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L’utilisation abusive et/ou détournée de caméras de vidéosurveillance peut être un indice sérieux de harcèlement moral.
En l’occurrence l’existence de faits de harcèlement moral étant caractérisée et la société ayant méconnu les dispositions de prévention des risques liés au harcèlement, ces dirigeants les ayant exercé eux mêmes, la salariée justifiant d’un préjudice spécifique et distinct pour chacun d’eux, résultant de l’altération de son état de santé consécutive aux agissements de harcèlement moral dont elle a fait l’objet durant plusieurs années ainsi que cela résulte des nombreux éléments factuels et médicaux versés aux débats, la cour lui accorde une somme de 10 000 euros à titre de dommages intérêts pour le harcèlement et 2 000 euros au titre d’absence de respect de l’obligation de prévention, et ce par infirmation du jugement. Pour rappel, l’installation de caméra de vidéo surveillance doit faire l’objet d’une déclaration préalable auprès de la CNIL et que, si elles peuvent être installées au niveau des entrées et sorties des bâtiments, des issues de secours et des voies de circulation ou filmer les zones où de la marchandise ou des biens de valeur sont entreposés, elles ne doivent pas filmer les employés sur leur poste de travail, les zones de pause ou de repos, ni les toilettes. Par ailleurs, si les caméras filment un lieu ouvert au public, tel est le cas d’un restaurant, le dispositif doit être autorisé par le préfet du département et faire l’objet d’une information et d’une consultation des instances représentatives du personnel, étant rappelé que l’entreprise emploie plus de onze salariés. Or la cour relève que la société ne justifie ni de l’autorisation préfectorale ni d’une consultation d’un CSE. Enfin, le libellé de la clause contractuelle du contrat de travail est non conforme aux dispositions légales interdisant de filmer les postes de travail des salariés, car ainsi libellée : ‘nous serons amener à améliorer le système de surveillance, notamment par le biais de la vidéo surveillance, qui pourra s’effectuer dans les zones de passage ou à surveiller, ce qui peut englober des postes de travail, notamment en salle et en cuisiné. En outre, la société qui reconnaît avoir procéder à la surveillance de la salariée par le système de vidéo, jusqu’à son arrêt de travail, ne peut valablement soutenir l’inexistence d’une surveillance ‘personnaliséé. La surveillance ‘illicité revendiquée par la société constitue un manquement grave qui a eu pour effet de dégrader les conditions de travail et d’altérer la santé physique et mentale de la salariée ainsi qu’il en résulte des éléments médicaux versés aux débats. |
→ Résumé de l’affaireMadame [G] a été embauchée en tant que serveuse puis responsable de salle par la SNC l’Arc de Triomphe. Elle a été placée en arrêt maladie et a déposé une plainte pour harcèlement moral. Suite à une prise d’acte de rupture de son contrat de travail, elle a saisi le conseil des prud’hommes de Paris, qui l’a déboutée de ses demandes. En appel, elle demande la reconnaissance d’un licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse, ainsi que diverses indemnités. La société l’Arc de Triomphe demande la confirmation du jugement initial, sauf en ce qui concerne une indemnité de préavis. L’affaire est en attente de délibéré après une audience en février 2024.
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→ Les points essentielsSur la révocation de l’ordonnance de clôtureLa société l’Arc de Triomphe demande la révocation de l’ordonnance de clôture, mais la cour constate l’absence de cause grave justifiant cette révocation. Les ajouts dans les conclusions ne modifient pas les demandes initiales de la demanderesse. Sur la prise d’acte de la rupture du contrat de travailMme [G] soutient avoir été victime de plusieurs manquements de la part de la société, justifiant sa prise d’acte de la rupture du contrat de travail. La cour reconnaît l’existence de faits de harcèlement moral et de déloyauté dans l’exécution du contrat de travail, accordant des dommages-intérêts à la salariée. Sur l’existence d’un harcèlement et d’un non-respect de l’obligation de préventionMme [G] présente des éléments laissant supposer l’existence d’un harcèlement moral. La société n’a pas su prouver que ces agissements n’étaient pas constitutifs de harcèlement. La cour reconnaît l’existence de faits de harcèlement et de non-respect de l’obligation de prévention, accordant des dommages-intérêts à la salariée. Sur l’exécution déloyale du contrat de travailLa cour constate des manquements de la société dans l’exécution du contrat de travail de Mme [G], notamment en ce qui concerne le paiement des pourboires et le contrôle des horaires de travail. La société est condamnée à verser des dommages-intérêts à la salariée. Sur la requalification de la prise d’acte en licenciement nulLa cour requalifie la prise d’acte de la rupture en licenciement nul, en raison des faits de harcèlement subis par la salariée. La société est condamnée à verser des indemnités pour licenciement nul à Mme [G]. Sur les conséquences de la nullité du licenciementEn raison de la nullité du licenciement, la salariée est en droit de réclamer des indemnités pour licenciement nul, une indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents. La société est condamnée à verser ces sommes à Mme [G]. Les montants alloués dans cette affaire: – Indemnité pour licenciement nul : 25 000 euros
– Indemnité compensatrice de préavis : 4 956 euros – Indemnité compensatrice de congés payés afférents : 495,60 euros – Reliquat d’indemnité de congés payés : 586,72 euros – Dommages intérêts pour impossibilité d’établir le temps de travail : 1 000 euros – Dommages intérêts pour absence de formation : 1 000 euros – Dommages intérêts pour perte des droits sociaux : 3 000 euros – Dommages intérêts pour exécution déloyale : 3 000 euros – Dommages intérêts pour harcèlement moral : 10 000 euros – Dommages intérêts pour atteinte à l’obligation de sécurité de santé : 2 000 euros – Somme au titre de l’article 700 du code de procédure civile : 2 500 euros |
→ Réglementation applicable– Code de procédure civile
– Code du travail Article 803 du code de procédure civile: Articles L.1231-1, L.1237-2 et L.1235-1 du code du travail: Article L. 1152-1 du code du travail: Article L 3244-1 du code du travail: |
→ AvocatsBravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier: – Me Claude-marc BENOIT, avocat au barreau de PARIS
– Me Stéphane LAUBEUF, avocat au barreau de PARIS |
→ Mots clefs associés & définitions– révocation de l’ordonnance de clôture
– prise d’acte de la rupture du contrat de travail – harcèlement moral – non respect de l’obligation de prévention – exécution déloyale du contrat de travail – pourboires – contrôle des horaires de travail – requalification de la prise d’acte en licenciement nul – conséquences de la nullité du licenciement – indemnités de rupture – Révocation de l’ordonnance de clôture : annulation de la décision de clôture d’une affaire par le tribunal.
