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Vidéosurveillance : 6 juillet 2023 Cour d’appel d’Orléans RG n° 21/01706

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Vidéosurveillance : 6 juillet 2023 Cour d’appel d’Orléans RG n° 21/01706

C O U R D ‘ A P P E L D ‘ O R L É A N S

CHAMBRE SOCIALE – A –

Section 2

PRUD’HOMMES

Exp +GROSSES le 6 JUILLET 2023 à

la SCP LAVAL – FIRKOWSKI

Me Angela VIZINHO-JONEAU

LD

ARRÊT du : 6 JUILLET 2023

MINUTE N° : – 23

N° RG 21/01706 – N° Portalis DBVN-V-B7F-GMJ4

DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE BLOIS en date du 20 Mai 2021 – Section : COMMERCE

APPELANTE :

S.A. AUCHAN FRANCE prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 1]

[Localité 4] prise en son établissement de [Localité 7]

[Adresse 8]

[Localité 7]

représentée par Me Olivier LAVAL de la SCP LAVAL – FIRKOWSKI, avocat au barreau d’ORLEANS

ayant pour avocat plaidant Me Amandine PEROCHON de la SELAS FIDAL, avocat au barreau de BLOIS,

ET

INTIMÉ :

Monsieur [P] [X]

né le 27 Mai 1976 à [Localité 5] (Algérie)

[Adresse 2]

[Localité 3]

représenté par Me Angela VIZINHO-JONEAU, avocat au barreau de BLOIS

Ordonnance de clôture : 21 mars 2023

Audience publique du 23 mars 2023 tenue par Mme Laurence DUVALLET, Présidente de chambre, et ce, en l’absence d’opposition des parties, assistée lors des débats de Mme Karine DUPONT, Greffier,

Après délibéré au cours duquel Mme Laurence DUVALLET, Présidente de chambre a rendu compte des débats à la Cour composée de :

Madame Laurence DUVALLET, présidente de chambre, présidente de la collégialité,

Monsieur Xavier AUGIRON, conseiller,

Madame Anabelle BRASSAT-LAPEYRIERE, conseiller,

Puis le 6 juillet 2023 (délibéré prorogé, initialement fixé au 13 Juin 2023), Mme Laurence DUVALLET, présidente de Chambre, présidente de la collégialité, assistée de Mme Karine DUPONT, Greffier a rendu l’arrêt par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

FAITS ET PROCÉDURE

Selon contrat à durée indéterminée du 1er janvier 2008, M.[P] [X] a été engagé par la SA Auchan France, en qualité d’agent de sécurité.

La relation de travail était régie par la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire du 12 juillet 2001.

Les 26 janvier et 8 février 2018, la SA Auchan France a fait procéder à l’enregistrement par constat réalisé par commissaire de justice des bandes de vidéo-surveillance concernant le poste informatique de M.[X].

Le 12 février 2018, M. [X] a été mis à pied à titre conservatoire et convoqué à un entretien préalable à sanction pouvant aller jusqu’au licenciement, qui s’est tenu le 20 février 2018.

Le 26 février 2018, la société a notifié à M.[X] son licenciement pour faute grave.

Par requête du 1er octobre 2020, il a saisi le conseil de prud’hommes de Blois d’une demande tendant à contester son licenciement.

Par jugement du 20 mai 2021 auquel il est renvoyé pour plus ample exposé du litige, le conseil de prud’hommes de Blois a :

– Jugé abusif le licenciement de Monsieur [P] [X],

– Condamné la SA Auchan France à payer à M. [P] [X] les sommes de :

– 521,28 euros au titre de rappel de salaire sur mise à pied

– 52,13 euros au titre des congés payés afférents

– 3293,76 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis

– 329,38 euros au titre des congés payés afférents

– 3671 ,46 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement

– 16 466,80 euros au titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif

– 1000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile;

– Ordonné la remise du certificat de travail et de l’attestation pôle emploi rectifiés sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du 15ème jour suivant la notification du présent jugement.

– Déboute la SA Auchan France de toutes ses demandes reconventionnelles,

– Condamne la SA Auchan France aux entiers dépens de l’instance.

Le 14 juin 2021, la SA Auchan France a relevé appel de cette décision.

***

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Vu les dernières conclusions remises au greffe le 1er mars 2023 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles la SA Auchan France demande à la cour de :

Infirmer le jugement rendu par le Conseil de Prud’hommes de Blois en ce qu’il a considéré que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse, et a condamné la société à verser à M. [P] [X] les sommes suivantes :

– 521,28 euros au titre de rappel de salaire sur mise à pied,

– 52,13 euros au titre des congés payés afférents,

– 3 293,76 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

– 329,38 euros au titre des congés payés afférents,

– 3 671,80 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement,

– 16 466,80 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,

– 1 000,00 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

– Infirmer le jugement du Conseil de Prud’hommes de Blois en date du 20 mai 2021 en ce qu’il a débouté la société de sa demande reconventionnelle au titre des frais de procédure.

Statuant à nouveau :

– Considérer que le licenciement de M. [P] [X] repose sur une faute grave.

