Vidéosurveillance illicite : la preuve reste admissible
Vidéosurveillance illicite : la preuve reste admissible
Ce point juridique est utile ?

Pour établir la matérialité d’un vol par un salarié, une société a versé avec succès aux débats un enregistrement de vidéo surveillance dont le salarié a pourtant réussi a contesté la licéité et le caractère loyal.

Vidéosurveillance : les principes applicables

En application de l’article L.1222-4 du code du travail, aucune information concernant personnellement un salarié ne peut être collectée par un dispositif qui n’a pas été porté préalablement à sa connaissance.

Ainsi, si l’employeur a le droit de contrôler et de surveiller l’activité de ses salariés pendant le temps de travail, il ne peut être autorisé à utiliser comme mode de preuve les enregistrements d’un système de vidéosurveillance spécialement installé pour contrôler leur activité sans qu’ils en aient été préalablement informés de l’existence.

De plus, la vidéosurveillance ne peut avoir pour finalité de contrôler constamment l’activité des salariés, la mise en place d’une caméra dans un but de surveillance excessive des salariés est attentatoire à leur vie privée, aux droits des personnes et aux libertés individuelles.

Preuve illicite : l’exception admise

L’employeur a versé aux débats une note de service par laquelle il informe le personnel de la mise en place d’un système de vidéo surveillance sur le site, en particulier afin de protéger le parking camions.

Cependant, il ressort des éléments produits que la caméra qui a filmé les faits n’est pas située au niveau du parking camion mais au sein de l’entrepôt à partir duquel sont chargées et déchargées les palettes de marchandises.

En outre, l’employeur ne justifie pas avoir consulté les représentants du personnel justifiant uniquement d’une information délivrée à ces derniers.

Enfin, l’employeur ne justitifie pas d’une déclaration à la CNIL.

Il en résulte que les preuves recueillies par le biais de la vidéosurveillance sont de ce seul fait illicites.

Le caractère équitable de la procédure

Toutefois, l’illicéité d’un moyen de preuve n’entraîne pas nécessairement son rejet des débats, le juge devant apprécier si l’utilisation de cette preuve a porté atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit au respect de la vie personnelle du salarié et le droit à la preuve, lequel peut justifier la production d’éléments portant atteinte à la vie personnelle d’un salarié à la condition que cette production soit indispensable à l’exercice de ce droit et que l’atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi.

Au cas d’espèce, l’atteinte au droit à la vie privée du salarié était limitée dans la mesure où sa personne est vue ponctuellement et où, travaillant seul lors d’une partie de ses missions, l’employeur qui fait légitimement état de risques de vols de la marchandise au sein des entrepôts n’avait pas d’autre moyen de contrôler certaines parties de l’activité.

En conséquence, la production de l’enregistrement litigieux était indispensable à l’exercice par la société de son droit à la preuve et strictement proportionnée au but poursuivi et ne doit pas être écartée des débats.


N° RG 21/03496 – N° Portalis DBV2-V-B7F-I34Z





COUR D’APPEL DE ROUEN



CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE



ARRET DU 07 SEPTEMBRE 2023











DÉCISION DÉFÉRÉE :





Jugement du CONSEIL DE PRUD’HOMMES DE ROUEN du 23 Juillet 2021





APPELANT :





Monsieur [Z] [C]

[Adresse 1]

[Localité 3]



représenté par Me Aurélie BLOQUET, avocat au barreau de ROUEN substitué par Me Clara FIZET, avocat au barreau de ROUEN





(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/011207 du 22/11/2021 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de Rouen)







INTIMEE :





SAS DELICE ET CREATION DISTRIBUTION aciennement dénommée Société DGF DISTRIBUTION

[Adresse 6]

[Adresse 6]

[Localité 4]



représentée par Me Jean-Bernard MICHEL de la SELARL ELLIPSE AVOCATS LYON, avocat au barreau de LYON substituée par Me Suzy CAILLAT, avocat au barreau de LYON

























COMPOSITION DE LA COUR  :





En application des dispositions de l’article 805 du Code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 31 Mai 2023 sans opposition des parties devant Madame BIDEAULT, Présidente, magistrat chargé du rapport.



Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :



Madame BIDEAULT, Présidente

Madame POUGET, Conseillère

Madame DE BRIER, Conseillère





GREFFIER LORS DES DEBATS :





Mme DUBUC, Greffière





DEBATS :





A l’audience publique du 31 Mai 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 07 Septembre 2023





ARRET :





CONTRADICTOIRE



Prononcé le 07 Septembre 2023, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,



signé par Madame BIDEAULT, Présidente et par Mme WERNER, Greffière.

Exposé du litige








EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE



La société DGF Distribution aux droits de laquelle vient désormais la société Délice et Création Distribution (la société ou l’employeur) a pour activité principale la distribution de produits et matières premières haut de gamme pour les professionnels des métiers de bouche.

Elle emploie plus de 50 salariés et applique la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire.



M. [C] (le salarié) a été embauché en qualité de magasinier niveau 2 et chauffeur poids lourd aux termes d’un contrat de travail à durée déterminée du 6 octobre 2003 au 30 avril 2004 par la société Sodipra.

A compter du 1er mai 2004, il a été embauché aux mêmes fonctions dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée.



Par avenant en date du 14 septembre 2005, le salarié a été promu au poste de chauffeur livreur de niveau 2 à compter du 1er septembre 2005.



Par l’effet de la fusion entre la société Sodipra et la société DGF Distribution, le contrat de travail du salarié a été transféré à compter du 1er décembre 2016 à la société DGF Distribution.



M. [C] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 8 janvier 2018 par lettre du 29 décembre précédent, mis à pied à titre conservatoire puis licencié pour faute grave par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 11 janvier 2018 motivée comme suit :



‘ Par courrier du 29 décembre 2017, nous vous avons convoqué à un entretien préalable en vue d’un éventuel licenciement devant se tenir le 8 janvier 2018, dans les locaux de la société DGF Distribution- Etablissement Normandie situés [Adresse 2], à [Localité 5] à 10 heures avec Monsieur [B] [N] (directeur d’établissement).



Au cours de cet entretien vous avez été en mesure de présenter vos explications et d’entendre nos motifs.

Vos explications n’ont pas modifié notre appréciation au sujet des faits qui vous sont reprochés.



Vous occupiez, en dernier lieu, le poste de chauffeur-livreur.



Nous vous informons donc de notre décision de mettre fin à votre contrat de travail et des motifs qui nous conduisent à prendre la décision de vous signifier par la présente votre licenciement pour faute grave.



En effet en date du vendredi 15 décembre 2017, lors du chargement de votre camion, vous avez dérobé 6 cartons de viennoiseries destinés à notre client [K].

La valorisation de ces 6 cartons est 305,10€HT 321,88€TTC.

Ces cartons étaient positionnés sur la palette d’un de vos collègues dans l’entrepôt.



Les caméras vidéo présentes sur le site à des fins de sécurité et exigées par notre assurance ont enregistré cela.



Après vérification, aucun bon de commande ou bon de préparation n’a été fait ou demandé par vous-même, comme l’exige la procédure, aucun règlement n’a été fait le jour même comme l’exige également la procédure pour les achats de marchandises à titre personnel.

Comme le stipule le règlement intérieur: ‘Il est interdit d’emporter même pour un jour seulement des objets ou marchandises appartenant à l’entreprise, sauf accord expresse du responsable hiérarchique’.

Nous considérons donc cet enlèvement de marchandise comme du vol.



Lors de notre entretien du 8 janvier 2018, vous m’avez confirmé le vol de ces 6 cartons et leur revente à un client, pour 100 euros en espèces.



Votre attitude entache gravement et de façon définitive la confiance que l’entreprise a placé à votre égard et en votre capacité à occuper vos fonctions et vos responsabilités.

La gravité des faits empêche immédiatement et de façon irrévocable la poursuite de notre collaboration sans préjudice pour l’entreprise.



En conséquence, nous vous notifons par la présente, votre licenciement pour faute grave, sans préavos, ni indemnité de licenciement.

La période de mise à pied conservatoire, qui vous a été notifiée et qui a débuté le 30 décembre 2017, ne vous sera pas rémunérée.

Votre licenciement prend donc effet immédiatement dès la notification de la présente. (…)’



Contestant la légitimité de son licenciement et estimant ne pas avoir été rempli de ses droits au titre de l’exécution et de la rupture de son contrat de travail, M. [C] a saisi le 6 juin 2018 le conseil de prud’hommes de Rouen.



