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La seule constatation de l’atteinte par voie de presse au respect dû à la vie privée et à l’image ouvre droit à la réparation d’un préjudice qui, comme l’affirme la Cour de cassation, existe par principe et dont l’étendue dépend de l’aptitude du titulaire des droits lésés à éprouver effectivement le dommage.
Le demandeur doit ainsi justifier de l’étendue du dommage allégué, le préjudice étant apprécié concrètement, au jour où le juge statue, compte tenu de la nature des atteintes et des éléments versés aux débats. Par ailleurs, dans le cas où le demandeur s’est largement exprimé sur sa vie privée, cette attitude, de nature à attiser la curiosité du public, ne le prive pas de toute protection de sa vie privée mais justifie une diminution de l’appréciation du préjudice. La forme de la réparation est laissée à la libre appréciation du juge qui tient, tant de l’article 835, alinéa 2, du code de procédure civile que de l’article 9, alinéa 2, du code civil, le pouvoir de prendre en référé toutes mesures propres à empêcher ou à faire cesser l’atteinte et accorder une provision au titre de ses conséquences dommageables. En l’espèce, l’étendue du préjudice moral causé à une personnalité doit être appréciée en considération de : – la nature particulièrement intrusive des atteintes relevées, qui portent sur sa vie sentimentale en son coeur, puisque l’article litigieux, en révélant non seulement son prochain mariage, mais également sa future paternité, l’a privé du privilège d’en faire lui-même l’annonce, -l’ampleur donnée à l’exposition des atteintes du fait de : – l’annonce de l’article en page de couverture du magazine, en surimpression d’une photographie volée assortie de la mention « SCOOP », destinée à capter l’attention non seulement des lecteurs mais aussi des passants, – la surface éditoriale consacrée aux atteintes constatées, – l’importance, non contestée, de la diffusion du magazine litigieux, qui jouit d’une large visibilité et touche un public nombreux, étant rappelé à ce titre que si l’allocation de dommages et intérêts ne se mesure pas au chiffre d’affaires réalisé par l’éditeur de l’organe de presse en cause, l’étendue de la divulgation et l’importance du lectorat d’un magazine sont de nature à accroître le préjudice, – l’exclusivité de l’information revendiquée par la société éditrice, la divulgation première étant celle qui génère le dommage au sommet de son intensité, – le recours à un procédé de surveillance pour la captation des clichés photographiques d’illustration, en lui-même générateur d’un trouble par l’intrusion qu’il opère dans des moments de vie privée, le caractère public du lieu de fixation ne pouvant être regardé comme propre à annihiler le préjudice résultant de cette surveillance. |
Résumé de l’affaire :
Introduction de l’instancePar acte introductif d’instance du 24 mai 2024, [B] [Z] a assigné la société CMI France, éditrice de l’hebdomadaire Public, devant le tribunal judiciaire de Nanterre. Il cherche réparation pour des atteintes à ses droits de la personnalité suite à la publication d’un article et de photographies le concernant dans le numéro 1041 du magazine. Demandes de [B] [Z]Dans son assignation, [B] [Z] demande au juge des référés de condamner CMI France à lui verser une indemnité provisionnelle de 8 000 euros pour atteinte à sa vie privée et 4 000 euros pour atteinte à son droit à l’image. Il demande également l’interdiction de la diffusion des photographies le représentant, ainsi qu’une somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Réponse de CMI FranceLa société CMI France, par écritures notifiées le 11 juin 2024, demande le déboutement de [B] [Z] de ses demandes, tout en évaluant son préjudice à un euro symbolique. Elle sollicite également 3 000 euros à titre de frais et dépens. Contenu de l’article litigieuxL’article publié dans l’hebdomadaire Public évoque la relation de [B] [Z] avec [C] [Y], leur mariage à venir en Corse, et la future paternité de [B] [Z]. Il est illustré par plusieurs photographies, dont certaines ont été prises à leur insu. Atteintes aux droits de la personnalitéLes articles 8 de la Convention européenne des droits de l’homme et 9 du code civil protègent la vie privée et l’image des individus. La publication de l’article et des photographies est considérée comme une atteinte à la