Violation de clause d’exclusivité : 16 octobre 2019 Cour de cassation Pourvoi n° 17-12.952

Violation de clause d’exclusivité : 16 octobre 2019 Cour de cassation Pourvoi n° 17-12.952

16 octobre 2019
Cour de cassation
Pourvoi n°
17-12.952

COMM.

MY1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 16 octobre 2019

Rejet

Mme MOUILLARD, président

Arrêt n° 759 F-D

Pourvoi n° E 17-12.952

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

1°/ la société Geo instrumentation, dont le siège est […] ,

2°/ Mme I… N…, domiciliée […] ,

3°/ Mme A… H…, domiciliée […] ,

4°/ M. X… Y…, domicilié […] ,

5°/ la société GI2M, dont le siège est […] ,

6°/ M. L… W…, domicilié […] ,

7°/ M. R… U…, domicilié […] ,

contre l’arrêt rendu le 29 novembre 2016 par la cour d’appel de Paris (pôle 5, chambre 1), dans le litige les opposant à la société Telemac, dont le siège est […] ,

défenderesse à la cassation ;

Les demandeurs invoquent, à l’appui de leur pourvoi, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l’audience publique du 3 septembre 2019, où étaient présents : Mme Mouillard, président, Mme Sudre, conseiller rapporteur, M. Guérin, conseiller doyen, Mme Labat, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Sudre, conseiller, les observations de la SCP Gaschignard, avocat des sociétés Geo instrumentation et GI2M, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Telemac, l’avis de Mme Pénichon, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Donne acte à Mmes N… et H… et MM. Y…, W… et U… du désistement de leur pourvoi en ce qu’il est dirigé contre la société Telemac ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 29 novembre 2016), que, début 2001, l’un des cadres de la société Telemac, filiale du groupe canadien Roctest, exerçant une activité de conception, fabrication et vente d’instruments de mesures d’auscultation des sols et ouvrages de génie civil, a, en accord avec le groupe Roctest qui envisageait de mettre fin à la production de capteurs à corde vibrante en France, quitté la société Telemac pour créer la société GI2M ; que le 4 avril 2001, les sociétés Telemac et GI2M ont conclu un contrat d’une durée de trois ans, non renouvelable, comportant une clause d’exclusivité réciproque, prévoyant que la première confiait à la seconde l’exclusivité de la fabrication des produits C110 et CL1, utilisant la technologie de la “corde vibrante”, tandis que la société GI2M s’engageait à ne pas fabriquer, pour son compte ou pour le compte d’autrui, des produits à corde vibrante similaires à ceux fabriqués par la société Telemac, à moins d’un consentement écrit de cette dernière ; que les relations d’affaires des deux sociétés se sont poursuivies postérieurement au terme du contrat sans qu’une nouvelle convention soit formalisée ; que reprochant à la société GI2M de fabriquer et de vendre à la société Geo instrumentation, qu’elle avait créée en février 2008, des produits similaires à ceux fabriqués pour son compte, de démarcher sa clientèle et d’avoir débauché plusieurs de ses salariés, la société Telemac a assigné les deux sociétés en concurrence déloyale, ainsi que leurs dirigeants et salariés, MM. W…, Y… et U… et Mmes N… et H… ; que la société GI2M a formé une demande reconventionnelle en réparation de son préjudice pour rupture brutale de leur relation commerciale établie et violation de ses droits de propriété intellectuelle ;

Sur le premier moyen :

Attendu que les sociétés Geo instrumentation et GI2M font grief à l’arrêt de dire qu’un nouveau contrat oral de licence s’est substitué, à partir du 5 avril 2004, à celui conclu le 4 avril 2001, et que la société GI2M, restant tenue par son obligation contractuelle d’exclusivité, a violé celle-ci, en vendant postérieurement au 5 avril 2004 sa production à des concurrents de la société Telemac alors, selon le moyen :

1°/ que lorsque le contrat a été conclu pour une durée déterminée non renouvelable, les obligations réciproques des parties prennent fin à l’arrivée du terme ; qu’il résulte des constatations de la cour que la clause d’exclusivité souscrite par la société GI2M au profit de la société Telemac était expressément limitée, dans sa durée, à la durée du contrat qui la contenait, et qu’en vertu de l’article 6 de ce contrat, celui-ci était conclu à compter du 4 avril 2001 « pour une durée de 3 ans sans renouvellement » ; qu’en affirmant néanmoins que la société GI2M restait tenue par cette clause d’exclusivité postérieurement au 4 avril 2004, au motif inopérant que les relations commerciales entre les parties se sont poursuivies après cette date, la cour d’appel a violé l’article 1134 du code civil ;