Par jugement rendu en formation de départage le 23 juillet 2021, le conseil de prud’hommes a :



– condamné la société à verser au salarié les sommes suivantes :




6 010 euros brut de prime de tournée,

18,18 euros brut à titre de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires pour le mois de décembre 2017,

521,25 euros brut de rappel de salaire au titre des acomptes,




– déclaré recevable la preuve tirée de l’enregistrement de la vidéosurveillance de l’entreprise,



– dit le licenciement du salarié fondé sur une cause réelle et sérieuse,



– débouté le salarié de ses demandes fondées sur l’absence de cause réelle et sérieuse du licenciement,



– condamné la société à verser au salarié la somme de 2 500 euros de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral résultant de l’atteinte à son image,



– ordonné à la société de remettre au salarié les documents de fin de contrat conformes à la décision,



– condamné la société à verser au salarié la somme de 1 200 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,



– condamné la société aux entiers dépens.



M.[C] a interjeté appel le 1er septembre 2021 à l’encontre de cette décision.



La société a constitué avocat par voie électronique le 7 septembre 2021.

Moyens




Par dernières conclusions enregistrées au greffe et notifiées par voie électronique le 31 mai 2023, le salarié appelant sollicite l’infirmation partielle du jugement entrepris et demande à la cour, statuant à nouveau de :



– rabattre l’ordonnance de clôture,



– rejeter des débats la preuve tirée de l’enregistrement de vidéo surveillance,



– déclarer son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,



– condamner la société à lui verser les sommes suivantes :




699,82 euros à titre de rappel de salaire afférent à la mise à pied conservatoire du 1er au 12 janvier 2018 outre 69,98 euros au titre des congés payés,

4 218,12 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis outre 421,81 euros au titre des congés payés afférents,

8 260,48 euros à titre d’indemnité légale de licenciement,

25 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (12 mois de salaire),




– condamner la société à lui verser son salaire du mois de décembre 2017 soit :




1 808 euros au titre du rappel de salaire de base,

286,53 euros à titre de rappel d’heures supplémentaires à 25 %,

29,50 euros à titre de rappel d’heures supplémentaires à 50 %,

781 euros à titre de rappel d’heures de nuit,

290,50 euros au titre des congés payés y afférents,




– condamner la société à lui restituer la somme de 2 021,25 euros à titre de retenue indue sur salaire,



– confirmer le jugement déféré pour le surplus,



– condamner la société à lui verser une somme de 3000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et la condamner aux entiers dépens.



Par dernières conclusions enregistrées au greffe et notifiées par voie électronique le 24 janvier 2022 la société intimée, appelante incidente, réfutant les moyens et l’argumentation de la partie appelante, sollicite pour sa part la confirmation de la décision déférée en ce qu’elle a jugé le licenciement pour faute grave justifié, en ce qu’elle a débouté le salarié de ses demandes en lien avec la rupture du contrat de travail et son infirmation pour le suplus, demandant à la cour de débouter l’appelant de l’intégralité de ses demandes, de le condamner à lui verser une indemnité de procédure de 2 500 euros et de le condamner aux entiers dépens.



L’ordonnance de clôture en date du 11 mai 2023 a renvoyé l’affaire pour être plaidée à l’audience du 31 mai 2023.



Il est expressément renvoyé pour l’exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en cause d’appel aux écritures des parties.

Motivation




MOTIFS DE LA DÉCISION



1/ Sur la révocation de l’ordonnance de clôture



Le salarié indique avoir été informé le 30 mai 2023 du changement de dénomination sociale de la société et sollicite, dans l’intérêt d’une bonne administation de la justice, au visa de l’article 802 du code de procédure civile, la révocation de l’ordonnance de clôture.



L’employeur ne s’y oppose pas.



Au vu de l’accord des parties exprimé à l’audience, il est d’une bonne administration de la justice de révoquer l’ordonnance de clôture en date du 11 mai 2023, d’en reporter les effets au 31 mai 2023 et de déclarer recevables les conclusions signifiées par voie électronique par le salarié le 31 mai 2023.



2/ Sur la demande de rappel des primes de tournées



Le salarié sollicite la confirmation du jugement entrepris en ce qu’il a fait droit à sa demande de rappel de primes de tournées.