– Prise d’acte de la rupture du contrat de travail : décision unilatérale du salarié de considérer son contrat de travail comme rompu en raison de manquements de l’employeur. – Harcèlement moral : ensemble de comportements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié. – Non respect de l’obligation de prévention : manquement de l’employeur à son devoir de prévenir les risques professionnels pour la santé et la sécurité des salariés. – Exécution déloyale du contrat de travail : comportement de l’employeur ou du salarié allant à l’encontre des règles de loyauté et de bonne foi dans l’exécution du contrat de travail. – Pourboires : sommes d’argent données en plus du prix de la prestation de service, généralement remises au personnel en contact direct avec la clientèle. – Contrôle des horaires de travail : vérification par l’employeur du respect des horaires de travail par les salariés. – Requalification de la prise d’acte en licenciement nul : transformation de la prise d’acte de la rupture du contrat de travail en licenciement nul par décision du juge. – Conséquences de la nullité du licenciement : réintégration du salarié dans l’entreprise et versement d’indemnités pour compenser le préjudice subi. – Indemnités de rupture : sommes versées au salarié en cas de rupture du contrat de travail, notamment en cas de licenciement ou de démission. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
délivrées le :
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 3
ARRET DU 24 AVRIL 2024
(n° , 2 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/01657 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDFT6
Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Novembre 2020 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS
APPELANTE
Madame [E] [H] [G]
Née le 17 janvier 1991
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Claude-marc BENOIT, avocat au barreau de PARIS, toque : C1953
INTIMEE
S.N.C. L’ARC DE TRIOMPHE, prise en la personne de son représentant légal
N° SIRET : 572 195 220
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Stéphane LAUBEUF, avocat au barreau de PARIS, toque : P0083
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 28 Février 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. Didier MALINOSKY, magistrat honoraire exerçant des fonctions, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Fabienne ROUGE, présidente
Anne MENARD, présidente
Didier MALINOSKY, magistrat honoraire exerçant des fonctions judiciaires
Greffier, lors des débats : Madame Laetitia PRADIGNAC
ARRET :
-Contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Fabienne ROUGE, présidente et par Laetitia PRADIGNAC, Greffière, présent lors de la mise à disposition.
Madame [E] [H] [G] a été embauchée selon un contrat à durée indéterminée en date du 1er février 2010 par la SNC l’Arc de Triomphe, exploitant sous l’enseigne ‘Comptoir de l’Arc’, en qualité de serveuse, puis de responsable de salle, niveau II, échelon 2 de la convention collective nationale des Hôtels, Cafés, Restaurants et pour une rémunération mensuelle brute de base de 2 789,78 euros et un horaire mensuel conventionnel de 169 heures.
Sa rémunération brute moyenne mensuelle, calculée sur les trois derniers mois complets, est de 3 463,04 euros.
A compter du 17 janvier 2019, Mme [G] a été placée en arrêt maladie et, le même jour, elle a déposé une plainte contre MM [U] [R] et [Z] [L], responsables du restaurant pour des faits de harcèlement moral survenus entre le 26 août 2014 et le 16 janvier 2019.
Par courrier recommandé avec accuse de réception du 14 mai 2020, Mme [G] prend acte de la rupture de son contrat de travail aux motifs de faits de harcèlement.
Par courrier recommandé avec accusé de réception du 29 juin 2020, la société transmet à Mme [G] les documents de fin de contrat.
Par acte du 30 juin 2020, Mme [G] saisit le conseil des prud’hommes de Paris qui, par jugement du 12 novembre 2020, a :
– Débouté Mme [G] [E] [H] de l’ensemble de ses demandes.
– Débouté la Snc l’Arc de Triomphe, exploitant sous l’enseigne ‘Comptoir de l’Arc’ de ses demandes reconventionnelles.
– Condamné Mme [G] [E] [H] aux dépens d’instance.
Par acte du 8 février 2021, Mme [G] a interjeté appel au jugement.
EXPOSE DES PRETENTIONS DES PARTIES
Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 7 janvier 2024, Mme [G] demande à la cour de :
– Infirmer le jugement entrepris,
– Dire et juger que la prise d’acte de rupture produit les effets d’un licenciement nul, et subsidiairement sans cause réelle et sérieuse ;
Par conséquent,
– Condamner la société l’Arc de Triomphe au paiement des sommes suivantes :
– 2 478,00 euros à titre d’indemnité pour non respect de la procédure ; – 37 170,00 euros à titre de dommages intérêts pour licenciement nul.
Subsidiairement,
– 37 170,00 euros à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse ;
– 4 956,00 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis ;
– 495,60 euros au titre des congés payés sur préavis afférents ;
En tout état de cause,
– Condamner la société l’Arc de Triomphe aux paiements des sommes suivantes :
– 586,72 euros à titre de reliquat de congés payés ;
– 14 860,00 euros au titre de l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé ;
– 36 538,37 euros à titre de dommages intérêts pour harcèlement moral ;
– 7 434,00 euros à titre de dommages intérêts pour exécution déloyale ;
– 4 956,00 euros à titre de dommages intérêts pour impossibilité d’établir le temps de travail ;
– 29 736,00 euros à titre de dommages intérêts pour atteinte à l’obligation de sécurité de santé ;
– 2 478,00 euros à titre de dommages intérêts pour absence de formation ;
– 20 000,00 euros de dommages intérêts pour perte des droits sociaux ;
– 3 000,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Avec intérêts au taux légal et leur capitalisation.
– Ordonner la remise des documents sociaux rectifiés sous astreinte de 50 euros par jour à compter du jugement à intervenir ;
– Ordonner le remboursement à France Travail des allocations versées au maximum des six mois légaux.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 21 juin 2024, la société l’Arc de Triomphe demande à la cour de :
– Confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Paris le 12 novembre 2020, sauf en ce qu’il a débouté la Snc l’Arc de Triomphe de sa demande d’indemnité de préavis;
Infirmant le jugement de ce seul chef et statuant à nouveau :
– Condamner Mme [G] à verser à la Snc l’Arc de Triomphe la somme de 4 956 euros à titre d’indemnité de préavis ;
Y ajoutant :
– Condamner Mme [G] à verser à la Snc l’Arc de Triomphe la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Condamner la même aux entiers dépens.