vie privée de [B] [Z], car elle révèle des informations personnelles sans son consentement. Arguments de CMI FranceCMI France soutient que [B] [Z] et [C] [Y] sont un couple notoire et que l’article ne révèle pas de détails privés. Elle argue que la notoriété de [B] [Z] justifie la publication, mais le tribunal souligne que la notoriété ne constitue pas un fait justificatif pour porter atteinte aux droits de la personnalité. Évaluation du préjudiceLe tribunal évalue le préjudice moral de [B] [Z] en tenant compte de la nature intrusive des atteintes, de la large diffusion de l’article, et de l’impact de la publication sur sa vie privée. Il conclut que le préjudice est évident et justifie une réparation. Décision du tribunalLe tribunal condamne CMI France à verser à [B] [Z] une indemnité provisionnelle de 3 000 euros pour atteinte à sa vie privée et 2 000 euros pour atteinte à son droit à l’image. La demande d’interdiction de réutilisation des photographies est rejetée, et CMI France est également condamnée à payer 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. ConclusionLa décision est exécutoire par provision, et CMI France est condamnée aux dépens, avec distraction au profit de l’avocat de [B] [Z]. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
RÉFÉRÉS
ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ RENDUE LE 24 OCTOBRE 2024
N° RG 24/01213 – N° Portalis DB3R-W-B7I-ZPXJ
N° :
Monsieur [B] [Z]
c/
S.A.S. CMI FRANCE
DEMANDEUR
Monsieur [B] [Z]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représenté par Maître Vincent TOLEDANO, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0859
DEFENDERESSE
S.A.S. CMI FRANCE
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Maître Patrick SERGEANT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B1178
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Présidente : Alix FLEURIET, Vice-présidente, tenant l’audience des référés par délégation du Président du Tribunal,
Greffière : Divine KAYOULOUD ROSE, Greffière,
Statuant publiquement en premier ressort par ordonnance contradictoire mise à disposition au greffe du tribunal, conformément à l’avis donné à l’issue des débats.
Nous, Président, après avoir entendu les parties présentes ou leurs conseils, à l’audience du 13 juin 2024, avons mis l’affaire en délibéré au 12 septembre 2024, prorogé à ce jour.
Par acte introductif d’instance du 24 mai 2024, [B] [Z] a fait assigner la société CMI France, éditrice de l’hebdomadaire Public, devant le président du tribunal judiciaire de Nanterre, afin d’obtenir réparation d’atteintes aux droits de la personnalité qu’il estime avoir subies du fait de la publication d’un article et de photographies le concernant dans le numéro 1041 de ce magazine.
Aux termes de cette assignation, développée oralement à l’audience, [B] [Z] demande au juge des référés, au visa des articles 9 du code civil et 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme, de :
– condamner la société CMI France à lui verser, au titre du préjudice moral incontestable résultant de la violation délibérée de ses droits de la personnalité, une indemnité provisionnelle de :
• 8 000 euros (vie privée)
• 4 000 euros (droit à l’image) ;
– interdire, sous astreinte provisoire de 1 000 euros par infraction constatée, à la société CMI France, de céder, diffuser ou reproduire, par tout moyen, sur tout support, auprès de quiconque et de quelque manière que ce soit, les dix photographies le représentant figurant en page 1, 8, 9 et du numéro 1041 du magazine Public du 23 juin 2023 ;
– condamner la société CMI France à lui verser la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner la société CMI France aux dépens et accorder à Maître Vincent Tolédano le droit de les recouvrer directement ;
– constater l’exécution provisoire de la décision à intervenir en ce compris au titre des dépens.
Aux termes de ses écritures notifiées par la voie électronique le 11 juin 2024, la société CMI France demande au juge des référés, au visa des articles 9 du code civil et 10 de la Conventon européenne des droits de l’homme, de :
– débouter M. [B] [Z] de ses demandes ;
– à titre subsidiaire, juger que son préjudice est évalué à la somme de un euro symbolique ;
– en tout état de cause, le condamner à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’en tous frais et dépens.
L’ordonnance sera contradictoire.
