Vidésurveillance déclarée à la CNIL : un moyen de preuve recevable
Vidésurveillance déclarée à la CNIL : un moyen de preuve recevable
Ce point juridique est utile ?

Il n’y a pas de violation de la vie privée du salarié pris en faute sur son lieu de travail, si le système de vidéosurveillance parfaitement connu de celui-ci a fait l’objet d’une déclaration régulière à la CNIL avec pour finalité de « sécuriser les biens et les personnes », un « objectif dissuasif et afin d’identifier les auteurs de vols, dégradations et agressions ». Les extraits de vidéosurveillance montrant que seules sont filmées les aires de circulation et non le logement de fonction lui-même.

Constitue une cause réelle de licenciement, le fait de faire pénétrer un tiers dans le bâtiment d’exploitation et le garage de l’employeur dont les photographies montrent notamment la présence à l’intérieur de matières dangereuses présentant outre des risques d’atteinte aux biens, des risques pour les personnes alors que les lieux sont réservés à des professionnels formés.

Résumé de l’affaire

M. [S] [X] a été licencié par la société Kuehne + Nagel road pour avoir fait pénétrer un tiers sur le site de l’entreprise en lui communiquant les codes d’accès et en désactivant l’alarme de sécurité. Il conteste ce licenciement et demande à la cour de revoir la décision du conseil de prud’hommes de Nîmes qui a jugé le licenciement justifié. La société Kuehne + Nagel road maintient que le licenciement était justifié en raison des manquements de M. [S] [X] aux règles de sécurité de l’entreprise. Les deux parties exposent leurs arguments et demandes respectives devant la cour.

Les points essentiels

Sur le licenciement pour cause réelle et sérieuse

Selon l’article L. 1235-1 du code du travail, en cas de litige, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, après avoir ordonné, au besoin toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Si la lettre de licenciement doit énoncer des motifs précis et matériellement vérifiables, l’employeur est en droit, en cas de contestation, d’invoquer toutes les circonstances de fait qui permettent de justifier ce motif.

La lettre de licenciement du 29 mars 2018 est ainsi rédigée :

‘Cette mesure est motivée par les faits suivants :

Les dimanches 18 février et 4 mars 2018, nous avons constaté que vous aviez utilisé, à des fins personnelles, le garage de la société ALMECA, situé dans l’enceinte de l’agence au sein de laquelle vous exercez vos fonctions de Contrôleur Sûreté Régional.

Lors de ces utilisations, pour lesquelles vous n’avez sollicité aucune autorisation de la part de votre responsable hiérarchique, vous étiez accompagné, selon vos propres déclarations ,d’un ami mécanicien.

Ce dernier disposait du code d’ouverture du portail de l’agence, que vous avez reconnu lui avoir donné. Vous avez également mis hors service le système d’alarme de l’agence.

À noter que le dimanche 4 mars 2018, en plus de vous rendre dans le garage vous vous êtes rendus, avec votre ami mécanicien dans votre bureau, qui se trouve dans le bâtiment d’exploitation.

Vous avez également utilisé, à des fins personnelles, le garage ci-dessus mentionné, le week-end des 10 et 11 mars 2018.

Ces faits sont constitutifs de fautes dans l’exécution de votre contrat de travail.

Vous avez enfreint plusieurs dispositions du Règlement intérieur :

‘Article 4 : « Il est expressément défendu au personnel d’effectuer des travaux particuliers personnels ou pour le compte de tiers et d’employer à cet effet des matières, marchandises outillage appartenant à la société, sauf autorisation écrite de la Direction ».

‘Article 6 : «Sous réserve des droits des représentants du personnel et des syndicats, l’accès à l’entreprise et le séjour dans quelque endroit à l’intérieur de son enceinte sont interdits, sans autorisation préalable de la Direction, à toute personne étrangère à l’entreprise et, en particulier, à toute personne faisant pas ou plus parti du personnel ».

‘Article 11 : « chaque membre du personnel doit participer au développement de l’esprit de sécurité ».

Désactiver l’alarme, donner le code d’accès de l’agence à une personne étrangère à l’entreprise, accompagner cette personne au sein de différents bâtiments de notre Société sont des fautes intolérables.

De tels agissements, qui plus est répétés, sont en totale contradiction avec votre mission qui est de contribuer à la protection des biens et des personnes.

Vous avez faits courir à la Société des risques en termes humains et financiers.

En effet, vous auriez pu être, ainsi que votre ami, victime d’un accident dans le garage. En outre, communiquer le code du portail nous expose à des risques d’intrusion.

Chacune de ces hypothèses aurait pu avoir des conséquences extrêmement graves en termes humains et financiers pour la Direction de notre société.

Lors de votre entretien préalable vous avez admis chacun des faits reprochés.

La gravité des fautes commises ne peut que nous conduire à prendre la décision de vous licencier.

Toutefois nous vous notifions un licenciement pour cause réelle et sérieuse, ainsi la mesure de mise à pied conservatoire qui a pris effet le 16 mars 2018 vous sera rémunéréé (…)

Il n’est pas contesté que la société Kuehne + Nagel Road exerce une activité de service pour ses clients qui induit des exigences de sûreté et de sécurité vis-à-vis non seulement des personnes (salariés, tiers amenés à se présenter au sein des agences’) et des biens (transport de biens pour le compte d’une clientèle de professionnels). Il est de même non contesté que l’entreprise est composée d’un service dédié à la sûreté afin de garantir la sûreté des biens propriété de ses clients et des bâtiments, véhicules et matériels de l’entreprise.

Il est reproché à M. [S] [X] d’avoir manqué à ses obligations professionnelles, en tant que collaborateur responsable de la sûreté au sein de l’entreprise, ainsi, de ne pas avoir respecté les procédures de sécurité en ayant fait pénétrer au sein de l’agence un tiers de l’entreprise auquel il avait préalablement communiqué les codes d’accès du site et en ayant désactivé l’alarme de sécurité.

Son contrat de travail (avenant du 1er février 2010) précise qu’il devait sur le site notamment :

– « Respecter les procédures en vigueur (…)

– Répondre aux appels lors du déclenchement des alarmes

– Gérer le fonctionnement de l’alarme et des caméras extérieures

– Etre le garant du respect des consignes de circulation et de stationnement dans l’enceinte des agences ».