– Dire et juger que les constats d’huissier sont licites et recevables.

– Dire et juger que le licenciement de M. [P] [X] repose sur une faute grave.

En conséquence, débouter M. [P] [X] de l’ensemble de ses demandes.

– Débouter M. [P] [X] de ses demandes reconventionnelles, à savoir :

– La somme de 3 500 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure,

– La somme de 463,27 euros bruts à titre de rappel de salaire et solde de tout compte, outre la somme de 46,33 euros au titre des congés payés afférents.

– Condamner M. [P] [X] à verser à la SA Auchan France la somme de 3 500

euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

– Condamner M. [P] [X] aux entiers dépens.

***

Vu les dernières conclusions remises au greffe le 16 mars 2023 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles M. [P] [X] demande à la cour de :

– Confirmer le jugement entrepris dans toutes ses dispositions.

Y ajoutant,

– Condamner la SA Auchan France à verser à M. [X] la somme de 463,27 euros à titre de rappel de salaire sur solde de tout compte, outre la somme de 46,33 euros au titre des congés payés afférents.

– Condamner la SA Auchan France à régler à M. [X] la la somme de 4.000,00 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

-Condamner la SA Auchan France aux dépens d’appel et accorder à Maître Angéla Vizinho-Joneau le droit de recouvrement prévu à l’article 699 du Code de procédure civile.

-Débouter la SA Auchan France de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions contraires.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 21 mars 2023.

MOTIFS DE LA DECISION

– Sur le licenciement :

Il résulte de l’article L.1232-1 du code du travail que tout licenciement pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse.

Le motif inhérent à la personne du salarié doit reposer sur des faits objectifs, matériellement vérifiables et qui lui sont imputables.

L’article L.1235-1 du code du travail dispose qu’en cas de litige, le juge à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, et au besoin après toutes mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si un doute existe, il profite au salarié.

La cause réelle est celle qui présente un caractère d’objectivité. Elle doit être exacte. La cause sérieuse est celle d’une gravité suffisante pour justifier la rupture des relations contractuelles.

La faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise et justifie son départ immédiat. La preuve de la faute grave incombe à l’employeur.

La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige est ainsi rédigée :

«Lors de votre activité en tant qu’agent de sécurité au PC Sécurité du magasin, nous avons constaté que vous utilisiez à des fins détournées les caméras du magasin pour filmer et observer de manière récurrente la population féminine amenée à transiter au sein de notre hypermarché (salariées Auchan, clientes, employées des commerces de la galerie marchande).

Le relevé des bandes de vidéosurveillance que nous avons pu consulter alors que vous êtes en poste au PC Vidéo, nous permettent d’affirmer que vous ciblez plus particulièrement deux hôtesses de caisse du magasin, à savoir Madame [A] [V] et Madame [S] [K].

Les manipulations vidéo que vous effectuez à l’égard de ces deux salariées nous permettent d’affirmer qu’il ne s’agit pas d’un contrôle de leur activité, puisque vous les filmez alors même qu’elles ne sont pas en situation de commettre une quelconque fraude et que les parties que vous filmez n’ont également pas de lien avec une fraude potentielle.

De même vous utilisez les caméras de la galerie commerciale afin de filmer à l’intérieur de certaines boutiques, et plus particulièrement le point de restauration Stratto et la boutique Histoire d’Or. Vous filmez de façon répétée les employées féminines de la Boutique Histoire d’Or et les clientes au point de restauration Stratto en effectuant des zooms sur certaines parties intimes du corps de certaines femmes. […]

Ainsi il ressort de l`ensemble des éléments factuels relatés ci-dessus qu`à de très nombreuses reprises vous avez détourné l’usage premier de la vidéo au sein du PC sécurité.

En effet, les manipulations vidéos que vous avez effectuées permettent d’affirmer que celles-ci ne visaient pas un objectif de prévention de la sécurité des biens et des personnes, mais visaient un objectif de voyeurisme ciblé sur la population féminine du magasin. Lors de l’entretien du 20 février 2018, vous nous avez fourni les explications suivantes.

Concernant les vidéos sur certaines employées du magasin Auchan :

– Concernant les vidéos sur Madame [A] [V], hôtesse de caisses, vous avez pris l’initiative de faire des contrôles sur cette hôtesse parce qu’une cliente du magasin vous avait fait part de suspicions qu’elle avait sur cette personne. Vous vouliez avoir des preuves avant d’en informer votre hiérarchie.

– Concernant les vidéos sur Madame [S] [K], hôtesse de caisses, vous avez expliqué qu’elle faisait partie d’une liste d’hôtesses suspectées de fraude depuis 2013 et que par conséquent, vous faisiez des contrôles sur cette employée.

– Concernant la vidéo sur Madame [M] [F], vous ne reconnaissez pas avoir réalisé cette vidéo.

Concernant les vidéos dans la Galerie Marchande, vous nous avez expliqué que suite à une ronde de la police municipale, ils vous avaient fait part d’un client suspicieux avec une doudoune qu’il fallait surveiller. Vous avez ajouté que les gros plans étaient réalisés afin de fournir des pièces aux forces de l’ordre en cas de crime.