La clôture a été prononcée le 30 janvier 2024.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 23 février 2024, la société l’Arc de Triomphe demande à la cour de :
– Révoquer l’ordonnance de clôture du 30 janvier 2024 ;
– Fixer la clôture à la date d’ouverture des débats ;
– Confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Paris le 12 novembre 2020, sauf en ce qu’il a débouté la SNC l’Arc de Triomphe de sa demande d’indemnité de préavis;
Infirmant le jugement de ce seul chef et statuant à nouveau :
– Condamner Mme [G] à verser à la Snc l’Arc de Triomphe la somme de 4.956 € à titre d’indemnité de préavis ;
Y ajoutant :
– Condamner Mme [G] à verser à la Snc l’Arc de Triomphe la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Condamner la même aux entiers dépens.
L’affaire a été examinée à l’audience du 28 février 2024 à l’issue de laquelle elle a été mise en délibéré.
Sur la révocation de l’ordonnance de clôture
La société soutient que les dernières conclusions de l’intimée, en date du 8 janvier 2024, étaient tardives et ne lui ont pas permis de répondre.
Elle fait valoir sa demande du 8 janvier 2024 de report de la clôture, initialement prévue le 9 janvier, et l’absence de notification du report de clôture au 31 janvier 2024.
La société sollicite la révocation de l’ordonnance de clôture du 30 janvier et la fixation de celle-ci au jour de l’audience.
Sur ce,
L’article 803 du code de procédure civile dispose que ‘l’ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s’il se révèle une cause grave depuis qu’elle a été rendue ; la constitution d’avocat postérieurement à la clôture ne constitue pas, en soi, une cause de révocation.
Si une demande en intervention volontaire est formée après la clôture de l’instruction, l’ordonnance de clôture n’est révoquée que si le tribunal ne peut immédiatement statuer sur le tout.
L’ordonnance de clôture peut être révoquée, d’office ou à la demande des parties, soit par ordonnance motivée du juge de la mise en état, soit, après l’ouverture des débats, par décision du tribunal.
L’ordonnance de clôture peut également être révoquée, après recueil de l’avis des parties, afin de permettre au juge de la mise en état, conformément à l’article 785, de décider de la convocation des parties à une audience de règlement amiable selon les modalités prévues aux articles 774-1 à 774-4’.
En l’espèce, la cour relève que la société appelante sollicite la révocation de l’ordonnance de clôture, consécutivement à sa demande de report du 8 janvier 2024 et au report du 30 janvier 2024, aux motifs d’une réponse qu’elle juge nécessaire à la communication, de conclusions et de pièces par la salariée du 7 janvier 2024.
Cependant, la cour relève que les ajouts dans les conclusions comme la production de pièces concernent, d’une part, la situation professionnelle de la demanderesse fin 2023 et, d’autre part, trois attestations complémentaires, sans modification des demandes de cette dernière ni de ses moyens de droits.
Ainsi, à défaut de justifier d’une cause grave imposant une révocation de l’ordonnance de clôture, la société l’Arc de Triomphe sera déboutée de sa demande de révocation de l’ordonnance de clôture, peu important qu’elle ait, déjà, été reportée au 30 janvier 2024.
Sur la prise d’acte de la rupture du contrat de travail
Mme [G] soutient que la société l’Arc de Triomphe a commis plusieurs manquements justifiant une prise d’acte de la rupture de son contrat. Elle évoque un refus d’établir des bulletins de paie conformes dont l’absence de notification de ses congés payés, un refus de réponse à sa demande de formation en BTS ‘hôtellerie restauration’ par VAE, une désactivation de son badge d’accès à la caisse centrale, ou d’un non respect de son temps de travail et de repos, de faits de harcèlement téléphonique outre des consignes données aux autres salariés de ne plus lui parler.
Elle fait valoir aussi l’utilisation de la vidéo surveillance pour contrôler son travail et la surveiller et l’absence de paiement des pourboires, du paiement d’une quotité de son salaire sous forme de liquidités, sommes non apparentes sur les bulletins de salaire.
Elle soutient que l’ensemble de ses faits est constitutif, d’une part, de faits de harcèlement et, d’autre part, d’une déloyauté dans l’exécution de son contrat de travail justifiant sa prise d’acte.
La société l’Arc de triomphe soutient que la prise d’acte de Mme [G] doit s’analyser en une démission. Elle fait valoir l’absence de tout comportement de harcèlement, un temps de travail et une rémunération conforme à son contrat de travail outre une exécution loyale du contrat de travail, tant sur le décompte de ses heures travaillées que sur le paiement des pourboires.
La société soutient, par ailleurs, que Mme [G] a commis de nombreux manquements dans l’exécution de son contrat, en particulier, par la vente de produits cosmétiques à la clientèle du restaurant.
Sur ce,
Il résulte de la combinaison des articles L.1231-1, L.1237-2 et L.1235-1 du code du travail que la prise d’acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquements suffisamment graves de l’employeur qui empêchent la poursuite du contrat. La prise d’acte entraîne la cessation immédiate du contrat, reportée le cas échéant à la fin du préavis. Il appartient au salarié d’établir les faits qu’il allègue à l’encontre de l’employeur.
L’écrit par lequel le salarié prend acte de la rupture du contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur ne fixe pas les limites du litige. Le juge est tenu d’examiner les manquements de l’employeur invoqués devant lui par le salarié, même si celui ci ne les a pas mentionnés dans cet écrit.
Si les faits invoqués sont suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat, la prise d’acte produit les effets d’un licenciement nul si le manquement invoqué consiste en un harcèlement moral, ou d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
A l’appui de sa prise d’acte, Mme [G] fait valoir qu’elle a subi des faits de harcèlement moral, une exécution déloyale du contrat de travail qui ont des conséquences importantes sur sa santé physique et psychologique qu’elle a rappelé dans sa lettre de prise d’acte.
Cependant, la cour rappelle que la lettre de prise d’acte ne fixe pas les limites du litige, le salarié pouvant présenter de nouveaux faits en appui à sa demande.
Sur l’existence d’un harcèlement et d’un non respect de l’obligation de prévention
Aux termes de l’article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel, l’article L. 1152-2 du même code prévoyant qu’aucun salarié, aucune personne en formation ou en stage ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.
