Le lieu de villégiature des personnalités publiques est protégé par le droit à la vie privée. Ainsi, la
description de vacances familiales dont la localisation et la date sont précisées, accompagnée de détails sur leur déroulement et d’extrapolations sur les sentiments des demandeurs, constitue une atteinte à leur vie privée. Au vu de ces éléments, alors qu’il appartient à chacun de fixer les limites de ce qui peut être publié ou non sur sa vie privée, ainsi que les circonstances et les conditions dans lesquelles ces publications peuvent intervenir, l’atteinte à la vie privée des demandeurs apparaît constituée. En l’espèce, pes photographies illustrant l’article du magazine PARIS MATCH ont manifestement été prises à l’insu des intéressés, sur le bateau évoqué dans le corps du texte, et publiées sans leur autorisation. Les atteintes à la vie privée sont ainsi prolongées par l’utilisation de ces photographies et attentent également aux droits que les demandeurs détiennent sur leur image, sans que cela soit rendu nécessaire par un débat d’intérêt général ou un rapport avec l’actualité. Toutefois, le préjudice a été limité à la somme de 1 000 euros. Pour évaluer l’étendue du préjudice moral consécutif à la publication litigieuse, il convient de prendre en considération le fait que ceux-ci subissent l’exposition de leur intimité familiale, accompagnée d’extrapolations sur leurs sentiments réciproques, dans un article illustré par des photographies prises à leur insu, au téléobjectif, les montrant en maillot de bain. Il sera enfin tenu compte du fait que si les demandeurs passaient leurs vacances dans un lieu public, ils pouvaient légitimement espérer, étant sur un voilier, être à l’abri des regards, ce qui accroît le préjudice résultant de l’exposition à un large public de moments dont ils souhaitaient visiblement préserver l’intimité, mais aussi l’absence d’annonce en page de couverture et la complaisance de la victime vis à vis de la presse People. Pour rappel, les articles 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales et 9 du Code civil garantissent à toute personne, quelles que soient sa notoriété, sa fortune, ses fonctions présentes ou à venir, le respect de sa vie privée et de son image. L’article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales garantit l’exercice du droit à l’information des organes de presse dans le respect du droit des tiers. La combinaison de ces deux principes conduit à limiter le droit à l’information du public d’une part, pour les personnes publiques, aux éléments relevant de la vie officielle, et d’autre part, aux informations et images volontairement livrées par les intéressés ou que justifie une actualité ou un débat d’intérêt général. Ainsi chacun peut s’opposer à la divulgation d’informations ou d’images ne relevant pas de sa vie professionnelle ou de ses activités officielles et fixer les limites de ce qui peut être publié ou non sur sa vie privée, ainsi que les circonstances et les conditions dans lesquelles ces publications peuvent intervenir. |
Résumé de l’affaire :
Contexte de l’affaireL’affaire concerne une assignation délivrée le 2 octobre 2023 à la société [S] MEDIA NEWS, éditrice du magazine [Localité 7] MATCH, à la demande de [V] [O] et [F] [I]. Les demandeurs allèguent une atteinte à leur vie privée et à leur droit à l’image dans un article publié dans le numéro [Numéro identifiant 3] du magazine, daté du 7 septembre 2023. Demandes des plaignantsLes demandeurs réclament au tribunal des dommages et intérêts de 10.000 euros chacun pour l’atteinte à leur vie privée et à leur droit à l’image. Ils demandent également la publication d’un communiqué judiciaire en page de couverture du prochain numéro du magazine, sous astreinte de 10.000 euros par numéro de retard, ainsi que la prise en charge de leurs frais de justice. Réponse de la société défenderesseLa société [S] MEDIA NEWS conteste les accusations, arguant que l’article n’a pas porté atteinte à l’intimité des demandeurs, qui sont des personnalités publiques. Elle demande que, subsidiairement, le préjudice soit limité à un euro symbolique, soutenant que les demandeurs ne justifient pas de la réalité du préjudice allégué. Contenu de l’article litigieuxL’article en question présente des photographies du couple et de leurs enfants sur un voilier, accompagnées de commentaires sur leur vie familiale et leurs activités estivales. Les images, prises à l’insu des demandeurs, montrent des moments de leur vie privée, ce qui soulève des questions sur le respect de leur intimité. Atteintes à la vie privée et au droit à l’imageLes articles 8 de la Convention européenne des droits de l’Homme et 9 du Code civil protègent la vie privée et l’image des individus. Le tribunal doit évaluer si la publication d’informations sur les vacances