En ce qui concerne les vidéos réalisées dans la boutique Histoire d’Or, vous nous avez également évoqué le fait qu’une employée de cette boutique s’était plainte d’avances que lui aurait fait un agent de sécurité du magasin et vous contrôliez ce qui s`y passait.

Vous trouverez ci-dessous le détail des vidéos.

– Le 3 janvier 2018 à 9h29, vous filmez avec une première caméra la sortie des bureaux

vers le magasin de Madame [A] [V], hôtesse de caisse, qui part prendre son poste de travail en Caisses. Elle s`installe à sa caisse mais, se positionnant de dos, vous utilisez une seconde caméra pour avoir un visuel de face. Vous utilisez deux caméras pour une seule hôtesse qui ne présente aucun risque puisqu’allant prendre son poste.

– Le 4 janvier 2018 à 17h18, après recherche avec une caméra, vous filmez à nouveau

Madame [A] [V] de dos à son poste de travail, sans contrôle possible de votre

pan.

– Le 4 janvier 2018 à 17h20, vous effectuez plusieurs zooms sur Madame [A] [V] à son poste de travail en Caisses en recherchant la netteté de l`image. Vous ne restez que quelques secondes sur Madame [A] [V]. Aucun contrôle n`est possible puisque les mains de l*hôtesse et son activité ne sont pas visibles.

– Le 4 janvier 2018 à 19h15, vous filmez Madame [S] [K], hôtesse de caisse,

à son poste de travail sur la caisse Rapido qui discute avec des collègues en effectuant

plusieurs zooms. Elle n`est pas en action de passage client, ne manipule ni marchandises ni moyen de paiement.

– Le 4 janvier 2018 à 19112, vous filmez à nouveau Madame [A] [V] à son poste de travail. Un obstacle aérien gène le visuel et vous ne pouvez pas voir son activité. Le film dure plusieurs secondes et après plusieurs zooms, vous ajustez la caméra sur son visage.

– Le 5 janvier 2018 à 19h14, vous filmez dans la galerie commerciale les clients dans le point de restauration Stratto puis la vendeuse dans la Boutique Histoire d`Or, où vous ne filmez pas le client.

– Le 6 janvier 2018 à 19h48, vous effectuez plusieurs zooms dans la boutique Histoire

d’Or dans la galerie commerciale.

– Le 6 janvier 2018 à 19h50, vous filmez deux clientes dans la galerie commerciale puis

descendez avec la caméra sur les jambes d`une cliente en jupe jusqu`à ne plus voir son visage.

– Le 8 janvier 2018 à 15h39 : vous filmez une cliente en magasin dans le rayon Habillement. Puis vous zoomez sur le dos de cette cliente qui se dévoile lorsqu’elle s`accroupit.

– Le 8 janvier 2018 à 15h54, vous filmez les deux employées de la boutique Histoire d’Or alors que vous passez la caméra très rapidement sur un client qu’il est impossible d’identifier au vu de la rapidité du film. Puis vous filmez dans le point de restauration Stratto et zoomez sur les cuisses d’une cliente assise avec un homme.

– Le 8 janvier 2018 àl9h26, vous zoomez sur un employé dans la Boutique Jules de la

galerie commerciale puis zoomez de façon très rapide sur 3 personnes, puis dans Boutique Jennyfer et enfin sur une femme dans la galerie.

– Le 9 janvier 2018 à 18h07, vous filmez dans le point de restauration Stratto dans la

galerie commerciale sur des clients assis, puis sur un couple puis sur une cliente dans

la galerie

– Le 9 janvier 2018 à 18h08, vous filmez à l’aide d`une caméra du magasin le point de

restauration Stratto situé dans le second mail de la galerie commerciale et effectuez plusieurs zooms. Cette caméra ne vous permet pas d’avoir un visuel précis.

Le 9 janvier 2018 à 18h36, vous filmez le point de restauration Stratto et zoomez sur

trois clientes installées, puis d`autres clients puis un homme qui regarde son portable.

Le 9 janvier 2018 à 18h40, vous filmez Madame [S] [K], hôtesse de caisse,

qui ferme sa caisse sans avoir un visuel sur ses mains puis zoomez alors qu`elle nettoie sa caisse.

Le 9 janvier 2018 à 19h57, vous filmez deux employées devant la Boutique Jennyfer

qui regardent leur vitrine avec positionnement de la caméra pour voir tout le corps puis sur une autre employée dans la vitrine Jennyfer.

Le 12 janvier 2018 à 9h16 : vous filmez dans le point de restauration Stratto puis zoom sur l`employée dans la boutique Histoire d`Or où il n`y a pas de client Le 12 janvier 2018 à 13h49 : vous filmez à nouveau dans le point de restauration Stratto.

Le 15 janvier 2018 à 11h03, vous recherchez à l`aide d`une caméra Madame [A]

[V]. La caméra est gênée par un poteau et aucun constat n`est possible au vu de la rapidité du passage et du visuel.