Il résulte par ailleurs de l’article L. 1154-1 du code du travail que, lorsque survient un litige relatif à l’application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement.
Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
Mme [G] soutient que la société avait mis en place un management basé sur une pression continuelle, des reproches incessants, une surveillance constante de ses faits et gestes par l’intermédiaire de la vidéo surveillance. Elle précise qu’ayant été retenu pour une ‘VAé BTS hôtellerie, son employeur ne lui jamais répondu et qu’elle en a perdu le bénéfice. Elle conclut à l’existence de faits de harcèlement.
Pour en justifier, elle produit, outre son contrat de travail et ses bulletins de salaire, les éléments suivants :
– Sa lettre de prise d’acte du 17 janvier 2019 ;
– Son dépôt de plainte du 17 janvier 2019 ;
– Ses arrêts de travail pour la période du 17 janvier 2019 au 20 mai 2020 ;
– Une attestation de la CPAM pour la perception des IJSS pour la période du 17 janvier au 20 septembre 2019 ;
– Une convocation à la médecine du travail au 18 juin 2020 pour une visite de reprise ;
– Des échanges de courriels avec le responsable du restaurant en octobre, novembre 2017, janvier, avril, mai, juin 2018 et janvier et février 2019 ;
– De nombreuses extractions de la vidéo surveillance de septembre 2015, mai 2016 et mai 2018 ;
– La décision de recevabilité, du 29 mars 2017, de l’organisme GIP FCIP de [Localité 6], pour l’obtention par VAE avec reprise d’études pour un BTS hôtellerie restauration et les justifications de demande de Mme [G] à son employeur de fin mars 2017 ;
– Les échanges de courriels d’avril 2017, avec le responsable du restaurant à propos de l’autorisation d’absence sollicitée par Mme [G] pour son BTS.
Dès lors, il apparaît que Mme [G] présente des éléments de fait qui, pris dans leur ensemble, laissent supposer l’existence d’un harcèlement moral.
Ainsi, il incombe à la partie défenderesse, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas consécutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
La société fait valoir que Mme [G] avait parfaitement connaissance de la présence de caméra de vidéo surveillance, son contrat de travail comportant une clause en ce sens, et qu’elle a respecté les obligations déclaratives auprès de la CNIL.
La société soutient que cette connaissance prive Mme [G] de tout motif de contestation de l’utilisation du système de vidéo surveillance, la clause contractuelle autorisant la surveillance ‘des postes de travail en salle ou en cuisiné.
Sur l’absence de réponse pour la formation qualifiante la société indique que Mme [G] n’a pas respecté les délais légaux applicables à sa demande d’autorisation d’absence. Elle précise qu’au surplus les faits sont d’avril 2017 et que la réclamation de la salariée est tardive.
La société rejette le grief de mise à l’écart ou celui de désactivation de son badge comme non fondés.
Il est constant que l’installation de caméra de vidéo surveillance doit faire l’objet d’une déclaration préalable auprès de la CNIL et que, si elles peuvent être installées au niveau des entrées et sorties des bâtiments, des issues de secours et des voies de circulation ou filmer les zones où de la marchandise ou des biens de valeur sont entreposés, elles ne doivent pas filmer les employés sur leur poste de travail, les zones de pause ou de repos, ni les toilettes.
Pour justifier de sa déclaration à la CNIL du système de vidéo surveillance, la société produit un courriel adressé par la CNIL au ‘[5], or la SNC l’Arc de Triomphe, exploite le restaurant sous l’enseigne ‘Comptoir de l’Arc’ et non sous l’enseigne le ‘Café du marché’.
Par ailleurs, si les caméras filment un lieu ouvert au public, tel est le cas d’un restaurant, le dispositif doit être autorisé par le préfet du département (le préfet de police à [Localité 6]) et faire l’objet d’une information et d’une consultation des instances représentatives du personnel, étant rappelé que l’entreprise emploie plus de onze salariés. Or la cour relève que la société ne justifie ni de l’autorisation préfectorale ni d’une consultation d’un CSE.
Enfin, le libellé de la clause contractuelle est non conforme aux dispositions légales interdisant de filmer les postes de travail des salariés, car ainsi libellée : ‘nous serons amener à améliorer le système de surveillance, notamment par le biais de la vidéo surveillance, qui pourra s’effectuer dans les zones de passage ou à surveiller, ce qui peut englober des postes de travail, notamment en salle et en cuisiné.
En outre, la société qui reconnaît avoir procéder à la surveillance de Mme [G], par le système de vidéo, jusqu’à son arrêt de travail du 17 janvier 2019, ne peut valablement soutenir l’inexistence d’une surveillance ‘personnaliséé.
La surveillance ‘illicité revendiquée par la société constitue un manquement grave qui a eu pour effet de dégrader les conditions de travail et d’altérer la santé physique et mentale de Mme [G] ainsi qu’il en résulte des éléments médicaux versés aux débats.
Par ailleurs, sur le refus d’autorisation d’absence pour une ‘VAé BTS hôtellerie, la société ne peut valablement se réfugier sur les textes réglementaires concernant l’autorisation d’absence consécutive à un accord de financement de la formation alors que la salariée sollicitait ‘seulement’ une autorisation d’absence pour valider la recevabilité de sa demande de VAE, la procédure de financement ne pouvant qu’être postérieure à cette validation.
En outre, si la société nie toute mise à l’écart de Mme [G], elle ne justifie pas en quoi les’bugs informatiques’ sur son badge ne toucheraient que cette salariée et non l’ensemble de ceux exerçant en salle.
Ainsi, cette exclusion de la salariée à l’accès informatique des caisses est constitutive d’un manquement grave et de fait de harcèlement.
Ainsi, et sans qu’il soit nécessaire de statuer sur les autres griefs de Mme [G] à l’encontre de la société, la cour dit que celle-ci a été la victime d’un comportement de harcèlement et d’un non respect de l’obligation de sécurité.
Par conséquent, l’existence de faits de harcèlement moral étant caractérisée et la société ayant méconnu les dispositions de prévention des risques liés au harcèlement, ces dirigeants les ayant exercé eux mêmes, la salariée justifiant d’un préjudice spécifique et distinct pour chacun d’eux, résultant de l’altération de son état de santé consécutive aux agissements de harcèlement moral dont elle a fait l’objet durant plusieurs années ainsi que cela résulte des nombreux éléments factuels et médicaux versés aux débats, la cour lui accorde une somme de 10 000 euros à titre de dommages intérêts pour le harcèlement et 2 000 euros au titre d’absence de respect de l’obligation de prévention, et ce par infirmation du jugement.