des demandeurs constitue une atteinte à leur vie privée, malgré leur notoriété. Évaluation du préjudiceLe tribunal reconnaît que la publication a porté atteinte à la vie privée des demandeurs, en raison de la nature des informations divulguées et des photographies prises à leur insu. Toutefois, il prend en compte la notoriété des demandeurs et leur habitude de communiquer sur leur vie personnelle, ce qui modère l’évaluation du préjudice. Décision du tribunalLe tribunal condamne la société [S] MEDIA NEWS à verser 1.000 euros à chacun des demandeurs pour l’atteinte à leur vie privée et 3.000 euros chacun pour l’atteinte à leur droit à l’image. Les demandes de publication d’un communiqué judiciaire et d’indemnisation supplémentaire sont rejetées. Frais de justiceLa société défenderesse est également condamnée à verser 1.000 euros à chacun des demandeurs pour couvrir leurs frais de justice, ainsi qu’à prendre en charge les dépens de la procédure. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les bases juridiques de la protection de la vie privée et du droit à l’image en France ?La protection de la vie privée et du droit à l’image en France repose principalement sur deux textes fondamentaux : l’article 9 du Code civil et l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’Homme. L’article 9 du Code civil stipule que « chacun a droit au respect de sa vie privée ». Cela signifie que toute personne a le droit de protéger son intimité et de s’opposer à la divulgation d’informations concernant sa vie personnelle sans son consentement. De son côté, l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’Homme garantit le droit au respect de la vie privée et familiale. Il précise que « toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ». Ces deux articles établissent un cadre juridique qui protège les individus contre les atteintes à leur vie privée et à leur image, même pour les personnes publiques, qui peuvent également revendiquer ce droit. En outre, l’article 10 de la même Convention permet de concilier ce droit avec la liberté d’expression, en précisant que l’exercice de cette liberté peut être soumis à certaines restrictions, notamment pour protéger la réputation ou les droits d’autrui. Comment le tribunal évalue-t-il les atteintes à la vie privée et au droit à l’image ?Le tribunal évalue les atteintes à la vie privée et au droit à l’image en tenant compte de plusieurs critères, notamment la nature des informations divulguées, le contexte de leur publication, et la notoriété des personnes concernées. Selon la jurisprudence, il est établi que la simple constatation d’une atteinte à la vie privée ou au droit à l’image ouvre droit à réparation. Le préjudice est apprécié concrètement, au jour où le juge statue, en tenant compte de la nature des atteintes et des éléments versés aux débats. L’article 9 du Code civil et l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’Homme permettent aux individus de fixer les limites de ce qui peut être publié sur leur vie privée. Ainsi, même si une personne est connue du public, cela ne signifie pas qu’elle renonce à la protection de sa vie privée. Dans le cas présent, le tribunal a constaté que les photographies publiées avaient été prises à l’insu des demandeurs et qu’elles portaient atteinte à leur intimité familiale. Le fait que les demandeurs aient l’habitude de communiquer sur leur vie ne les prive pas de leur droit à la protection de leur vie privée. Quelles sont les conséquences juridiques d’une atteinte à la vie privée et au droit à l’image ?Les conséquences juridiques d’une atteinte à la vie privée et au droit à l’image peuvent inclure des dommages et intérêts, ainsi que des mesures de publication corrective. L’article 9 du Code civil permet aux victimes d’une atteinte à leur vie privée de demander réparation du préjudice subi. Cela peut se traduire par l’octroi de dommages et intérêts, qui sont fixés par le tribunal en fonction de l’ampleur du préjudice. Dans le cas présent, le tribunal a condamné la société [S] MEDIA NEWS à verser des sommes spécifiques à chaque demandeur pour l’atteinte à leur vie privée et à leur droit à l’image. Les montants alloués étaient de 1.000 euros pour l’atteinte à la vie privée et de 3.000 euros pour l’atteinte au droit à l’image. En outre, le tribunal peut ordonner des mesures telles que la publication d’un communiqué judiciaire pour rectifier l’atteinte, mais cela dépend de la gravité de l’atteinte et de la demande des parties. Dans ce cas, la demande de publication d’un communiqué a été rejetée, le tribunal estimant que le préjudice était suffisamment réparé par les dommages et intérêts. Comment le tribunal prend-il en compte la notoriété des demandeurs dans son jugement ?Le tribunal prend en compte la notoriété des demandeurs en évaluant