Le 25 janvier 2018 à 9h42, vous filmez Madame [A] [V] de face qui enregistre les articles d`un client. Le visuel ne vous permet pas d`avoir un visuel précis sur sa caisse.

Le 29 janvier 2018 à 12h04, vous filmez dans le point de restauration Stratto en effectuant un zoom sur deux clientes.

Le 29 janvier 2018 à 12h20, vous filmez dans le point de restauration Stratto trois personnes installées dont une femme faisant apparaître un décolleté.

Le 29 janvier 2018 à 12h30, vous filmez à nouveau la même table du point de restauration Stratto en zoomant sur la même cliente.

Le 30 janvier 2018 à 20h21, vous filmez Madame [S] [K], hôtesse de caisse, qui forme un nouveau collaborateur en caisse.

Le 31 janvier 2018 à 16h12, vous filmez Madame [A] [V] cachée par une structure métallique et par un client. Vous n`avez pas de visuel sur son activité.

Le 31 janvier 2018 à 16h17, vous filmez à nouveau Madame [A] [V] de face à son poste de travail mais masquée par une cliente et une structure métallique.

Le 31 janvier 2018 à 18h22 puis à 18h32, vous filmez à nouveau Madame [A] [V] mais son activité n’est toujours pas visible.

Le 31 janvier 2018 à 20h43, vous recherchez Madame [A] [V] à sa caisse.

Elle a changé de poste et vous la retrouvez installée à une autre caisse. Aucun visuel

possible sur son activité.

Le 31 janvier 2018 à 21h20 : Après avoir suivi deux clientes du magasin qui arrivent

en caisse, vous effectuez un zoom sur le visage de Madame [C] [I], hôtesse de caisse, pendant 20 secondes. Vous ne pouvez donc pas contrôler son activité ni les clients.

Le 31 janvier 2018 à 21h22, vous filmez à nouveau Madame [A] [V] qui nettoie sa caisse en la suivant avec la caméra.

Le 1er février 2018 à 17h59, vous filmez dans le point de restauration Stratto puis zoomez sur deux femmes en terrasse.

Le 7 février 2018 à 12h43, vous filmez les deux employées de la boutique Histoire d’Or en effectuant plusieurs allers retours avec la caméra alors qu`il n°y a pas de client.

Le 7 février 2018 de 12h57 à 12h58 et 40`, vous filmez Madame [M] [F], chef de caisse du magasin Auchan. Celle-ci est, en tant que cliente, en train de choisir son repas au point sandwicherie du magasin. Vous la filmez pendant tout l`acte d’achat, du choix des produits jusqu`au règlement.»

La société Auchan reproche ainsi à M.[X] d’avoir détourné le système de vidéosurveillance à des fins de voyeurisme ciblé sur la population féminine du magasin et de la galerie marchande.

En premier lieu, M.[X] soutient que le chef d’équipe et de la sécurité – Messieurs [G] et [U] – de la société Auchan lui ont demandé le 2 janvier 2018 de leur communiquer ses codes d’accès de sa messagerie professionnelle et du poste informatique pour se connecter à la vidéosurveillance du magasin et reproche à la société d’avoir, par des manoeuvres, orchestré son licenciement.

En l’espèce, si, effectivement, les profils et mot de passe personnels de l’agent de sécurité pour se connecter sont créés avec l’identifiant du chef de la sécurité, il est démontré que celui-ci n’est pas en mesure d’avoir accès au mot de passe du salarié; celui-ci apparaissant chiffré. M.[X] ne produit aucune offre de preuve sur le fait qu’il lui aurait été demandé de communiquer ses codes personnels.

Il établit, en revanche, avoir écrit quelques mois plus tôt à propos du comportement d’un collègue, auquel il reprochait des propos racistes. Le chef de service confirme une demande de changement de poste en janvier 2018 à laquelle il n’a pas pu être donné suite.

S’agissant des manoeuvres, il est constaté que les courriels, notamment intitulés «vidéos non appropriées» des 6, 9, 12, 15 et 30 janvier 2018, des 5 et 7 février 2018 (pièce n°12 de la société) énumère les dates, heures et numéro des caméras dont sont issues des vidéos relevant, pour la société, de la faute reprochée. La mention visée par M.[X] pour la «journée du 9/01 à peaufiner» ne suffit à justifier d’un quelconque stratagème mais vise essentiellement à avertir M. [U] de la nécessité de procéder aux recherches permettant de mettre en exergue, le cas échéant, un détournement du système informatique de surveillance à des fins de «voyeurisme», cette journée étant la seule n’indiquant pas les heures et les caméras, sans qu’on puisse en tirer de plus ample conclusion.

La SA Auchan France produit au soutien du licenciement différentes pièces dont deux

deux constats d’huissier de justice (commissaire de justice) établis à la demande de la société Auchan le 26 janvier et 8 février 2018.

M.[X] constate la licéité de ces écrits puis leur valeur probante.