La publication litigieuse
L’hebdomadaire Public n° 1041 du 23 juin 2023 consacre à [B] [Z] et à [C] [Y] un article de deux pages, annoncé en page de couverture sous le titre « [B] [Z] Le mariage…en attendant bébé !». Cette annonce est illustrée par une photographie occupant la majeure partie de la page de couverture représentant les intéressés, en gros plan, marchant main dans la main dans la rue. Est ajouté en surimpression de cette photographie la mention « SCOOP ».
L’article, développé en pages 8 et 9, a pour titre « [B] [Z] Bientôt le mariage…en attendant bébé ! » et pour sous-titre « L’année 2023 restera à jamais gravée dans la mémoire du réalisateur, qui grâce à la douce [C], démarre un tout nouveau chapitre de sa vie…».
Il évoque notamment la relation sentimentale qu’entretient M. [B] [Z] avec sa compagne, [C] [Y], depuis 2020, ainsi que leur mariage à venir, devant se dérouler en Corse, quelques semaines après la publication de l’article, lequel précise qu’ils seront “entourés de tous les gens qu’ils aiment”. Il y est également fait état de sa future paternité.
L’article est illustré par quatre photographies du couple. L’une d’entre elle est une photographie décontextualisée, tandis que les trois autres, manifestement réalisées à leur insu, sont issues d’une même série et représentent les intéressés se promenant ensemble à [Localité 5] le 6 juin 2023, ainsi que le précise l’article. La photographie publiée en page 8 du magazine est identique à la celle qui figure sur sa page de couverture.
Les atteintes aux droits de la personnalité
Les articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et 9 du code civil garantissent à toute personne, quelles que soient sa notoriété, sa fortune, ses fonctions présentes ou à venir, le respect de sa vie privée et de son image. L’article 10 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales garantit l’exercice du droit à l’information des organes de presse dans le respect du droit des tiers.
La combinaison de ces deux principes conduit à limiter le droit à l’information du public d’une part, pour les personnes publiques, aux éléments relevant de la vie officielle, et d’autre part, aux informations et images volontairement livrées par les intéressés ou que justifie une actualité ou un débat d’intérêt général. Ainsi chacun peut s’opposer à la divulgation d’informations ou d’images ne relevant pas de sa vie professionnelle ou de ses activités officielles et fixer les limites de ce qui peut être publié ou non sur sa vie privée, ainsi que les circonstances et les conditions dans lesquelles ces publications peuvent intervenir.
Les informations ici diffusées entrent à l’évidence dans le champ de la protection de la vie privée instituée par les textes précités, pour concerner la vie sentimentale de [B] [Z], et plus particulièrement son mariage à venir et sa future paternité.
La société défenderesse expose en premier lieu que le couple formé par [B] [Z] et [C] [Y] est un couple officiel et notoire, qui s’est régulièrement affiché lors d’événements très médiatisés ; que dans ce contexte, l’article litigieux évoque leur prochain mariage en Corse, sans toutefois ne livrer aucun détail à ce sujet ; que l’annonce de la future paternité de [B] [Z] est évoquée comme seulement hypothétique, l’article rappelant les propos de l’intéressé tenus dans la presse à ce sujet. Elle ajoute que les photographies illustrant l’article le représentent avec sa compagne alors qu’il est très facilement reconnaissable et qu’il ne peut se prévaloir d’une espérance légitime à se croire à l’abri des médias. Elle conclut en conséquence à l’absence d’atteintes portées à ses droits de la personnalité.