Il n’est pas contesté que la sécurité du site était assurée par différents outils placés sous sa responsabilité, en tant que contrôleur sûreté régional, ainsi :

– la nécessité de saisir un digicode confidentiel pour accéder au site

– une vidéosurveillance par l’intermédiaire des caméras avec retranscription des images sur des écrans placés dans son bureau

– une alarme activée par les salariés habilités pendant les heures de fermeture du site et ne devant pas être désactivée par M. [S] [X] sans raison légitime

Il n’est pas contestable non plus que la circulation au sein de l’agence de toute personne étrangère au service était interdite comme cela ressort de la photographie du panneau « Entrée interdite à toute personne étrangère au service » apposé à l’entrée du site alors en outre que la présence de caméras de surveillance était au même endroit rappelée.

L’employeur produit également le règlement intérieur de l’entreprise, régulièrement déposé au greffe du conseil de prud’hommes et adressé à la Dirrecte en janvier 2017, que M. [S] [X] s’est engagé contractuellement à respecter et qui dispose que :

-Article 4 : Matériel ‘ outillage ‘ documents

(…) Il est expressément défendu au personnel d’effectuer des travaux particuliers personnels ou pour le compte de tiers et d’employer à cet effet des matières, marchandises ou outillages appartenant à la Société, sauf autorisation écrite de la Direction »

-Article 6 : Entrées ‘ sorties ‘ accès à l’entreprise »

Sous réserve des droits des représentants du personnel et des syndicats, l’accès à l’entreprise et le séjour dans quelque endroit à l’intérieur de son enceinte sont interdits, sans autorisation préalable de la Direction, à toute personne étrangère à l’entreprise et, en particulier, à toute personne ne faisant pas ou plus partie du personnel.

Un salarié de l’entreprise peut pénétrer dans l’enceinte de l’établissement uniquement pour exécuter son contrat de travail (…) ».

-Article 11 : Dispositions générales

Chaque membre du personnel doit participer au développement de l’esprit de sécurité (…) ».

Il est par ailleurs constant que le site réunit plusieurs bâtiments :

– un bâtiment d’exploitation, où se situe également le bureau de M. [S] [X] et le système de vidéosurveillance

– un garage au sein duquel ont lieu des interventions mécaniques sur les véhicules de transport de l’entreprise.

– le logement de fonction de M. [S] [X]

Il résulte :

-de l’attestation de M. [U] [T], directeur sûreté, qui déclare « le 18/02/2018 et le 04/03/2018, je constate sur les enregistrements vidéo qu’une personne étrangère à l’entreprise pénètre sur le site grâce au digicode. Cette même personne, avec M. [X], se rendent dans le garage ALMECA »

-des captures d’écran réalisées à partir de la vidéosurveillance du site du 18 février 2018

-des captures d’écran réalisées à partir de la vidéosurveillance du site du 4 mars 2018

-de la Clé USB contenant les fichiers de vidéosurveillance du site des 18 février et 4 mars 2018

-de l’historique du système d’alarme,

que les dimanches 18 février et 4 mars 2018 :

-une personne étrangère à l’entreprise a pénétré sur le site grâce au digicode et se rend avec M. [X] dans différents locaux professionnels

-le salarié désactive l’alarme de surveillance du site

Il en ressort ainsi que M. [S] [X] a :

-communiqué le digicode de la porte d’accès au site à un tiers à l’entreprise, alors même

qu’un interphone permettant de sonner directement au domicile du gardien est situé à l’entrée du site comme cela ressort des photographies produites

-mis hors service le système d’alarme de l’agence sans raison légitime

-fait pénétrer un tiers à l’entreprise dans le bâtiment d’exploitation

-fait pénétrer cette personne au sein du garage situé dans l’enceinte du site

M. [S] [X] explique que :

– il n’a pas reconnu lors de l’entretien préalable l’intégralité des faits qui lui étaient reprochés, se contentant d’expliquer de bonne foi l’utilisation de son logement de fonction et sa vie privée le week-end, notamment sa passion mécanique moto qu’il exerce avec un ami mécanicien qui lui rend fréquemment visite,

-il bénéficie d’un logement de fonction sur la base logistique de Gallargues Le Montueux (30) où il a naturellement établi son domicile privé et familial (seul logement de la famille)

-que l’employeur lui reproche de prétendues fautes en dehors de son temps de travail et liées à l’utilisation de son logement de fonction comme domicile personnel et pour l’exercice d’activités privées et extraprofessionnelles

-il a droit au respect de sa vie privée et la société doit justifier que les procédés ayant abouti à récupérer ses éventuelles preuves, respectent son droit à la vie privée, ce qui exclut l’utilisation du dispositif de vidéosurveillance en dehors de son temps de travail et pour l’utilisation, ou se rendre à son logement de fonction

-il est tenu de passer par le portail d’entrée pour se rendre à son logement de fonction

-il est obligatoire d’utiliser le digicode lorsque le logement est vide, la famille n’ayant aucune autre alternative que de communiquer le code du digicode à des membres de leur entourage, ce que la direction savait parfaitement, ainsi par exemple pour s’occuper du chien lors de ses congés ou lorsqu’il avait les mains occupées (comme le jour des faits litigieux)

-s’il est vrai que son ami n’allait pas nourrir son chien, il n’en demeure pas moins que ceci démontre le caractère inconciliable entre le digicode et l’accès à son domicile en l’absence de toute personne dans son logement de fonction

-il n’a fait que faire pénétrer un ami dans son logement

-il lui est reproché d’avoir utilisé le garage de la société Almeca à des fins personnelles alors que cette société n’est pas son employeur, est une entité juridiquement distincte, concernant des agissements soi-disant préjudiciables, en dehors de son temps de travail

-en tout état de cause, les fautes n’empêchaient pas la poursuite de la relation de travail, preuve en est qu’il lui est reproché d’avoir réitéré ses manquements pendant pratiquement un mois, les week-end des 18 février, 4 et 11 mars 2018, pour autant il n’a été mis à pied que le vendredi 16 mars suivant

-la société a voulu se débarrasser d’un salarié de plus de 16 ans d’ancienneté et la sanction est disproportionnée.

