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1 avril 2010
Cour d’appel de Paris
RG n°
08/08886
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 5
ARRET DU 1er Avril 2010
(n° , pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : S 08/08886
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 25 Juin 2008 par le conseil de prud’hommes de BOBIGNY – RG n° 07/01100
APPELANT
Monsieur [V] [R]
[Adresse 2]
[Localité 5]
comparant en personne, assisté de Me Maylis CHEVALLIER, avocat au barreau de PARIS, toque : E 1007
INTIMEE
S.A. SAPRATIN TECHNOLOGIES
[Adresse 3]
[Localité 4]
représentée par Me SOFFAL, avocat au barreau de PARIS, toque : L0043 substitué par Me Annaÿg MERRIEN, avocat au barreau de PARIS, toque : L.0043
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 19 Février 2010, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Claudette NICOLETIS,, chargé d’instruire l’affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Françoise FROMENT, président
Mme Claudette NICOLETIS, conseiller
Mme Marie-Ange LEPRINCE, conseiller
Greffier : Madame Pierrette BOISDEVOT, lors des débats
ARRET :
– contradictoire
– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du nouveau code de procédure civile.
– signé par Mme Françoise FROMENT, Président et par Madame Pierrette BOISDEVOT, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
M. [R] a été engagé par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er juin 1992 par la société Climats en qualité de technicien SAV ; son contrat de travail a été transféré à la société Sapratin, filiale de la société Climats, à compter du 1er juillet 1995 en qualité de responsable adjoint au directeur SAV ; le 1er mars 2000, il a été promu directeur SAV, puis, le 1er juillet 2003, directeur général adjoint de la société Sapratin ; depuis le 1er mars 2005, les société Climats et Sapratin font partie du groupe Weiss ;
La société Sapratin a pour activité l’industrie et le commerce de toutes espèces de matériel électrique, électronique ou mécanique rattachés notamment à la simulation de l’environnement ;
La convention collective applicable au contrat de travail est celle de la métallurgie ;
M. [R] a été mis à pied à titre conservatoire le 8 février 2007 et convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement pour le 23 février suivant ; par lettre du 28 février 2007, lui reprochant des actes de concurrence déloyale graves, il a été licencié pour faute grave ;
Le 12 mars 2007, M. [R] a saisi le conseil de prud’hommes de Bobigny pour contester son licenciement et obtenir :
– Indemnité compensatrice de préavis 3 mois : 18 300,00 €
– Indemnité compensatrice de congés payés sur préavis : 1 830,00 €
– Paiement des jours de mise à pied conservatoire : 4 775,00 €
– Congés payés y afférents : 477,50 €
– sur marge brute du 1er mars 2006 au 28 février 2007 : 10 000,00 €
– Treizième mois au prorata sur préavis et mise à pied : 1 906,25 €
– Indemnité conventionnelle de licenciement : 61 765,86 €
– Dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse 18 mois :178 600,00 €
– Dommages-intérêts pour préjudice moral : 15 000,00 €
– Article 700 du code de procédure civile : 1 800,00 €
– Intérêts au taux légal
– Remise de l’attestation ASSEDIC conforme à la décision
– Remise du certificat de travail conforme à la décision
– Remise des bulletins de salaires conformes à la décision.
