient la salariée par le biais de commissions proportionnelles au chiffre d’affaires qu’elle réalisait – une rémunération annuelle brute étant assurée.

Les trois contrats de Mme [Z] prévoyaient en page 2 les obligations suivantes : ‘ La Déléguée Commerciale devra consacrer toute son activité au service des sociétés PAR et PRODEAL. Elle s’interdit toute activité ou participation sous une forme quelconque dans une autre entreprise ou pour son compte personnel pendant la durée du présent contrat. La Déléguée Commerciale déclare n’avoir aucune participation sous quelque forme que ce soit dans une autre entreprise ou commerce. En outre, il apparaît indispensable pour la Déléguée Commerciale de se conformer à la discipline d’esprit des sociétés PAR et PRODEAL et à l’image qu’elle entend se donner à l’extérieur’.

Le 17 juin 2010, Mme [Z] a informé les sociétés Par et La Triade de la rupture de son contrat de travail avec la société Nactis Gournet dans les termes suivants : « Par la présente, je vous informe de mon licenciement de la société NACTIS GOURMET PRODEAL chez qui j’exerçais un travail à temps partiel, complété par mon activité chez LA TRIADE. Le licenciement prend effet au 1er juillet 2010. Comme évoqué lors de nos derniers entretiens, je vous confirme que cette perte d’activité sera remplacée par une autre de même nature. Je m’engage donc à respecter notre accord initial de non concurrence (‘)’.

Le 29 juin suivant, la société La Triade a adressé un courrier à la société Nactis Gourmet afin d’envisager la suite à donner à la rupture du contrat de travail par cette dernière.

La société Nactis Gourmet lui a répondu le 30 juillet 2010 en indiquant que la rupture du contrat de travail de Mme [Z] ne modifiait en rien les accords de cette dernière avec les sociétés Par et La Triade.

Des échanges ont ensuite eu lieu entre Mme [Z] et la société La Triade sur les modalités futures de leur collaboration, Mme [Z] ayant émis le souhait d’exercer parallèlement à son activité de déléguée commerciale des sociétés Par et La Triade celle d’agent commercial.

Le 28 octobre 2010, la société La Triade a indiqué à Mme [Z] que, compte tenu de sa sortie de la société Nactis Gourmet, il n’y avait pas d’autre alternative pour que de poursuivre le contrat la liant aux sociétés Par et La Triade à temps plein et à titre exclusif.

Par courrier du 15 novembre 2010, Mme [Z] a refusé cette solution, estimant qu’il s’agissait d’une modification unilatérale de son contrat de travail.

Après avoir été convoquée le 19 octobre 2011 à un entretien préalable fixé au 14 novembre suivant, Mme [Z] a été licenciée pour faute lourde par les SAS Par et La Triade le 30 novembre 2011.

Les deux sociétés ont intenté le 30 mars 2012 devant le tribunal de commerce de Lyon une action en concurrence déloyale à l’encontre de la société Nactis Gourmet ainsi que de la société Delicia France, dont Mme [Z] est la gérante et l’unique associée et qui commercialise des produits de Nactis Gourmet.

Le 27 avril 2012, Mme [Z] a quant à elle saisi le conseil de prud’hommes de Lyon pour contester son licenciement.

Par jugement du 3 novembre 2014, le conseil de prud’hommes a sursis à statuer dans l’attente de la décision du tribunal de commerce.

Par jugement du 9 juillet 2015, le tribunal de commerce a condamné in solidum les sociétés Nactis Gourmet et Delicea France à payer à la société Triade des dommages et intérêts pour concurrence déloyale ainsi que des salaires ‘payés à tort’ et aux sociétés Triade et Par des dommages et intérêts pour préjudice moral.

Cette décision a fait l’objet d’un appel.

Par ordonnance du 4 octobre 2016, le conseiller de la mise en état a ordonné le sursis à statuer dans l’attente d’une décision définitive du conseil de prud’hommes.

Par jugement du 2 septembre 2019, le conseil de prud’hommes a :

– dit que le licenciement est justifié ;

– donné acte à la société La Triade de son engagement de verser à Mme [Z] la somme brute de 6.945,11 euros à titre d’indemnité de congés payés ;

– débouté Mme [Z] de ses prétentions ;

– condamné Mme [Z] à payer aux sociétés La Triade et Par la somme de 1.000 euros chacune sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

Par déclaration du 17 septembre 2019, Mme [Z] a interjeté appel du jugement.