Cependant, le fait qu’il n’était pas interdit au salarié de confier à des proches le digicode afin de pouvoir accéder au logement de fonction en son absence, pour des besoins légitimes liés à sa vie privée, notamment pour s’occuper de son chien pendant ses congés ne lui permettait pas de communiquer à un tiers lui rendant visite ce même digicode, alors qu’il était présent et de ce fait, en mesure d’ouvrir le portail via l’interphone, de même qu’à le faire pénétrer, non pas seulement dans le logement de fonction mais dans les locaux professionnels. Ainsi, il ressort des images de vidéosurveillance que, le dimanche 18 février 2018, le véhicule tiers est arrivé à 8h46, que le visiteur utilise le digicode, qu’à 9h14 (heure à laquelle M. [S] [X] met hors service l’alarme), son véhicule quitte la place de parking devant le logement de fonction pour se rendre au garage situé à l’intérieur du site puis qu’il quitte ce même garage et le site à 10h36. Il ressort encore de la vidéosurveillance du 4 mars 2018, qu’un véhicule tiers est arrivé à 9h49, que le visiteur utilise le digicode puis qu’à 9h51, en compagnie de M. [S] [X], il pénètre dans le bâtiment d’exploitation dont ils ressortent tous les deux à 10h08 pour ensuite se rendre chacun avec leur véhicule au garage, dont ils ressortiront à 10h34.

Par ailleurs, il importe peu que le bâtiment constituant le garage appartienne à la société Almeca, dès lors que celui-ci est situé dans l’enceinte de l’agence Kuehne + Nagel Road, pour les besoins de l’activité de cette société qui fait partie au demeurant du groupe Kuehne Nagel, ainsi qu’il ressort de l’extrait Kbis produit. Il s’agit bien d’une partie du lieu de travail de M. [S] [X] et non de la partie correspondant à son logement de fonction.

Il n’est pas contestable non plus que le fait de faire pénétrer un tiers dans le bâtiment d’exploitation et le garage dont les photographies montrent notamment la présence à l’intérieur de matières dangereuses présentent outre des risques d’atteinte aux biens, des risques pour les personnes alors que les lieux sont réservés à des professionnels formés.

M. [S] [X] ne peut soutenir qu’il y aurait une violation de sa vie privée, du seul fait que les faits se sont produits un dimanche, alors qu’ils se rattachent bien à sa vie professionnelle.

Il n’y a pas de violation de sa vie privée, étant relevé que le système de vidéosurveillance parfaitement connu de celui-ci a fait l’objet d’une déclaration régulière à la CNIL avec pour finalité de « sécuriser les biens et les personnes », un « objectif dissuasif et afin d’identifier les auteurs de vols, dégradations et agressions ». Les extraits de vidéosurveillance montrant que seules sont filmées les aires de circulation et non le logement de fonction lui-même.

En outre, M. [S] [X] ne conteste pas avoir, les 10 et 11 mars 2018, utilisé à des fins personnelles le garage susvisé, et avoir procédé à la vidange du véhicule de son épouse.

Enfin, comme le soutient l’employeur, M. [S] [X], du fait de son statut et de ses responsabilités, étant garant de la sécurité et de la sûreté des bâtiments de l’entreprise, devait adopter un comportement exemplaire alors en outre qu’il avait déjà été sanctionné en 2011 pour des manquements à la sûreté sur le site de Gallargues, pour avoir durant ses congés, permis à des invités à son domicile de faire du « gymkhana » avec leur scooter sur les aires de circulation du site. Il lui était alors rappelé les risques d’accident, qu’occupant des lieux, il était responsable des agissements des personnes qu’il recevait et garant du respect des consignes de circulation dans l’enceinte de l’agence. Il lui

Les montants alloués dans cette affaire: – Somme de 2122,01 euros allouée à M. [S] [X] au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement
– Somme de 1500 euros allouée à M. [S] [X] au titre de l’article 700 du code de procédure civile

Réglementation applicable

– Article L. 1235-1 du code du travail
– Article 4 du Règlement intérieur de l’entreprise
– Article 6 du Règlement intérieur de l’entreprise
– Article 11 du Règlement intérieur de l’entreprise
– Article 5 de l’annexe n° 1 de la convention collective des transports routiers
– Article 18 de l’annexe n° 3 de la convention collective des transports routiers

Article L. 1235-1 du code du travail:
En cas de litige, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, après avoir ordonné, au besoin toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Article 4 du Règlement intérieur de l’entreprise:
Il est expressément défendu au personnel d’effectuer des travaux particuliers personnels ou pour le compte de tiers et d’employer à cet effet des matières, marchandises ou outillages appartenant à la Société, sauf autorisation écrite de la Direction.

Article 6 du Règlement intérieur de l’entreprise:
Sous réserve des droits des représentants du personnel et des syndicats, l’accès à l’entreprise et le séjour dans quelque endroit à l’intérieur de son enceinte sont interdits, sans autorisation préalable de la Direction, à toute personne étrangère à l’entreprise et, en particulier, à toute personne ne faisant pas ou plus partie du personnel.

Article 11 du Règlement intérieur de l’entreprise:
Chaque membre du personnel doit participer au développement de l’esprit de sécurité.

Article 5 de l’annexe n° 1 de la convention collective des transports routiers:
Les ouvriers justifiant d’au moins trois années d’ancienneté ininterrompue au service du même employeur ont droit à une indemnité calculée à raison de deux dixièmes de mois par année de présence sur la base de la moyenne des salaires que l’intéressé a ou aurait perçus au cours des trois derniers mois.

Article 18 de l’annexe n° 3 de la convention collective des transports routiers:
Les techniciens ou agents de maîtrise justifiant d’au moins trois années d’ancienneté ininterrompue au service du même employeur ont droit à une indemnité calculée à raison de trois dixièmes de mois par année de présence sur la base du salaire effectif de l’intéressé au moment où il cesse ses fonctions.

Avocats

Bravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier: – Me Marjorie ESTRADE
– Me Suzanne GAL
– Me Charlène PICARD

Mots clefs associés & définitions

– Licenciement
– Motifs
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– Sûreté
– Sécurité
– Vidéosurveillance
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– Motifs: raisons justifiant une décision ou une action
– Fautes: erreurs ou manquements commis par un salarié pouvant entraîner une sanction
– Sûreté: état de sécurité, de protection
– Sécurité: ensemble des mesures prises pour protéger les individus et les biens
– Vidéosurveillance: système de surveillance visuelle à l’aide de caméras
– Vie privée: ensemble des éléments de la vie d’une personne qui ne concernent pas sa vie professionnelle ou publique
– Contrat de travail: accord entre un employeur et un salarié définissant les conditions de travail
– Indemnité de licenciement: somme versée par l’employeur au salarié licencié pour compenser la perte d’emploi
– Dommages et intérêts: réparation financière versée à une personne ayant subi un préjudice

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

30 avril 2024
Cour d’appel de Nîmes
RG n°
21/04150
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 21/04150 – N° Portalis DBVH-V-B7F-IIC3

LR/EB

CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE NIMES

18 octobre 2021

RG :19/00145

[X]

C/

S.A. KUEHNE NAGEL ROAD

Grosse délivrée le 30 avril 2024 à :

– Me

– Me

COUR D’APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

5ème chambre sociale PH

ARRÊT DU 30 AVRIL 2024

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de NIMES en date du 18 Octobre 2021, N°19/00145

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Madame Leila REMILI, Conseillère, a entendu les plaidoiries, en application de l’article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président

Madame Leila REMILI, Conseillère

M. Michel SORIANO, Conseiller

GREFFIER :

Mme Emmanuelle BERGERAS, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision.