Par jugement du 25 juin 2008 le conseil a ordonné la jonction des instances engagées contre MM. [R] et [M], autre salarié licencié, et débouté les salariés de l’ensemble de leurs demandes ; à l’appui de sa décision le conseil a retenu que les faits reprochés dans la lettre de licenciement étaient établis ;
Le 3 juillet 2008, M. [R] a interjeté appel du jugement qui lui a été notifié le 26 juin 2008 ;
Lors de l’audience du 19 février 2010, M. [R] a demandé la disjonction des deux instances et développé oralement ses conclusions, aux termes desquelles il demande à la Cour de :
– Infirmer la décision du Conseil de Prud’hommes de BOBIGNY
Et statuant à nouveau :
– Déclarer le licenciement pour faute grave de M. [R] sans cause réelle et sérieuse
– Condamner la société Sapratin à payer à Monsieur [R], avec intérêts de droit à compter de la saisine du Conseil de Prud’hommes le 12 mars 2007 :
– Indemnité compensatrice de préavis de 3 mois :19 825,00 €
– Indemnité compensatrice de congés payés sur préavis :1 982,50 €
– Paiement de la mise à pied du 8 au 28 février 2007 : 4 775,00 €
– Congés payés afférents : 457,50 €
– Prime sur marge brute du 1er mars 2006 au 28 février 2007 : 10 000 €
– Treizième mois prorata sur préavis mise à pied :1 906,25 €
– Indemnité conventionnelle de licenciement : 61 765,86 €
avec intérêts de droit à compter du prononcé de l’arrêt
– Dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 8 600 €
– Dommages-intérêts pour préjudice moral : 15 000 €
– Article 700 CPC : 2 500 €
– Ordonner la remise de l’attestation ASSEDIC, certificat de travail, bulletin de paie conformes à la décision.
Lors de l’audience du 19 février 2010 la société Sapratin Technologies a déclaré qu’elle préférait que les deux instances restent jointes et a développé oralement ses conclusions, visées le jour même par le greffier, aux termes desquelles elle demande à la Cour de :
– Confirmer le jugement dont appel,
– Constater que les agissements de M. [R] sont constitutifs de concurrence déloyale à l’égard de son ancien employeur,
– Dire en conséquence que le licenciement de M. [R] pour faute grave avec mise à pied conservatoire était justifié,
– Dire et juger non fondées les demandes de M. [R],
– L’en débouter,
– Condamner M. [R] à payer à la société Sapratin Technologies la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du CPC,
– Condamner M. [R] aux entiers dépens.
MOTIFS ET DÉCISION DE LA COUR :
Considérant qu’il apparaît être de l’intérêt d’une bonne administration de la justice de disjoindre à ce stade de la procédure les instances engagées par la société SAPRATIN TECHNOLOGIES à l’encontre de MM. [R] et [M] ;
Sur le bien fondé du licenciement :
Considérant que la lettre de licenciement du 28 février 2007, qui fixe les termes du litige est ainsi rédigée :
‘Monsieur,
Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 8 février 2007, nous vous avons convoqué à un entretien le 23 février 2007 en vue d’un éventuel
licenciement.
Au cours de cet entretien, nous vous avons exposé les motifs qui nous amenaient à envisager votre licenciement, et que nous vous rappelons ci-après :
Au cours des dernières semaines nous avons été informés et pu constater que vous aviez commis des actes de concurrence déloyale graves à l’encontre de votre employeur la société Sapratin. Les investigations que nous avons pu mener nous ont permis de constater qu’il s’agissait là d’actions délibérées et répétées en vue de favoriser votre propre intérêt et celui de sociétés directement concurrentes de notre société et du groupe auquel elle appartient.
Ces actes d’une gravité telle nous ont conduit à prononcer votre mise à pied conservatoire à compter du 8 février 2007.
Dans le détail nous rappellerons les faits suivants qui ne sont malheureusement pas exhaustifs :
Au cours de la réunion des vendeurs du groupe, semaine 05 / 2007 votre collègue commercial responsable du secteur Ouest chez Climats s’est plaint auprès de moi des faits suivants:
– le 25 janvier 2007, il vous informe que notre client Lucent à [Localité 7] met en vente, pour cause de fermeture d’usine, une enceinte climatique en bon état, performante et donc parfaitement revendable. Le 5 février, vous annoncez à ce collègue que votre offre à Lucent a été jugée insuffisante par le client et que vous aviez transmis l’affaire directement à la société SCS (Systèmes Climatiques Services) qui a, elle de son côté, soumissionné avec succès. Votre attitude est inadmissible. Cette enceinte avait été fabriquée par [X], filiale de notre groupe, et vous auriez dû faire bénéficier [X] de cette affaire, ou une autre société du groupe mais en aucun cas transmettre cette opportunité de réaliser du chiffre d’affaire à un tiers.
Vous n’avez pas jugé utile de m’informer et avez mis votre direction et votre collègue devant le fait accompli et ce, au seul bénéfice de la société SCS, en contrevenant aux intérêts de la société et même du groupe qui vous emploie.
