Violation de clause de non concurrence : la notion de secteurs concurrents
Violation de clause de non concurrence : la notion de secteurs concurrents

Violation de clause de non concurrence : les critères indifférents 

A noter qu’en matière de violation de clause de non concurrence, il importe peu que le nouvel employeur n’évolue pas dans le même secteur d’activité que l’ancien employeur du salarié ; en effet il suffit que le nouvel employeur propose des services concurrents à ceux de l’ancien employeur. 

Par ailleurs, le fait que le salarié n’ait pas été en contact direct avec ces technologies dans le cadre de ses nouvelles fonctions est également indifférent. 

Dans la mesure où la clause de non-concurrence interdisait au salarié de s’engager ou collaborer auprès de toute entité concurrençant la production ou la commercialisation de ses produits, le salarié a violé son obligation de non-concurrence de sorte qu’il ne pouvait prétendre au versement de la contrepartie financière qui y est prévue.

CRM et profiling prédictif : des activités comparables

Dans cette affaire, un salarié a sollicité sans succès le versement de la contrepartie de sa clause de non-concurrence, la juridiction ayant retenu une violation des termes de ladite clause.

Le nouvel employeur du salarié (Zendesk) utilisait des technologies visées dans la clause de non-concurrence dans le cadre de son activité, à savoir un algorithme de recommandation, le profiling prédictif et la contextualisation de situation.

Un algorithme de recommandation vise à proposer les produits ayant la plus forte probabilité d’achat ou maximisant la marge à une personne déjà cliente ou à un prospect tandis que le profiling prédictif permet de prédire toute sorte d’action d’un utilisateur dans sa relation client (achat, résiliation d’un service, etc). 

La contextualisation de situation consiste quant à elle à regrouper un ensemble de données utilisées par les algorithmes de recommandation et enregistrer ses interactions avec le service client et les données extérieures.

Fonctionnalités d’un logiciel CRM

L’activité de Zendesk consiste en un logiciel CRM pour l’assistance client et d’outils de messagerie et centre d’appel. Or, un CRM, Customer Relationship Management en anglais, ou « Gestion de la Relation Client (GRC) » en français, est un outil centralisant au sein d’une base de données toutes les interactions entre une entreprise et ses clients ou prospects dans le but de maximiser la connaissance d’un client ou d’un prospect donné et ainsi mieux comprendre, anticiper et gérer ses besoins.

L’outil proposé par la société Zendesk vise à regrouper les données des interactions de service client sur de multiples supports (courriels, chat, réseaux sociaux, etc) afin d’analyser la façon dont les clients interagissent avec la marque dans le but de permettre à la société d’agir et de prendre des mesures adaptées à chaque client. 

Or, la commercialisation de ce produit revient à commercialiser une technologie de contextualisation de situation.

Dès lors, commercialiser un logiciel de ce type revient à commercialiser à la fois une technologie d’algorithme de recommandation et une technologie de contextualisation de la situation, de sorte que la société Zendesk est bien une entité concurrente à la société au sens de la clause de non-concurrence objet du litige.

Modèle de clause de non concurrence efficace  

A toutes fins utiles, la clause suivante a été validée par les juridictions : 

« Compte tenu de ses fonctions, le Salarié est amené à prendre connaissance d’informations importantes pour l’entreprise : algorithmes de recommandations, choix technologiques et combinaisons d’algorithmes, techniques de stockage et de répartition de charge ou toute autre innovation constituant le savoir-faire et les brevets de l’employeur ;

Par conséquent, afin d’éviter toute divulgation des informations obtenues ou tirer profit à notre détriment de ses relations avec la clientèle de l’entreprise, le Salarié s’engage à ne pas exercer directement d’activité concurrençant notre production ou la commercialisation de nos produits : algorithmes de recommandation, profiling prédictif ou contextualisation de situations ou à s’engager ou collaborer auprès de toute entité concurrençant notre production ou la commercialisation de nos produits: algorithmes de recommandation, profiling prédictif ou contextualisation de situations.

Champ d’application de la clause :

Cette interdiction s’applique à compter de son départ effectif de l’entreprise, pendant une durée de 2 années. Cette interdiction est limitée à la zone géographique suivante : Europe, Etats-Unis d’Amérique, Inde et Chine.