DÉBATS :

A l’audience publique du 12 Octobre 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 09 Janvier 2024 prorogé au 30 avril 2024

Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.

APPELANT :

Monsieur [S] [X]

né le 24 Décembre 1973 à [Localité 3]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représenté par Me Marjorie ESTRADE, avocat au barreau de NIMES

INTIMÉE :

S.A. KUEHNE NAGEL ROAD prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Suzanne GAL de la SELAS BRL AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER substituée par Me Charlène PICARD, avocate au barreau de MONTPELLIER

ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 12 Septembre 2023

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 30 avril 2024, par mise à disposition au greffe de la Cour.

FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS :

M. [S] [X] a été engagé à compter du 22 avril 2002, suivant contrat à durée indéterminée, en qualité de concierge par la société transports Alloin puis, à compter de 2009, par la société Kuehne + Nagel road.

Par avenant du 1er février 2010, M. [S] [X] a été promu au poste de contrôleur sûreté régional.

Par courrier du 16 mars 2018, M. [S] [X] a été mis à pied à titre conservatoire et convoqué à un entretien préalable, fixé au 26 mars 2018.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 29 mars 2018, M. [S] [X] a été licencié pour cause réelle et sérieuse par la société Kuehne + Nagel road au motif qu’il n’avait pas respecté les procédures de sécurité en ayant fait pénétrer au sein de l’agence de Gallargues Le Montueux un tiers à l’entreprise auquel il avait préalablement communiqué les codes d’accès du site et en ayant désactivé l’alarme de sécurité ainsi qu’en faisant pénétrer cette personne dans un bâtiment d’exploitation et au sein d’un garage situé dans l’enceinte du site.

Par requête du 12 mars 2019, M. [S] [X] a saisi le conseil de prud’hommes de Nîmes aux fins de voir condamner la société Kuehne + Nagel road au paiement de diverses sommes.

Par jugement du 18 octobre 2021, le conseil de prud’hommes de Nîmes a :

– dit que le licenciement de M. [S] [X] est intervenu pour une cause réelle et sérieuse,

– débouté M. [S] [X] de l’ensemble de ses demandes,

– débouté la société Kuehne + Nagel road de sa demande reconventionnelle au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par acte du 22 novembre 2021, M. [S] [X] a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses dernières conclusions du 12 septembre 2023, M. [S] [X] demande à la cour de :

« INFIRMER le jugement entrepris en ce qu’il a dit que le licenciement de M. [X] était justifié et statuant à nouveau :

-FIXER le salaire moyen mensuel de M. [S] [X] à la somme de 3.789,45 € Bruts par mois.

-DIRE que le licenciement prononcé par la Société KUEHNE + NAGEL ROAD à l’encontre de M. [S] [X] ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse.

-CONDAMNER la Société KUEHNE + NAGEL ROAD à verser à M. [S] [X] la somme de 51.157,57 € nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle

et sérieuse.

-CONDAMNER la Société KUEHNE + NAGEL ROAD à verser à M. [S] [X] la somme de 11.368,35 € nets à titre de dommages et intérêts pour rupture brusque et vexatoire.

-CONDAMNER la Société KUEHNE + NAGEL ROAD à verser à M. [S] [X] la somme de 2.122,01 € nets à titre de reliquat sur l’indemnité conventionnelle de licenciement.

-CONDAMNER la Société KUEHNE + NAGEL ROAD à verser à M. [S] [X] la

somme de 2.500,00 € nets à titre de dommages et intérêts pour cette erreur de calcul de son indemnité de licenciement.

-ORDONNER à la Société KUEHNE + NAGEL ROAD à remettre à M. [S] [X] un bulletin de paie, un solde de tout compte et une attestation POLE EMPLOI conformes à la décision à intervenir sous astreinte de 70 € par jour à compter du huitième jour suivant sa notification.

-CONDAMNER la Société KUEHNE + NAGEL ROAD à verser à M. [S] [X] la somme de 3.600,00 € sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu’à

supporter les entiers dépens d’instance.

M. [S] [X] soutient que :

-le conseil de prud’hommes a commis un déni de justice en s’abstenant de se prononcer sur la demande de rappel d’indemnité de licenciement qu’il avait formulée dans la mesure où elle ne correspond pas au montant prévu par la convention collective

-concernant le licenciement :

-il n’avait pas d’autre choix que de passer par le portail d’accès au site de l’agence pour se rendre à son domicile, de sorte que c’est en toute logique, que lui-même, ou un ami lui rendant visite le week-end, était obligé de passer par le portail d’entrée du site et qu’il a communiqué le code d’entrée lorsque son ami venait nourrir le chien en son absence ou encore lorsqu’il avait les mains prises

-cette pratique était parfaitement connue de l’employeur notamment au travers des caméras de vidéosurveillance et parce qu’il n’avait pas d’autre choix pour se rendre dans son domicile privé

-un simple avertissement ou même une mise à pied disciplinaire aurait été suffisant s’il ne tolérait pas une telle pratique et il s’agit d’un prétexte pour le licencier suite à une réorganisation économique des services du groupe

-en ce qui concerne l’utilisation du garage, il appartient à une société tierce et les agissements reprochés se situent en dehors du temps de travail.

En l’état de ses dernières écritures du 12 avril 2022, la société Kuehne + Nagel road demande de:

« -Confirmer le jugement du Conseil de prud’hommes de Nîmes du 18 octobre 2021 en ce qu’il a :

-Jugé que le licenciement de M. [X] est intervenu pour une cause réelle et sérieuse ;

-Débouté M. [X] de l’ensemble de ses demandes ;

Statuant à nouveau,

-Fixer la rémunération mensuelle de référence de M. [X] à 3.639,29 euros bruts, correspondant aux 12 mois de salaire précédant le licenciement ;

-Juger que M. [X] n’a subi aucun préjudice distinct du licenciement;

-Juger que l’employeur n’a commis aucun manquement à ses obligations.