l’impact de cette notoriété sur leur droit à la vie privée et à l’image. Bien que les personnes publiques aient une certaine exposition médiatique, cela ne signifie pas qu’elles renoncent à la protection de leur vie privée. La jurisprudence indique que même les personnes connues du public ont le droit de protéger leur intimité. Cependant, leur notoriété peut influencer l’appréciation du préjudice. Par exemple, si les demandeurs ont l’habitude de partager des aspects de leur vie personnelle dans les médias, cela peut être pris en compte pour modérer l’évaluation du préjudice. Dans le jugement, le tribunal a noté que les demandeurs, bien qu’ils soient des personnalités publiques, avaient le droit de s’opposer à la publication d’éléments de leur vie privée, surtout lorsqu’ils n’avaient pas consenti à la diffusion des photographies. Le tribunal a également relevé que la nature des informations publiées et le contexte de leur divulgation étaient des facteurs déterminants dans l’évaluation de l’atteinte à leur vie privée. En somme, la notoriété des demandeurs est un facteur à considérer, mais elle ne doit pas occulter leur droit fondamental à la protection de leur vie privée. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
JUDICIAIRE
DE PARIS
■
MINUTE N°:
17ème Ch. Presse-civile
N° RG 23/12895 – N° Portalis 352J-W-B7H-C2ZOZ
S.C
Assignation du :
02 octobre 2023
[1]
[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le :
République française
Au nom du Peuple français
JUGEMENT
rendu le 13 Novembre 2024
DEMANDEURS
[V] [O]
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Me Jean ENNOCHI, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E0330
[F] [I]
[Adresse 1]
[Localité 4]
représenté par Me Jean ENNOCHI, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E0330
DEFENDERESSE
S.A.S.U. [S] MEDIA NEWS
[Adresse 2]
[Localité 5]
représentée par Me Marie-christine DE PERCIN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E1301
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Magistrats ayant participé au délibéré :
Sophie COMBES, Vice-Présidente
Président de la formation
Anne-Sophie SIRINELLI, Vice-président
Gauthier DELATRON, Juge
Assesseurs
Greffier :
Viviane RABEYRIN, Greffier lors des débats et Amélie CAILLETET, Greffier lors de la mise à disposition
A l’audience du 25 Septembre 2024 tenue publiquement devant Sophie COMBES, qui, sans opposition des avocats, a tenu seule l’audience, et, après avoir entendu les parties, en a rendu compte au tribunal, conformément aux dispositions de l’article 786 du code de procédure civile.
JUGEMENT
Mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort
Vu l’assignation délivrée le 2 octobre 2023 à la société [S] MEDIA NEWS, éditrice du magazine [Localité 7] MATCH, à la requête de [V] [O] et de [F] [I], au visa des articles 9 du code civil et 8 de la Convention européenne des droits de l’Homme, au motif qu’il avait été porté atteinte au respect dû à leur vie privée et à leur droit à l’image dans le numéro [Numéro identifiant 3] dudit magazine daté du 7 septembre 2023,
Vu les conclusions, notifiées par voie électronique le 26 août 2024, par lesquelles [V] [O] et [F] [I] demandent au tribunal :
– de condamner la société [S] MEDIA NEWS à verser à chacun d’eux la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de l’atteinte à leur vie privée,
– de condamner la société [S] MEDIA NEWS à verser à chacun d’eux la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de l’atteinte à leur droit à l’image,
– d’ordonner la publication en page de couverture du premier numéro du magazine [Localité 7] MATCH à paraître dans les huit jours après la signification de la décision à intervenir, d’un communiqué judiciaire, dont la teneur est précisée, sous astreinte de 10.000 euros par numéro de retard,
– de se réserver la liquidation de l’astreinte,
– de condamner la société défenderesse à leur verser à chacun la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens, avec application de l’article 699 du code de procédure civile au bénéfice de Maître Jean ENNOCHI, avocat,
Vu les conclusions, notifiées par voie électronique le 13 mai 2024, par lesquelles la société [S] MEDIA NEWS demande au tribunal :
– de juger que l’article incriminé n’a pas porté atteinte à l’intimité de la vie privée des demandeurs, dont les sentiments et leur représentation sont notoirement connus du public de par leur communication,
– subsidiairement, de juger que la réparation du préjudice devra être limitée à un euro symbolique, les demandeurs ne justifiant pas de la réalité du préjudice allégué,
– de rejeter les demandes d’indemnisation et de publication d’un communiqué judiciaire,
Vu l’ordonnance de clôture rendue le 25 septembre 2024,
Les parties ont oralement soutenu leurs écritures lors de l’audience du 25 septembre 2024.
