Violation de clause d’exclusivité : 14 octobre 2011 Cour d’appel de Paris RG n° 11/03683
Violation de clause d’exclusivité : 14 octobre 2011 Cour d’appel de Paris RG n° 11/03683
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14 octobre 2011
Cour d’appel de Paris
RG n°
11/03683

Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 4

ARRET DU 14 OCTOBRE 2011

(n° , 5 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 11/03683

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 14 Février 2011 -Tribunal de Commerce de PARIS – RG n° 2010089460

APPELANTE

SARL TRANSCONSEIL ASSURANCES

agissant en la personne de son gérant en exercice

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Louis-Charles HUYGHE, avoué à la Cour

assistée de Me Stéphane CHOISEZ, plaidant pour NCA ASSOCIES, avocats au barreau de Paris, toque : R13

INTIMEE

SAS GROUPE SOLLY AZAR

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par la SCP REGNIER BEQUET MOISAN, avoué à la Cour

assistée par Me Laurence APITZ, plaidant pour DOUBLE SIX, avocats au barreau de Paris, toque : R166

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 786 et 910 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 23 Septembre 2011, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Jacques LAYLAVOIX, président, et Madame Catherine BOUSCANT, conseillère.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Jacques LAYLAVOIX, président

Madame Catherine BOUSCANT, conseillère

Madame Michèle GRAFF-DAUDRET, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Nadine CHAGROT

ARRET :

– CONTRADICTOIRE

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Monsieur Jacques LAYLAVOIX, président et par Mademoiselle Véronique COUVET, greffier.

* * * * * *

Par assignation délivrée le 25 mai 2010 à la S.A.S. Groupe Solly Azar à la requête de la société Transconseil Assurances, qui lui reprochait la violation volontaire de la clause d’exclusivité figurant dans le contrat de coopération conclu le 14 décembre 2006 entre elle et la société Hubener, la société Transconseil Assurances a saisi le juge des référés du tribunal de commerce de Paris aux fins de voir interdire, sous astreinte, à la S.A.S. Groupe Solly Azar de collaborer avec la société Hubener et d’ordonner à la S.A.S. Groupe Solly Azar de lui communiquer tous les documents nécessaires pour évaluer le montant de son préjudice.

Par ordonnance du 14 février 2011, le juge des référés s’est déclaré incompétent du fait de l’existence d’une clause d’arbitrage insérée dans le traité de collaboration signé entre la société Transconseil Assurances et la société Hubener, a dit que cette clause désignait un tribunal arbitral pour statuer sur tout litige entre les parties et ceux qui s’y rattachaient, constaté que la société Transconseil Assurances avait déjà saisi le tribunal arbitral du litige l’opposant à la société Hubener et condamné la société Transconseil Assurances, outre aux dépens, à payer à la S.A.S. Groupe Solly Azar la somme de 2.500 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive et celle de 8.276,32 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

La société Transconseil Assurances a interjeté appel de cette ordonnance le 25 février 2011 et, aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 14 septembre 2011, elle soutient que :

– n’ayant pu obtenir les éléments nécessaires à l’évaluation de son préjudice, le tribunal arbitral n’a pas pu le réparer en intégralité et elle entend parfaire la réparation de son dommage devant les juridictions du fond,

– le juge peut notamment ordonner la production de pièces, au besoin sous astreinte, nonobstant le secret des affaires et le secret bancaire dès lors que, comme en l’espèce, l’intérêt poursuivi est légitime et le secret des affaires retenu par le premier juge ne doit pas être confondu avec le secret professionnel et n’est pas opposable au droit à la preuve que détient une partie,

– la résiliation du contrat la liant à la société Hubener ayant été déclarée abusive par le tribunal arbitral dans sa sentence du 6 juillet 2011, la clause d’exclusivité était toujours opposable à l’intimée au jour de la saisine du premier juge,

– le premier juge ne pouvait soulever d’office son incompétence et, en tout état de cause, la clause compromissoire ne liait que la société Transconseil Assurances et la société Hubener,

– la S.A.S. Groupe Solly Azar a sciemment violé la clause d’exclusivité liant la société Transconseil Assurances à la société Hubener et cette violation par un tiers au contrat, qui engage sa responsabilité délictuelle, constitue un trouble manifestement illicite que le juge des référés doit faire cesser,

