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Vidéosurveillance : 9 novembre 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 20/07349

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Vidéosurveillance : 9 novembre 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 20/07349

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 10

ARRET DU 09 NOVEMBRE 2023

(n° , 1 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/07349 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CCTCC

Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 Septembre 2020 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° 19/02532

APPELANT

Monsieur [G] [S]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représenté par Me Sofia SOULA-MICHAL, avocat au barreau de LYON, toque : 2827

INTIMEE

Société ADOMA prise en la personne de son représentant légal en exercice.

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Loïc TOURANCHET, avocat au barreau de PARIS, toque : K0168

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 04 Juillet 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Gwenaelle LEDOIGT, Présidente, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Gwenaelle LEDOIGT, Présidente de la chambre

Monsieur Nicolas TRUC, Président de la chambre

Madame Carine SONNOIS, Présidente de la chambre

Greffier : lors des débats : Mme Sonia BERKANE

ARRET :

– contradictoire

– mis à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame Gwenaelle LEDOIGT, Présidente et par Sonia BERKANE, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE :

M. [G] [S] a été engagé par la société Adoma, suivant contrat de travail à durée indéterminée en date du 7 avril 2010, en qualité d’agent d’accueil au centre d’hébergement de stabilisation à [Localité 7].

Le 1er janvier 2012, le salarié a été promu au poste de Responsable de résidence à la Direction territoriale de [Localité 7] et affecté à temps plein à la gestion du foyer [6] pour travailleurs migrants qui comptait 306 résidents.

Le 25 septembre 2017, M. [G] [S] s’est vu notifier un avertissement libellé dans les termes suivants :

“Vous exercez la fonction de responsable de résidence sur la Direction territoriale de [Localité 7] depuis le 1er janvier 2012. Depuis le 1er janvier 2016, vous vous occupez de la gestion de la résidence Gergovie à hauteur de 100 % de votre temps de travail. Vous assurez la gestion de cette résidence, en présence d’une responsable de résidence en renfort à hauteur de 50 % de son temps de travail, depuis juin 2016.

Il a été porté à notre connaissance des manquements de votre part dans l’exercice de fonctions de responsable de résidence, plus particulièrement en matière de comportement, à la suite d’événements survenus à partir des 13 et 15 juin derniers.

Le 13 juin dernier, un “point impayés” a été organisé par le responsable de sites, votre responsable hiérarchique, en votre présence et celle de votre binôme, concernant la résidence [6]. En effet, la situation des impayés au sein de cette résidence, dont vous assurez la gestion à hauteur de 100% de votre temps de travail, est particulièrement alarmante dans la mesure où des impayés a augmenté de 6 000 euros entre décembre 2016 et mai 2017.

Or, à l’occasion de cette réunion de travail en présence de manager et de collègues de travail, vous avez ouvertement signifié que vous ne fourniriez aucun effort supplémentaire pour le recouvrement des loyers impayés au sein de la résidence.

Le 15 juin suivant, vous avez eu une conversation sur ce “point impayés” avec votre manager, toujours en présence de votre collègue. Vous avez réitéré vos dires et avait continué d’expliquer que, selon vous, ce n’était pas votre rôle d’aller aux étages à la rencontre des résidents ayant des difficultés de paiement. Pire encore, en évoquant le montant de votre prime annuelle d’objectifs qui vous a été allouée au titre de l’année 2016, vous avez traité ouvertement votre Direction territoriale de “voleuse”.

Un tel comportement de votre part est totalement inadmissible et révèle une volonté délibérée de votre part, et ce vraisemblablement depuis plusieurs mois déjà, de ne faire aucun effort pour réduire le taux des impayés de la résidence [6], voire à contribuer à sa hausse.

En effet, lors de votre dernier entretien annuel du 22 décembre 2016, vous avez exprimé de manière assez agressive, sous le ton de la menace, votre mécontentement quant au montant de votre prime annuelle d’objectifs en mentionnant sur le compte rendu de votre entretien “j’ai le sentiment que mes efforts ont été “volés” et ça je ne le pardonnerai pas”.

Les événements survenus depuis les 13 et 15 joints derniers confortent l’idée que vous mettez vos menaces à exécution puisque :

– le taux des impayés sur la résidence [6] a particulièrement explosé depuis votre entretien annuel, celui-ci s’élevant alors à 20 033,03 euros à fin juin 2017 contre 13 091,98 euros à fin novembre 2016. À fin août 2017, ce taux s’élève à 20121 euros.