Il indique qu’aux termes de son contrat de travail une prime de tournée de 10 euros était contractuellement prévue ; qu’à la lecture de ses bulletins de salaire il est constant que cette prime a cessé de lui être versée.

Au cours des trois dernières années précédant la rupture de son contrat de travail, il soutient avoir effectué 601 tournées et revendique en conséquence un rappel de primes de tournée à hauteur de 6 010 euros.

Il conteste l’argumentation de l’employeur selon laquelle cette prime aurait été remplacée par un autre système à compter du 31 mars 2010 aux motifs d’une part que l’employeur ne pouvait modifier une disposition contractuelle sans avoir recueilli son accord express et, d’autre part, que cette prime n’avait pas le même objet que la prime qualité instaurée en mars 2010 puisque cette nouvelle prime visait à l’indemniser pour la qualité de son travail alors que la précédente visait à compenser le caractère contraignant de la tournée, soutenant qu’en tout état de cause le nouveau système n’était pas forcément plus avantageux.



La société conclut à l’infirmation du jugement entrepris de ce chef.

Elle indique que la prime a été remplacée depuis 2010 par un système de rémunération lié aux fonctions et plus particulièrement à la réalisation des tournées, ce système étant plus avantageux dans la mesure où les chauffeurs pouvaient percevoir une prime de qualité de 300 euros par mois.

En outre, elle précise que la prime de fonction était intégrée au salaire fixe.

L’employeur rappelle qu’un salarié ne peut cumuler des avantages qui ont le même objet et la même cause, expose que la prime introduite le 31 mars 2010 vient récompenser le respect de quatre critères lors de chaque tournée effectuée par le salarié : absence d’accident, tenue, outillage, absence d’infraction à la législation du transport et qu’elle a en conséquence le même objet que la prime initiale.



Sur ce ;



L’employeur ne peut modifier sans l’accord du salarié le montant de la rémunération contractuellement définie, qu’il s’agisse du salaire de base, des commissions ou des avantages en nature.

Les primes contractuellement définies font partie intégrante de la rémunération du salarié et leur modification requiert l’accord exprès du salarié.



En l’espèce, l’article 2 de l’avenant du contrat de travail du salarié du 14 septembre 2005 stipule ‘En contrepartie de l’accomplissement de ses fonctions, [Z] [C] percevra une rémunération mensuelle brute de 1 500 euros pour 151,67 heures mensuelles de travail. Lui seront également versées mensuellement une prime ‘de qualité’ fixée par le comité de direction ainsi qu’une prime de 10 euros par tournée.’



L’employeur ne conteste pas l’absence de versement de la prime de 10 euros par tournée depuis le 31 mars 2010.



S’il soutient que cette prime a été remplacée par un autre système de rémunération, il ne justifie pas de l’accord exprès du salarié.

En outre, la cour observe que, contrairement aux allégations de l’employeur, la prime de 10 euros par tournée contractuellement convenue ne fait pas référence à des critères de qualité, cette prime apparaissant destinée à compenser uniquement le caractère contraignant des tournées.



En conséquence, par confirmation du jugement entrepris, il doit être fait droit à la demande formée par le salarié.



3/ Sur la demande de rappel de salaire de décembre 2017



Le salarié soutient ne pas avoir perçu son salaire pour le mois de décembre 2017. Il indique qu’au sein de la société les salaires sont réglés à terme échu, que le salaire de novembre a été versé en décembre et qu’il aurait dû percevoir le salaire de décembre en janvier 2018, son bulletin de paie mentionnant un salaire de base de 0 euro.



L’employeur conclut au débouté de la demande indiquant que le salaire du mois N est toujours versé sur la paie du mois N, que le bulletin de salaire de décembre 2017 fait apparaître l’intégralité du salaire fixe et la prime qualité correspondant au mois, que le salarié a été rempli de ses droits.



Sur ce ;



En application de l’article 1353 du code civil et de l’article L 3243-3 du code du travail, la preuve du paiement du salaire incombe à l’employeur.



En l’espèce, il ressort des éléments du dossier qu’au cours du mois de décembre 2017, le salarié a travaillé jusqu’au 30 décembre, date à compter de laquelle il a été mis à pied à titre conservatoire.



Il ressort des pièces produites par l’employeur que si un décalage de paie existe concernant les heures supplémentaires et les heures de nuit, il apparaît que le salaire de base est réglé chaque mois conformément aux bulletins de paie.