Sur l’exécution déloyale du contrat de travail
Mme [G] soutient que, d’une part, la société n’établissait pas ses bulletins de paie sur l’ensemble de ses heures de travail mais lui versait en espèces une somme mensuelle comprise entre 400 et 600 euros et, d’autre part, que la société gardait, par-devers elle, les pourboires des clients.
Elle fait valoir que la désactivation de son badge d’accès à la caisse centrale en 2017 et 2018 ne lui permettant pas de contrôler les encaissements pour chacun des serveurs et serveuses pendant son service outre le contrôle des sommes encaissées au titre des pourboires par le restaurant.
Elle indique que voulant prendre deux journées de repos elle a sollicité deux jours sans salaire, les 14 et 15 juin 2018 et que la société a tenté de lui décompter la totalité de la semaine.
Elle fait valoir un refus d’établir des fiches de paie réelles comprenant la notification des congés payés sur les bulletins de salaires, d’heures supplémentaires accomplies mais non rémunérées.
Pour en justifier Mme [G] produit trois attestations, des photographies de ses bulletins de paie avec la présence d’espèces outre un chèque de paiement mensuel et des échanges de courriel sur ‘l’établissement d’un versement ‘en espècé pour les serveurs du restaurant’.
En réponse, la société soutient que les sommes versées en espèce sont les pourboires des clients, d’une part, ceux directement remis entre les mains des serveuses et serveurs et ceux versés au comptoir, les premiers revenant aux serveurs et serveuses et les seconds au responsable de salle de service. Elle en justifie par les attestations du responsable du restaurant et d’un autre responsable de salle.
La société rejette les dires de la salariée sur un versement en espèce d’une partie du salaire et indique que les attestations produites par celle-ci ne sont pas recevables, alléguant qu’elles viennent d’une ancienne salariée, d’une amie de Mme [G] et d’une cliente. Sur le badge d’accès, la société met en avant des problèmes de ‘bug’ informatique et non d’une volonté délibérée de la priver de son accès à la caisse centrale.
Sur le grief relatif au temps de travail et à des heures supplémentaires non rémunérées, la société soutient que l’organisation était basée sur une plage d’ouverture de 7 heures à 1h30 le lendemain matin avec trois responsables de salle se succédant de 7h00 à 15h00 puis de 17h30 à la fin du service (1h30) en alternance avec une pause de 30 minutes, Mme [G] assurant le service du matin les lundi et mardi et le service du soir les mercredi, jeudi et vendredi, le restaurant étant fermé le samedi et le dimanche.
Par ailleurs, la société s’étonne que la salariée ne forme aucune demande en paiement d’heures supplémentaires alors qu’elle indique dépasser la limite de ses heures de travail fixée par le planning hebdomadaire affiché.
Sur ce,
L’article L 3244-1 du code du travail dispose que ‘dans tous les établissements commerciaux où existe la pratique du pourboire, toutes les perceptions faites ‘pour le servicé par l’employeur sous forme de pourcentage obligatoirement ajouté aux notes des clients ou autrement, ainsi que toutes sommes remises volontairement par les clients pour le service entre les mains de l’employeur, ou centralisées par lui, sont intégralement versées au personnel en contact avec la clientèle et à qui celle-ci avait coutume de les remettre directement’.
L’article L 3244-2 du même code dispose que ‘les sommes mentionnées à l’article L 3244-1 s’ajoutent au salaire fixe sauf dans le cas où un salaire minimum a été garanti par l’employeur’.
Il est constant, d’une part, que les pourboires constituent une partie du salaire des employés et qu’ils doivent apparaître dans les rémunérations des salariés et, d’autre part, qu’il ne peut être dérogé à aux règles de répartition, l’employeur ayant la charge de leur centralisation et de leur reversement à l’ensemble de salariés en contact avec la clientèle.
En l’espèce, si le versement de sommes en espèce ne peut être valablement démenti, car reconnu par les parties, les attestations des salariés produites, comme leur montant régulier, montrent qu’il s’agissait exclusivement du paiement des pourboires soit directement entre leurs mains soit au comptoir.
Sur le contrôle des horaires de travail, la cour relève une incohérence entre les déclarations de la société dans la présente procédure et les éléments présents dans le contrat de travail.
Ainsi, la société ne peut valablement soutenir que les trois responsables de salle se relayaient sur cinq jours de la semaine, alléguant d’une fermeture les samedi et dimanche, et sur un rythme de 8h00 par jour, alors que le contrat de travail de Mme [G] prévoyait une amplitude de travail sur les sept jours de la semaine avec deux jours de repos non consécutifs et un horaire mensuelle de 39 heures par semaine.
Par ailleurs, la cour relève que le contrat ne travail de mme [G] ne comporte aucune clause fixant des jours fixes de travail mais seulement la mention de plannings affichés sept jours à l’avance.
Or, pour en justifier la société produit deux photographies du même ‘panneau d’affichagé sans mention de la date de la prise de vue avec la présence de deux plannings illisibles : un comportant cinq noms et l’autre six noms sans que la cour puisse en contrôler les éléments factuels.
Ainsi, la société, qui a la charge de justifier les temps de travail de Mme [G], ne peut valablement alléguer du respect de ceux-ci et des repos de Mme [G] sans justifier de ses horaires hebdomadaires, de ses jours effectifs de repos et des alternances des plannings entre les trois responsables de salle, étant rappelé que l’amplitude d’ouverture du restaurant est de sept jours sur sept avec deux périodes de travail par jour et deux jours de repos pour chaque salarié.
En outre, la société ne justifie nullement d’une fermeture alléguée du restaurant entre 15h00 et 17h30.
A défaut de l’ensemble de ces éléments, la société n’a pas exécuté de bonne foi le contrat de travail de Mme [G] et la cour, infirmant le jugement entrepris, la condamne à verser à la salariée la somme de 3 000 euros à ce titre.
Sur la requalification de la prise d’acte en licenciement nul
En l’espèce, la cour relève que Mme [G] a fondé sa prise acte sur les faits de harcèlement moral et que l’article L 1152-3 du code du travail dispose que, toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1152-2, toute disposition ou tout acte contraire est nul.