– le 19 juillet dernier, le client de la chambre 103 nous a déclaré que vous aviez refusé de prendre son paiement alors qu’il voulait solder une partie de sa dette. Or, au 2 août 2017, ce client avait un solde débiteur de 1 193,52 euros

– le 24 juillet suivant, à l’occasion d’un point de situation sur la gestion de la résidence Gergovie avec votre Directeur territorial adjoint nouvellement nommé, vous lui avez ouvertement signifié que :

*vos efforts sur l’année 2016 n’avaient pas été récompensés puisque votre prime n’avait pas été à la hauteur de ce que vous espériez

* vous n’aviez pas apprécié de toucher une prime inférieure à certains de vos collègues et vous le considériez comme un “vol”

* vous n’employiez tous les efforts nécessaires et ne montiez pas dans les étages pour faire le rappel des impayés.

Lors de notre entretien du 11 septembre dernier, vous nous avez indiqué connaître de nombreux procédés incitant les clients de la résidence Gergovie à payer leurs redevances et que vous étiez capables de faire baisser considérablement le taux des impayés. Vous avez toutefois confirmé que vous ne fournissiez plus d’efforts en la matière compte tenu du montant, insuffisant selon vous, de votre dernière prime annuelle d’objectifs.

Votre attitude, que nous ne pouvons tolérer, répréhensible à de multiples niveaux :

– au regard de vos fonctions de responsable de résidence, dont l’une des missions principales, suivant la fiche de fonction, est de garantir la réalisation du chiffre d’affaires, assurer les rentrées financières et fiabiliser les informations de gestion.

En cela, vous devez fournir tous les efforts nécessaires, au regard des moyens qui vous sont alloués, pour limiter autant que faire se peut le taux des impayés sur votre présidence.

En cela et comme vous le savez, vous bénéficiez d’un renfort sur votre résidence avec la présence d’une autre collègue de travail avec laquelle un travail d’équipe en binôme doit être réalisé et votre responsable de sites est à votre écoute pour tout difficultés particulières rencontrées.

– au regard du climat de travail délétère ainsi créé avec vos collègues de travail qui se trouvent fortement embarrassés par vos propos et qui ne peuvent alors pleinement et en toute sérénité exercez à bien leur mission de responsable de résidence et de responsable de sites (…)

– au regard du comportement respectueux que vous vous devez adopter envers votre hiérarchie en toute situation (…)

Votre dénigrement à l’égard de votre Direction territoriale que vous avez qualifiée de “voleuse” est parfaitement inadmissible, d’autant plus que vous l’avez manifestée en présence de votre collègue de travail de votre hiérarchie.

En tout état de cause, nous vous rappelons que le montant de votre prime a été suffisamment expliqué lors de votre entretien annuel de décembre 2016. Votre attitude à cet égard, totalement répréhensible, nous surprend d’ailleurs puisque votre hiérarchie vous a exprimé ses encouragements lors de cet entretien et que le montant de votre prime n’a pas été diminué par rapport à celui qui vous a été alloué l’année précédente”.

Dans le dernier état des relations contractuelles régies par les statuts du personnel de la société Adoma, le salarié percevait une rémunération fixe mensuelle brute de 1 900,61 euros à laquelle s’ajoutait un 13ème mois et une prime d’ancienneté de 28,51 euros.

Le 27 mars 2019, M. [G] [S] a saisi le conseil de prud’hommes de Paris pour solliciter la nullité de l’avertissement notifié le 25 septembre 2017, des dommages-intérêts pour sanction disciplinaire injustifiée et des dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.

Le 4 septembre 2020, le conseil de prud’hommes de Paris, dans sa section Commerce, a débouté M. [G] [S] de l’ensemble de ses demandes, l’a condamné aux dépens de l’instance et a débouté la société Adoma de sa demande reconventionnelle.

Par déclaration du 30 octobre 2020, M. [G] [S] a relevé appel du jugement de première instance dont il a reçu notification le 12 octobre 2020.