Il fait grief à la société :

– de ne pas avoir porté à sa connaissance la collecte, par un dispositif, d’informations le concernant personnellement en violation de l’article L.1222-4 du code du travail ;

– de ne pas avoir fait réaliser au commissaire de justice les opérations techniques préalables permettant de constater le nom de l’auteur des opérations de surveillance en cause ;

– d’avoir réalisé ces opérations de constat sans la présence du salarié ;

– d’avoir conservé les bandes vidéos dans un délai supérieur à un mois.

Au cas d’espèce, il résulte des éléments de la cause que M. [U] – responsable de la sécurité du magasin Auchan situé à [Localité 7] – a sollicité l’intervention de Maître [D], huissier de justice (devenu commissaire de justice) situé à [Localité 6], les 26 janvier et 8 février 2018 aux fins d’établissement de deux constats.

Les procès-verbaux de constat mentionnent que le commissaire a été requis parce que M. [U] s’est «aperçu qu’un de ses agents de sécurité utilisait la fonction vidéo-surveillance à des fins qui ne correspondent pas à l’objet auquel celle-ci est destinée.»

Il est indiqué que M. [U] a mis en fonction son PC dans lequel sont stockées les données concernant les vidéosurveillances. Il s’agit de fichiers de vidéosurveillances relatives à des séquences correspondantes aux journées des 3 au 15 janvier 2018 et du 25 janvier au 7 février 2018.

Les dispositions de l’article L.1222-4 du code du travail selon lesquelles aucune information concernant personnellement un salarié ne peut être collectée par un dispositif qui n’a pas été porté préalablement à sa connaissance ne peuvent être utilement invoquées s’agissant de l’exploitation de la vidéosurveillance qu’utilise le salarié lui-même pour exercer ses fonctions et dont il a nécessairement parfaitement connaissance, y compris leurs conditions de stockage et de conservation. Il n’a fait l’objet d’aucune surveillance exercée à son insu, étant relevée qu’un moyen de preuve qui serait illicite ne peut plus être écarté au regard de cette seule illicéité, les juges devant s’interroger, si cela est soutenu, sur la proportionnalité du recours à de tels procédés au regard des intérêts en cause et des moyens à la disposition de l’employeur pour démontrer un grief et faire valoir ses droits en cas de litige ( Soc., 8 mars 2023, pourvoi n° 21-17.802 publié).

L’employeur qui est, dans le cadre de son pouvoir de direction, en droit de surveiller l’activité de ses salariés, est en mesure de consulter des fichiers professionnels figurant sur du matériel appartenant à la société et tel est le cas en l’espèce.

Aucune disposition légale ou conventionnelle ne subordonne le dépôt d’une plainte pour visionner ou conserver ces fichiers ou n’oblige la présence du salarié durant ces opérations dès lors que les fichiers concernés ne sont pas désignés comme «personnel».

Il ne peut davantage être tiré argument du fait que les vidéosurveillances n’ont pas été présentées au salarié et débattues contradictoirement au moment de la procédure de licenciement. Le salarié a été, ainsi que cela résulte du compte rendu d’entretien préalable produit, informé des faits reprochés et a pu s’en expliquer. Il a connaissance des pièces produites par l’employeur dans le cadre du présent litige et est en mesure d’y répondre et de les combattre.

Les vidéos ont été présentées à un huissier de justice ( aujourd’hui commissaire de justice), professionnel du droit assermenté qui garantit, jusqu’à inscription de faux, le contenu des constatations opérées dans ses procès-verbaux. Il apparaît que le contenu des vidéos lui a été soumis dans le délai d’un mois suivant leur enregistrement en sorte que le délai de conservation applicable en la matière, qui n’est pas réduit par le règlement intérieur de la société employeur, a été respecté.

Les clés USB sur lequel sont enregistrées les vidéosurveillances ont été remises à l’huissier de justice et placées sous scellés par ce dernier dans une enveloppe. La cour relève que ces clés ne sont pas produites aux débats par l’employeur qui, s’agissant du contenu des vidéos, se limite à communiquer les deux constats de l’huissier de justice (pièces n°10 et 11).

Ces éléments de preuve sont parfaitement recevables, l’huissier de justice s’étant limité à procéder à de simples constatations de ce qui lui était présenté, aucun stratagème

n’étant démontré, ni même allégué s’agissant de ce profesionnel.

Les moyens de M.[X] tendant à les faire écarter des débats seront dès lors rejetés.

Il n’y a pas lieu de faire droit aux sommations de communiquer présentées par M.[X], la cour étant en mesure d’apprécier les motifs du licenciement au regard des éléments produits par la SA Auchan France.

S’agissant de la matérialité des faits, les procès-verbaux de l’huissier de justice sont ainsi rédigés :

Le premier constat du 26 janvier 2018 indique notamment:

«Nous visionnons une vidéo datée du 3 janvier 2018 avec horaire affiché sur le logiciel de stockage de données qui fait apparaître l’heure de 8 heures 29. Je constate que cette vidéo est placée sur une porte d’accès pour une hôtesse et que la vidéo visionne cette hôtesse en train de remplir diverses fonctions dans le magasin avant d’aller se rendre en caisse.