Contrepartie pécuniaire :

Hormis le cas où la société renoncerait à l’interdiction de non concurrence, il sera versé au Salarié, pendant toute la durée de l’interdiction, chaque mois, une somme égale à 40% de son salaire brut de base, calculé sur une moyenne des douze derniers mois, à l’exclusion de toute prime. 

Cette contrepartie ouvrant droit à une indemnité compensatrice de congés payés, nous convenons d’une convention de forfait incluant le paiement des congés payés sur cette contrepartie correspondant à 11% de 40%. Au global le taux de la contrepartie pécuniaire s’élèvera donc à 40% + 11% de 40%.

Renonciation

La société pourra renoncer à l’interdiction de non concurrence dans les 15 jours suivant la notification de la rupture, par lettre RAR. Ce délai commencera de courir à compter de la date de 1ère présentation du courrier en RAR.

Clause pénale

En cas de violation de la clause, le Salarié fautif devra verser à la Société une somme forfaitaire égale à 12 mois de salaire brut à titre de clause pénale, calculé sur une moyenne des douze derniers mois, primes incluses. ».


COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 23 NOVEMBRE 2022

Numéro d’inscription au répertoire général :

N° RG 20/01841 –��N° Portalis DBVK-V-B7E-OSKJ

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 28 FEVRIER 2020

CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER N° RG F17-01363

APPELANT :

Monsieur [C] [D]

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représenté par Me Thibault GANDILLON de la SCP LES AVOCATS DU THELEME, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMEES :

Me [Z] [K] – Mandataire liquidateur de S.A.S. TELLMEPLUS

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représenté par Me Ingrid BARBE, avocat au barreau de MONTPELLIER

Organisme CENTRE DE GESTION ET D’ETUDES AGS [Localité 4]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Michel PIERCHON, avocat au barreau de MONTPELLIER

Ordonnance de clôture du 19 Septembre 2022

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 10 OCTOBRE 2022,en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Florence FERRANET, Conseiller, chargé du rapport.

Ce(s) magistrat(s) a (ont) rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

M. Jean-Pierre MASIA, Président

Madame Florence FERRANET, Conseiller

Mme Isabelle MARTINEZ, Conseillère

Greffier lors des débats : M. Philippe CLUZEL

ARRET :

— CONTRADICTOIRE;

— prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

— signé par M. Jean-Pierre MASIA, Président, et par M. Philippe CLUZEL, Greffier.

*

* *

EXPOSE DU LITIGE :

M. [D] a été embauché par la société Tellmeplus le 1er août 2014 en qualité de chef projet technique, coefficient 150 de la convention collective « Bureau d’études techniques cabinet d’ingénieur conseil et société », selon contrat de travail à durée indéterminée à temps complet à raison de 35 heures par semaine, moyennant une rémunération brute mensuelle de 4 166,66 €.

Le 2 mars 2015, par avenant, M. [D] devient « chief technical officer ».

Le 1er janvier 2015, par avenant, les parties décident de soumettre les inventions auxquelles M. [D] serait associé au droit de la propriété intellectuelle.

Le 14 décembre 2015, par avenant, le coefficient de M. [D] est porté à 210, correspondant à une rémunération mensuelle brute de 6 373,63 €.

Le 25 juin 2017, M. [D] adresse sa démission à la société Tellmeplus en sollicitant la réduction de son préavis au 17 septembre 2017, demande que l’employeur accepte.

Le 4 octobre 2017, M. [D] sollicite par courrier le versement d’une prime relative au dépôt du brevet « Embedded Predictive Objects » le 24 novembre 2016.

Le 12 octobre 2017, la société Tellmeplus conteste le fait que cette prime soit due à M. [D].

Le 15 novembre 2017, le conseil de M. [D] réclame le paiement de la prime ainsi que la contrepartie pécuniaire de la clause de non-concurrence.

M. [D] a saisi le conseil de prud’hommes de Montpellier le 8 décembre 2017, sollicitant le versement d’une prime relative à un brevet, de l’indemnité de non-concurrence et de diverses sommes à titre de dommages-intérêts et indemnités.

Le 20 mai 2019, la société Tellmeplus est placée en liquidation judiciaire, Me [K] étant désigné mandataire liquidateur.