– il n’est pas sérieusement contestable que la S.A.S. Groupe Solly Azar avait connaissance de l’existence de la clause d’exclusivité,

et demande à la Cour d’infirmer l’ordonnance entreprise, de l’annuler, de dire que l’accord de distribution conclu entre la société Hubener et la S.A.S. Groupe Solly Azar constitue une violation caractérisée et volontaire de la clause d’exclusivité, d’ordonner la production par celle-ci, sous astreinte de 5.000 euros par jours de retard, des justificatifs de la totalité des contrats d’assurance Hubener conclus avec la S.A.S. Groupe Solly Azar entre le 16 juin 2009 et le 2 octobre 2010, les déclarations fiscales et attestations certifiées quant au montant des primes et commissions qui ont été encaissées par la S.A.S. Groupe Solly Azar pour la même période, d’ordonner à défaut la nomination de tel sachant ou expert qu’il plaira à la cour à ses frais, avec pour mission de se faire remettre les documents précités, et de condamner la S.A.S. Groupe Solly Azar, outre aux dépens, à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

Dans ses conclusions signifiées le 14 septembre 2011, la S.A.S. Groupe Solly Azar, intimée, fait valoir que :

– le moyen tendant à faire reconnaître par la Cour que le premier juge a jugé ultra petita est sans conséquence du fait de l’effet dévolutif de l’appel et est inopérant dès lors qu’elle a soulevé l’incompétence de la juridiction, peu important que ce soit sur un autre fondement,

– la demande de communication de pièces formulée par la société Transconseil Assurances a déjà été soumise au tribunal arbitral, qui a rendu sa sentence le 8 juillet 2011,

– il n’existe pas de trouble manifestement illicite, puisque le contrat liant la société Transconseil Assurances à la société Hubener et contenant la clause d’exclusivité a été résilié et que la société Transconseil Assurances a poursuivi devant le Tribunal Arbitral la société Hubener la résiliation de ce contrat et non son exécution,

– elle s’oppose à la production des documents confidentiels demandés par la société Transconseil Assurances, qui est sa concurrente directe,

– l’article 872 du Code de procédure civile ne peut être invoqué par la société Transconseil Assurances, qui ne caractérise pas l’urgence de la situation et le différend allégué ne l’oppose pas à celle-ci, mais oppose la société Transconseil Assurances à la société Hubener,

et prie la Cour de confirmer l’ordonnance entreprise, de débouter la société Transconseil Assurances de ses demandes et de condamner celle-ci aux dépens et à lui payer la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et celle de 13.299,52 euros pour ses frais de procédure non compris dans les dépens.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 15 septembre 2011.

Ceci étant exposé,

Considérant que la demande d’annulation de l’ordonnance déférée formée par la société Transconseil Assurances au motif que le premier juge aurait statué ultra petita et sans respecter le principe du contradictoire est dépourvue d’intérêt, dès lors que la Cour est saisie de l’entier litige par l’effet dévolutif de l’appel ;

Considérant que, la clause d’arbitrage étant insérée dans le contrat liant la société Transconseil Assurances et la société Hubener, auquel n’est pas partie la S.A.S. Groupe Solly Azar, celle-ci ne peut s’en prévaloir et la saisine préalable du tribunal arbitral pour statuer dans le litige opposant les deux premières ne fait pas obstacle à celle du juge des référés notamment sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile aux fins de voir ordonner à la S.A.S. Groupe Solly Azar, qui n’est pas partie au litige soumis au tribunal arbitral, la production de documents ;

Que le premier juge s’est donc à tort déclaré incompétent ;

Considérant, alors que le tribunal arbitral a été saisi par la société Transconseil Assurances aux fins de voir sanctionner la violation d’une accord d’exclusivité la liant à la société allemande Hubener et la résiliation abusive du contrat conclu entre elles ainsi que pour obtenir réparation des préjudices en résultant et que le tribunal arbitral a rendu sa sentence le 6 juillet 2011 et statué sur ce point, il n’entre pas dans les pouvoirs de la Cour, statuant en référé, de dire que l’accord de distribution conclu entre la société Hubener et la S.A.S. Groupe Solly Azar le 16 juin 2009 constitue une violation de la clause d’exclusivité figurant dans le contrat de coopération conclu préalablement entre la société Hubener et la société Transconseil Assurances ;