Monsieur [U] lance ensuite la vidéo du 4janvier 2018 à 16H20. Je constate que sur cette vidéo la même hôtesse est filmée et suivie aux différents endroits du magasin où elle se rend jusqu’à son poste de travail qui est la caisse. Je constate que cette vidéo-surveillance est dirigée et focalisée sur cette hôtesse avec recherche pour la visionner de façon qui soit la plus nette possible. Je constate ensuite que la vidéo focalise et zoome sur une autre hôtesse.

Monsieur [U] affiche ensuite la journée du 5 janvier 2018 à 18H14. Je constate que cette vidéo est dirigée dans la galerie marchande et plus spécialement sur la terrasse du café et ensuite sur un magasin de bijouterie. Je constate que cette vidéo s ‘attarde sur le personnel féminin de cette boutique.

Monsieur [U] fait défiler la vidéo du 6 janvier 2018 à 17H50 quifilme et zoome sur la galerie marchande et s’attarde toujours sur des femmes en les visionnant de près. Monsieur [U] fait défiler la vidéo du 8 janvier 2018 à 14H39 sur laquelle la caméra après recherche zoome sur une femme qui est en train de regarder des vêtements. Je constate que cette vidéo fait apparaître un zoom sur le dos de cette femme qui se dévoile lorsqu’elle s’accroupit.

Monsieur [U] me confie la clé USB de l’ensemble de ces films du 3 janvier au 15 janvier 2018 que je place sous scellés dans une enveloppe.

Sur la vidéo du 8 janvier dans la galerie marchande, je constate que la vidéo-surveillance zoome sur une femme assise à la terrasse du café et s ‘attarde plus particulièrement sur les cuisses de cette femme. Je constate ensuite que cette vidéo zoome sur les magasins de la galerie marchande à l’intérieur de ceux-ci. Les zooms sont effectuées de façon plus particulière sur la gente féminine. Monsieur [U] me déclare que l’agent responsable de ces agissements est Monsieur [P] [X]. Monsieur [U] me déclare que les hôtesses particulièrement filmées sur les vidéos sont Madame [V] [B] [A] qui a une chevelure de couleur blonde et Madame [S] [K] qui a une chevelure de couleur brune. Il est précisé que le présent procès-verbal de constat n ‘est pas exhaustif et que d’autres séquences vidéos figurent sur l’enregistrement».

Le second constat du 8 février indique : «il a été fait état de vidéos-surveillance utilisées par un agent à des fins auxquelles elles ne sont pas destinées, que depuis ces précédentes constatations, cet agent persiste dans cette utilisation, qu ‘il me requiert d’en dresser constat et de conserver sur une clé USB dans une enveloppe cachetée les séquences filmées, afin de préserver les droits de qui il appartiendra. Me suis rendu ce jour à [Localité 7], au magasin Auchan, centre commercial Les Gâts de Ceur, ou là étant je rencontre Monsieur [Z] [U], responsable sécurité, en présence duquel je constate ce qui suit. Monsieur [Z] [U] met en fonction son PC dans lequel sont stockées les données concernant les vidéo-surveillances.

Monsieur [U] fait passer la séquence du 25 janvier 2018 à 8 heures 42. Je constate qu ‘une hôtesse se trouvant en caisse est filmée en train dépasser de marchandises pour un client. Je constate que ce film s’attarde et reste sur cette’ hôtesse avec zoom sur celle-ci ou sur ses mains. Le 29 janvier 2018 à 11 heures 30, je constate que la séquence vidéo qui m ‘est présentée filme une femme à la terrasse du café dans la galerie marchande qui est en tenue avec un décolleté. Je constate que la séquence du film zoome sur celle-ci et s’attarde sur cette personne.

Sur la vidéo du 30 janvier 2018 à 19 heures 21, je constate que la séquence filme une hôtesse, une femme brune, qui est à son poste de travail en caisse. Je constate que la séquence vidéo s’attarde sur celle-ci en zoomant sur cette personne.

Le 31 janvier 2018 à 20 heures 21, je constate que la vidéo filme une hôtesse de caisse avec gros plan sur celle-ci. Je constate que cette vidéo s’attarde sur cette personne. Le 1er février 2018 à 16 heures 59, je constate que la vidéo filme la galerie marchande et plus spécialement la terrasse du café en zoomant sur des femmes assises.

Le 7 février 2018 à 11 heures 5 7, je constate que cette séquence se focalise sur une personne du magasin avec une chevelure de couleur plutôt blonde. Je constate que cette vidéo s’attarde sur cette personne qui visiblement est en train d’acheter un sandwich. Cette vidéo qui filme cette personne dure 1 minute 15.

Ce même jour, le 7 février 2018 à 11 heures 43, je constate que la vidéo qui m’est présentée filme et zoome sur la bijouterie et notamment sur les deux hôtesses qui tiennent ce magasin.

Monsieur [U] me confie la clé USB sur laquelle ces enregistrements figurent. Je mets cette clé sous scellé et je l’annexe au présent procès verbal de constat. Il m’est précisé que cette clé USB contient l’ensemble des vidéos et que les séquences que j’ai visionnées ne sont que quelques unes par rapport à d’autres vidéos montrant ce même genre de faits»

Le commissaire de justice précise qu’il lui est présenté quelques extraits de la vidéo qu’il détaille dans chacun de ses procès-verbaux. A défaut de production d’autre élément de preuve de nature à établir le contenu de la surveillance, la cour ne pourra qu’examiner les faits reprochés à la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, et mentionnés dans ces procès-verbaux.