Vu les dernières conclusions remises et notifiées le 25 janvier 2021, aux termes desquelles

M. [G] [S] demande à la cour d’appel de :

– réformer le jugement entrepris dans l’ensemble de ces dispositions

– juger que la société Adoma a exécuté de manière déloyale contrat de travail de M. [G] [S]

– condamner la société Adoma à verser à M. [G] [S] la somme de 25 000 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail

– juger nul l’avertissement notifié le 25 septembre 2017

– condamner la société Adoma à verser à M. [G] [S] la somme de 2 000 euros à titre de dommages-intérêts pour sanction disciplinaire infondée

– condamner la société Adoma au versement de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

– condamner la société Adoma aux entiers dépens de l’instance et les éventuels frais d’exécution forcée du jugement à intervenir.

Vu les dernières conclusions remises et notifiées le 22 avril 2021, aux termes desquelles la société Adoma demande à la cour d’appel de :

– confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Paris en ce qu’il a débouté Monsieur [S] de l’ensemble de ses demandes

Statuant à nouveau, la société sollicite de la cour de céans :

A titre principal,

– dire légitime l’avertissement du 25 septembre 2017 prononcé à l’encontre de Monsieur [S]

– dire que la société n’a pas manqué à ses obligations contractuelles à l’égard de Monsieur [S]

– dire que les demandes de Monsieur [S] sont infondées

– débouter Monsieur [S] de l’ensemble de ses demandes

A titre reconventionnel,

– condamner Monsieur [S] à verser à la Société la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

– condamner Monsieur [S] aux entiers dépens.

Conclusions auxquelles la cour se réfère expressément pour un plus ample exposé des faits de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties.

L’instruction a été clôturée par ordonnance du 11 janvier 2023.

MOTIFS DE LA DECISION :

1/ Sur l’exécution déloyale du contrat de travail

M. [G] [S] reproche à l’employeur d’avoir manqué à son obligation de sécurité en n’adoptant pas de mesures de protection suffisantes pour le prémunir contre les agressions alors que la résidence “[6]”, dont il était le responsable, subissait des intrusions régulières de “squatteurs”, certains étant violents et alcoolisés dans un contexte de consommation de stupéfiants très présent. Alors qu’il justifie avoir alerté sa hiérarchie, dès janvier 2017, sur ces questions (pièce 24) aucune réponse ne lui a été apportée et il lui a même été demandé de ne pas se présenter à un rendez-vous qu’il avait organisé pour faire un point avec les fonctionnaires de police du commissariat d’arrondissement (pièces 61, 28).

L’appelant affirme qu’il a fait l’objet, le 12 février 2018, d’agressions verbales et physiques d’un groupe de personnes se trouvant dans les locaux de la résidence, le contraignant à s’enfermer dans son bureau pour y trouver refuge (pièce 6). Le 26 février 2019, il a subi une attaque dans les mêmes circonstances nécessitant l’intervention des services de police (pièces 26 et 27). Le 8 novembre 2019, alors qu’il appelait les fonctionnaires de police afin d’évacuer un homme qui errait dans la résidence, ce dernier lui a asséné plusieurs coups de pince en métal au visage et sur le crâne (pièces 81, 82, 100). Le 10 décembre 2019, soit le jour même de sa reprise d’activité après son accident du travail, il était encore agressé dans son bureau par un résident (pièce 83). Le salarié indique que ce n’est qu’après sa mutation dans une autre structure que la société Adoma a affecté un agent de sécurité pour assurer une surveillance en soirée et durant la nuit. Cependant, dès le lendemain de sa nomination, cet agent a expliqué que, compte tenu du niveau de dangerosité du site, la présence de plusieurs agents était nécessaire (pièce 85).

L’appelant se plaint, également, de s’être trouvé très isolé dans l’exercice de ses missions et il relève qu’alors qu’il était responsable de l’un des centres les plus difficiles, aucun ouvrier de maintenance n’était affecté de manière permanente à ses côtés. Il ajoute, à cet égard, que la présence d’un duo “Responsable de résidence/ouvrier de maintenance” est la condition sine qua non d’une bonne gestion d’une résidence Adoma, ainsi que l’a pointé un rapport du CHSCT de juillet 2012 (pièce 3), qui a rappelé que l’absence d’un ouvrier de maintenance est une source importante de tensions entre les salariés et les résidents. Là encore, en dépit des nombreuses revendications qu’il a adressées à sa hiérarchie sur ce sujet (pièces 16, 17, 29, 30 et 31), il n’a pas obtenu le recrutement d’un ouvrier de maintenance permanent alors qu’en raison des problèmes techniques qui se posaient au sein de la résidence, il devait faire face quotidiennement à la colère des résidents. De surcroît, alors même qu’il devait gérer la résidence [6] sans bénéficier d’un support technique, la Direction s’est abstenue à plusieurs reprises de répondre à ses sollicitations, comme lorsqu’il lui a demandé l’intervention d’une société spécialisée pour résoudre le problème des coupures d’électricité récurrentes dans la résidence (pièce 54).