Si le salarié soutient que le salaire versé en décembre 2017 aurait dû figurer sur la feuille de paie de janvier 2018, il ne verse aux débats aucun élément corroborrant ses allégations.



Au regard de ces éléments, par confirmation du jugement entrepris, il est jugé que le salarié a été rempli de ses droits au titre de son salaire de décembre 2017.



4/ Sur la demande de rappel des heures supplémentaires et heures de nuit



Le salarié soutient ne pas avoir été intégralement rempli de ses droits au titre des heures supplémentaires et heures de nuit effectuées en décembre 2017.







L’employeur conclut au débouté de la demande. Il précise que les heures supplémentaires et heures de nuit sont réglées en décalage. Il indique que le bulletin de paie de décembre 2017 porte mention des heures supplémentaires et heures de nuit relatives à la période comprise entre le 30 octobre et le 16 décembre 2017 et que le bulletin de paie de janvier 2018 porte mention des heures de nuit effectuées entre le 18 décembre et le 29 décembre 2017, dernier jour effectivement travaillé de M. [C].



Sur ce ;



Aux termes de l’article L 3171-4 du code du travail en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail effectuées, l’employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.



Il résulte des dispositions de l’article L. 3171-2 al. 1, de l’article L. 3171-3 et de l’article L. 3171-4 précité, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.



En l’espèce, au soutien de sa demande, le salarié produit l’édition de ses badgeages desquels il ressort qu’il a effectué :



– au cours de la semaine du 25 au 30 décembre 9h48 de nuit,

– au cours de la semaine du 18 au 23 décembre 12h17 de nuit, 8h supplémentaires à 25 % et 0,37 heures supplémentaires à 50 %;

– au cours de la semaine du 11 au 16 décembre 17h06 de nuit, 8h supplémentaires à 25 % et 1.28 heures supplémentaires à 50 %;

– au cours de la semaine du 4 au 9 décembre 13h49 de nuit, 3h23 supplémentaires à 25 %;

– le 1er décembre 2017 2h40 de nuit.



Il présente une demande suffisamment étayée.



En réponse, l’employeur justifie du paiement de 22h08 de nuit pour un montant de 52,64 euros et de 7,38 heures supplémentaires pour un montant de 109,97 euros pour la période comprise entre le 18 décembre et le 29 décembre 2017.

Il justifie du paiement, pour la période comprise entre le 30 octobre et le 16 décembre 2017 de :

– 851,59 euros correspondant à 57,15 heures supplémentaires majorées à 25 %,

– 163,35 euros correspondant à 68,52 heures de nuit.







Il résulte de la confrontation de ces éléments avec ceux versés par le salarié, sans qu’il soit nécessaire d’une mesure d’instruction et comme justement relevé par les premiers juges, que l’employeur demeure redevable de la somme de 18,18 euros de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires pour le mois de décembre 2017.



Le jugement entrepris est confirmé de ce chef.



5/ Sur la demande de rappels d’acomptes



Le salarié conteste avoir perçu les acomptes mentionnés sur ses bulletins de salaire et certifiés par l’attestation de la comptable de la société, à l’exception de la somme de 450 euros perçue en décembre 2017.

Il considère que l’employeur a injustement retenu ces sommes de ses salaires, verse aux débats ses relevés de compte afin d’établir qu’il n’a jamais perçu ces sommes.

Il ne conteste pas l’existence d’une convention d’avance sur salaire conclue avec son employeur le 15 septembre 2015 mais considère, qu’après déduction de ces sommes, la société demeure redevable à son encontre de la somme de 2 021,25 euros.

En dernier lieu, il reconnaît l’existence d’une demande directe de paiement de pensions alimentaires à compter du 24 novembre 2015 pour un montant de 425 euros par mois pendant 12 mois puis 300 euros par mois au-delà mais relève que l’attestation comptable distingue bien les saisies et les acomptes et que les ‘oppositions’ sont parfaitement établies sur ses bulletins de paie.

Il verse aux débats l’attestation de Mme [H], responsable du personnel, reprenant la liste des acomptes versés et des saisies arrêts pratiquées.



L’employeur observe en premier lieu que si le salarié sollicitait la somme de 2 471,25 euros devant les premiers juges, il a réduit sa demande devant la cour à la somme de 2 021,25 euros.