De plus, j’ai également dû constater récemment en examinant les contrats de maintenance de clients importants que vous êtes allé jusqu’à sous-traiter le contrat de maintenance «Valéo La [Localité 9] » à la société SCS. Or, vous n’êtes pas sans savoir que Valéo La [Localité 9] est un client historique de notre filiale Weiss Technik France et que les équipements faisant l’objet du contrat sont principalement des équipements Weiss et des équipements Secasi, autre société de notre groupe.
Ainsi, sans me consulter ni même m’informer, vous faites bénéficier la société SCS de ce contrat de maintenance à des conditions particulièrement avantageuses, pour elle seule, puisque le client nous a passé commande pour 10.844€ et que votre commande à SCS porte sur un montant de 10.500€, ce qui nous laisse une marge insignifiante de 344€ alors que l’intégralité du montant commandé aurait dû rester dans le groupe, soit directement chez SAPRATIN qui vous emploie, soit chez Weiss Technik France. Il est incontestable que vous avez favorisé les intérêts d’une entreprise concurrente au détriment de ceux de votre employeur et des autres sociétés du groupe auquel il appartient.
Compte tenu des faits portés à notre connaissance, les investigations que nous avons menées depuis ces derniers jours nous ont amenés à constater que vos agissements à l’encontre des intérêts du groupe et de la société Sapratin ne sont pas isolés mais relèvent d’un comportement récurrent et délibéré.
Nous citerons encore le cas AUTOLIV. En décembre 2006, vous proposez chez Autoliv du matériel d’occasion toujours sans prévenir le service commercial de Climats, qui lui, proposait des équipements neufs, fabriqués par Climats. En agissant ainsi vous vous êtes véritablement positionné en concurrent du service commercial, sans aucun échange d’information que ce soit avec les vendeurs ou votre direction générale. Il se trouve que le matériel que vous proposiez à Autoliv provenait encore une fois de la société SCS.
Récemment, en janvier de cette année, le service après ventes propose à la société SERCEL de Carquefou trois enceintes climatiques d’occasion sans informer le service commercial. Là encore les enceintes proposées à SERCEL sont des enceintes appartenant à SCS.
Votre fonction chez SAPRATIN consiste à diriger le SAV, et non pas à concurrencer la vente de matériels neufs. Nous sommes fabricants d’enceintes climatiques et
devons assurer la charge de travail et le bon fonctionnement de nos usines et pas le négoce de matériels d’occasion provenant d’une société concurrente.
Même manière de procéder auprès du LNE : la société Climats propose un équipement de « choc thermique » neuf, vous « enlevez » l’affaire avec un choc thermique d’occasion acheté à SCS. Là encore et la liste n’est pas exhaustive, vous vous comportez « en concurrent » de l’équipe de ventes au bénéfice de la société SCS, qui est assurée de vendre son matériel d’occasion par votre intermédiaire sans bourse délier puisqu’elle a trouvé en votre personne le commercial idéal.
Mais vous êtes allé encore plus loin dans vos actes de concurrence à l’égard de votre employeur puisque au mois de décembre 2006 vous avez créé une société concurrente à notre société et aux sociétés du groupe auquel elle appartient, la société « L2EC », Laboratoire d’Essais en Environnement Climatique avec le soutien de la société SCS et de ses dirigeants. Ainsi, vous avez souscrit à 25% des parts de cette société, en association avec la société SCS, personne morale qui en détient 13% et les dirigeants de SCS qui détiennent 50% du capital social. Les statuts de L2EC, ainsi que ceux de SCS montrent clairement que ces sociétés sont concurrentes de SAPRATIN, votre employeur, et des sociétés du groupe Weiss en France. Ces mêmes statuts nous ont également appris avec stupeur que vous avez entraîné M. [M], employé de SAPRATIN, l’un de vos collaborateurs directs.
La création de la société L2EC en association avec la société SCS est une violation pure et simple des obligations mis à votre charge par votre contrat de travail qui je le rappelle, stipule : « M. [R] [V] s’engage à travailler exclusivement pour le compte de la Société et s’interdit de se livrer, pendant la durée du présent contrat, à un acte quelconque de concurrence directe ou indirecte au détriment de la Société ».