Le salarié appelant souligne, encore, que les conditions de travail des responsables de résidence Adoma ont été dénoncées dans un rapport d’expertise commandé par le CHSCT et rendu le 5 juillet 2012. Ce document a constaté les problématiques liées à la présence de “squatteurs” dans les résidences et relevé que la profession de Responsable de résidence était “la plus directement exposée, avec le OM, au réel du terrain Adoma” et qu’il en résultait “une pression psychologique qui est le lot quotidien des RR et que l’isolement professionnel accentue” (pièce 3). L’appelant fait valoir son état de santé a été sérieusement affecté par ces conditions de travail et que son médecin traitant a diagnostiqué une “souffrance au travail et stress post-traumatique, suivi psychologique est mis en place, un traitement médicamenteux a été nécessaire” (pièce 7).

Enfin, le salarié appelant fait grief à l’employeur d’avoir diminué arbitrairement sa Prime Annuelle pour Objectif (PAO) dans d’importantes proportions et ce, alors même que son investissement était reconnu par ses collègues (pièces 14, 41 et 66). Ainsi, pour l’année 2016, il a perçu une prime inférieure de 600 euros à celle versée les années précédentes et pour les années 2017 et 2018, il lui a été versé la prime la plus faible du secteur, à savoir 400 euros (pièce 23). Bien qu’il ait interrogé sa hiérarchie pour connaître les raisons de la diminution de sa prime, il ne lui a été communiqué aucun élément objectif justifiant de cette baisse. Si la société intimée prétend que cette réduction de la prime d’objectif est venue sanctionner les mauvais comportements du salarié et son manque d’implication ayant abouti à une augmentation du taux d’impayé, celui-ci réfute cette présentation et il verse aux débats les témoignages du Président du comité du foyer de [6] (pièce 62) et de nombreux résidents (pièces 48, 49, 50, 60) qui saluent son investissement.

L’employeur se défend de ne pas avoir pris en compte les signalements du salarié concernant les intrusions et le climat de violence régnant au sein de l’établissement et il affirme qu’il a mis en place :

– un système de signalement par l’intermédiaire d’un logiciel d’alerte “la Sentinelle” permettant aux salariés de faire remonter ce type d’incident (pièce 6 salarié)

– une assistance psychologique à la disposition des salariés (pièce 40)

– une cloison séparatrice, un système de contrôle d’accès et un dispositif de badgeage permettant de restreindre l’accès aux locaux (pièces 26 à 31)

– un dispositif de vidéosurveillance (pièces 32, 33)

– un recours à une société de gardiennage (pièce 43)

La société intimée n’a pas hésité, non plus, à solliciter l’intervention des forces de l’ordre du commissariat central du [Localité 2] afin d’améliorer la sécurité du site (pièce 21 à 25). En conséquence, elle considère qu’il ne peut, en aucune manière, lui être reproché d’avoir manqué à son obligation de sécurité à l’égard de l’appelant. S’agissant du rapport du CHSCT sur les conditions de travail des salariés dans les résidences Adoma, l’employeur relève que l’expertise commandée par le CHSCT date du 5 juillet 2012 et qu’elle était donc antérieure de 7 ans à la saisine du conseil de prud’hommes par l’appelant et même de la création de la fonction de “Responsable de site” qui était destinée à renforcer le management de proximité. Par ailleurs, ce rapport ne tient pas compte des mesures de sécurité qui ont été prises par la suite.

La société intimée observe que M. [G] [S] ne l’a jamais alertée, pas plus que la médecine du travail ou bien encore les institutions représentatives du personnel, sur une quelconque situation de souffrance au travail et sur une dégradation de son état de santé en relation avec cette dernière. En revanche, le comportement du salarié appelant a causé une détérioration des conditions de travail de plusieurs de ses collègues (pièces 12, 15, 46, 47 et 48).

Concernant l’absence d’affectation d’un ouvrier de maintenance à la résidence [6], la société intimée affirme que toutes ses tentatives pour nommer un ouvrier de maintenance au sein de l’établissement ont achoppé en raison du comportement même de l’appelant, ainsi qu’en atteste le témoignage d’un de ses salariés qui a dénoncé le harcèlement qu’il subissait de la part de M. [G] [S] (pièces 46, 47).