A l’issue des débats, l’affaire a été mise en délibéré au 13 novembre 2024, par mise à disposition au greffe.
Sur la publication litigieuse
[F] [I] est un humoriste, acteur et producteur français. [V] [O] est une journaliste, productrice et actrice française. Ils sont mariés.
L’hebdomadaire [Localité 7] MATCH n°[Numéro identifiant 3], daté du 7 septembre 2023, consacre aux demandeurs ses pages intérieures 87 à 91, celles-ci étant essentiellement occupées par des photographies du couple et de leurs enfants sur un voilier (magazine communiqué en pièce n°1 par les demandeurs).
L’article n’est pas annoncé en page de couverture.
L’article a pour titre “[F] et [V] Ils préfèrent l’amour en mer”. Il est présenté par le surtitre “La journaliste et l’humoriste ont mis le cap sur la Corse. Au programme, insouciance et farniente”.
Il comporte les propos suivants : “Il l’a fait toujours autant craquer, elle continue de l’épater. Ensemble, ils tiennent la barre d’une romance au long cours qui, depuis quinze ans, se conjugue au présent. Le secret de ce désir qui dure ? “La liberté qu’on s’est toujours accordée, confie [V]. On se parle beaucoup, on se fait immensément confiance. On se manque…” Dans le sud de la Corse, comme chaque été, ils prennent le temps de se retrouver, avec et sans enfants, avant de replonger dans le rythme trépidant du quotidien : la production du documentaire pour elle, une prochaine série sur Canal + pour lui, intitulée… “Terminal”. Tout l’inverse de leur programme sentimental. Paddle, pêche, plongée et chorégraphie improvisée ! Maman chic et coach de choc, [V] est infatigable. (…)”.
L’article se poursuit et se conclut en évoquant les projets sportifs et artistiques des enfants des demandeurs.
Il est illustré par cinq photographies représentant les demandeurs, et parfois leurs enfants, dont les visages sont floutés, sur un voilier, en tenue d’été ou en maillot de bain. Ces photographies ont manifestement été prises dans un même trait de temps, les intéressés portant les mêmes vêtements et maillots. Sur l’une d’entre elles, les demandeurs s’enlacent, la légende étant la suivante : “[V] [O] et [F] [I] sur un catamaran loué pour les vacances, le 18 août”. Sur deux autres, les membres de la famille vaquent à leurs occupations, “[C]” étant par exemple en train de pêcher, avec, à ses côtés, les demandeurs. Les deux dernières photographies montrent pour l’une [V] [O] et les deux enfants sur des paddles, [F] [I] étant assis sur la plateforme de baignade du bateau, et pour l’autre, la demanderesse assise seule sur un paddle, en train de ramer.
Sur les atteintes à la vie privée et au droit à l’image
Les articles 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales et 9 du Code civil garantissent à toute personne, quelles que soient sa notoriété, sa fortune, ses fonctions présentes ou à venir, le respect de sa vie privée et de son image.
L’article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales garantit l’exercice du droit à l’information des organes de presse dans le respect du droit des tiers.