Vous avez mis votre Direction et tous vos collègues devant le fait accompli et entraîné un subordonné dans cette aventure, ce qui engendre des turbulences considérables et préjudiciables au bon fonctionnement de toutes les sociétés du groupe et de SAPRATIN en particulier.
Nous comptons parmi nos fidèles clients des organisations de renom international tels que « Le Laboratoire National d’Essais » et le « Laboratoire Central des Industries Electriques », ainsi que des leaders d’opinion nationaux tels que la société « SOPEMEA », la société « SERCOVAM », la société « EMITECH », la société « ESTM », toutes spécialisées dans les essais en environnement climatique.
Le fait qu’un cadre important du groupe Weiss, en France, participe directement à l’établissement sur leur marché d’un concurrent, la société L2EC, en bénéficiant du savoir-faire de la société SAPRATIN et de ses multiples relations avec une clientèle commune va s’avérer désastreux pour l’image et tes affaires de notre groupe avec ce type de clients auxquels nous nous devons le plus grand professionnalisme et la plus grande transparence.
L’ensemble de ces faits nous conduit pour l’ensemble des motifs exposés ci-dessus, à vous notifier votre licenciement pour faute grave.
Les explications recueillies auprès de vous lors de l’entretien du 23/02/2007 ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation à ces sujets.
Compte tenu de la gravité de celle-ci, votre maintien dans l’entreprise s’avère impossible ; le licenciement prend donc effet immédiatement à la date de première présentation de cette lettre sans indemnité de préavis ni de licenciement.
La période non travaillée du 8 février à la date de première présentation de cette lettre nécessaire pour effectuer cette procédure de licenciement ne sera pas rémunérée.
Vous pourrez vous présenter dès réception de cette lettre à la société SAPRATIN, [Adresse 1], pour percevoir les sommes vous restant dues au titre de salaire et l’indemnité de congés payés et retirer votre certificat de travail et votre attestation ASSEDIC. Vous remettrez, ce même jour, votre voiture de société, clés et papiers du véhicule ainsi que l’ordinateur qui a été mis à votre disposition par la Société.
Veuillez agréer, Monsieur, l’expression de nos salutations distinguées.’
Considérant que la société SAPRATIN reproche à M. [R] d’avoir commis de façon délibérée et répétée des actes de concurrence déloyale graves à son encontre, en utilisant ses fonctions pour détourner les commandes et la clientèle au profit de la société Systèmes Climatiques Services (SCS), en créant en décembre 2006 une société dénommée L2EC, Laboratoire d’essais en Environnement Climatique, avec le soutien de la société SCS et de ses dirigeants, dont l’activité est concurrente à la sienne ainsi qu’à celle des sociétés du groupe WEISS et en débauchant M. [M], son collaborateur direct dans la société SAPRATIN ;
Considérant que M. [R] soutient que la société L2EC, qui est un laboratoire d’essais climatiques, n’est pas concurrente de la société SAPRATRIN, ni d’aucune société du groupe Weiss, puisque ces sociétés n’ont pas les mêmes activités, que la société SCS est depuis 1991 un sous-traitant de la société SAPRATIN pour les dépannages, les contrats de maintenance, les chantiers, la fourniture de matériel d’occasion et la location de matériel, qu’elle avait même le statut de revendeur ;
Considérant que la société SCS, également implantée en région parisienne, qui a pour activité l’installation, la revente, la réparation, la maintenance, la modification sur matériel de simulation de l’environnement, exerce une activité concurrente à celle de la société SAPRATIN qui a une activité de vente, de location et de maintenance de ce même matériel ;
Considérant que M. [R] expose que la société SCS est, depuis 1991, un sous-traitant, voire un revendeur de la société Sapratin ; que l’unique document produit pour l’année 1991, qui est illisible, sera écarté ; que les factures, bons de commande et devis qu’il produit démontrent qu’à compter de l’année 2003, la société SAPRATIN a vendu à la société SCS du matériel neuf ou lui a loué du matériel pour certain de ses clients ; que si ces documents attestent de l’existence de relations commerciales entre les deux sociétés, qui interviennent dans le même secteur d’activité, ils ne laissent apparaître aucun partenariat entre elles ;