En conséquence,

-Débouter M. [X] de l’ensemble de ses demandes.

Vu l’article 700 du Code de procédure civile,

-Débouter M. [X] de sa demande d’indemnité ;

-Condamner à titre reconventionnel M. [X] à payer à la société Kuehne + Nagel Road une indemnité de 3.500 €.

La société intimée fait valoir que :

-le contrôle de la circulation des biens et des personnes sur le site était garanti par différents outils sous sa responsabilité (nécessité de saisir un digicode confidentiel pour accéder au site, vidéosurveillance via des caméras avec retranscription des images sur des écrans placés dans son bureau, alarme activée par les salariés habilités pendant les heures de fermeture et ne devant pas être désactivée sans raison légitime)

-ces règles qu’il ne pouvait ignorer en tant que contrôleur sûreté régional étaient précisées par son contrat de travail et le règlement intérieur régulièrement déposé alors en outre que l’interdiction de circulation de toute personne étrangère au service et la présence de caméras étaient rappelées par affichage apposé à l’entrée du site

-or, il résulte des enregistrements de la vidéosurveillance du site et du système d’alarme que les dimanches 18 février et 4 mars 2018, une personne étrangère a pénétré sur le site grâce au digicode, a désactivé l’alarme et s’est rendue avec M. [S] [X] dans différents locaux professionnels

-l’accès à son logement de fonction pouvait se faire en faisant usage de l’interphone sans recourir au digicode

-de plus, les 10 et 11 mars 2018, M. [S] [X] a utilisé à des fins personnelles le garage au sein duquel ont lieu des interventions mécaniques sur les véhicules de transport de l’entreprise

-outre le risque de dégradations ou de vol, le comportement irresponsable de M. [S] [X] fait courir un risque pour les personnes dans la mesure où le matériel et les équipements du garage (fosse, outils mécaniques, matières dangereuses) doivent être réservés à des professionnels formés

-il n’a jamais été reproché à M. [S] [X] d’avoir pu confier à sa famille ou ses proches le digicode permettant d’accéder au logement de fonction en son absence pour des besoins légitimes liés à sa vie privée, en l’espèce, il a été licencié pour avoir communiqué à un tiers le digicode permettant d’accéder à son lieu de travail alors même qu’il était présent et de ce fait en mesure d’ouvrir le portail via l’interphone ainsi que pour avoir fait pénétrer ce tiers sur le lieu de travail

-le fait que le garage appartienne à la société Almeca, qui au demeurant fait partie du groupe, est indifférent dans la caractérisation du manquement du salarié dès lors qu’il est situé au sein de l’enceinte de l’agence Kuehne +Nagel road pour les besoins de son activité

-il y a également des facteurs aggravants : le statut, les responsabilités de M. [S] [X] exigeant un comportement exemplaire et il a déjà fait l’objet de plusieurs sanctions préalables à son licenciement

-le calcul de l’indemnité conventionnelle de licenciement tel qu’effectué par l’appelant est erroné.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures.

MOTIFS

Sur le licenciement pour cause réelle et sérieuse

Selon l’article L. 1235-1 du code du travail, en cas de litige, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, après avoir ordonné, au besoin toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Si la lettre de licenciement doit énoncer des motifs précis et matériellement vérifiables, l’employeur est en droit, en cas de contestation, d’invoquer toutes les circonstances de fait qui permettent de justifier ce motif.

La lettre de licenciement du 29 mars 2018 est ainsi rédigée :

‘Cette mesure est motivée par les faits suivants :

Les dimanches 18 février et 4 mars 2018, nous avons constaté que vous aviez utilisé, à des fins personnelles, le garage de la société ALMECA, situé dans l’enceinte de l’agence au sein de laquelle vous exercez vos fonctions de Contrôleur Sûreté Régional.

Lors de ces utilisations, pour lesquelles vous n’avez sollicité aucune autorisation de la part de votre responsable hiérarchique, vous étiez accompagné, selon vos propres déclarations ,d’un ami mécanicien.

Ce dernier disposait du code d’ouverture du portail de l’agence, que vous avez reconnu lui avoir donné. Vous avez également mis hors service le système d’alarme de l’agence.

À noter que le dimanche 4 mars 2018, en plus de vous rendre dans le garage vous vous êtes rendus, avec votre ami mécanicien dans votre bureau, qui se trouve dans le bâtiment d’exploitation.

Vous avez également utilisé, à des fins personnelles, le garage ci-dessus mentionné, le week-end des 10 et 11 mars 2018.

Ces faits sont constitutifs de fautes dans l’exécution de votre contrat de travail.

Vous avez enfreint plusieurs dispositions du Règlement intérieur :

‘Article 4 : « Il est expressément défendu au personnel d’effectuer des travaux particuliers personnels ou pour le compte de tiers et d’employer à cet effet des matières, marchandises outillage appartenant à la société, sauf autorisation écrite de la Direction ».

‘Article 6 : «Sous réserve des droits des représentants du personnel et des syndicats, l’accès à l’entreprise et le séjour dans quelque endroit à l’intérieur de son enceinte sont interdits, sans autorisation préalable de la Direction, à toute personne étrangère à l’entreprise et, en particulier, à toute personne faisant pas ou plus parti du personnel ».

‘Article 11 : « chaque membre du personnel doit participer au développement de l’esprit de sécurité ».

Désactiver l’alarme, donner le code d’accès de l’agence à une personne étrangère à l’entreprise, accompagner cette personne au sein de différents bâtiments de notre Société sont des fautes intolérables.

De tels agissements, qui plus est répétés, sont en totale contradiction avec votre mission qui est de contribuer à la protection des biens et des personnes .

Vous avez faits courir à la Société des risques en termes humains et financiers.

En effet, vous auriez pu être, ainsi que votre ami, victime d’un accident dans le garage. En outre, communiquer le code du portail nous expose à des risques d’intrusion.

Chacune de ces hypothèses aurait pu avoir des conséquences extrêmement graves en termes humains et financiers pour la Direction de notre société.

Lors de votre entretien préalable vous avez admis chacun des faits reprochés.

La gravité des fautes commises ne peut que nous conduire à prendre la décision de vous licencier.