Enfin, l’employeur s’explique sur les conditions d’attribution et de réduction de la Prime Annuelle pour Objectif (PAO) versée au salarié. Il indique, à cet égard, que l’attribution de la PAO était calculée en fonction de la réalisation d’objectifs déterminés pour la période de référence. A la prise en compte de ces objectifs s’ajoutait une évaluation en matière de “savoir faire” et “savoir être” du salarié. Chaque année un bilan était effectué sur l’année écoulée pour déterminer le taux d’atteinte des objectifs et pour fixer ceux de l’année à venir. La société intimée estime donc que les conditions d’attribution de la prime annuelle étaient parfaitement définies et connues du salarié. En outre, après que M. [G] [S] a contesté le montant des primes qui lui avaient été accordées pour les années 2016 et 2017, il lui a été rappelé dans un courrier du 24 avril 2018 : “que la prime annuelle par objectif est déterminée en fonction du niveau de performance dans l’atteinte des objectifs fixés sur la période de référence, savoir-être et du savoir-faire du collaborateur”. Ainsi, si la prime annuelle pour objectif du salarié n’a cessé de diminuer au fil des années c’est que le comportement de celui-ci s’est dégradé à compter de l’année 2016. L’employeur a, principalement, relevé une hausse constante des impayés sur la résidence de [6], liée au refus du salarié d’accomplir le moindre effort en la matière tant qu’il ne toucherait pas une PAO plus élevée, comme il l’a revendiqué devant son supérieur hiérarchique, M. [L], sa collègue de travail Mme [O] (pièces 7, 11 et 12) et M. [H] [F], Directeur territorial adjoint (pièce 38). Une dégradation du comportement et de l’investissement du salarié a, également, été notée dans ses entretiens annuels pour les années 2016 et 2017 et le 25 septembre 2017.

Enfin, M. [G] [S] s’est vu notifier un avertissement en raison de manquements à ses obligations contractuelles sans que ces rappels à l’ordre ne viennent infléchir la démotivation du salarié.

Mais, la cour retient que les agressions répétées dont M. [G] [S] justifie avoir été victime au sein de la résidence Adoma suffisent à démontrer que le dispositif de protection mis en place par l’employeur était insuffisant à garantir la santé et la sécurité de ses employés. A cet égard, il peut être relevé que le système d’alerte “la Sentinelle” n’avait vocation qu’à signaler les incidents une fois qu’ils étaient survenus, que la cloison séparatrice n’isolait que la zone des boites aux lettres, qu’il est établi que le système de badgeage était défectueux (pièces 46, 76), qu’en avril 2019 le Directeur Territorial Adjoint constatait que le foyer était toujours en attente d’une caméra de vidéosurveillance (pièce 46), que la présence d’un vigile n’a été que ponctuelle et n’est intervenue que les nuits (pièce 76).

Le manquement caractérisé de l’employeur à son obligation de sécurité, qui a eu des répercussions sur l’état de santé du salarié, suffit à démontrer un manquement de la société Adoma à l’exécution loyale du contrat de travail. En revanche, l’analyse des entretiens d’évaluation du salarié, qui détaillent la réalisation incomplète des objectifs fixés à M. [G] [S] pour les années 2016 et 2017, permet de justifier la réduction de sa Prime Annuelle pour Objectif (PAO) au titre de ces années sans qu’aucun grief ne puisse être adressé à l’employeur, sur ce point.

Il sera, donc, alloué une somme de 5 000 euros au salarié appelant à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et le jugement déféré sera infirmé de ce chef.

2/ Sur l’avertissement

Aux termes de l’article L.1333-1 du code du travail,en cas de litige, le conseil des prud’hommes apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction. L’employeur fournit au conseil de prud’hommes les éléments retenus pour prendre la sanction. Au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l’appui de ses allégations, le conseil des prud’hommes forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

Aux termes de l’avertissement notifié le 25 septembre 2017, il est reproché au salarié :

– un taux d’impayés en augmentation sur la résidence [6] en raison de sa démobilisation

– le refus d’un paiement partiel par un résident le 19 juillet 2017

– un comportement irrespectueux vis-à-vis de sa hiérarchie entraînant un climat de travail délétère.