Considérant que les deux factures émises pour des locations d’enceintes par les sociétés SAPRATIN ou CLIMATS à la société SCS en août 2007 et avril 2006, démontrent que plutôt que d’envoyer les clients vers la société SCS ces sociétés lui louaient le matériel demandé par leur client ; que l’octroi d’une ‘remise exceptionnelle’ de 15% sur une offre de vente faite le 7 avril 2004 et d’une ‘remise revendeur’ de 20% , faite sur 3 offres de vente le 21 mars 2006 à la société SCS, constituent un geste commercial envers une société qui achète pour l’installer du matériel fabriqué et vendu par les sociétés du groupe WEISS et ne permet pas de dire que la société SCS est un revendeur de la société SAPATRIN ; que le seul contrat de sous-traitance démontré entre ces sociétés concerne la maintenance du matériel de la société Valéo entre 2004 et 2006, que ce contrat constitue un des griefs reprochés à M. [R] ;
Considérant que la société SAPRATIN qui reproche à M. [R] un détournement de clientèle produit, notamment :
– une attestation de M. [T], directeur commercial France pour CLIMATS et SAPRATIN, qui relate que début 2006, lorsqu’il a relancé le laboratoire LNE, auquel il avait proposé l’achat d’une enceinte choc thermique neuve, il a appris que M. [R] avait proposé au client l’achat de matériel d’occasion appartenant à la société SCS ;
Considérant que M. [R] produit en réponse : un courrier du 19 mars 2007 qui lui a été adressé à sa demande par le chef de la division Essais en environnement du laboratoire LNE, qui écrit l’avoir sollicité pour l’achat en occasion d’un caisson de chocs thermiques ; que rien n’établit que l’auteur de ce courrier a été informé de son utilisation en justice et des conséquences qui s’y attachent pour lui, ce qui en atténue la force probatoire ;
– la copie d’un courriel du 30 octobre 2006 émanant de la société Air Liquide concernant la location de chambre climatique et qui a été transféré le 31 octobre suivant par M. [R] à la société SCS en lui demandant de lui donner une réponse ;
– l’attestation de M. [T] qui témoigne qu’au cours du deuxième trimestre 2006, il a répondu à un appel d’offre de la société AUTOLIV et qu’il a appris par celle-ci qu’il était en concurrence avec son propre service après-vente qui avait proposé du matériel d’occasion appartenant à la société SCS ; qu’il est également produit l’offre concernant l’enceinte chaud-froid faite à Autoliv en juillet 2006 ;
Considérant que M. [R] produit un courrier en date du 14 mars 2007, rédigé à sa demande par le Purchasing manager de la société Autoliv qui mentionne qu’il était demandé dans un premier temps du matériel d’occasion , mais que ‘n’ayant pas pu me faire d’offre répondant à notre cahier des charges, vous m’avez demandé de me tourner vers M. [T] afin d’avoir une copie de l’offre de matériel neuf déjà faite en parallèle à notre intégrateur’ ; que le non respect des formes exigées pour les attestations en justice atténue la force probatoire de cette lettre pourtant rédigée pour les besoins de la présente procédure ;
– une attestation de M. [S], ingénieur commercial de la société SAPRATIN, qui ne fait pas état d’une location d’enceinte à la société SERCEL, bien que la société soutient que M. [R] a transmis à la société SCS la demande de location faite par M. [S] pour la société SERCEL, qui était destinée aux sociétés du groupe WEISS et que c’est pour cette raison qu’elle a du louer à nouveau en août 2007 une enceinte auprès de la société SCS pour satisfaire son client SERCEL ;
Considérant que M. [R] produit un courriel de M. [S] du 11 septembre 2006 lui demandant de faire une offre de location à la société SERCEL, ainsi
qu’une facture de location d’enceintes par la société SAPRATIN à la société SCS datant du mois d’août 2007, pour le client SERCEL ;
– une attestation de M. [S] qui relate qu’en janvier 2007 il a été informé de la vente d’une chambre climatique de marque SERVANTHIN appartenant au groupe ALCATEL LUCENT et qu’il a informé le SAV de ce qu’il s’agissait de matériel quasi neuf car il lui avait été dit que seules SAPRATIN et une société bretonne étaient intéressées ; qu’ayant appris que la société SCS avait acquis le matériel, il a interrogé M. [R] qui lui répondu que l’offre qu’il avait faite était insuffisante et qu’il avait demandé à la société SCS d’acquérir le matériel en échange d’une rétrocession sur le prix de vente ;
Considérant que M. [R] produit le courriel reçu le 14 décembre 2006 de M. [F], responsable technique de la société SERVANTHIN, appartenant au groupe WEISS, lui faisant part de la mise en vente de ce matériel, ainsi que le courrier adressé le 2 mars 2007 par ALCATEL à la société SCS exposant qu’après avoir contacté cette société début décembre 2006, leur offre d’achat du matériel était acceptée faute d’offre faite par les 2 autres sociétés contactées ;