Ainsi, les faits de harcèlement dont a été victime la salariée, qui se sont traduit par l’altération de son état de santé, était en lien avec le comportement de l’employeur dont les agissements répétés ont eu pour effet une dégradation de ses conditions de travail, la prise d’acte produira les effets d’un licenciement nul.
Sur les conséquences de la nullité du licenciement
La prise d’acte de la rupture de Mme [G] produisant les effets d’un licenciement nul, la salariée est en droit de solliciter, outre les indemnités de rupture, une indemnité pour licenciement nul.
Mme [G] sollicite la condamnation de la société aux sommes suivantes :
– 37 170,00 euros à titre de dommages intérêts pour licenciement nul ;
– 4 956,00 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis ;
– 495,60 euros au titre des congés payés sur préavis afférents ;
Outre une indemnité de 2 478 euros pour non respect de la procédure.
Par ailleurs, elle ne formule, dans le ‘
En l’espèce et au regard des trois derniers bulletins de salaire avant son arrêt de travail, la cour fixe son salaire de référence à la somme de 3 463,04 euros brut.
Sur ce,
Il résulte de l’article L. 1235-3-1 du code du travail qu’en cas de nullité du licenciement, lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de l’exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l’employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.
Le dernier alinéa du texte ajoute que l’indemnité est due sans préjudice du paiement du salaire qui aurait été perçu pendant la période couverte par la nullité et, le cas échéant, sans préjudice de l’indemnité de licenciement légale, conventionnelle ou contractuelle.
Ainsi, au regard des manquements de la société et de l’ancienneté de la salariée, la cour, infirmant le jugement entrepris, fixe à 25 000 euros l’indemnité pour licenciement nul et, dans les limites des demandes, à 4 956 euros pour l’indemnité compensatrice de préavis et 495,60 euros pour l’indemnité compensatrice de congés payés afférents.
Par ailleurs, il est constant que la requalification de la prise d’acte n’ouvre pas droit à l’indemnité pour irrégularité de la procédure, Mme [G] sera déboutée de sa demande.
L’article L 1235-4 du code du travail dispose que, dans les cas prévus aux articles L. 1132-4, L. 1134-4, L. 1144-3, L. 1152-3, L. 1153-4, L. 1235-3 et L. 1235-11, le juge ordonne le remboursement par l’employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage par salarié intéressé.
Ce remboursement est ordonné d’office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l’instance ou n’ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.
Ainsi, il y a lieu de condamner la société l’Arc de Triomphe au remboursement des allocations du Pôle Emploi (France Travail) éventuellement versées à Mme [G] dans la limite de six mois d’indemnité.
Sur la demande de dommages intérêts pour travail dissimulé
Mme [G] soutient que l’absence de déclaration des pourboires et leur absence de paiement sont constitutifs d’un délit dissimulation d’emploi salarié et lui crée un préjudice dans le calcul de ses droits aux indemnités de sécurité sociale, dans ses droits à l’allocation chômage et pour ses droits à la retraite.
La société soutient que la ‘demande est fantaisisté.
Sur ce,
L’article L 8221-5 du code du travail dispose que, est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur :
1° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche ;
2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d’un bulletin de paie ou d’un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;
3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales.
L’article L 3244-1 du code du travail dispose que ‘dans tous les établissements commerciaux où existe la pratique du pourboire, toutes les perceptions faites ‘pour le servicé par l’employeur sous forme de pourcentage obligatoirement ajouté aux notes des clients ou autrement, ainsi que toutes sommes remises volontairement par les clients pour le service entre les mains de l’employeur, ou centralisées par lui, sont intégralement versées au personnel en contact avec la clientèle et à qui celle-ci avait coutume de les remettre directement’.
Il est constant, d’une part, que les pourboires constituent une partie du salaire des employés et qu’ils doivent apparaître dans leurs rémunérations et, d’autre part, qu’il ne peut être dérogé à aux règles de répartition, lorsque l’employeur a la charge de leur centralisation et de leur reversement à l’ensemble de salariés en contact avec la clientèle.
En l’espèce, la cour relève que les pourboires qui ont été versé soit entre les mains des salariés oeuvrant en salle soit au comptoir, pour les responsables de salles, ne remplissent pas les conditions de déclaration par l’employeur en qualité de complément de salaire.
Ainsi, il ne peut être fait grief à ce dernier de s’être intentionnellement soustrait aux cotisations sur les sommes versées directement entre les mains des salariés, Mme [G] sera déboutée de sa demande à ce titre.
Sur un reliquat de congés payés
Mme [G] soutient qu’il lui est dû un reliquat de congés payés d’un montant de 586,72 euros sur son solde de tout compte. Elle fait valoir l’absence de toute mention des congés acquis et pris depuis le début de son contrat de travail par la société qui ne justifie pas du nombre de jours décomptés sur le solde de tout compte.
En réponse, la société soutient que la salariée ne justifie pas de ses calculs.
Sur ce,
La cour relève que l’attestation destinée à Pôle Emploi porte la mention d’un nombre de jours de congés payés dus de 29 jours ouvrables et pour une indemnité de 3 111, 68 euros étant rappelé que Mme [G] effectuait des semaines de travail de 39 heures dont les quatre dernières heures étaient payées avec une majoration de 10 %.
Par ailleurs, le salaire moyen horaire de la salariée, retenu par l’employeur pour le calcul de l’indemnité de congés payés, est d’un montant de 16,5076 euros tel qu’il apparaît sur le bulletin de salaire de mai 2020 alors que la moyenne des trois derniers mois complets est de 3 463,04 euros implique que le salaire horaire moyen à prendre en considération doit être de 20,4914 euros.
Ainsi, il sera fait droit à Mme [G], dans la limite de sa demande, d’un somme de 586,72 euros à titre de reliquat d’indemnité de congés payés et la société sera condamnée au versement.
Sur des dommages et intérêts pour impossibilité d’établir le temps de travail
Mme [G] soutient qu’elle dépassait régulièrement son temps de travail, en particulier, lorsque l’autre responsable de salle était en retard. Elle fait valoir que l’absence de décompte de son temps de travail ne lui a pas permis de réclamer le paiement de son dépassement d’heures contractuelles.
Elle précise que des plannings pré établis, comme le revendique la société, n’empêche nullement un dépassement d’horaire et que l’absence de décompte lui créé un préjudice.
Pour en justifier, elle produit des échanges de ‘SMS’ entre elle et M. [U], à raison 26 retards de ce dernier en 2016 et 9 retards entre janvier et juillet 2017, ces retards étant supérieurs à 1h00 sans dépasser 1h30.