La combinaison de ces deux principes conduit à limiter le droit à l’information du public d’une part, pour les personnes publiques, aux éléments relevant de la vie officielle, et d’autre part, aux informations et images volontairement livrées par les intéressés ou que justifie une actualité ou un débat d’intérêt général. Ainsi chacun peut s’opposer à la divulgation d’informations ou d’images ne relevant pas de sa vie professionnelle ou de ses activités officielles et fixer les limites de ce qui peut être publié ou non sur sa vie privée, ainsi que les circonstances et les conditions dans lesquelles ces publications peuvent intervenir.
Les demandeurs reprochent à l’article de communiquer des informations concernant le lieu où ils se sont rendus pour les vacances, ainsi que sur leurs activités de loisir. Ils précisent que les photographies figurant dans le magazine ont été prises à leur insu et montrent la traque dont ils font l’objet.
La défenderesse soutient que le préjudice dont se prévalent les demandeurs n’est pas démontré dès lors qu’ils communiquent régulièrement sur leurs lieux de villégiature, leurs sentiments et leur vie familiale dans les médias et sur les réseaux sociaux. Elle ajoute que les photos, certes prises sans autorisation, les montrent dans des activités convenues, usuelles pour des vacanciers.
S’il est établi que les demandeurs ont l’habitude de communiquer sur leurs sentiments et les lieux où ils se rendent en vacances (notamment pièces n°2 et 7 de la défenderesse), la description de vacances familiales dont la localisation et la date sont précisées, à savoir en Corse du sud durant l’été 2023, et plus précisemment le 18 août, accompagnée de détails sur leur déroulement et d’extrapolations sur les sentiments des demandeurs, constitue une atteinte à leur vie privée.
Au vu de ces éléments, alors qu’il appartient à chacun de fixer les limites de ce qui peut être publié ou non sur sa vie privée, ainsi que les circonstances et les conditions dans lesquelles ces publications peuvent intervenir, l’atteinte à la vie privée des demandeurs apparaît constituée.
Les photographies illustrant l’article du magazine [Localité 7] MATCH ont manifestement été prises à l’insu des intéressés, sur le bateau évoqué dans le corps du texte, et publiées sans leur autorisation. Les atteintes à la vie privée sont ainsi prolongées par l’utilisation de ces photographies et attentent également aux droits que les demandeurs détiennent sur leur image, sans que cela soit rendu nécessaire par un débat d’intérêt général ou un rapport avec l’actualité.
Il sera ici relevé que le caractère prétendument anodin des activités décrites et montrées par les photographies ne fait pas obstacle à ce que les atteintes soient reconnues, la vie privée étant par essence constituée de ce type d’événements pouvant paraître insignifiants aux yeux des tiers mais significatifs pour ceux qui les vivent et qu’ils peuvent légitimement vouloir protéger.
Sur les mesures sollicitées
Si la seule constatation de l’atteinte à la vie privée et au droit à l’image par voie de presse ouvre droit à réparation, le préjudice étant inhérent à ces atteintes, il appartient au demandeur de justifier de l’étendue du dommage allégué, le préjudice étant apprécié concrètement, au jour où le juge statue, compte tenu de la nature des atteintes et des éléments versés aux débats.
Par ailleurs, dans les cas où le demandeur s’est largement exprimé sur sa vie privée, cette attitude, de nature à attiser la curiosité du public, ne le prive pas de toute protection de sa vie privée mais justifie une diminution de l’appréciation de son préjudice.
L’article évoquant des éléments ne résultant pas du seul commentaire des photographies, les préjudices résultant de l’atteinte à la vie privé et au droit à l’image des demandeurs seront appréciés et indemnisés de façon distincte.
En l’espèce, pour évaluer l’étendue du préjudice moral de [V] [O] et de [F] [I] consécutif à la publication litigieuse, il convient de prendre en considération le fait que ceux-ci subissent l’exposition de leur intimité familiale, accompagnée d’extrapolations sur leurs sentiments réciproques, dans un article illustré par des photographies prises à leur insu, au téléobjectif, les montrant en maillot de bain.
Il sera enfin tenu compte du fait que si les demandeurs passaient leurs vacances dans un lieu public, ils pouvaient légitimement espérer, étant sur un voilier, être à l’abri des regards, ce qui accroît le préjudice résultant de l’exposition à un large public de moments dont ils souhaitaient visiblement préserver l’intimité.
Certains éléments commandent toutefois une appréciation plus modérée du préjudice subi.