– les factures adressées par la société SCS à la société CLIMATS d’août 2004 à mai 2006 concernant la maintenance effectuée chez VALEO, ainsi qu’une attestation de M. [J], ingénieur tecnico-commercial de la société CLIMATS qui relate qu’en mars 2006 il a perdu la vente d’un ‘choc thermique’ avec VALEO en raison de l’intervention de M. [R] qui a conclu, sans l’en avertir, la location de matériel loué à la société SCS et qu’il a appris que M. [R] a sous-traité sans l’en informer le contrat de maintenance de VALEO [Localité 8] et [Localité 9] à la société SCS ;
Considérant que M. [R] répond que le contrat de maintenant de VALEO a été obtenu en juillet 2004 alors que la société SAPRATIN était concurrente du groupe WEISS, que ce contrat a été sous-traité à SCS par manque de personnel et avec une marge de 20%, que la direction de SAPRATIN était informée de cette sous-traitance ;
Considérant que les sociétés SAPRATIN et SCS ont été créées en 1991, que l’existence de relations commerciales entre ces sociétés est établie à compter de 2003, ce qui coïncide avec la nomination de M. [R] en qualité de directeur général adjoint ; que les documents versés aux débats établissent qu’à compter de 2006 l’intervention de M. [R] a conduit la société SAPRATIN à perdre des ventes de matériel neuf alors qu’elle appartient à un groupe qui fabrique ces matériels et dont la priorité est de vendre ce matériel ; que ces pertes ont été faites au profit de la société SCS, qui a ainsi pu louer du matériel d’occasion et entrer en relation d’affaire avec des clients du groupe Weiss ; qu’il est également établi que M. [R] s’est abstenu de faire une offre d’achat pour d’un matériel portant la marque d’une société du groupe Weiss, qui a pu être acquis à un prix intéressant par la société SCS, alors que ce matériel pouvait être loué ou revendu par Sapratin ;
Considérant que la volonté de favoriser la société SCS au détriment des sociétés du groupe WEISS ressort également du fait que les demandes de matériel de location faites par les clients des sociétés de ce groupe ont été directement transmises par M. [R] à la société SCS , sans prendre contact au préalable avec les services après-vente des autres sociétés du groupe WEISS, alors que les 6 sociétés du groupe disposent d’un service après-vente ;
Considérant que la société Sapratin produit une offre en date du 23 juin 2005 adressée par M. [R] à la société SCS, portant sur une grande quantité de matériels appartenant à la société ; que cette offre mentionne de façon fictive le nom d’un client de la société Sapratin mais est adressée par courriel à la société SCS et comporte pour un faible prix une longue liste de matériels, dont le détail est caché ; que M. [R] soutient que ce document est un faux ; que cette pièce, dont l’employeur a eu connaissance postérieurement au licenciement et qui concerne un grief non mentionné dans la lettre de licenciement, ne sera pas retenue ;
Considérant que la lettre de licenciement reproche également à M. [R] d’avoir débauché M. [M], qu’il est effectivement établi que les deux salariés ont rejoint la société SCS après leur licenciement ; que le grief de débauchage de six autres salariés de la société ne sera pas retenu car ce grief n’est pas mentionné dans la lettre de licenciement puisqu’il s’est produit après le licenciement de M. [R] ;
Considérant que la lettre de licenciement reproche également à M. [R] d’avoir créé la société L2EC qui fait concurrence aux sociétés du groupe Weiss et ce en violation de la clause d’exclusivité contenue dans son contrat de travail ; qu’il est établi par les pièces versées aux débats par l’intimée que le 19 décembre 2006 M. [R] a créé avec les 3 associés de la société SCS, la société SCS, MM. [P] et [M] la société L2EC, qui a commencé, dès le 9 janvier 2007, son activité d’analyses, d’études et de réalisations d’essais en environnement ;
Considérant que M. [R] détient 25% des parts sociales de cette société qui travaille en étroite collaboration avec sa filiale, la société SCS, et le groupe américain Thermotron qui est le concurrent direct du groupe Weiss ; que les statuts de la société L2EC mentionnent que :
‘La société a pour objet, en France comme à l’étranger
– Analyses, études et réalisations d’essais en environnement.