Par jugement rendu le 28 février 2020, le conseil de prud’hommes de Montpellier a :

Rejeté la demande sur l’incompétence du Conseil de prud’hommes et s’est déclaré compétent ;

Fixé la créance de M. [D] à la somme de 6 373,63 € à titre de prime forfaitaire égale à un mois de salaire ;

Dit que ces sommes doivent être portées par Me [K], en sa qualité de liquidateur judiciaire sur l’état des créances de la société Tellmeplus au pro’t de M. [D] ;

Dit qu’à défaut de fond suffisant dans l’entreprise les créances seront payées par l’AGS dans les limites de la garantie prévue aux articles L.3253-6 et L.3253-17 du Code du travail ;

Dit le jugement opposable au CGEA dans la limite des plafonds déterminés par les textes, à l’exclusion de tous intérêts et autres ;

Débouté les parties de leurs autres demandes ;

Ordonné l’exécution provisoire pour ce qui est de droit ;

Mis les éventuels dépens de l’instance à la charge de la société Tellmeplus et dit qu’ils seront inscrits sur l’état des créances par Me [K] ès-qualités.

*******

M. [D] a interjeté appel de ce jugement le 6 avril 2020.

Dans ses dernières conclusions déposées par RPVA le 19 janvier 2021, il demande à la cour de :

Fixer au passif de la société Tellmeplus la somme de 61 186,80 € à titre d’indemnité de clause de non concurrence ;

Fixer au passif de la société la somme de 6 730,32 € au titre des congés afférents ;

Confirmer le jugement en ce qu’il s’est déclaré compétent et en ce qu’il a fixé la créance de M. [D] à la somme de 6 373,63 € au titre de la prime forfaitaire due ;

Débouter la société Tellmeplus de ses demandes ;

En tout état de cause,

Fixer au passif de la société Tellmeplus la somme de 2 000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi que les dépens.

*******

Dans ses dernières conclusions déposées par RPVA le 15 juillet 2020, Me [K], ès-qualités de mandataire liquidateur de la société Tellmeplus, demande à la cour de :

In limine litis,

Dire que seul le Tribunal de Grande Instance de Paris est compétent pour connaître de la demande de M. [D] tendant au paiement d’une prime d’exploitation d’un brevet ;

Se déclarer incompétent pour connaître de cette demande au profit du tribunal de grande instance de Paris ;

Au fond,

Réformer le jugement du 28 février 2020 en ce qu’il a accordé le paiement de la prime d’exploitation d’un brevet ;

Confirmer le jugement du 28 février 2020 en ce qu’il a rejeté la demande de paiement

de la clause de non concurrence ;

Débouter M. [D] de l’ensemble de ses demandes ;

Condamner M. [D] aux entiers dépens de première instance et d’appel.

*******

Dans ses dernières conclusions déposées par RPVA le 23 septembre 2020, l’UNEDIC Délégation AGS-CGEA de [Localité 4] demande à la cour de :

Lui donner acte de ce qu’elle réclame la stricte application des textes légaux et réglementaires ;

Réformer le jugement du 28 février 2020 en ce qu’il a cru pouvoir accorder le paiement de la prime d’exploitation d’un brevet;

En conséquence,

Condamner M. [D] à lui rembourser la somme de 6 373,63 € avancée par elle en exécution du jugement rendu en première instance ;

Confirmer le jugement du 28 février 2020 en ce qu’il a rejeté la demande de paiement de la clause de non concurrence ;

Débouter M. [D] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

Condamner M. [D] à lui verser la somme de 500 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

*******

Pour l’exposé des moyens il est renvoyé aux conclusions précitées en application des dispositions de l’article 455 du Code de procédure civile.

Le 16 septembre 2022, l’UNEDIC Délégation AGS-CGEA de [Localité 4] dépose par RPVA de nouvelles conclusions.

L’instruction du dossier a été clôturée par ordonnance du 19 septembre 2022 fixant la date d’audience au 10 octobre 2022.

Le 27 septembre 2022 puis le 3 octobre 2022, M. [D] dépose par RPVA de nouvelles conclusions.

A l’audience du 10 octobre 2022, M. [D] sollicite le rabat de l’ordonnance de clôture et la recevabilité de ses dernières conclusions et pièces.