Il convient cependant de relever que :
– la notoriété de [B] [Z] et du couple qu’il forme avec [W] [Y], qui est incontestable et peut certes accroître l’intérêt du public pour des informations qui les concernent, ne constitue pas un fait justificatif général des atteintes à leurs droits de la personnalité,
– la complaisance imputée à [B] [Z] n’a aucune pertinence en ce qui regarde la caractérisation des atteintes aux droits de sa personnalité, le moyen développé de ce chef manquant ainsi en droit,
– l’annonce d’un mariage dont est précisé le lieu et la période au cours de laquelle il aura lieu constitue une information tangible et précise, dépassant le propos général, et qui constitue au contraire un événement significatif de la vie d’une personne, en sorte qu’il ne peut être soutenu qu’elle présenterait un caractère anodin et s’inscrirait dans la communication de l’intéressé au sujet de ses relations passées ou de celle qu’il partage avec sa compagne actuelle,
– il en va de même de l’annonce de sa future paternité, et ce peu important qu’elle soit présentée sous une forme hypothétique (“le fils du regretté [G] [Z] s’apprêterait à (…) devenir papa”),
– il n’est pas justifié que [B] [Z] ou sa compagne se sont exprimés l’un ou l’autre, avant la publication de l’article litigieux, sur leur mariage prochain ou sur la grossesse de cette dernière, pas plus qu’il n’est démontré qu’ils ont autorisé la société éditrice à faire état de ces informations.
Enfin, les informations dont s’agit ne peuvent être rattachées à un fait d’actualité justifiant la légitime information du public, la notoriété de [B] [Z] étant à cet égard indifférente, alors même que l’article se borne à exposer des éléments se rattachant à la sphère de son intimité qui, comme tels, échappent au domaine de l’actualité. Et il n’est pas plus démontré que cette publication s’inscrit dans un débat d’intérêt général.
Dans ces conditions, l’immixtion opérée par la publication litigieuse dans la vie privée de [B] [Z] ne saurait être regardée comme légitime.
Par ailleurs, l’illustration de l’article litigieux par plusieurs clichés volés, le représentant dans un lieu dont le caractère public n’autorisait pas la captation de moments de loisirs et de détente, prolonge cette atteinte tout en violant le droit qu’il a sur son image.
Les atteintes alléguées sont en conséquence constituées avec l’évidence requise en référé et commandent que le juge statue sur les demandes formées.
Le préjudice et les mesures de réparation
La seule constatation de l’atteinte par voie de presse au respect dû à la vie privée et à l’image ouvre droit à la réparation d’un préjudice qui, comme l’affirme la Cour de cassation, existe par principe et dont l’étendue dépend de l’aptitude du titulaire des droits lésés à éprouver effectivement le dommage.
Le demandeur doit ainsi justifier de l’étendue du dommage allégué, le préjudice étant apprécié concrètement, au jour où le juge statue, compte tenu de la nature des atteintes et des éléments versés aux débats.
Par ailleurs, dans le cas où le demandeur s’est largement exprimé sur sa vie privée, cette attitude, de nature à attiser la curiosité du public, ne le prive pas de toute protection de sa vie privée mais justifie une diminution de l’appréciation du préjudice.
La forme de la réparation est laissée à la libre appréciation du juge qui tient, tant de l’article 835, alinéa 2, du code de procédure civile que de l’article 9, alinéa 2, du code civil, le pouvoir de prendre en référé toutes mesures propres à empêcher ou à faire cesser l’atteinte et accorder une provision au titre de ses conséquences dommageables.
Les demandes de provision
En l’espèce, l’étendue du préjudice moral causé à [B] [Z] doit être appréciée en considération de :
– la nature particulièrement intrusive des atteintes relevées, qui portent sur sa vie sentimentale en son coeur, puisque l’article litigieux, en révélant non seulement son prochain mariage, mais également sa future paternité, l’a privé du privilège d’en faire lui-même l’annonce,
-l’ampleur donnée à l’exposition des atteintes du fait de :
– l’annonce de l’article en page de couverture du magazine, en surimpression d’une photographie volée assortie de la mention « SCOOP », destinée à capter l’attention non seulement des lecteurs mais aussi des passants,
– la surface éditoriale consacrée aux atteintes constatées,
– l’importance, non contestée, de la diffusion du magazine litigieux, qui jouit d’une large visibilité et touche un public nombreux, étant rappelé à ce titre que si l’allocation de dommages et intérêts ne se mesure pas au chiffre d’affaires réalisé par l’éditeur de l’organe de presse en cause, l’étendue de la divulgation et l’importance du lectorat d’un magazine sont de nature à accroître le préjudice,
– l’exclusivité de l’information revendiquée par la société éditrice, la divulgation première étant celle qui génère le dommage au sommet de son intensité,
– le recours à un procédé de surveillance pour la captation des clichés photographiques d’illustration, en lui-même générateur d’un trouble par l’intrusion qu’il opère dans des moments de vie privée, le caractère public du lieu de fixation ne pouvant être regardé comme propre à annihiler le préjudice résultant de cette surveillance.