L’employeur indique que le salarié a perçu divers acomptes entre mars 2015 et décembre 2017 répartis comme suit :

– 800 euros versés en mars 2015 et déduit de son salaire de juin 2015,

– 800 euros versés en juillet 2015 et déduit de son salaire de décembre 2015,

– 300 euros versés en octobre 2016 et déduit de son salaire d’octobre 2016,

– 450 euros versés en octobre 2017 et déduit de son salaire de décembre 2017,

– 221,25 euros versés en décembre 2017 et déduit de son salaire de janvier 2018.

Il précise en outre que le salarié a sollicité et obtenu une avance sur salaire de 2 500 euros en septembre 2015, qu’un échéancier de remboursement de 200 euros a été convenu, la dernière échéance devant intervenir en septembre 2016.

Il expose que M. [C] n’ayant pas honoré ses remboursements et ayant sollicité un décalage de paiement, les retenues ont été opérées aux dates suivantes :

– 700 euros en juin 2016,

– 700 euros en décembre 2016,

– 5X180 euros de juillet à novembre 2017

– 200 euros en décembre 2017.

La société verse aux débats les ordres de virements relatifs aux acomptes, ses relevés bancaires ainsi que la convention d’avance sur salaire.



Sur ce ;



En application de l’article 1353 du code civil et de l’article L 3243-3 du code du travail, la preuve du paiement du salaire incombe à l’employeur.



Il ressort des éléments produits que le salarié opère une confusion entre les acomptes perçus et les acomptes déduits de son salaire. Ainsi, à titre d’exemple, il soutient ne pas avoir perçu l’acompte de 700 euros mentionné sur son bulletin de paie de juin 2016, cet acompte n’étant pas versé en juin 2016 mais déduit de son salaire comme un acompte précédemment perçu.



En outre les sommes de 180 euros analysées par le salarié comme des acomptes apparaissent à ce titre en ce que dernier n’a pas honoré ses échéances relatives à la convention d’avance sur salaire.



L’employeur justifie avoir effectué les versements au titre des acomptes en mars, juillet 2015, en octobre 2016, en octobre 2017 et décembre 2017.



Si le salarié soutient ne pas avoir perçu l’intégralité des acomptes, il ne soutient pas ne pas avoir été intégralement rempli de ses droits au titre de ses salaires, l’employeur justifiant avoir procédé à leurs réglements.



En conséquence, par infirmation du jugement entrepris, le salarié est débouté de sa demande.



6/ Sur le licenciement



Le salarié soutient que la sanction prononcée par l’employeur est disproportionnée au regard des faits reprochés.

En outre, il considère illicite le seul moyen de preuve retenu par l’employeur à savoir l’enregistrement de la caméra de vidéo surveillance. Il affirme que ce dispositif de contrôle mis en place ne respecte pas les dispositions de l’article L 1121-1 du code du travail, que l’employeur ne justifie pas des formalités de déclaration à la CNIL dans la mesure où la caméra filme un lieu privé et non un lieu accessible au public. Il indique que l’employeur n’a pas davantage consulté les représentants du personnel et affirme qu’aucun panneau d’affichage visible n’indiquait la présence de caméras au sein de l’entreprise.

Le salarié considère que les images issues de cet enregistrement constituent un mode de preuve illicite et déloyale et qu’elles devront être écartées des débats.



L’employeur soutient que la matérialité des faits est établie. Il indique que la mise en place du système de vidéo surveillance a été précédée d’une information du personnel par note de service, que des affiches mentionnaient la présence de caméras, qu’en conséquence cette information était suffisante, même s’il ne peut justifier d’une déclaration effectuée auprès de la CNIL.

En tout état de cause, il rappelle qu’une preuve illicite peut être déclarée recevable lorsqu’elle est indispensable à l’exercice du droit à la preuve et que l’atteinte à la vie privée du salarié n’est pas disproportionnée au but recherché.

.

L’employeur précise en outre que le salarié a reconnu lors de l’entretien préalable avoir volé et revendu la marchandise.



Sur ce ;



Pour satisfaire à l’exigence de motivation posée par l’article L.1232-6 du code du travail, la lettre de licenciement doit comporter l’énoncé de faits précis et contrôlables.