l’achat, la vente, la prise à bail, la location, la gérance, la participation directe ou indirecte par tous moyens ou sous quelque forme que ce soit, à toutes entreprises et à toutes sociétés créées ou à créer, ayant le même objet ou un objet similaire ou connexe ,
– et plus généralement toutes opérations industrielles, commerciales, financières, mobilières ou immobilières pouvant se rattacher directement ou indirectement à l’objet social ci-dessus spécifié ou à tout autre objet similaire ou connexe.
La société peut recourir en tous lieux à tous actes ou opérations de quelque nature et importance qu’elles soient, dès lors qu’ils peuvent concourir ou faciliter la réalisation des activités visées aux alinéas qui précèdent ou qu’ils permettent de sauvegarder directement ou indirectement, les intérêts commerciaux ou financiers de la société ou des entreprises avec lesquelles elle est en relation d’affaires.’
Considérant qu’il résulte des statuts de la société SCS que :
‘ La société a pour objet tant en France qu’à l’étranger :
– CONCEPTION, INSTALLATION, REVENTE, RÉPARATION, MAINTENANCE, MODIFICATION ET LOCATION DE MATÉRIEL DE SIMULATION D’ ENVIRONNEMENT, DE MATÉRIEL FRIGORIFIQUES, THERMIQUES ET DE SYSTÈME CLIMATIQUES
Toutes opérations Industrielles, mobilières et immobilières pouvant indirectement à l’objet social et connexes commerciales et financières, se rattacher directement ou à tous objets similaires ou connexes.
La participation de la société, par tous moyens, à toutes entreprises ou sociétés créées ou à créer, pouvant se rattacher à l’objet social, notamment par voie de création de sociétés nouvelles, d’apport, commandite, souscription ou rachat de titres ou droits sociaux, fusion, alliance ou association en participation ou groupement d’intérêt économique ou de location gérance.’