Qu’une telle appréciation relève en toute hypothèse de la juridiction du fond dès lors qu’elle implique l’analyse des deux contrats conclus par la société Hubener, le premier avec l’appelante, le second avec l’intimée, et l’examen de la portée de la clause d’exclusivité contenue dans chacun de ces contrats ;

Considérant que l’invocation par la société Transconseil Assurances d’un dommage imminent ou d’un trouble illicite sur le fondement de l’article 873 du CPC est dépourvue de pertinence, dès lors qu’elle ne forme aucune demande destinée à faire cesser le trouble ou à prévenir le dommage allégué ;

Que l’article 872 du CPC, dont elle excipe, ne constitue pas davantage un fondement pertinent à sa demande tendant à voir ordonner à la S.A.S. Groupe Solly Azar la production de pièces justificatives des contrats d’assurance Hubener conclus en vertu de l’accord passé entre cette société et la société Groupe Solly Azar ainsi que les déclarations fiscales et les attestations certifiées relatives au montant des primes et commissions encaissées ;

Qu’en réalité une telle demande n’est susceptible de prospérer que sur le fondement de l’article 145 du CPC, aux termes duquel, s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé ;

Considérant à cet égard que le tribunal arbitral, dont l’intimée fait valoir sans être démentie que la sentence est insusceptible d’appel, s’est prononcé sur la demande formée par la société Transconseil Assurances en réparation du dommage que lui a occasionné la violation de l’accord d’exclusivité conclu entre elle et la société Hubener et, après avoir analysé la spécificité du contrat de courtage d’assurance liant ces deux sociétés et prévoyant une clause d’exclusivité, a limité à la perte d’une chance le préjudice de la société Transconseil Assurances, l’a ainsi évalué et lui a alloué à ce titre des dommages et intérêts ;

Que la société Transconseil Assurances n’explique pas en quoi elle peut prétendre à une indemnisation supplémentaire du même préjudice, s’ajoutant à celle que lui a accordé le tribunal arbitral ;

Que, dans ces conditions, étant en outre observé que le droit à la preuve dont excipe la société Transconseil Assurances en se fondant sur l’article 11 du code de procédure civile ne trouve pas à s’appliquer en l’espèce pour justifier sa demande de production de pièces, laquelle n’a pas pour finalité de résoudre le litige dont la Cour est saisie, une telle demande, par sa nature attentatoire au secret des affaires même si les justificatifs des contrats conclus étaient rendus anonymes, ne répond à aucun motif légitime ;

Qu’il en va exactement de même s’agissant de sa demande subsidiaire de désignation d’un sachant ou d’un expert ;

Qu’en conséquence, il n’y a pas lieu d’ordonner la production des pièces sollicitées, ni de désigner un sachant ou un expert ;

Considérant que la société Transconseil Assurances, en poursuivant en justice la société Groupe Solly Azar à la légère notamment pour obtenir des documents qu’elle pensait utiles au succès de l’action qu’elle avait parallèlement engagée contre son co-contractant devant le tribunal arbitral, a laissé dégénérer en abus son droit d’ester en justice, comme l’a à juste titre retenu le premier juge, dont la décision tant sur le principe que sur le montant des dommages et intérêts alloués de ce chef à la société Groupe Solly Azar, sera confirmée ;

Considérant qu’eu égard au sens du présent arrêt, la société Transconseil Assurances supportera les dépens d’appel, sera déboutée de sa demande formée sur le fondement de l’article 700 du CPC et sera condamnée sur le même fondement à payer à la société Groupe Solly Azar la somme de 10 000 euros pour compenser les frais hors dépens exposés par celle-ci ;

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,

Confirme l’ordonnance déférée, sauf en ce que le premier juge s’est déclaré incompétent,

Statuant à nouveau,

Déboute la société Transconseil Assurances de ses demandes,

La condamne aux dépens, qui pourront être recouvrés conformément à l’article 699 du CPC, et à payer à la société Groupe Solly Azar la somme de 10 000 euros en application de l’article 700 du CPC.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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