La faute grave s’entend d’une faute d’une particulière gravité ayant pour conséquence d’interdire le maintien du salarié dans l’entreprise même pendant la durée limitée du préavis.



La preuve des faits constitutifs de faute grave incombe à l’employeur et à lui seul et il appartient au juge du contrat de travail d’apprécier au vu des éléments de preuve figurant au dossier si les faits invoqués dans la lettre de licenciement sont établis, imputables au salarié, et s’ils ont revêtu un caractère de gravité suffisant pour justifier l’éviction immédiate du salarié de l’entreprise.



En l’espèce, l’employeur reproche au salarié un vol de cartons de viennoiseries.

Pour établir la matérialité des faits, la société verse aux débats un enregistrement de vidéo surveillance dont le salarié conteste la licéité et le caractère loyal.



La cour rappelle qu’en application de l’article L.1222-4 du code du travail, aucune information concernant personnellement un salarié ne peut être collectée par un dispositif qui n’a pas été porté préalablement à sa connaissance. Ainsi, si l’employeur a le droit de contrôler et de surveiller l’activité de ses salariés pendant le temps de travail, il ne peut être autorisé à utiliser comme mode de preuve les enregistrements d’un système de vidéosurveillance spécialement installé pour contrôler leur activité sans qu’ils en aient été préalablement informés de l’existence. De plus, la vidéosurveillance ne peut avoir pour finalité de contrôler constamment l’activité des salariés, la mise en place d’une caméra dans un but de surveillance excessive des salariés est attentatoire à leur vie privée, aux droits des personnes et aux libertés individuelles.



En l’espèce, l’employeur verse aux débats une note de service du 5 mai 2008 par laquelle il informe le personnel de la mise en place d’un système de vidéo surveillance sur le site, en particulier afin de protéger le parking camions.



Cependant, il ressort des éléments produits que la caméra qui a filmé les faits n’est pas située au niveau du parking camion mais au sein de l’entrepôt à partir duquel sont chargées et déchargées les palettes de marchandises.

En outre, l’employeur ne justifie pas avoir consulté les représentants du personnel justifiant uniquement d’une information délivrée à ces derniers.

Enfin, l’employeur ne justitifie pas d’une déclaration à la CNIL.



Il en résulte que les preuves recueillies par le biais de la vidéosurveillance sont de ce seul fait illicites.







Toutefois, l’illicéité d’un moyen de preuve n’entraîne pas nécessairement son rejet des débats, le juge devant apprécier si l’utilisation de cette preuve a porté atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit au respect de la vie personnelle du salarié et le droit à la preuve, lequel peut justifier la production d’éléments portant atteinte à la vie personnelle d’un salarié à la condition que cette production soit indispensable à l’exercice de ce droit et que l’atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi.



Au cas d’espèce, l’atteinte au droit à la vie privée du salarié est limitée dans la mesure où sa personne est vue ponctuellement et où, travaillant seul lors d’une partie de ses missions, l’employeur qui fait légitimement état de risques de vols de la marchandise au sein des entrepôts n’avait pas d’autre moyen de contrôler certaines parties de l’activité. En conséquence, la production de l’enregistrement litigieux était indispensable à l’exercice par la société de son droit à la preuve et strictement proportionnée au but poursuivi et ne doit pas être écartée des débats.



Il ressort de cet enregistrement que le salarié est aperçu chargeant sur sa palette des marchandises se trouvant sur une autre palette.



M. [N], directeur de filiale et M. [P], responsable logistique, attestent de leur présence lors de l’entretien préalable au licenciement, certifient que postérieurement au visionnage de la vidéo, M. [C] a reconnu avoir dérobé les cartons de viennoiseries pour les revendre à un client pour la somme de 100 euros.



Au vu de ces éléments, la cour considère que l’employeur établit la matérialité des faits reprochés au salarié.



M. [C] soutient le caractère excessif du licenciement prononcé au regard d’une part de la valeur modique des produits dérobés et, d’autre part, de son ancienneté au sein de l’entreprise de plus de 14 ans.



Il ressort cependant des éléments du dossier que le salarié a commis un vol au détriment de son employeur, qu’il a revendu les marchandises.



Au regard des fonctions exercées par le salarié, de son ancienneté dans l’entreprise, de la confiance inhérente à toute relation de travail, ces faits ont revêtu un caractère de gravité suffisant pour justifier l’éviction immédiate du salarié de l’entreprise.