*******

MOTIFS :

Sur la procédure :

L’article 802 du Code de procédure civile dispose que « après l’ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite aux débats, à peine d’irrecevabilité prononcée d’office ».

Si des pièces ou des conclusions ont été déposées tardivement, le juge peut les écarter des débats.

L’article 803 du Code de procédure civile dispose que « l’ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s’il se révèle une cause grave depuis qu’elle a été rendue ; la constitution d’avocat postérieurement à la clôture ne constitue pas, en soi, une cause de révocation. ».

En l’espèce, l’intervenant a déposé de nouvelles conclusions par RPVA le vendredi 16 septembre 2022 à 11h12, pour une clôture intervenant le lundi 19 septembre 2022, dans le but de répondre à la production par l’appelant de pièces produites le 19 janvier 2021, soit 1 an et 8 mois auparavant.

En réponse à ces conclusions, l’appelant a déposé de nouvelles conclusions avec trois nouvelles attestations les 27 septembre et 3 octobre 2022, sollicitant le rabat de l’ordonnance de clôture.

L’appelant ne justifie pas d’une cause grave permettant de prononcer le rabat de l’ordonnance de clôture, de sorte que sa demande sera rejetée et ses conclusions des 27 septembre et 3 octobre 2022 déclarées irrecevables.

Toutefois, en déposant ses conclusions le vendredi pour une clôture le lundi, alors qu’il était en possession des éléments lui permettant de le faire depuis plus d’un an et demi, l’intervenant a manqué à son obligation de loyauté dans les débats, de sorte que ses dernières conclusions seront également déclarées irrecevables.

Sur le rappel de prime :

Sur la compétence de la juridiction prud’homale :

L’article L.615-17 du Code de la propriété intellectuelle dispose que « les actions civiles et les demandes relatives aux brevets d’invention, y compris dans les cas prévus à l’article L. 611-7 ou lorsqu’elles portent également sur une question connexe de concurrence déloyale, sont exclusivement portées devant des tribunaux judiciaires, déterminés par voie réglementaire, à l’exception des recours formés contre les actes administratifs du ministre chargé de la propriété industrielle qui relèvent de la juridiction administrative. ».

En l’espèce, Me [K], ès-qualités de mandataire liquidateur de la société Tellmeplus, soulève l’incompétence de la juridiction prud’homale au bénéfice du tribunal judiciaire de Paris au motif que le législateur a souhaité conforter la compétence du tribunal de Paris pour connaître des litiges liés au régime légal des inventions de salariés, et plus généralement étendre cette compétence à tous les litiges qui se rattacheraient même indirectement à ce domaine.

Toutefois, le salarié sollicite le versement d’une rémunération supplémentaire liée à l’exploitation commerciale d’un brevet, et non à un éventuel droit sur ce brevet. Dès lors, cette demande n’implique l’examen ni de l’existence ni de la méconnaissance d’un droit attaché à un brevet, ni même d’un droit patrimonial sur un logiciel ou sa documentation, de sorte que cette demande ressort de la compétence de la juridiction prud’homale.

Par conséquent, la cour se déclare compétente pour statuer sur la demande de rappel de prime forfaitaire. Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur le fond :

L’article A.1.1.2. de l’avenant du 1er janvier 2015 prévoit notamment que « si, dans un délai de cinq (5) ans suivant le dépôt de brevet ou de certificat d’utilité par la Société sur l’invention de mission attribuable, le titre de propriété industrielle a donné lieu à une exploitation commerciale, la Société accordera au Salarié une prime. Cette prime est due au Salarié y compris après la fin de son Contrat, quelles qu’en soient les raisons. Elle prendra la forme d’une prime forfaitaire égale à un (1) mois de salaire brut de base. Ladite prime est limitée à la première exploitation commerciale dans le monde et ne sera pas réitérée en cas d’exploitations successives dans d’autres pays. ».

En l’espèce, M. [D] sollicite le versement de la prime d’exploitation commerciale du brevet « Embedded Predictive Objects » au motif qu’il a été exploité dans le cadre de salons, de réunions publiques et d’expositions.

La société Tellmeplus conteste que cette prime soit due dans la mesure où le brevet, s’il a bien été déposé, ce qui a donné lieu à l’allocation d’une prime de dépôt, n’a pas donné lieu à une exploitation commerciale. Elle soutient que la mise en liquidation judiciaire a rendu l’exploitation commerciale impossible et que la simple utilisation d’un brevet dans le cadre d’une campagne publicitaire ou d’une opération de communication ne répond pas à la définition de l’exploitation commerciale.