L’employeur explique que, le 13 juin 2017, M. [G] [S] a ouvertement signifié, lors d’une réunion en présence de son responsable hiérarchique, M. [L] et de sa collègue de travail Mme [O], qu’il ne fournirait aucun effort supplémentaire pour le recouvrement des loyers impayés au sein de la résidence (pièces 7, 11 et 12). Le 15 juin 2017, il a réitéré ces propos devant son manager et ses collègues de travail. Les menaces de l’appelant ont d’ailleurs été suivies d’effet puisque le niveau des impayés est passé de 13 091,98 euros à la fin novembre 2016, à 20 033,03 euros à fin juin 2017 et 20 121 euros à fin août 2017.

Le 19 juillet 2017, un résident a, par ailleurs, signalé à la direction que M. [G] [S] avait refusé d’encaisser son paiement alors qu’il souhaitait solder une partie de sa dette (pièces 16, 17 et 19). Le 11 septembre 2017, le salarié a réitéré devant sa hiérarchie le fait qu’il connaissait de nombreux procédés pour réduire le niveau d’impayés de la résidence mais qu’il n’entendait plus fournir d’efforts en la matière compte tenu du niveau insuffisant, selon lui, de sa dernière Prime Annuelle d’Objectifs (pièce 7).

Par ailleurs, l’appelant n’a pas hésité à dénigrer sa direction territoriale en la qualifiant de “voleuse” devant ses collègues de travail et son attitude réfractaire au recouvrement des impayés a mis en difficulté ses collègues chargés des mêmes missions, créant un climat délétère dans la résidence.

M. [G] [S] réfute avoir tenu des propos irrespectueux à l’encontre de sa hiérarchie en soulignant que les seules attestations produites aux débats par l’employeur émanent de ses supérieurs hiérarchiques et qu’elles ne peuvent être considérées comme objectives et pertinentes. Le salarié appelant verse aux débats de nombreux témoignages attestant de ses qualités professionnelles et humaines contredisant les critiques de l’employeur. L’appelant relève, qu’alors que l’employeur mentionne dans ses explications qu’il n’était pas le seul a être chargé du recouvrement des impayés, puisque sa collègue Mme [O] avait la même mission, il lui impute l’entière responsabilité de l’augmentation du niveau d’impayés à compter de 2016. Enfin, il précise que s’il n’a pas accepté un paiement d’un résident c’est parce que les consignes définies par la Directrice territoriale déconseillaient de recevoir des paiements partiels (pièces 39, 67 et 68).

En conséquence, M. [G] [S] sollicite l’annulation de la sanction disciplinaire et l’allocation d’une somme de 2 000 euros en réparation du préjudice subi.

Cependant, la cour observe qu’il est bien établi par l’employeur, par la production de plusieurs témoignages concordants, que le salarié a signifié publiquement et à plusieurs occasions son refus d’effectuer le moindre effort pour réduire le niveau des impayés au sein de la résidence [6], à titre de protestation contre la réduction de sa prime annuelle. Ce refus d’exécution de manière diligente d’une des missions qui lui étaient confiées dans le cadre de son contrat de travail est,également, caractérisé par le non-encaissement d’un paiement partiel de la part d’un résident. Contrairement à ce que prétend le salarié, les pièces qu’il verse aux débats ne démontrent pas qu’il lui avait été déconseillé par sa Direction d’accepter les paiements partiels mais uniquement que ceux-ci ne permettaient pas d’interrompre une procédure d’expulsion envisagée contre un résident.

Il sera donc jugé que confrontée à une insubordination manifeste du salarié qui refusait d’exécuter les missions qui lui étaient confiées en représaille à la diminution de ses primes annuelles, la société intimée était bien fondée à lui notifier un avertissement.

Le jugement entrepris sera donc confirmé de ce chef.

3/ Sur les autres demandes

La société Adoma supportera les dépens de première instance et d’appel et sera condamnée à payer 2 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Infirme le jugement entrepris sauf en ce qu’il a :

– débouté M. [G] [S] de sa demande d’annulation de l’avertissement notifié le 25 septembre 2017 et de sa demande de dommages-intérêts subséquente

– débouté la société Adoma de sa demande reconventionnelle au titre de l’article 700,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne la société Adoma à payer à M. [G] [S] les sommes suivantes :

– 5 000 euros à titre de dommages-intérêts au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail

– 2 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes plus amples et contraires,

Condamne la société Adoma aux dépens de première instance et d’appel.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

 


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