En réponse, la société soutient que cette demande est sans fondement et qu’elle n’a jamais manqué à son obligation sur la législation du temps de travail. La société conclut au débouté de la demande.
Sur ce,
L’article D 3171-12 du code du travail dispose que, ‘lorsque des salariés d’un atelier, d’un service ou d’une équipe ne travaillent pas selon le même horaire collectif de travail affiché, un document mensuel, dont le double est annexé au bulletin de paie, est établi pour chaque salarié.
Ce document comporte les mentions prévues à l’article D. 3171-11 ainsi que :
1° Le cumul des heures supplémentaires accomplies depuis le début de l’année ;
2° Le nombre d’heures de repos compensateur de remplacement acquis en application des articles L. 3121-28, L. 3121-33 et L. 3121-37 ;
3° Le nombre d’heures de repos compensateur effectivement prises au cours du mois ;
4° Le nombre de jours de repos effectivement pris au cours du mois, dès lors qu’un dispositif de réduction du temps de travail par attribution de journées ou de demi-journées de repos dans les conditions fixées par les articles L. 3121-44 et D. 3121-27 s’applique dans l’entreprise ou l’établissement’.
Par ailleurs, l’article 21-6, relatif à l’affichage et au contrôle de la durée du travail, de la convention collective des cafés, hôtels et restaurants prévoit que :
‘Il est rappelé les règles relatives à l’affichage des horaires et au contrôle de la durée du travail applicables au personnel salarié, à l’exclusion des cadres dirigeants et sous réserve des dispositions spécifiques prévues pour les cadres autonomes prévues à l’article 13.2 du titre IV de l’avenant n° 1 du 13 juillet 2004 à la convention collective nationale des hôtels, cafés et restaurants :
– en cas d’horaires collectifs, l’affichage des horaires s’effectue conformément aux dispositions des articles D. 212-17 et suivants du code du travail ;
– en cas d’horaires non collectifs, les dispositions de l’article D. 212-21 et D. 212-22 du code du travail s’appliquent comme suit :
Lorsque les salariés d’un atelier, d’un service ou d’une équipe au sens de l’article D. 212-20 du code du travail ne sont pas occupés selon le même horaire collectif de travail affiché, la durée du travail de chaque salarié concerné doit être décomptée selon les modalités suivantes :
– quotidiennement, par enregistrement, selon tous moyens, des heures de début et de fin de chaque période de travail ou par le relevé du nombre d’heures de travail effectuées ;
– chaque semaine, par récapitulation, selon tous moyens, du nombre d’heures de travail effectuées par chaque salarié. Ce document, à défaut de tout autre document déjà existant dans l’entreprise, émargé par le salarié et par l’employeur, est tenu à la disposition de l’inspection du travail. L’annexe III du présent avenant est prévue à cet effet ;
– un document mensuel, dont le double est annexé au bulletin de paie, sera établi pour chaque salarié. Ce document comportera les mentions suivantes :
— le cumul des heures supplémentaires effectuées depuis le début de l’année ;
— le nombre d’heures de repos compensateur acquises au cours du mois en distinguant, le cas échéant, le repos compensateur légal et le repos compensateur de remplacement ;
— le nombre d’heures de repos compensateur effectivement prises au cours du mois.
Lorsque le repos n’est pas donné collectivement à tout le personnel, les modalités de contrôle s’effectuent conformément aux articles R. 221-10 et suivants du code du travail’.
A défaut pour la société de justifier de l’application des règles légales et conventionnelles, Mme [G] n’a pu contrôler l’effectivité de son temps de travail et la société sera condamnée à lui payer la somme de 1 000 euros à titre de dommages intérêts en réparation de son préjudice.
Sur des dommages et intérêts pour absence de formation
Mme [G] soutient que la société n’a pas rempli son obligation d’adaptation au poste et au maintien de ses capacités à lui assurer un emploi. Elle fait valoir le refus d’organisation de sa validation d’un BTS en hôtellerie et restauration.
La société soutient qu’elle n’a pas manqué à ses obligations.
Sur ce,
L’article L 6321-1 du code du travail dispose que ‘l’employeur assure l’adaptation des salariés à leur poste de travail.
Il veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l’évolution des emplois, des technologies et des organisations.
Il peut proposer des formations qui participent au développement des compétences, y compris numériques, ainsi qu’à la lutte contre l’illettrisme, notamment des actions d’évaluation et de formation permettant l’accès au socle de connaissances et de compétences définies par décret.
Les actions de formation mises en oeuvre à ces fins sont prévues, le cas échéant, par le plan de développement des compétences mentionné au 1° de l’article L. 6312-1. Elles peuvent permettre d’obtenir une partie identifiée de certification professionnelle, classée au sein du répertoire national des certifications professionnelles et visant à l’acquisition d’un bloc de compétences’.
Par ailleurs, l’article L 6312-1 du même code dispose que ‘l’accès des salariés à des actions de formation professionnelle est assuré :
1° A l’initiative de l’employeur, le cas échéant, dans le cadre d’un plan de développement des compétences ;
2° A l’initiative du salarié, notamment par la mobilisation du compte personnel de formation prévu à l’article L 6323-1 ;
3° Dans le cadre des contrats de professionnalisation prévus à l’article L 6325-1.
Cette obligation incombant à l’employeur d’assurer l’adaptation des salariés à leur poste de travail et de veiller au maintien de leur capacité à occuper un emploi implique d’assurer au salarié une formation professionnelle continue. Il s’agit là d’une obligation légale qui engage la responsabilité de l’employeur s’il ne la respecte pas’.
En l’espèce, la cour relève, d’une part, l’absence de toute proposition de formation continue pendant la relation de travail et, d’autre part, une absence de prise en compte de la demande de validation d’une VAE sollicité en 2017 par la salariée alors que la société avait tout loisir d’une prise en compte de cette validation par le compte personnel de formation de Mme [G] permettant à celle-ci d’obtenir, après reprise d’études, son BTS en hôtellerie restauration.
Ainsi, l’absence de justification du respect de son obligation de formation continue crée à Mme [G] un préjudice, issu d’une perte de chance, et la cour condamne la société à lui verser la somme de 1 000 euros en réparation.