Toutefois nous vous notifions un licenciement pour cause réelle et sérieuse, ainsi la mesure de mise à pied conservatoire qui a pris effet le 16 mars 2018 vous sera rémunéréé (…) »

Il n’est pas contesté que la société Kuehne + Nagel Road exerce une activité de service pour ses clients qui induit des exigences de sûreté et de sécurité vis-à-vis non seulement des personnes (salariés, tiers amenés à se présenter au sein des agences’) et des biens (transport de biens pour le compte d’une clientèle de professionnels). Il est de même non contesté que l’entreprise est composée d’un service dédié à la sûreté afin de garantir la sûreté des biens propriété de ses clients et des bâtiments, véhicules et matériels de l’entreprise.

Il est reproché à M. [S] [X] d’avoir manqué à ses obligations professionnelles, en tant que collaborateur responsable de la sûreté au sein de l’entreprise, ainsi, de ne pas avoir respecté les procédures de sécurité en ayant fait pénétrer au sein de l’agence un tiers de l’entreprise auquel il avait préalablement communiqué les codes d’accès du site et en ayant désactivé l’alarme de sécurité.

Son contrat de travail (avenant du 1er février 2010) précise qu’il devait sur le site notamment :

– « Respecter les procédures en vigueur (…)

– Répondre aux appels lors du déclenchement des alarmes

– Gérer le fonctionnement de l’alarme et des caméras extérieures

– Etre le garant du respect des consignes de circulation et de stationnement dans l’enceinte des agences ».

Il n’est pas contesté que la sécurité du site était assurée par différents outils placés sous sa responsabilité, en tant que contrôleur sûreté régional, ainsi :

– la nécessité de saisir un digicode confidentiel pour accéder au site

– une vidéosurveillance par l’intermédiaire des caméras avec retranscription des images sur des écrans placés dans son bureau

– une alarme activée par les salariés habilités pendant les heures de fermeture du site et ne devant pas être désactivée par M. [S] [X] sans raison légitime

Il n’est pas contestable non plus que la circulation au sein de l’agence de toute personne étrangère au service était interdite comme cela ressort de la photographie du panneau « Entrée interdite à toute personne étrangère au service » apposé à l’entrée du site alors en outre que la présence de caméras de surveillance était au même endroit rappelée.

L’employeur produit également le règlement intérieur de l’entreprise, régulièrement déposé au greffe du conseil de prud’hommes et adressé à la Dirrecte en janvier 2017, que M. [S] [X] s’est engagé contractuellement à respecter et qui dispose que :

-Article 4 : Matériel ‘ outillage ‘ documents

(…) Il est expressément défendu au personnel d’effectuer des travaux particuliers personnels ou pour le compte de tiers et d’employer à cet effet des matières, marchandises ou outillages appartenant à la Société, sauf autorisation écrite de la Direction »

-Article 6 : Entrées ‘ sorties ‘ accès à l’entreprise »

Sous réserve des droits des représentants du personnel et des syndicats, l’accès à l’entreprise et le séjour dans quelque endroit à l’intérieur de son enceinte sont interdits, sans autorisation préalable de la Direction, à toute personne étrangère à l’entreprise et, en particulier, à toute personne ne faisant pas ou plus partie du personnel.

Un salarié de l’entreprise peut pénétrer dans l’enceinte de l’établissement uniquement pour exécuter son contrat de travail (…) ».

-Article 11 : Dispositions générales

Chaque membre du personnel doit participer au développement de l’esprit de sécurité (…) »

Il est par ailleurs constant que le site réunit plusieurs bâtiments :

– un bâtiment d’exploitation, où se situe également le bureau de M. [S] [X] et le système de vidéosurveillance

– un garage au sein duquel ont lieu des interventions mécaniques sur les véhicules de

transport de l’entreprise.

– le logement de fonction de M. [S] [X]

Il résulte :

-de l’attestation de M. [U] [T], directeur sûreté, qui déclare « le 18/02/2018 et le 04/03/2018, je constate sur les enregistrements vidéo qu’une personne étrangère à l’entreprise pénètre sur le site grâce au digicode. Cette même personne, avec M. [X], se rendent dans le garage ALMECA »

-des captures d’écran réalisées à partir de la vidéosurveillance du site du 18 février 2018

-des captures d’écran réalisées à partir de la vidéosurveillance du site du 4 mars 2018

-de la Clé USB contenant les fichiers de vidéosurveillance du site des 18 février et 4 mars 2018

-de l’historique du système d’alarme,

que les dimanches 18 février et 4 mars 2018 :

-une personne étrangère à l’entreprise a pénétré sur le site grâce au digicode et se rend avec M. [X] dans différents locaux professionnels

-le salarié désactive l’alarme de surveillance du site

Il en ressort ainsi que M. [S] [X] a :

-communiqué le digicode de la porte d’accès au site à un tiers à l’entreprise, alors même

qu’un interphone permettant de sonner directement au domicile du gardien est situé à l’entrée du site comme cela ressort des photographies produites

-mis hors service le système d’alarme de l’agence sans raison légitime

-fait pénétrer un tiers à l’entreprise dans le bâtiment d’exploitation

-fait pénétrer cette personne au sein du garage situé dans l’enceinte du site

M. [S] [X] explique que :

– il n’a pas reconnu lors de l’entretien préalable l’intégralité des faits qui lui étaient reprochés, se contentant d’expliquer de bonne foi l’utilisation de son logement de fonction et sa vie privée le week-end, notamment sa passion mécanique moto qu’il exerce avec un ami mécanicien qui lui rend fréquemment visite,

-il bénéficie d’un logement de fonction sur la base logistique de Gallargues Le Montueux (30) où il a naturellement établi son domicile privé et familial (seul logement de la famille)

-que l’employeur lui reproche de prétendues fautes en dehors de son temps de travail et liées à l’utilisation de son logement de fonction comme domicile personnel et pour l’exercice d’activités privées et extraprofessionnelles

-il a droit au respect de sa vie privée et la société doit justifier que les procédés ayant abouti à récupérer ses éventuelles preuves, respectent son droit à la vie privée, ce qui exclut l’utilisation du dispositif de vidéosurveillance en dehors de son temps de travail et pour l’utilisation, ou se rendre à son logement de fonction

-il est tenu de passer par le portail d’entrée pour se rendre à son logement de fonction

-il est obligatoire d’utiliser le digicode lorsque le logement est vide, la famille n’ayant aucune autre alternative que de communiquer le code du digicode à des membres de leur entourage, ce que la direction savait parfaitement, ainsi par exemple pour s’occuper du chien lors de ses congés ou lorsqu’il avait les mains occupées (comme le jour des faits litigieux)

-s’il est vrai que son ami n’allait pas nourrir son chien, il n’en demeure pas moins que ceci démontre le caractère inconciliable entre le digicode et l’accès à son domicile en l’absence de toute personne dans son logement de fonction

-il n’a fait que faire pénétrer un ami dans son logement

-il lui est reproché d’avoir utilisé le garage de la société Almeca à des fins personnelles alors que cette société n’est pas son employeur, est une entité juridiquement distincte, concernant des agissements soi-disant préjudiciables, en dehors de son temps de travail

-en tout état de cause, les fautes n’empêchaient pas la poursuite de la relation de travail, preuve en est qu’il lui est reproché d’avoir réitéré ses manquements pendant pratiquement un mois, les week-end des 18 février, 4 et 11 mars 2018, pour autant il n’a été mis à pied que le vendredi 16 mars suivant

-la société a voulu se débarrasser d’un salarié de plus de 16 ans d’ancienneté et la sanction est disproportionnée.