La société CMI France oppose cependant à [B] [Z] :
– la tardiveté de son assignation,
– sa complaisance à l’égard des médias, notamment au sujet de sa vie sentimentale, rappelant qu’il a évoqué en de nombreuses occasions ses histoires d’amour passées, son rapport à la séduction et sa quête d’une relation au long cours, ainsi que sa vie familiale et ses sentiments relatifs à une éventuelle paternité,
– l’absence d’écho qu’ont eu les informations litigieuses, dès lors que concomitamment à la parution de l’article, des dénonciations d’agressions sexuelles à l’encontre de l’intéressé ont vu le jour,
– le fait que sa compagne s’est elle-même exprimée sur la naissance de son enfant sur un plateau télévisé en janvier 2024.
Sur le premier point, le conseil de [B] [Z] expose à l’audience que la tardiveté de l’acte introductif d’instance lui est imputable, le demandeur l’ayant saisi, dans un délai raisonnable, de la défense de ses intérêts relativement à la publication litigieuse. S’il est observé qu’il ne justifie toutefois par aucun moyen de la date à laquelle son client s’est rapproché de lui, il sera néanmoins considéré que cette tardiveté procédurale, opposée en défense, ne démontre pas nécessairement une absence de souffrance morale de l’intéressé consécutivement à la parution de l’article litigieux.
Sur le deuxième point, la société CMI France produit, pour démontrer la complaisance du demandeur à l’égard des médias, une revue de presse comprenant de nombreuses publications, y compris relativement récentes, desquelles il résulte que l’intéressé a, au-delà des nécessités de la promotion de ses activités professionnelles, en détails et même d’initiative, régulièrement évoqué dans la presse des éléments relevant de sa vie familiale et sentimentale, notamment au sujet de ses anciennes compagnes, de son besoin de plaire aux femmes, de sa dépression passée, de sa compagne actuelle, ainsi que de son rapport à la paternité. Or, si cette exposition choisie ne le prive pas de la protection inhérente au respect dû à ses droits de la personnalité, ni ne légitime les intrusions constatées, elle révèle néanmoins une moindre aptitude de l’intéressé à souffrir des effets d’une telle publicité, et ce d’autant que dans le cadre de sa propre communication, il donne à voir de lui des éléments relevant des mêmes sphères de sa vie privée que ceux qui sont en débat.
Sur le troisième point, la société CMI France démontre à juste titre que la parution de l’article litigieux est intervenue précisément lors de la révélation dans la presse des accusations d’agression et de harcèlement sexuels dont a fait l’objet le demandeur (pièces n° 29, 30, 39 et 40), tandis que parallèlement, ce dernier ne justifie pas de la reprise des informations litigieuses en ligne ou par d’autres publications. Cependant, étant rappelé que la société défenderesse ne peut être tenue pour responsable que des atteintes dont elle est elle-même à l’origine, il importe peu de savoir si lesdites informations ont, par la suite, rencontré ou non un écho médiatique important dans l’appréciation de l’intensité du préjudice subi par le demandeur, résultant de l’article en cause.
Sur le dernier point, s’il est démontré que [C] [Y] a été invitée en janvier 2024 sur le plateau de l’émission télévisée Quelle époque !, animée par [X] [H] (pièces n° 31 et 32 en défense), force est de constater qu’il ne résulte pas des pièces précitées qu’elle se serait exprimée sur son mariage avec le demandeur ou encore sur leur enfant, davantage que pour annoncer sa naissance au mois de décembre 2023, en sorte que son intervention pour prendre la défense de son compagnon face aux accusations dont il faisait alors l’objet, n’est pas de nature à minorer le préjudice subi par ce dernier, résultant de la publication litigieuse.