Par conclusions transmises par voie électronique le 27 juin 2022, Mme [Z] demande à la cour d’infirmer le jugement déféré et de :

– dire que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

– condamner la SAS Gourmalliance venant aux droits de la société La Triade à lui régler les sommes de :

– 3.711,63 euros brut, outre 371,16 euros brut de congés payés, à titre de rappel de salaire,

– 6.399,58 euros à titre de remboursement de frais professionnels,

– 6.945,11 euros à titre d’indemnité compensatrice et d’indemnité de congés payés,

– 5.070 euros brut, outre 507 euros brut de congés payés, à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

– 5.844,58 euros net à titre d’indemnité de licenciement,

– 35.000 euros net à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

– donner acte à la SAS Gourmalliance du versement de 4.709,70 euros net suivant bulletin de paie d’octobre 2019 mentionnant un montant brut de 6.945,11 euros brut ;

– condamner la SAS Par à lui payer les sommes de :

– 16,73 euros à titre de reliquat de commissions,

– 55,70 euros brut, outre 5,57 euros brut de congés payés, à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

– 64,98 euros net à titre d’indemnité de licenciement,

– 2.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

– condamner in solidum la SAS Gourmalliance et à la SAS Par à lui verser les sommes de:

– 8.000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

– 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;

– condamner la SAS Gourmalliance et la SAS Par à lui remettre une attestation Pôle emploi conformes à l’arrêt à intervenir.

Elle soutient que :

– elle n’a pas été rémunérée de l’intégralité des salaires dus conformément aux dispositions contractuelles pour le troisième trimestre 2010, le premier trimestre 2011 et les mois d’octobre et novembre 2011 ;

– il lui était dû 6.945,11 euros à titre d’indemnité de congés payés ; que la SAS La Triade lui a adressé un règlement le 11 octobre 2019 mais que le paiement net est imparfait en raison du taux non personnalisé appliqué par la société ;

– elle n’a plus été remboursée de ses frais professionnels à compter du mois de mars 2011 en dépit des notes de frais et justificatifs transmis ; que la SAS Gourmalliance ne lui opposer un détournement de matériel, non prouvé et alors même que le refus de paiement constitue une sanction pécuniaire – prohibée par les textes ;

– les SAS La Triade et Par ont exécuté déloyalement le contrat de travail dès lors que :

– elles ne lui ont pas versé l’intégralité des salaires et frais professionnels dus ; que la demande concernant la SAS Par n’est pas prescrite et figurait dans la demande initiale ;

– la SAS Par ne lui a pas transmis l’intégralité des bulletins de salaire ;

– elles n’ont pas respecté les dispositions légales et conventionnelles en matière de contrat à temps partiel et en matière de durée du travail ; que c’est ainsi que :

– alors qu’elle était recrutée à temps partiel par chacune des trois sociétés, les contrats de travail ne mentionnent pas la durée du travail et; que par ailleurs les sociétés l’ont soumise à une variation d’horaires mensuels dénuée de toute cohérence ;

– les trois emplois à temps partiel ne lui ont pas permis de bénéficier d’un temps complet ;

– la SAS Triade a tenté de lui imposer une modification de son contrat de travail (travail à temps plein et changement du périmètre de la clause d’exclusivité) ;

– ses licenciements sont sans cause réelle et sérieuse en ce que :

– les faits qui lui sont reprochés par la SAS Par à l’appui de la décision de licenciement sont inexacts ; qu’il n’y a pas eu de concurrence déloyale dès lors que les sociétés Nactis Gourmet et Delicea n’ont pas la même activité que la SAS Par et que cette dernière n’a jamais mis à sa disposition de moyens ou encore remboursé de frais professionnels ; qu’au surplus elle a continué à travailler pendant plus d’un mois après l’engagement de la procédure disciplinaire ;