Cependant, le fait qu’il n’était pas interdit au salarié de confier à des proches le digicode afin de pouvoir accéder au logement de fonction en son absence, pour des besoins légitimes liés à sa vie privée, notamment pour s’occuper de son chien pendant ses congés ne lui permettait pas de communiquer à un tiers lui rendant visite ce même digicode, alors qu’il était présent et de ce fait, en mesure d’ouvrir le portail via l’interphone, de même qu’à le faire pénétrer, non pas seulement dans le logement de fonction mais dans les locaux professionnels. Ainsi, il ressort des images de vidéosurveillance que, le dimanche 18 février 2018, le véhicule tiers est arrivé à 8h46, que le visiteur utilise le digicode, qu’à 9h14 (heure à laquelle M. [S] [X] met hors service l’alarme), son véhicule quitte la place de parking devant le logement de fonction pour se rendre au garage situé à l’intérieur du site puis qu’il quitte ce même garage et le site à 10h36. Il ressort encore de la vidéosurveillance du 4 mars 2018, qu’un véhicule tiers est arrivé à 9h49, que le visiteur utilise le digicode puis qu’à 9h51, en compagnie de M. [S] [X], il pénètre dans le bâtiment d’exploitation dont ils ressortent tous les deux à 10h08 pour ensuite se rendre chacun avec leur véhicule au garage, dont ils ressortiront à 10h34.

Par ailleurs, il importe peu que le bâtiment constituant le garage appartienne à la société Almeca, dès lors que celui-ci est situé dans l’enceinte de l’agence Kuehne + Nagel Road, pour les besoins de l’activité de cette société qui fait partie au demeurant du groupe Kuehne Nagel, ainsi qu’il ressort de l’extrait Kbis produit. Il s’agit bien d’une partie du lieu de travail de M. [S] [X] et non de la partie correspondant à son logement de fonction.

Il n’est pas contestable non plus que le fait de faire pénétrer un tiers dans le bâtiment d’exploitation et le garage dont les photographies montrent notamment la présence à l’intérieur de matières dangereuses présentent outre des risques d’atteinte aux biens, des risques pour les personnes alors que les lieux sont réservés à des professionnels formés.

M. [S] [X] ne peut soutenir qu’il y aurait une violation de sa vie privée, du seul fait que les faits se sont produits un dimanche, alors qu’ils se rattachent bien à sa vie professionnelle.

Il n’y a pas de violation de sa vie privée, étant relevé que le système de vidéosurveillance parfaitement connu de celui-ci a fait l’objet d’une déclaration régulière à la CNIL avec pour finalité de « sécuriser les biens et les personnes », un « objectif dissuasif et afin d’identifier les auteurs de vols, dégradations et agressions ». Les extraits de vidéosurveillance montrant que seules sont filmées les aires de circulation et non le logement de fonction lui-même.

En outre, M. [S] [X] ne conteste pas avoir, les 10 et 11 mars 2018, utilisé à des fins personnelles le garage susvisé, et avoir procédé à la vidange du véhicule de son épouse.

Enfin, comme le soutient l’employeur, M. [S] [X], du fait de son statut et de ses responsabilités, étant garant de la sécurité et de la sûreté des bâtiments de l’entreprise, devait adopter un comportement exemplaire alors en outre qu’il avait déjà été sanctionné en 2011 pour des manquements à la sûreté sur le site de Gallargues, pour avoir durant ses congés, permis à des invités à son domicile de faire du « gymkhana » avec leur scooter sur les aires de circulation du site. Il lui était alors rappelé les risques d’accident, qu’occupant des lieux, il était responsable des agissements des personnes qu’il recevait et garant du respect des consignes de circulation dans l’enceinte de l’agence. Il lui était également indiqué, comme ultérieurement lors d’un avertissement reçu le 23 août 2013 pour avoir tenu des propos racistes à l’encontre d’un agent de quai, que des sanctions plus graves pourraient être envisagées en cas de nouveaux écarts de conduite.

Les fautes reprochées, répétées lors de plusieurs week-end successifs justifiaient le licenciement pour cause réelle et sérieuse, rien ne permettant de confirmer que M. [S] [X] aurait été licencié pour un motif économique, ce qui ne saurait résulter du fait qu’il y aurait eu une réorganisation des services régionaux de sécurité, les documents produits par l’employeur montrant en tout état de cause qu’il a été remplacé par des collègues.

Il convient donc, par ces motifs ajoutés, de confirmer le jugement en ce qu’il a dit que le licenciement est intervenu pour une cause réelle et sérieuse.

Sur les demandes indemnitaires

Le licenciement étant prononcé pour une cause réelle et sérieuse, la demande de dommages et intérêts pour absence de cause réelle et sérieuse ne peut qu’être rejetée.

Si la demande de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire est recevable même en cas de licenciement pour cause réelle et sérieuse, les circonstances de celui-ci ne sont ni brutales, ni vexatoires, au regard des faits reprochés, étant relevé que le salarié a été régulièrement convoqué le 16 mars 2018 à un entretien fixé le 26 mars, mis préalablement à pied à titre conservatoire tout en étant rémunéré puis licencié le 29 mars 2018.

S’agissant de l’indemnité conventionnelle de licenciement, M. [S] [X] réclame un reliquat de 2122,01 euros.

Les parties s’opposent sur le montant du salaire de référence et sur les modalités de calcul de l’indemnité, l’employeur prétendant qu’elle doit être déterminée, selon la convention collective applicable, en fonction de l’ancienneté dans les différents statuts du salarié et ce dernier soutenant qu’il convient de se référer au statut au jour de la rupture du contrat de travail (soit celui de « Techniciens et agents de maîtrise ») .