Ainsi, la cour relève que la lettre de licenciement vise des faits datés des 9 janvier, 12 et 15 janvier 2018 et certains extraits du 31 janvier 2018 à 16h12,16h17,18h22 et 20h43 qui ne sont pas constatés par l’huissier de justice en sorte que la matérialité de ces faits n’est pas démontrée par la SA Auchan France et qu’ils ne pourront être retenus au soutien du licenciement.

Par ailleurs, la lettre de licenciement et les constats du commissaire ne décrivent pas toujours les faits de la même manière ou ne rapporte pas les faits sur les mêmes heures.

A titre d’exemple, pour la journée du 3 janvier 2018 à 9h29 l’employeur reproche d’avoir filmé «avec une première caméra la sortie des bureaux vers le magasin de Madame [A] [V], hôtesse de caisse, qui part prendre son poste de travail en Caisses. Elle s’installe à sa caisse mais, se positionnant de dos, vous utilisez une seconde caméra pour avoir un visuel de face. Vous utilisez deux caméras pour une seule hôtesse qui ne présente aucun risque puisqu’allant prendre son poste».

L’huissier, quant à lui, constate « que cette vidéo est placée sur une porte d’accès pour une hôtesse et que la vidéo visionne cette hôtesse en train de remplir diverses fonctions dans le magasin avant d’aller se rendre en caisse.»

Pour la journée du 4 janvier 2018 tandis que la société reproche un comportement s’étant déroulé à 17h18, 17h20, 19h15, 19h2, le commissaire de justice constate un seul comportement enregistré à 16h20 ( correspondant en réalité à 17h20 en raison du décalage d’une heure).

Chaque dossier est daté et classé selon des jours et horaires. Le commissaire de justice indique que le système utilise le format HTC entraîne un décalage d’une heure (en moins) entre l’heure inscrite sur la vidéo et l’heure réelle.

M.[X] fait valoir à juste titre que le commissaire de justice ne mentionne pas la durée exacte des séquences qui lui sont présentées , se limitant à mentionner que la personne en poste devant la caméra ‘s’attarde’ ‘zoome’ ou ‘focalise ‘ sur des femmes sans plus de précision et que rien n’est mentionné sur l’activité de surveillance opérée sur le reste des journées de travail de plusieurs heures.

Il ressort toutefois de ces extraits que l’agent observe du personnel féminin, le commissaire mentionnant que les ‘zooms sont effectués de façon plus particulière sur la gente féminine’, sans qu’il ressorte de la scène l’existence d’une fraude ou d’un comportement douteux des personnes observées tandis que certains extraits démontrent une attitude de voyeurisme ( zoom sur le dos d’une femme qui se dévoile lorsqu’elle s’accroupit, zoom sur une femme assise en terrasse de café et s’attardant plus particulièrement sur ses cuisses ou encore visionnage d’une femme en terrasse d’un café de la galerie marchande qui est en tenue de décolleté).

La SA Auchan France soutient que M.[X] est l’agent en poste au PC central au moment de l’enregistrement des différentes scènes présentées au commissaire de justice. Elle produit différentes pièces en ce sens : les listes des événements d’alarme pour la période comprise entre le 3 janvier et le 7 février 2018 déclenchée par M. [X] (pièce n°19), la copie du cahier d’observations du poste de sécurité du 12 janvier 2018 au 07 février 2018 indiquant les jours de présence de M. [X] (pièce n°18), un document intitulé ‘récapitulatif hebdomadaire’ de M. [X] pour la période du 31 décembre 2017 au 17 février 2018 (pièce n°17), la liste des interventions sur badgeages de M.[X] du 31 décembre 2017 au 17 février 2018 (pièce n°16), le planning hebdomadaire du service de sécurité du 31 décembre 2017 au 10 février 2018 (pièce n°15).

Monsieur [X] conteste être l’auteur des vidéosurveillances litigieuses.

La cour relève que le commissaire de justice n’est pas en mesure de constater, lors de son transport sur les lieux, par ces pièces ou tout autre élément technique que l’agent en poste et à l’origine des vidéos litigieuses est M.[X]. C’est M. [U] qui lui déclare qu’il s’agit de M. [P] [X].

La SA Auchan France ne produit aucun document détaillé sur l’organisation du service de sécurité et son mode de fonctionnement.

M.[X] n’est pas démenti lorsqu’il indique que le service comportait de nombreux agents de sécurité (13 ou 14) et d’une manière générale il ressort du planning qu’étaient présentes tous les jours entre 4 et 5 personnes au sein du service de sécurité sur la période incriminée.

Il n’est pas discuté que le P.C sécurité comporte deux ordinateurs dénommés Mistral 1 et Mistral 2 et il est démontré que chaque agent de sécurité est titulaire d’un code d’accès personnel et d’un profil pour se connecter au moment de sa prise de foncrtions à ce poste de contrôle et être ainsi identifié.