Il sera relevé que l’article n’est pas annoncé en page de couverture, ce qui ôte de la visibilité tant aux informations contenues dans celui-ci qu’aux photographies.
Il apparaît par ailleurs, au vu des pièces communiquées par la société défenderesse, que les demandeurs ont, chacun, l’habitude de s’exprimer dans les médias (notamment ses pièces n°1, 1 bis, 1 ter, 7, 8, 9) et sur les réseaux sociaux (notamment ses pièces n°2, 4, 9 ter, 10, 18, 19 et 20) sur les sujets abordés dans l’article, à savoir leur vie commune, leurs lieux de villégiature, leurs sentiments réciproques, leurs enfants et l’éducation qu’ils leur donnent. Il peut notamment être relevé un article paru le 18 février 2024 sur le site du magazine [Localité 7] MATCH où le journaliste commente la publication faite par [V] [O] sur son compte Instagram de photographies privées des vacances familiales au ski la station de [Localité 6], des photographies postées sur Instagram le montrant en train d’embrasser la demanderesse pour l’anniversaire de cette dernière ou encore un entretien accordé en janvier 2023 par [V] [O] au magazine PSYCHOLOGIES (pièces n°9 ter, 18 b et 7). Cette complaisance de deux personnes jouissant d’une importante notoriété est de nature à attiser la curiosité du public et à relativiser la sensibilité des demandeurs à l’évocation d’éléments de leur vie privée par un magazine ainsi que l’importance qu’ils accordent à la protection de leur vie privée.
Il sera en outre relevé le ton bienveillant de l’article ainsi que le fait que, même si les photographies ont été prises sans leur accord, elles ne présentent aucun caractère dénigrant ou dégradant.
Il sera enfin relevé que les demandeurs ne fournissent aucune pièce pour apprécier davantage l’étendue du préjudice subi du fait de cet article.
Au regard de l’ensemble de ces éléments, il conviendra d’allouer à [V] [O] et [F] [I] la somme de 1.000 euros chacun pour l’atteinte faite à leur vie privée et la somme de 3.000 euros chacun pour l’atteinte faite à leur droit à l’image au sein du magazine [Localité 7] MATCH n°[Numéro identifiant 3].
Enfin, le préjudice étant ainsi suffisamment réparé, il ne sera pas fait droit à la demande de publication de communiqué judiciaire.
Sur les demandes accessoires
Il serait inéquitable de laisser à [V] [O] et [F] [I] la charge des frais irrépétibles qu’ils ont dû exposer pour la défense de leurs intérêts vis-à-vis de la société [S] MEDIA NEWS et il y aura lieu en conséquence de condamner la société défenderesse à payer à chacun d’eux la somme de 1.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
La société [S] MEDIA NEWS sera condamnée aux entiers dépens, avec autorisation pour Maître Jean ENNOCHI, avocat, de recouvrer directement ceux qu’il aura exposés, en application de l’article 699 du code de procédure civile.
Statuant, après débats publics, par mise à disposition au greffe, par décision contradictoire et en premier ressort :
Condamne la société [S] MEDIA NEWS à verser à [V] [O] et à [F] [I], la somme de 1.000 euros chacun en réparation du préjudice moral résultant de l’atteinte faite à leur vie privée au sein du magazine [Localité 7] MATCH n°[Numéro identifiant 3], outre les intérêts au taux légal à compter du présent jugement,
Condamne la société [S] MEDIA NEWS à verser à [V] [O] et à [F] [I], la somme de 3.000 euros chacun en réparation du préjudice moral résultant de l’atteinte faite à leur droit à l’image au sein du magazine [Localité 7] MATCH n°[Numéro identifiant 3], outre les intérêts au taux légal à compter du présent jugement,
Déboute les parties du surplus de leurs demandes,
Condamne la société [S] MEDIA NEWS à verser à [V] [O] et à [F] [I] la somme de 1.000 euros chacun sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société [S] MEDIA NEWS aux dépens avec autorisation pour Maître Jean ENNOCHI, avocat, de recouvrer directement ceux qu’elle aura exposés, en application de l’article 699 du code de procédure civile.
Fait et jugé à Paris le 13 Novembre 2024
Le Greffier La Présidente