Considérant que si les sociétés Sapratin et L2EC n’ont pas la même activité, elles interviennent dans le même secteur d’activité, secteur dans lequel elles sont directement en concurrence, et s’adressent à la même clientèle, alors qu’elles appartiennent chacune à un groupe concurrent ; que de plus la société L2EC est une filiale de la société SCS qui est une concurrente directe de la société Sapratin qui vend, loue et entretien le matériel fabriqué par le groupe Weiss ;
Considérant que la société Sapratin démontre par la production de courriels et de photocopies de l’agenda professionnel de M. [R] que celui-ci a consacré de nombreuses matinées prises sur son temps de travail pour faire connaître et visiter aux personnels et aux clients du groupe Weiss le laboratoire L2EC ; que ces faits constituent une violation de la clause d’exclusivité prévue au contrat de travail ;
Considérant que le comportement de M [R] constitue une faute grave rendant impossible le maintien du salarié dans l’entreprise même pendant la durée limitée du préavis sans risque de compromettre les intérêts légitimes de l’employeur , qu’il sera débouté de ses demandes d’indemnités relatives à la rupture du contrat de travail ;
Sur le préjudice moral :
Considérant que M. [R] expose que lors de la notification de sa mise à pied, ‘M. [A] a réuni l’ensemble des employés présents sur le site à leur demande et au téléphone a signalé à M. [U] que l’amplificateur de son téléphone était actionné et que tout le personnel du site était présent. A la stupéfaction générale, M. [U] tint des propos de malversation et de détournement de fonds à (son) encontre’ ;
Considérant que M. [R] fait également valoir que dès le 13 février 2007 il a été remplacé à son poste de directeur général adjoint ; que de plus il lui est indûment reproché une violation de son obligation de fidélité alors qu’il est admis que le directeur commercial de la société Sapratin soit actionnaire d’une société concurrente du groupe Weiss ; qu’il s’agit d’une attitude discriminatoire à son égard, qui se manifeste également par l’absence de fermeture de sa messagerie électronique professionnelle ;
Considérant que la société Sapratin expose que c’est pour calmer le personnel que M. [R] avait alerté lors de sa mise à pied, qu’un salarié a branché le haut parleur de son téléphone portable pour que le président de la société, qui n’était pas sur place, puisse dissuader les salariés de cesser le travail, mais que les propos évoqués par M. [R] n’ont pas été tenus ; que c’est avec l’accord de la société Sapratin qu’un de ses dirigeants à pris une participation de 3% dans une société du même secteur d’activité; que la boîte électronique de M. [R] n’a été maintenue que pour des raisons professionnelles ;
Considérant que les deux attestations rédigées par des salariés ayant quitté la société Sapratin pour rejoindre avec M. [R] la société SCS seront écartées comme ne présentant pas des garanties d’impartialité suffisantes ; que l’attestation de M. [A] sera retenue, elle indique ‘M. [U] par le biais du téléphone (amplificateur) a annoncé aux personnels présent sur le site de [Localité 6] la raison de sa décision : les propos de malversations et détournements de fonds ont été évoqué à leurs encontre.’; que M. [R] produit 2 courriels démontrant que sa messagerie était toujours ouverte au mois de septembre 2007 ;
Considérant que les conditions exactes dans lesquelles le président de la société Sapratin a été amené à s’adresser par téléphone aux salariés présents le jour de la mise à pied de M. [R] ne sont pas connues ; que M.[A], ne donne dans son attestation aucune précision sur le contexte des faits ; que s’il est établi que le président de la société a employé les termes de malversations et de détournement de fonds, toutefois l’emploi de ces termes s’explique, par les faits reprochés à M. [R] et par les circonstances particulières dans lesquelles ils ont été prononcés, puisque le président s’est trouvé de façon imprévue amené à s’expliquer par téléphone ; que les termes prononcés dans un endroit privé , devant un public restreint et acquis à M. [R], n’avaient pour objet que de fournir une explication réclamée par ces salariés ;
Considérant que la société Sapratin démontre que la situation du directeur commercial ayant pris une participation dans le capital d’une société concurrente est totalement différente de celle de M. [R] et avait été autorisée ; qu’il ne peut être reproché à la société Sapratin de ne pas avoir laissé vacant le poste important de directeur général adjoint après la mise à pied de M. [R] ; que de même le fait de n’avoir supprimé la messagerie électronique du salarié que plusieurs mois après son départ, n’est pas fautif dès lors qu’elle a laissé subsister cette messagerie uniquement afin de ne pas perdre les correspondances adressées à son ancien directeur général adjoint par les clients qui ignorant son départ de la société et qu’il n’est pas démontré qu’elle a fait un usage abusif ou a utilisé le nom de M. [R] après son départ ;
Considérant que l’existence d’un préjudice moral n’étant pas démontrée M. [R] sera débouté de sa demande de ce chef ;
PAR CES MOTIFS :
Ordonne la disjonction de l’instance introduites par M. [R] et M. [M] ;
Confirme le jugement entrepris ;
Dit que le licenciement pour faute grave et la mise à pied conservatoire de M. [R] sont justifiés ;
Déboute M. [R] de toutes ses demandes ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile déboute les parties de leurs demandes ;
Met les dépens à la charge de M. [R].
LE GREFFIER LE PRESIDENT