– les griefs formulés dans les lettres de licenciement sont prescrits, sa poursuite d’activité de commercialisation des produits Nactis Gourmet Prodeal dans le cadre d’un nouveau statut étant connue par les SAS La Triade et Par dès le mois de juin 2010 et au plus tard le 24 septembre 2010 ; qu’il en est de même du grief d’utilisation des moyens et frais pour une société concurrente, connu dès juillet 2010 ou à tout le moins dès mars 2011 – date à laquelle la société La Triade a cessé de lui rembourser ses frais professionnels ;

– les griefs formulés dans les lettres de licenciement ne sont pas matériellement établis ; qu’elle n’avait pas d’obligation de travail à temps plein au profit des SAS Gourmalliance et Par ; que la clause d’exclusivité contenue dans ses contrats de travail est abusive comme étant insuffisamment précise, injustifiée par la nature de la tâche à accomplir et l’empêchant d’exercer un autre emploi alors qu’elle travaille dans le cadre d’un temps partiel ; qu’en tout état de cause cette clause n’a pas été violée dès lors qu’elle commercialise depuis son recrutement indistinctement les produits Par, La Triade et Nactis Gourmet en application de l’accord commercial liant ces sociétés ; qu’il n’y a pas eu davantage de méconnaissance de l’obligation de non-concurrence et de loyauté dans la mesure où les sociétés Nactis Gourmet et Delicea produisent des produits différenciés de ceux de la SAS Par ; qu’aucun détournement de clientèle ni préjudice des sociétés SAS Gourmalliance et SAS Par ne sont ainsi établis ; qu’enfin il n’est pas démontré de l’utilisation détournée de matériel ou de demande de remboursement de frais non justifiés.

Par conclusions transmises par voie électronique le 24 juin 2022, la SAS Gourmalliance et la SAS Par demandent à la cour de confirmer le jugement entrepris et de condamner Mme [Z] à leur verser la somme de 2.500 euros chacune sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile pour les frais exposés en cause d’appel.

Elles font valoir que :

– Mme [Z] a été remplie de ses droits concernant sa rémunération ; que la demande de 16,73 euros présentée à l’encontre de la SAS Par est quant à elle prescrite dès lors qu’elle ne figurait pas dans la demande initiale ;

– la demande de remboursement de frais ne peut prospérer faute pour ces frais d’avoir été engagés dans l’intérêt des employeurs de la salariée ;

– le contrat n’a pas été exécuté déloyalement de leur part ; qu’il s’agissait d’un contrat à temps plein de co-emploi et que Mme [Z] a été effectivement employée et rémunérée à temps plein ; que les durées exactes de travail et leur répartition ne pouvaient être mentionnées, dépendant de l’activité de la salairée, et qu’au demeurant une telle circonstance est de nature à entraîner la requalification du contrat en contrat à temps complet; que c’est Mme [Z] qui a été à l’initiative d’une demande de contrat à temps partiel et que, compte tenu de l’absence de transparence sur son activité future, la seule alternative a été de maintenir le contrat à temps plein ;

– les licenciements sont fondés dès lors que :

– les faits reprochés ne sont pas prescrits ; qu’elle n’a eu connaissance de la nouvelle situation de Mme [Z] et de l’exercice d’une activité concurrente sous la forme de la société Delicea qu’au moment du constat de la baisse de son chiffre d’affaire annuel 2011;

– les faits sont matériellement établis ; que Mme [Z] a menti sur sa situation et a délibérément dissimulé le fait qu’elle n’avait pas été licenciée par la société Prodeal, l’existence d’un contrat d’agent commercial signé avec Prodeal et la création de sa société Delicea ; qu’à travers sa qualité de gérante et d’associé unique de la société Delicea elle démarchait la clientèle de ses employeurs afin que les clients s’adressent non plus à eux mais à un autre prestataire, les sociétés Nactis Gourmet et Delicea, pour des produits similaires ; qu’elle a utilisé les moyens de la société La Triade pour exercer son activité parallèle et lui a fait supporter ses frais professionnels ; que, compte tenu de l’intuitu personae du délégué commercial avec ses interlocuteurs et de l’existence de trois employeurs, la clause d’exclusivité était indispensable à la protection des intérêts de ces derniers.