Sur les dommages et intérêts pour perte des droits sociaux
La salariée soutient, d’une part, que l’absence de déclaration des rémunérations réelles pendant dix années vont lui créer un préjudice sur le montant de sa retraite et, d’autre part, que l’absence de connaissance de l’organisme retenu par la société pour couvrir ses frais de santé (mutuelle et prévoyance santé) ne lui ont pas de bénéficier de la portabilité de ses dispositifs.
Elle fait valoir l’absence de référence à ses organismes sur les documents de fin de contrat.
En réponse la société soutient qu’elle n’a commis aucune manquement et que la salariée ne justifie pas du quantum de sa demande.
Sur ce,
L’article L 911-8 du code de la sécurité sociale dispose que les salariés garantis collectivement, dans les conditions prévues à l’article L. 911-1, contre le risque décès, les risques portant atteinte à l’intégrité physique de la personne ou liés à la maternité ou les risques d’incapacité de travail ou d’invalidité bénéficient du maintien à titre gratuit de cette couverture en cas de cessation du contrat de travail, non consécutive à une faute lourde, ouvrant droit à prise en charge par le régime d’assurance chômage, selon les conditions suivantes :
1° Le maintien des garanties est applicable à compter de la date de cessation du contrat de travail et pendant une durée égale à la période d’indemnisation du chômage, dans la limite de la durée du dernier contrat de travail ou, le cas échéant, des derniers contrats de travail lorsqu’ils sont consécutifs chez le même employeur. Cette durée est appréciée en mois, le cas échéant arrondie au nombre supérieur, sans pouvoir excéder douze mois ;
2° Le bénéfice du maintien des garanties est subordonné à la condition que les droits à remboursements complémentaires aient été ouverts chez le dernier employeur ;
3° Les garanties maintenues au bénéfice de l’ancien salarié sont celles en vigueur dans l’entreprise ;
4° Le maintien des garanties ne peut conduire l’ancien salarié à percevoir des indemnités d’un montant supérieur à celui des allocations chômage qu’il aurait perçues au titre de la même période ;
5° L’ancien salarié justifie auprès de son organisme assureur, à l’ouverture et au cours de la période de maintien des garanties, des conditions prévues au présent article ;
6° L’employeur signale le maintien de ces garanties dans le certificat de travail et informe l’organisme assureur de la cessation du contrat de travail mentionnée au premier alinéa.
Le présent article est applicable dans les mêmes conditions aux ayants droit du salarié qui bénéficient effectivement des garanties mentionnées au premier alinéa à la date de la cessation du contrat de travail.
En l’espèce, la cour relève d’une part qu’aucun nom d’organisme assureur n’apparaît ni sur les bulletins de salaire de Mme [G] ni sur le certificat de travail faisant référence à la portabilité des garanties.
Par ailleurs, la cour relève aussi l’absence du maintien du salaire conventionnel et de celui résultant du régime de prévoyance obligatoire pour l’arrêt de travail du 17 janvier 2019 au 20 mai 2020.
Enfin, dans la présente procédure la société ne justifie nullement d’une signature d’un contrat de complémentaire santé et d’un contrat de prévoyance, ni d’avoir signalé à un organisme la cessation du contrat de travail de Mme [G] pour assurer la portabilité.
Ainsi, l’absence de référence aux organismes de complémentaire santé et de prévoyance a créé à Mme [G] un préjudice résultant d’un non remboursement des indemnités complémentaires à celles de la sécurité sociale et de l’effectivité de la portabilité de ces droits.
La cour condamne la société à payer à la salariée la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts.
Sur les autres demandes
La société devra délivrer à Mme [E] [H] [G] un certificat de travail conforme mentionnant les organisme de complémentaire de santé et de prévoyance, une attestation Pôle Emploi ainsi qu’un bulletin de paie récapitulatif conformes à la présente décision dans le délai d’un mois à compter de la notification de celle-ci, sans que la mesure d’astreinte ne soit en l’état justifiée, étant rappelé que le présent arrêt est exécutoire de droit.
Il n’y a pas lieu de déroger aux dispositions des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, en application desquelles les créances salariales produisent intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de la convocation devant le conseil de prud’hommes, soit le 15 juillet 2020 et les créances indemnitaires produisent intérêts au taux légal à compter du prononcé de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant, soit le 24 avril 2024. La capitalisation des intérêts sera ordonnée conformément à l’article 1343-2 du code civil.
La société l’Arc de Triomphe succombe à l’instance sera condamnée aux dépens toutes causes confondues, ainsi qu’à payer à Mme [E] [H] [G] la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile toutes causes confondues.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Statuant publiquement par arrêt contradictoire
Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Dit que la prise d’acte de rupture produit les effets d’un licenciement nul ;
Condamne la société l’Arc de Triomphe à payer à Mme [E] [H] [G] les sommes suivantes :
– 4 956,00 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis ;
– 495,60 euros au titre des congés payés sur préavis afférents ;
– 586,72 euros à titre de reliquat de congés payés ;
Avec intérêts au taux légal à compter du 15 juillet 2020.
– 25 000 euros à titre de dommages intérêts pour licenciement nul. – 10 000 euros à titre de dommages intérêts pour harcèlement moral ;
– 3 000 euros à titre de dommages intérêts pour exécution déloyale ; – 1 000 euros à titre de dommages intérêts pour impossibilité d’établir le temps de travail; – 2 000 euros à titre de dommages intérêts pour atteinte à l’obligation de sécurité de santé;
– 1 000 euros à titre de dommages intérêts pour absence de formation ;
– 3 000,00 euros de dommages intérêts pour perte des droits sociaux ;
Avec intérêts au taux légal à compter du 24 avril 2024.
Ordonne leur capitalisation des intérêts ;
Ordonne la remise à Mme [E] [H] [G] par la société L’Arc de Triomphe d’un certificat de travail conforme mentionnant les organismes de complémentaire de santé et de prévoyance, une attestation Pôle Emploi ainsi qu’un bulletin de paie récapitulatif conformes à la présente décision dans le délai d’un mois à compter de la notification de celle-ci, sans que la mesure d’astreinte ne soit en l’état justifiée ;
Ordonne le remboursement par la société l’Arc de Triomphe à France Travail des allocations versées à Mme [E] [H] [G] dans la limite des six mois légaux ;
Condamne la société l’Arc de triomphe à payer à Mme [E] [H] [G] le somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, toutes causes confondues;
Condamne la société l’Arc de triomphe aux dépens toutes causes confondues.
Le greffier La présidente