Au regard de l’ensemble de ces éléments et en l’absence de production par [B] [Z] d’éléments extrinsèques à la publication en cause, permettant d’apprécier plus avant la gravité particulière du préjudice subi, il conviendra de lui allouer, à titre de provision à valoir sur la réparation de son préjudice, la somme de 3 000 euros pour l’atteinte faite à sa vie privée et 2 000 euros pour l’atteinte faite à son droit à l’image, montants à concurrence desquels l’obligation de la société défenderesse n’apparaît pas sérieusement contestable.
La demande d’interdiction de toute nouvelle diffusion des photographies publiées dans le magazine Public n° 1041
Il convient de rappeler que la liberté d’expression ne peut être soumise à des ingérences que constituent les réparations civiles que dans les cas où celles-ci, prévues par la loi et poursuivant un but légitime dans une société démocratique, constituent des mesures nécessaires au regard du paragraphe 2 de l’article 10 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et ne portent pas une atteinte disproportionnée à l’exercice de cette liberté.
En l’espèce, [B] [Z] sollicite des dommages et intérêts pour réparer l’atteinte faite à sa vie privée et à son droit à l’image, sur lesquelles il a été statué, de sorte que la mesure sollicitée constitue une réparation complémentaire du préjudice subi.
Or et d’une part, l’illiceité de la reproduction de clichés, même pris à l’insu de la personne y figurant, dépend intrinsèquement du contexte de leur publication, et s’il a été retenu que la reproduction des clichés en cause dans l’article litigieux constitue une atteinte aux droits de la partie demanderesse, il ne peut être préjugé, en droit, du fait que ceux-ci ne pourront pas être utilisés afin d’illustrer, licitement, un article à paraître, dans les conditions préalablement énoncées, notamment en présence d’un fait d’actualité ou d’un débat d’intérêt général.
D’autre part, la seule limite absolue et intangible à cette possibilité réside dans la protection de la dignité humaine, à laquelle le cliché en cause ne porte pas atteinte.
Ainsi, cette demande d’interdiction de toute nouvelle diffusion des photographies litigieuses apparaît disproportionnée, étant toutefois observé que la société défenderesse s’expose à de possibles nouvelles condamnations en cas d’atteintes réitérées aux droits de la personnalité de la partie demanderesse.
Les autres demandes
L’article 696 du code de procédure civile énonce que la partie perdante est en principe condamnée aux dépens. Il y a en conséquence lieu de condamner la société CMI France, qui succombe, aux dépens.
L’article 700 du code de procédure civile dispose que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il doit à ce titre tenir compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée et peut écarter pour les mêmes considérations cette condamnation.
Il serait inéquitable de laisser à la partie demanderesse la charge des frais irrépétibles qu’elle a dû exposer pour la défense de ses intérêts et il y aura lieu en conséquence de condamner la société défenderesse à lui payer la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Statuant publiquement, par ordonnance contradictoire, rendue en premier ressort par mise à disposition au greffe le jour du délibéré,
Condamnons la société CMI France à payer à M. [B] [Z] une indemnité provisionnelle de trois mille euros (3 000 €) à valoir sur la réparation de son préjudice moral résultant de l’atteinte au respect dû à sa vie privée par la publication d’un article le concernant et de photographies le représentant dans le n° 1041 du magazine Public du 23 juin 2023,
Condamnons la société CMI France à payer à M. [B] [Z] une indemnité provisionnelle de deux mille euros (2 000 €) à valoir sur la réparation de son préjudice moral résultant de l’atteinte au droit dont il dispose sur son image par la publication de photographies le représentant dans le n° 1041 du magazine Public du 23 juin 2023,
Rejetons la demande d’interdiction de réutilisation des clichés formées par M. [B] [Z],
Condamnons la société CMI France à payer à M. [B] [Z] la somme de deux mille euros (2 000 €) en application de l’article 700 du code de procédure civile,
Rejetons toute demande plus ample ou contraire,
Condamnons la société CMI France aux dépens, dont distraction au profit de Maître Vincent Tolédano,
Rappelons que la présente décision est exécutoire par provision.
FAIT À NANTERRE, le 24 octobre 2024.
LA GREFFIÈRE
Divine KAYOULOUD ROSE, Greffière
LA PRÉSIDENTE
Alix FLEURIET, Vice-présidente