SUR CE :

– Sur les rappels de salaire et commisions :

Attendu qu’aux termes de l’article 1353 du Code civil : ‘Celui qui réclame une obligation doit la prouver. / Réciproquement, celui qui se prétend libérer doit justifier le paiement ou le fait qui aproduit l’extinction de son obligation.’ ;

Attendu qu’en l’espèce il n’a pas été précisé dans les contrats de travail la rémunération devant être versée à Mme [Z] ;

Que seule a été annexée une grille de salaire (annexe 1) aux contrats de travail régularisés avec les Par et Prodeal fixant :

– une rémunération fixe :

– de 120.000,00 Frs (18.293,88 euros) pour un CA HT annuel compris entre 2.500.000,00 Frs (381.122 euros) et 2.999.999,00 Frs (457.346 euros), soit 1.524,49 euros par mois ;

– d’un montant de 144.000,00 Frs (21.960,00 €) pour un CA HT annuel supérieur à 3.000.000,00 Frs (457.347 euros), soit 1.830,00 euros par mois ;

– couplée d’une rémunération variable (commissions avec % applicable selon les références produits) auquel s’est ajouté l’engagement d’une rémunération annuelle brute minimale garantie ne pouvant être inférieure à 9,5% du CA HT réalisé sur la base des tarifs référence TB (produits PAR) et référence 121 en moyenne (produits PRODEAL/NACTIS GOURMET);

Qu’aucun élément de rémunération n’a été contractualisé entre Mme [Z] et la Triade mais qu’il est constant que cette dernière a décidé de faire application des règles de rémunération mises en place avec les deux autres sociétés, étant précisé que la garantie de rémunération annuelle minimale (9,5% du CA HT) était versée à l’échéance de chaque trimestre de l’année en cours ;

– Sur les demandes présentées à l’encontre de la société Gourmalliance :

Attendu que, s’agissant du 3ème trimestre 2010, Mme [Z] soutient sans être contredite que, compte tenu des dispositions contractuelles, une somme totale de 8.822,90 euros devait lui être versée au titre de la rémunération minimale garantie de 9,5 % du chiffre d’affaire ;

Qu’il résulte des explications et pièces fournies que, outre 6.500,74 euros versés au titre des commissions et salaires fixes pour cette période, Mme [Z] a perçu un rappel de 2.266 euros sur le bulletin de paie de décembre 2010 ; qu’il lui reste donc dû la seule somme de 56,16 euros ;

Attendu que, s’agissant du 1er trimestre 2011, au vu du chiffre d’affaires réalisé sur cette période par la salariée il devait revenir 8.226,39 euros ; que, compte tenu des commissions et du salaire fixe versés tels que résultant des pièces qu’elle fournit et du tableau détaillé qu’elle dresse, il lui reste dû la somme de 841,99 euros – les pièces produites par la société étant quant à elles difficilement exploitables et compréhensibles et ne correspondant pas aux bulletins de paie versés aux débats ;

Attendu enfin, que s’agissant des mois d’octobre et novembre 2011, il résulte des documents, tableau et explications fournis par la salariée que lui reste due la somme de 547,48 euros ;

Attendu que la cour condamne dès lors la SAS Gourmalliance à payer à Mme [Z] les sommes de 1.445,63 euros brut, outre 144,56 euros brut de congés payés, à titre de rappel de salaire ;

– Sur la demande présentée à l’encontre de la société Par :

Attendu que, contrairement à ce que soutient la SAS Par, cette demande, portant sur les mois de mars et septembre 2011, n’est pas atteinte par la prescription édictée à l’article L. 3245-1 du Code du travail dans sa rédaction applicable pour avoir été présentée lors de la saisine du conseil de prud’hommes le 27 avril 2012 ; qu’elle est donc recevable – la cour remarquant qu’en tout état de cause aucune fin de non-recevoir ne figure au dispositif des conclusions de la société ;

Attendu que Mme [Z] soutient sans être contredite que la SAS Par lui reste redevable de la somme de 16,73 euros brut pour des commissions non réglées ; que la demande présentée à ce titre est donc accueillie ;

– Sur les indemnité compensatrice de congés payés et indemnité de congés payés :

Attendu que la disposition du jugement donnant acte à la société La Triade de son engagement de verser à Mme [Z] la somme brute de 6.945,11 euros à titre d’indemnité de congés payés est dépourvue de tout effet juridique mais n’a pas à être infirmée faute d’être erronée ; que la demande de donner acte à la SAS Gourmalliance du versement de 4.709,70 euros net suivant bulletin de paie d’octobre 2019 mentionnant un montant brut de 6.945,11 euros brut présentée par Mme [Z] ne peut pour le même motif être accueillie, la cour observant en outre qu’une telle réclamation s’analyse en une demande faite pour le compte d’autrui et est en ce sens mal fondée ;