La cour juge en conséquence légitime le licenciement pour faute grave prononcé.



Le jugement entrepris ayant dit le licenciement justifié par une cause réelle et sérieuse, il y a lieu de l’infirmer de ce chef.



Le salarié doit par conséquent être débouté de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement illégitime ainsi que de ses prétentions relatives aux indemnités de rupture.













7/ Sur la demande de dommages et intérêts pour préjudice distinct



M. [C] soutient que l’employeur a porté atteinte à son image en affichant le motif de son licenciement dans les locaux de la société à une date à laquelle il n’était pas encore informé de son congédiement, la note étant datée du 11 janvier 2018, date de son courrier de licenciement qu’il n’a reçu que le 12 janvier 2018.

Il considère ce procédé vexatoire et requiert la confirmation du jugement entrepris qui a condamné son ancien employeur au paiement de la somme de 2 500 euros à titre de dommages et intérêts.

L’employeur conclut à l’infirmation du jugement entrepris de ce chef.

Il considère que le salarié ne démontre pas le caractère vexatoire de la note de service affichée et qu’il ne justifie pas de son préjudice.



Sur ce ;



Le salarié peut réclamer la réparation d’un préjudice particulier lié au caractère abusif et vexatoire de la procédure de licenciement.

Il lui appartient d’établir à cet égard un comportement fautif de l’employeur.



En l’espèce, il n’est pas contesté que l’employeur a affiché dans les locaux de la société une note de service datée du 11 janvier 2018 libellée comme suit : ‘Pour votre information, j’ai procédé au licenciement de Mr [Z] [C] pour faute grave ce jour.’



S’il s’évince de la lecture de cette note que l’employeur n’a pas fait état du motif de la rupture, il est établi qu’il a procédé à cet affichage à une date à laquelle le salarié n’avait pas encore connaissance de son licenciement puisque le courrier de congédiement daté du 11 janvier 2018 n’a été réceptionné par ses soins que le 12 janvier 2018.



Le fait que les collègues du salarié aient été prévenus de son licenciement pour faute grave avant même qu’il n’en soit informé constitue une faute de la part de l’employeur qui a causé un préjudice à M. [C].



En conséquence, par infirmation du jugement entrepris, la société sera condamnée à verser au salarié en réparation de son préjudice la somme de 1 000 euros.



8/ Sur les frais irrépétibles et les dépens



Chacune des parties succombant partiellement en ses prétentions conservera la charge de ses dépens de première instance et d’appel.



Le salarié est bénéficiaire de l’aide juridictionnelle totale et ne justifie pas des frais irrépétibles demeurés à sa charge. En conséquence, le jugement entrepris, qui a condamné la société au paiement d’une indemnité de procédure est infirmé de ce chef.



Au regard des situations respectives des parties, il n’est pas inéquitable de dire que chacune des parties conservera la charge de ses frais irrépétibles.






Dispositif

PAR CES MOTIFS



LA COUR



Statuant contradictoirement et en dernier ressort ;



Révoque l’ordonnance de clôture du 11 mai 2023 et en reporte les effets au jour des débats ;



Infirme le jugement du conseil de prud’hommes de Rouen du 23 juillet 2021 sauf en ce qu’il a condamné la société à verser au salarié la somme de 18,18 euros à titre de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires de décembre 2017, la somme de 6 010 euros au titre des primes de tournées, en ce qu’il a déclaré recevable la preuve tirée de l’enregistrement de la vidéo surveillance de l’entreprise, en ce qu’il a débouté le salarié de ses demandes de dommages et intérêts pour licenciement illégitime et de ses demandes au titre des indemnités de rupture ;



Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :



Juge le licenciement de M. [Z] [C] justifié par une faute grave ;



Condamne la société Délice et Création Distribution à verser à M. [Z] [C] la somme suivante :




1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire avec intérêts au taux légal à compter du jugement du conseil de prud’hommes ;




Déboute M. [Z] [C] de sa demande de rappel de salaire au titre des acomptes ;



Déboute les parties de leurs demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile pour l’ensemble de la procédure ;



Rejette toute autre demande ;



Dit que chacune des parties conservera la charge de ses dépens de première instance et d’appel.



La greffière La présidente


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