Vie privée et droit à l’image lors des enquêtes judiciaires

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La prise de photographies anthropométriques et le relevé d’empreintes digitales à l’occasion d’une enquête judiciaire ne constituent pas des atteintes au droit au respect de la vie privée, dès lors que ces photographies et relevés sont conservés par les services de police judiciaire et ne servent qu’à leurs enquêtes dans les conditions prévues par la loi.


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Cour de cassation Pourvoi n° 02-10.237

18 décembre 2003

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 14 septembre 2000) et les productions, que des photographies anthropométriques et un relevé des empreintes digitales de M. X… ont été réalisés lors de sa garde à vue, prescrite, le 3 juillet 1997, dans le cadre d’une enquête portant sur des faits d’outrage, dont l’intéressé a été déclaré coupable par la juridiction répressive ; qu’estimant avoir été victime d’une atteinte à la vie privée, M. X… a saisi le président du tribunal de grande instance, statuant en référé, d’une requête tendant à ce que soit ordonnée la destruction de ces photographies et de ce relevé d’empreintes, sur le fondement des article 9 du Code civil et 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

Attendu que M. X… fait grief à l’arrêt d’avoir rejeté sa demande, alors, selon le moyen :

1 ) que, dans ses écritures saisissant valablement la cour d’appel, il insistait sur la circonstance qu’il était constant que les relevés d’empreintes et clichés litigieux étaient toujours conservés au commissariat central de Cannes pour être le cas échéant, comparés aux indices trouvés sur les lieux d’une infraction et présentés aux témoins ou victimes pour identification, et que le fait que le visage de M. X… soit présenté comme celui d’un potentiel malfaiteur et le risque qui s’ensuit d’être considéré comme tel par la rumeur publique, sont constitutifs d’une atteinte grave à la vie privée, justifiant par la même qu’il y soit mis fin dans l’urgence, dès lors qu’elle repose sur des éléments empreints d’illicéité ;

qu’en ne s’exprimant pas sur ce moyen de nature à avoir une incidence sur la solution du litige au regard des articles 9 du Code civil et 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, la cour d’appel méconnaît les exigences de l’article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

2 ) que la finalité attachée à la loi du 27 novembre 1943 et au décret n° 87 du 8 avril 1987, à savoir la prévention des infractions pénales, n’est pas en soi suffisante pour valoir exception absolue, selon la cour d’appel, au principe du respect de la vie privée tel que posé par l’article 9 du Code civil et l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme ; qu’en décidant le contraire par voie d’affirmation, la cour d’appel ne justifie pas légalement son arrêt au regard des dispositions précitées ;

3 ) qu’il insistait sur la circonstance que si le décret du 8 avril 1987 pouvait autoriser le relevé des empreintes digitales, notamment des personnes placées en garde à vue, ainsi que leur enregistrement dans un fichier central automatisé, ces dispositions ne pouvaient avoir pour effet de légaliser des clichés anthropométriques de la personne de M. X…, en sorte que la prise de tels clichés et leur conservation étaient manifestement illicites et de nature à constituer une atteinte à la vie privée ; qu’en jugeant différemment sans retenir cet aspect central de la démonstration, la cour d’appel ne justifie pas légalement son arrêt au regard de l’article 9 du Code civil et de l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

4 ) que l’absence de procès-verbal constatant les investigations menées, le relevé d’empreintes et la prise de clichés photographiques étaient de nature à avoir une incidence sur la demande tendant à voir détruire lesdites empreintes et lesdits clichés ; qu’en décidant le contraire au seul motif que seul le juge du fond avait pouvoir pour s’exprimer quant à ce, la cour d’appel n’exerce pas ses pouvoirs propres et partant viole l’article 12 du nouveau Code de procédure civile, ensemble les règles et principes qui gouvernent l’office du juge des référés, et donc l’article 808 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que la prise de photographies anthropométriques et le relevé d’empreintes digitales à l’occasion d’une enquête judiciaire ne constituent pas des atteintes au droit au respect de la vie privée, dès lors que ces photographies et relevés sont conservés par les services de police judiciaire et ne servent qu’à leurs enquêtes dans les conditions prévues par la loi ; que par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, l’arrêt se trouve légalement justifié ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X… aux dépens ;

Vu l’article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de Mme le Garde des Sceaux, ministre de la Justice ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit décembre deux mille trois.

 


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