2°/ que le contrat d’exclusivité par lequel un fabricant accepte de vendre ses produits à son cocontractant de manière exclusive et s’interdit de vendre des produits identiques ou similaires à ses concurrents, qui constitue une restriction à la liberté du commerce et de l’industrie, n’est valablement formé que si le fabricant manifeste sa volonté de manière expresse et non équivoque ; que pour dire que la société GI2M était toujours tenue de respecter, après l’expiration du contrat conclu le 4 avril 2001, la clause d’exclusivité qu’il contenait et qui lui faisait interdiction de vendre des produits similaires à ceux fabriqués par la société Telemac et ses filiales, la cour d’appel se borne à relever que les parties ont poursuivi leurs relations commerciales aux mêmes conditions de prix et qu’il n’était pas établi que la société Telemac se serait, pour sa part, affranchie de son propre engagement ; qu’en statuant par de tels motifs, impropres à établir que la société GI2M aurait manifesté de manière non équivoque sa volonté de prolonger les effets de la clause d’exclusivité la concernant après l’expiration du contrat qui la contenait, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1134 du code civil et du principe de la liberté du commerce et de l’industrie ;

3°/ que les conventions d’exclusivité constituent une atteinte disproportionnée au principe de la liberté du commerce et de l’industrie quand elles ne sont pas limitées dans l’espace ou dans le temps ; qu’en mettant à la charge de la société GI2M une obligation d’exclusivité, à l’origine consentie pour une durée de trois ans, pendant une période illimitée à compter du 5 avril 2004 et sans limitation territoriale, la cour d’appel a violé l’article 1134 du code civil et le principe de la liberté du commerce et de l’industrie ;

Mais attendu que l’arrêt relève que, si les parties avaient limité l’exécution du contrat conclu le 4 avril 2001 à une période de trois années, sans tacite reconduction, la négociation éventuelle d’un nouveau contrat était prévue à l’échéance ; qu’il retient que les nombreuses factures produites et la mention des produits CL110 et CLI dans le catalogue 2009 de la société GI2M établissent que la relation commerciale liant les parties s’est poursuivie postérieurement au 4 avril 2004, dans les mêmes conditions de commandes régulières et de prix ; qu’il retient encore que le fait, pour la société GI2M, de reconnaître avoir vendu le produit CL1 à d’autres clients ne démontre pas que les parties avaient l’intention de ne pas maintenir leurs obligations d’exclusivité réciproque mais que la société GI2M n’a pas respecté son obligation, et qu’il n’est ni établi ni même allégué que la société Telemac se serait affranchie de sa propre obligation d’approvisionnement exclusif postérieurement au 4 avril 2004 ; qu’en cet état, c’est dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation de la commune intention des parties et sans méconnaître le principe de la liberté du commerce et de l’industrie que la cour d’appel a retenu que celles-ci avaient conclu un nouveau contrat verbal de licence, qui s’est substitué à compter du 5 avril 2004 à celui conclu le 4 avril 2001, aux mêmes conditions contractuelles, incluant l’engagement réciproque d’exclusivité ; que le moyen n’est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que la société GI2M fait grief à l’arrêt de rejeter sa demande de dommages-intérêts pour rupture brutale d’une relation commerciale établie alors, selon le moyen :

1°/ que le premier moyen reproche à la cour d’avoir dit que la société GI2M était tenue d’une obligation d’exclusivité en vertu d’un contrat oral de licence ayant le même contenu que le contrat du 4 avril 2001, et qu’elle avait violé cette obligation en vendant sa production, postérieurement au 5 avril 2004, à des concurrents de la société Telemac ; que la cassation à intervenir sur ce moyen entraînera donc, par voie de conséquence, la cassation de l’arrêt en ce qu’il a dit que cette violation de l’obligation d’exclusivité justifiait la résiliation sans préavis des relations commerciales entretenues par la société Telemac avec la société GI2M, par application de l’article 624 du code de procédure civile ;

2°/ que la société Telemac n’a jamais prétendu qu’elle avait mis un terme à ses relations commerciales avec la société GI2M en raison d’une méconnaissance, par celle-ci, de son obligation d’exclusivité et que le non respect de cette obligation-là l’autorisait à ne pas respecter un délai de préavis minimal ; qu’en se fondant sur de tels faits, qui n’étaient pas invoqués, pour dire que la société Telemac n’était pas tenue de respecter un délai de préavis minimal pour rompre ses relations commerciales avec la société GI2M, la cour d’appel a violé les articles 4 du code de procédure civile ;

 


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