Toutefois, d’une part, le dépôt du brevet est intervenu le 24 novembre 2016 et la liquidation judiciaire de la société a été prononcée près de deux ans et demi plus tard, le 20 mai 2019, de sorte que la mise en liquidation judiciaire n’a pas été de nature à empêcher toute exploitation commerciale du brevet. D’autre part, l’exploitation commerciale s’entend comme la mise en valeur d’une chose afin d’en tirer un profit et la publicité consiste à exercer une action sur un public à des fins commerciales dans le but de mettre en avant un produit et inciter un prospect à entrer en relation avec une société proposant un produit ou un service.

La clause prévoyant l’allocation de la prime d’exploitation commerciale ne distingue pas de quel type d’exploitation commerciale il s’agit, c’est-à-dire d’une simple publicité, d’une démonstration ou de la vente d’une licence d’exploitation, de sorte que l’exploitation commerciale doit s’entendre au sens large du terme.

Dans la mesure où la société Tellmeplus reconnaît avoir utilisé le produit pour « contextualiser les produits développés » par elle dans le cadre du salon professionnel AI Paris, en le présentant dans un powerpoint « à vocation commerciale et prospective », cette exploitation du brevet est bien une exploitation à des fins commerciales, celle notamment d’attirer des prospects et d’en tirer profit, peu important qu’elle n’ait finalement pas réussi à vendre une licence d’exploitation de son brevet.

Par conséquent, l’exploitation commerciale du brevet est démontrée, de sorte que M. [D] est fondé à percevoir la prime correspondant à un mois de salaire. Me [K], ès-qualités de mandataire liquidateur de la société Tellmeplus, sera condamné à fixer la créance de M. [D] au passif de ladite société à la somme de 6 373,63 € à titre de prime d’exploitation commerciale du brevet « Embedded Predictive Objects ». Le jugement sera confirmé de ce chef.

L’UNEDIC Délégation AGS-CGEA de [Localité 4] sera déboutée de sa demande de remboursement de la prime avancée par elle en exécution du jugement de première instance.

Sur la clause de non-concurrence :

L’article 8 « Non-concurrence » du contrat de travail liant les parties stipule que « compte tenu de ses fonctions, Monsieur [C] [D] est amené à prendre connaissance d’informations importantes pour l’entreprise : algorithmes de recommandations, choix technologiques et combinaisons d’algorithmes, techniques de stockage et de répartition de charge ou toute autre innovation constituant le savoir-faire et les brevets de TELLMEPLUS.

Par conséquent, afin d’éviter toute divulgation des informations obtenues ou tirer profit à notre détriment de ses relations avec la clientèle de l’entreprise, Monsieur [C] [D] s’engage à ne pas exercer directement d’activité concurrençant notre production ou la commercialisation de nos produits : algorithmes de recommandation, profiling prédictif ou contextualisation de situations ou à s’engager ou collaborer auprès de toute entité concurrençant notre production ou la commercialisation de nos produits: algorithmes de recommandation, profiling prédictif ou contextualisation de situations.

Champ d’application de la clause :

Cette interdiction s’applique à compter de son départ effectif de l’entreprise, pendant une durée de 2 années. Cette interdiction est limitée à la zone géographique suivante : Europe, Etats-Unis d’Amérique, Inde et Chine.

Contrepartie pécuniaire :

Hormis le cas où la société SAS TELLMEPLUS renoncerait à l’interdiction de non concurrence, il sera versé à Monsieur [C] [D], pendant toute la durée de l’interdiction, chaque mois, une somme égale à 40% de son salaire brut de base, calculé sur une moyenne des douze derniers mois, à l’exclusion de toute prime. Cette contrepartie ouvrant droit à une indemnité compensatrice de congés payés, nous convenons d’une convention de forfait incluant le paiement des congés payés sur cette contrepartie correspondant à 11% de 40%. Au global le taux de la contrepartie pécuniaire s’élèvera donc à 40% + 11% de 40%.