Attendu que, s’agissant de la demande de condamnation, selon l’article 6 du Code de procédure civile : ‘A l’appui de leurs prétentions, les parties ont la charge d’alléguer les faits propres à les fonder.’ ; qu’en l’espèce, si Mme [Z] prétend que le règlement net de 4.709,70 euros reste imparfait, elle ne précise pas en quoi le taux de prélèvement serait erroné ; que sa réclamation tendant à voir condamner la SAS Gourmalliance à lui régler 6.945,11 euros à titre d’indemnité compensatrice et d’indemnité de congés payés est donc rejetée, la société s’étant désormais acquittée de ce règlement ;

– Sur le remboursement de frais professionnels :

Attendu qu’en application de l’article 1315 devenu 1353 du Code civil, il incombe au salarié de justifier des frais professionnels dont il demande le remboursement, à charge alors pour l’employeur de prouver qu’il s’en est acquitté ;

Attendu qu’en l’espèce il ne ressort d’aucune pièce du dossier que les frais dont Mme [Z] demande le remboursement ont été exposés pour les besoins de son activité liée à l’exécution des contrats de travail conclus avec la société Triade, alors même qu’il est constant qu’au cours de la période concernée par la réclamation (mars à novembre 2011) elle exerçait deux autres activités parallèles impliquant des déplacements en qualité d’agent commercial pour la société Nactis Gourmet et de gérante de la société Delicia France ; que les seules factures de péage et de restaurant produites sont en effet insuffisantes à établir la démonstration requise, Mme [Z] ne fournissant notamment aucune information et pièce sur les clients visités et les contrats envisagés ou conclus ; que la demande est donc rejetée ;

– Sur l’exécution déloyale du contrat de travail :

Attendu que le défaut de réglement des frais professionnels engagés n’a pas été retenu ; que, concernant la rémunération, Mme [Z] ne justifie d’aucun préjudice distinct de celui réparé par l’octroi d’un rappel de salaire – au demeurant d’un montant inférieur à 1.500 euros pour l’ensemble de la relation contractuelle ; qu’aucun préjudice n’est davantage prouvé concernant le défaut de transmission des bulletins de salaire par la SAS Par et le défaut de respect des dispositions régissant la durée et la répartition des contrats à temps partiel – dont elle ne sollicite pas la requalification en contrat à temps plein ; qu’elle a été réglée conformément aux dispositions contractuelles – hormis le rappel de salaire dont il a été fait état ci-dessus ; qu’elle s’est à l’évidence accomodée de la situation résultant de la conclusion des trois contrats de travail à temps partiel dans le cadre d’un accord entre ses trois employeurs dans la mesure où elle n’a pas accédé à la proposition de la SAS La Triade de conclure un contrat à temps plein suite à son changement de statut avec la société Nactis Gourmet ; que, sur ce dernier point, elle ne peut valablement arguer que la SAS La Triade aurait été déloyale dès lors que l’entreprise s’est bornée à rechercher une solution pour maintenir la relation contractuelle suite à la rupture du contrat de la salariée – indépendante de la volonté de La Triade – avec Nactis Gourmet ;

Attendu que, par suite, Mme [Z] est déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale des contrats de travail ;

– Sur les licenciements :

Attendu, d’une part, qu’il convient de rappeler que la lettre de licenciement fixe les limites du litige ;

Que, selon l’article L.1235-1 du Code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d’instruction qu’il estime utiles ; que, si un doute subsiste, il profite au salarié ; qu’ainsi l’administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n’incombe pas spécialement à l’une ou l’autre des parties, l’employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables ;

Que par ailleurs la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise et justifie la rupture immédiate de son contrat de travail, sans préavis, la charge de la preuve pesant sur l’employeur ;

Que la faute lourde est quant à elle une faute d’une exceptionnelle gravité, caractérisée par l’intention de nuire à l’employeur, laquelle implique la volonté du salarié de lui porter préjudice dans la commission du fait fautif et ne résulte pas de la seule commission d’un acte préjudiciable à l’entreprise ;