Si la convention collective prévoit un montant d’indemnité conventionnelle de licenciement propre à chaque catégorie professionnelle, il convient, sauf disposition contraire, de retenir celle prévue pour la catégorie à laquelle le salarié appartient au moment de la rupture en prenant en compte la totalité de son ancienneté dans l’entreprise (Cass. soc., 28 mai 2013, n° 12-14.083).

Il en est autrement si la convention collective prévoit un montant d’indemnité en fonction de la durée de chaque période de travail dans chacune des catégories occupées.

L’employeur fait référence à :

-l’article 5 de l’annexe n° 1 – Ouvriers du 25 juillet 1951 de la convention collective des transports routiers qui prévoit une indemnité conventionnelle de licenciement calculée comme suit :

« les ouvriers justifiant d’au moins trois années d’ancienneté ininterrompue au service du

même employeur : indemnité calculée à raison de deux dixièmes de mois par année de présence sur la base de la moyenne des salaires que l’intéressé a ou aurait perçus au cours

des trois derniers mois ».

-l’article 18 de l’annexe n° 3 – Techniciens et agents de maîtrise du 30 mars 1951 de la convention collective susvisée qui prévoit une indemnité conventionnelle de licenciement calculée comme suit :

« Technicien ou agent de maîtrise justifiant d’au moins trois années d’ancienneté ininterrompue au service du même employeur : indemnité calculée à raison de trois dixièmes

de mois par année de présence sur la base du salaire effectif de l’intéressé au moment où il cesse ses fonctions ».

Mais, contrairement à ce que prétend l’employeur, le seul fait que la convention collective prévoit un indemnité différente en fonction du statut n’impose pas un calcul au prorata temporis des différents statuts. Il fait ici référence à un arrêt de la Cour de cassation (Cass. soc., 14 déc. 2016, n° 15-16.131). Toutefois, dans cette espèce, si l’indemnité conventionnelle de licenciement a été calculée en fonction de la durée de chaque période de travail respectivement en qualité d’Etam puis de cadre, la convention collective applicable prévoyait de procéder à un calcul en fonction de l’ancienneté acquise par catégorie.

Or, la convention collective des transports ne prévoit pas une disposition similaire, de sorte qu’il convient de se référer à l’indemnité conventionnelle qui correspond au statut du salarié au jour de la rupture du contrat.

Par ailleurs, M. [S] [X] soutient que le salaire mensuel s’établit à :

2.574,90 € Bruts de Base + 275,87 € Bruts d’heures supplémentaires + 242,98 € Bruts

d’avantage en nature véhicule + 62,72 € Bruts de prime d’assiduité + 516,32 € Bruts avantage en nature logement + 116,66 € Bruts (Prime annuelle 1.400,00 € / 12) = 3789,45 €

La société Kuehne + Nagel Road réplique que le calcul effectué est nécessairement erroné puisqu’il se réfère à des bulletins de paie allant de janvier 2016 à novembre 2017, alors même que le salarié a quitté l’entreprise en 2018, de sorte que son salaire de référence doit être calculé sur les salaires perçus en 2017/2018 (12 ou 3 derniers mois, selon la formule la plus avantageuse), soit :

– 3.639,29 euros sur les 12 derniers mois précédant le licenciement

– 3.369,86 euros sur les 3 derniers mois précédant le licenciement

Toutefois et alors que l’intimée ne produit elle-même aucun des bulletins de salaire correspondant à ces périodes, si l’article R. 1234-4 du code du travail prévoit effectivement ces formules, l’article 18 précité de l’annexe 3 de la convention collective dispose que l’indemnité est calculée à raison de trois dixièmes de mois par année de présence « sur la base du salaire effectif de l’intéressé au moment où il cesse ses fonctions », lequel s’élève bien à 3789,45 euros, comme cela ressort du dernier bulletin de salaire et du solde de tout compte.

M. [S] [X] est dès lors en droit de prétendre à une indemnité licenciement à hauteur de :

3789,45 euros x 3/10 x (16 + 1/12) = 18 284,10 euros

Le solde de tout compte fait état d’un versement de seulement 16 162,09 euros (14 648,14 euros + 1513,95 euros), de sorte qu’un reliquat de 2122,01 euros est dû à M. [S] [X] (18284,10 euros – 16162,09 euros).

Il sera rappelé que la cour n’a pas à prononcer une condamnation « nets», l’indemnité de licenciement fixée par la loi ou la convention collective est exonérée d’impôt sur le revenu et est exclue de l’assiette des cotisations de sécurité sociale, dans la limite de 2 PASS depuis 2022.

Le jugement sera en conséquence ici infirmé.

Il n’y a pas lieu de faire droit à la demande de dommages et intérêts pour l’erreur de calcul de l’indemnité de licenciement, M. [S] [X] ne démontrant aucun préjudice distinct du simple retard de paiement.

Sur les demandes accessoires et les dépens

Il sera ordonné la délivrance d’un bulletin de paie, d’un solde de tout compte et d’une attestation France travail (anciennement Pôle emploi) dans les termes du dispositif du présent arrêt. Il n’y a pas lieu de prononcer une astreinte.

Les dépens d’appel seront laissés à la charge de la société Kuehne + Nagel Road et l’équité, au regard de la situation respective des parties, justifie d’accorder à M. [S] [X] la somme de 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Par arrêt contradictoire, rendu publiquement en dernier ressort

-Confirme le jugement rendu le 18 octobre 2021 par le conseil de prud’hommes de Nîmes sauf en ce qu’il a débouté M. [S] [X] de sa demande de reliquat d’indemnité conventionnelle de licenciement,

-Et statuant à nouveau de ce seul chef infirmé,

-Condamne la société Kuehne + Nagel Road à payer à M. [S] [X] la somme de 2122,01 euros au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement,

-Dit que cette créance salariale allouée à M. [S] [X] est assortie d’intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la société Kuehne + Nagel Road de la convocation devant le bureau de conciliation,

-Ordonne la délivrance par la société Kuehne + Nagel Road d’un bulletin de paie, d’un solde de tout compte et d’une attestation France travail (anciennement Pôle emploi) rectifiés conformément au présent arrêt dans les deux mois de sa notification,

-Condamne la société Kuehne + Nagel Road à payer à M. [S] [X] la somme de 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

-Rejette le surplus des demandes,

-Condamne la société Kuehne + Nagel Road aux dépens de l’appel.

Arrêt signé par le président et par le greffier.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


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