Renonciation

La société SAS TELLMEPLUS pourra renoncer à l’interdiction de non concurrence dans les 15 jours suivant la notification de la rupture, par lettre RAR. Ce délai commencera de courir à compter de la date de 1ère présentation du courrier en RAR.

Clause pénale

En cas de violation de la clause, Monsieur [C] [D] nous sera redevable d’une somme forfaitaire égale à 12 mois de salaire brut à titre de clause pénale, calculé sur une moyenne des douze derniers mois, primes incluses. ».

En l’espèce, M. [D] sollicite le versement de la contrepartie de la clause de non-concurrence, ce que la société Tellmeplus lui refuse au motif que le salarié a violé les termes de cette clause.

La société Tellmeplus soutient que le nouvel employeur de M. [D], la société Zendesk, utilise les technologies visées dans la clause de non-concurrence dans le cadre de son activité, à savoir un algorithme de recommandation, le profiling prédictif et la contextualisation de situation.

Selon l’employeur, un algorithme de recommandation vise à proposer les produits ayant la plus forte probabilité d’achat ou maximisant la marge à une personne déjà cliente ou à un prospect tandis que le profiling prédictif permet de prédire toute sorte d’action d’un utilisateur dans sa relation client (achat, résiliation d’un service, etc). La contextualisation de situation consiste quant à elle à regrouper un ensemble de données utilisées par les algorithmes de recommandation et enregistrer ses interactions avec le service client et les données extérieures.

L’employeur produit aux débats une documentation commerciale émanant de la société Zendesk. Il en résulte que l’outil proposé par la société Zendesk vise à regrouper les données des interactions de service client sur de multiples supports (courriels, chat, réseaux sociaux, etc) afin d’analyser la façon dont les clients interagissent avec la marque dans le but de permettre à la société d’agir et de prendre des mesures adaptées à chaque client. Or, la commercialisation de ce produit revient à commercialiser une technologie de contextualisation de situation.

Par ailleurs, M. [D] produit aux débats six attestations dactylographiées d’anciens et actuels salariés des sociétés Tellmeplus et Zendesk dont le contenu est similaire et dont il résulte que l’activité de Zendesk consiste en un logiciel CRM pour l’assistance client et d’outils de messagerie et centre d’appel.

Or, un CRM, Customer Relationship Management en anglais, ou « Gestion de la Relation Client (GRC) » en français, est un outil centralisant au sein d’une base de données toutes les interactions entre une entreprise et ses clients ou prospects dans le but de maximiser la connaissance d’un client ou d’un prospect donné et ainsi mieux comprendre, anticiper et gérer ses besoins.

Dès lors, commercialiser un logiciel de ce type revient à commercialiser à la fois une technologie d’algorithme de recommandation et une technologie de contextualisation de la situation, de sorte que la société Zendesk est bien une entité concurrente à la société Tellmeplus au sens de la clause de non-concurrence objet du litige.

Par conséquent, il importe peu que le nouvel employeur n’évolue pas dans le même secteur d’activité que la société Tellmeplus et que M. [D] n’ait pas été en contact direct avec ces technologies dans le cadre de ses nouvelles fonctions. Dans la mesure où la clause de non-concurrence interdisait à M. [D] de s’engager ou collaborer auprès de toute entité concurrençant la production ou la commercialisation de ses produits, M. [D] a violé l’obligation de non-concurrence de sorte qu’il ne peut prétendre au versement de la contrepartie financière qui y est prévue. M. [D] sera débouté de sa demande à ce titre. Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur les autres demandes :

Me [K], ès-qualités de mandataire liquidateur de la société Tellmeplus, sera condamné à fixer au passif de la liquidation judiciaire les dépens d’appel.

Il n’y a pas lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Confirme le jugement rendu le 28 février 2020 par le conseil de prud’hommes de Montpellier en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant ;

Déboute l’UNEDIC Délégation AGS-CGEA de [Localité 4] de sa demande de remboursement de la prime avancée en exécution du jugement de première instance ;

Dit n’y avoir pas lieu à application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ;

Condamne Me [K], ès-qualités de mandataire liquidateur de la société Tellmeplus, à fixer les dépens d’appel au passif de ladite société ;

Donne acte à l’UNEDIC Délégation AGS-CGEA de [Localité 4] de ce qu’elle réclame la stricte application des textes légaux et réglementaires.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


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