Attendu, d’autre part, qu’en application des dispositions de l’article L 1332-4 du Code du travail, aucun fait fautif ne peut à lui seul donner lieu à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà du délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, sauf à s’en prévaloir dans la lettre de licenciement s’il s’agit de faits procédant d’un même comportement fautif que ceux commis dans le délai de prescription ; que le point de départ du délai est le jour où l’employeur a eu une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l’ampleur des faits reprochés au salarié ;

Attendu qu’en l’espèce Mme [Z] a été licenciée par deux courriers identiques des SAS La Triade et Par pour avoir dissimulé la création de sa société et de son activité parallèle dans le but de commercialiser des produits de la société Nactis Gourmet Prodeal, pour avoir effectivement commercialisé ces produits sous couvert d’une société Delicea France dont elle est gérante et l’unique associée ainsi que par le biais d’un mandat d’agent commercial avec Nactis Gourmet, et ce pendant ses heures de travail, au préjudice de ses employeurs et en méconnaissance de ses engagements d’exclusivité, de non-concurrence et de loyauté, et pour avoir utilisé et détourné du matériel de la société et notamment sa voiture de fonction pour exercer une activité concurrente et sollicité le remboursement de frais pour une destination douteuse ;

Attendu que, s’agissant de la prescription des faits ainsi allégués, il ressort des pièces du dossier que la SAS La Triade a été informée à compter du 16 juin 2010 de ce que le contrat conclu entre Mme [Z] et la société Nactis Gourmet Prodeal était rompu et de ce que la salariée entendait remplacer cette activité par une autre, puis courant août 2010 de ce que l’intéressée avait pour dessein de se mettre à son compte pour la vente de produits déshydratés ; que toutefois l’entreprise, qui suite à ces informations a rappelé à plusieurs reprises à Mme [Z] la nécessité d’être transparente et loyale sur ses activités, démontre qu’elle n’a eu connaissance de ce que l’activité complémentaire de sa salariée l’amenait à vendre des produits Nactis Gourmet par le biais d’un mandat d’agent commercial pour le compte de la société Nactis Goumet et dans le cadre d’une activité indépendante sous la forme d’une société Delicea, ainsi que de l’ampleur des ventes ainsi réalisées, que suite au procès-verbal de constat dressé le 18 octobre 2011 par Maître [B] [C], huissier de justice ; que ce dernier, désigné par ordonnance sur requête du 28 septembre 2011, s’est rendu au siège de Nactis Gourmet Prodeal accompagné dun expert informatique et a décrit le nombre de commandes passées par l’intermédiaire de Mme [Z] à Nactis Gourmet par des clients de La Triade ; que, la procédure de licenciement ayant été engagée dès le lendemain, il y a lieu de retenir que les faits de dissimulation de la création de sa société et de son activité parallèle dans le but de commercialiser des produits de la société Nactis Gourmet Prodeal et de la commercialisation effective de ces produits ne sont pas prescrits ;

Attendu qu’il en est de même des faits d’utilisation abusive du véhicule de fonction et de demande abusive de remboursement de frais dans la mesure où ce n’est qu’après avoir découvert l’ampleur de l’activité annexe de sa salariée que la SAS Gourmalliance a pu avoir une pleine conscience de l’abus ;

Attendu que, s’agissant de la réalité des faits reprochés, il ressort des courriers échangés entre les parties que, si Mme [Z] a informé la SAS La Triade la SAS Par de la cessation de son activité de déléguée commerciale pour Nactis Gourmet et de sa volonté d’exercer une autre activité pouvant être à titre indépendant, elle a omis de leur faire part d’une part de la signature d’un contrat d’agent commercial avec Nactis Gourmet – pourtant intervenue dès le 1er juillet 2010, d’autre part de ce que son activité indépendante l’amenait à commercialiser des produits Nactis Gourmet ; que pourtant elle avait été avertie à plusieurs reprises par la société La Triade de ce que la poursuite de leurs relations exigeait une parfaite transparence afin en particulier d’éviter toute situation de concurrence ; que par ailleurs Mme [Z] a menti à la SAS Gourmalliance sur le motif de la rupture de son contrat de déléguée commerciale avec Nactis Gourmet en lui indiquant qu’elle avait été licenciée alors même que les parties avaient signé une rupture conventionnelle ;

Qu’il résulte par ailleurs du constat d’huissier en date du 18 octobre 2011 que , sur les 232 clients uniques fournis par la SAS Gourmalliance, 176 sont associés à Mme [Z] dans le fichier clients de la société Nactis Gourmet Prodeal et que sur la période de juin 2010 à juin 2011 88 de ces entreprises ont passé commande à la société Nactis par l’intermédiaire de Mme [Z] ; que le chiffre d’affaires réalisé par Mme [Z] au cours du premier trimestre 2011 pour les SAS La Triade et Par a quant à lui été inférieur à celui qu’elle réalisait lorsque son temps de travail était partagé avec la société Nactis Gourmet Prodeal;

Attendu que ces différents éléments permettent de considérer que Mme [Z] a délibérément dissimulé aux sociétés La Triade et Par l’existence et le mode de sa collaboration avec la société Nactis Gourmet Prodeal à compter du 1er juillet 2010, alors même qu’elle a démarché la clientèle de ses deux employeurs pour vendre des produits de la société Nactis Gourmet avec laquelle ces derniers avaient un accord depuis de dix ans ;

Attendu que, si les intimées ne sont pas fondées à invoquer une violation de la clause d’exclusivité prévue aux contrats de travail de Mme [Z] faute de précision suffisante et si les documents fournis sont insuffisants à établir que des commandes de leurs clients auraient été détournées au profit de la société Nactis Gourmet, elles soutiennent à bon droit que Mme [Z] a failli à son obligation de déloyauté – ce manquement concernant tant la SAS Gourmalliance que la SAS Par ; que ce manquement constitue, non une faute lourde dans la mesure où l’intention de nuire aux employeurs n’est pas établie, mais une faute grave justifiant la rupture immédiate, sans préavis, des contrats de travail ; que la cour observe à cet égard que les sociétés ont agi dans un délai restreint dans la mesure où elles ont saisi le conseil de prud’hommes dès le lendemain du constat dressé par l’huissier désigné et qu’elles n’était pas tenues de prononcer une mise à pied conservatoire à l’encontre de la salariée ; que cette dernière est dès lors déboutée de ses demandes tendant au paiement d’indemnités de rupture présentées tant à l’encontre de la SAS Gourmalliance que de la SAS Par ;

– Sur la remise d’une attestation Pôle emploi rectifiée :

Attendu qu’il est fait droit à cette réclamation pour tenir compte des rappels de salaires et commissions alloués ;

– Sur les frais irrépétibles :

Attendu qu’il convient pour des raisons tenant à l’équité et compte tenu de la solution donnée au litige de ne pas faire application de l’article 700 du Code de procédure civile pour les frais exposés en première instance et en cause d’appel ;

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Confirme le jugement déféré, excepté en ce qu’il a :

– dit que les licenciements de Mme [O] [Z] pour faute lourde sont justifiés,

– débouté Mme [O] [Z] de sa demande de rappels de salaires et commissions,

– condamné Mme [O] [Z] à payer aux sociétés La Triade et Par la somme de 1.000 euros chacune sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,

– condamné Mme [O] [Z] aux dépens,

Statuant à nouveau sur les chefs réformés et ajoutant,

Dit que les licenciements de Mme [O] [Z] sont fondés sur une faute grave,

Condamne la SAS Gourmalliance à payer à Mme [O] [Z] les sommes de 1.445,63 euros brut, outre 144,56 euros brut de congés payés, à titre de rappel de salaire,

Condamne la SAS Par à payer à Mme [O] [Z] la somme de 16,73 euros brut à titre de rappel de commissions,

Condamne les SAS Gourmalliance et SAS Par à remettre chacune à Mme [O] [Z] une attestation Pôle emploi rectifiée conformément aux dispositions du présent arrêt,

Déboute Mme [O] [Z] de ses demandes supplémentaires afférentes aux indemnités compensatrices et indemnités de congés payés,

Dit n’y avoir lieu à faire application de l’article 700 du Code de procédure civile pour les frais exposés en première instance et en cause d’appel,

Dit que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens de première instance et d’appel,

LE GREFFIER LA PRESIDENTE

 


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