M.[X] soutient qu’à partir du démarrage des ordinateurs Mistral 1 et 2, les agents de sécurité restent connectés sur le profil des deux utilisateurs primitifs, évitant ainsi la manipulation consistant à ouvrir et éteindre sa session. Il produit une attestation d’un collègue de travail, coordonnateur de sécurité, qui confirme à la fois la procédure en vigueur et le fait que celle-ci n’est pas toujours respectée par les agents. Pour sa part, la SA Auchan France ne produit pas de document établissant l’historique des connexions de ses différents agents à ce poste permettant de confirmer que cette procédure était respectée et que la difficulté soulevée par M.[X] et confirmée par témoin n’était qu’exceptionnelle voire inexistante, notamment sur la période litigieuse.

M.[X] fait valoir également que sur la même journée de travail, l’agent tournait sur différents postes ( surveillance aux deux entrées des magasins et arrière des caisses, rondes dans la galerie marchande et surveillance au PC sécurité).

Au cas particulier, l’important est d’établir qu’à la date et l’heure de chaque vidéo litigieuse décrite par le commissaire de justice, M.[X] se trouvait au poste de sécurité et actionnait les caméras.

S’agissant des plannings hebdomadaires du service de sécurité du 31 décembre 2017 au 10 février 2018, produits par la SA Auchan France, si la falsification alléguée tendant à ramener le temps de travail effectif à 35 h/semaine n’est pas démontrée par M.[X], la cour relève néanmoins qu’ils présentent une erreur de date, le dimanche non travaillé étant daté par erreur du 29 janvier 2018 alors qu’il s’agit du 28 janvier 2018 et que les jours suivants sont ainsi décalés.

La cour relève qu’il est reproché à M.[X] trois faits commis le 29 janvier 2018 , ce qui correspond à un lundi mentionné sur le planning le 30 janvier 2018, alors que selon cette pièce, il n’a pas travaillé ce jour. Il ne peut ainsi être l’auteur des agissements constatés ce jour.

Par ailleurs, ainsi que le fait valoir M.[X], la production de ces plannings démontre tout au plus sa présence sur le lieu de travail et non son affectation au PC sécurité.

La SA Auchan France ne produit pas les fiches de ‘poste journalier’ de M.[X] et de ses collègues évoquées par le salarié dans ses écritures et pièces, permettant de définir le poste occupé par chacun .

Elle ne produit pas davantage le journal des connexions aux deux ordinateurs de la salle PC sur la période et n’a pas donné suite à la sommation de communiquer.

Le récapitulatif hebdomadaire d’horaires produit par la période du 3 janvier au 17 février 2018 n’est pas probant, le nom de M.[X] ayant été ajouté de manière manuscrite et rien n’établit qu’il le concerne effectivement. Il mentionne d’ailleurs que celui-ci aurait travaillé le lundi 29 janvier contrairement à ce qui figure sur le planning.

La liste des interventions de badgeage, qui mentionne cette fois M.[X] de manière informatique avec son numéro d’identification, concerne les seules interventions entre le 14 janvier et le 12 février 2018, excluant ainsi l’ensemble des faits constatés dans le premier constat du commissaire de justice du 26 février 2018. Par ailleurs, la lecture de ce document est insuffisante à établir de manière certaine la preuve de la présence de M.[X] au poste de travail litigieux pour l’autre période.

On ne peut déterminer quelles étaient les caméras attribuées à M.[X] durant les périodes incriminées et si certaines étaient gérées par d’autres agents de sécurité. S’il est bien précisé par l’employeur les numéros de caméras concernées pour les faits reprochés (pièce n°12), il n’est pas établi qu’il était leur utilisateur, le simple fait d’être présent au moment des faits ne permet pas à lui seul de déterminer l’auteur des vidéos dès lors que plusieurs autres salariés étaient en poste les jours des faits.

Enfin le cahier d’observations produit porte également sur la période réduite du 12 janvier au 7 février 2018, excluant toute possibilité de vérifications pour la période antérieure.

Il confirme que plusieurs agents de sécurité peuvent travailler au cours d’une même journée au poste de sécurité. Il apparaît que M.[X] était a priori le 30 janvier vers 18h30 ainsi que le 31 janvier à 19h20 au poste de sécurité et susceptible d’être l’agent qui manipulait les caméras tel que cela est décrit dans le procès-verbal du commissaire de justice du 8 février ; l’analyse de ce cahier ne permet pas cependant d’établir avec précision que M. [X] était le seul agent présent au sein du poste de sécurité, ni d’établir sur quelle(s) caméra(s) il était affecté et pour combien de temps, alors que l’échange de courriels entre le coordonnateur sécurité et le chef de sécurité (relevé Birdy) confirme l’utilisation de différentes caméras. Ce cahier mentionne que M.[X] était le 29 janvier 2018 vers 12h30 au poste de sécurité et qu’il pourrait être l’agent qui s’attardait avec sa caméra sur une femme en décolleté, mais est contredit par le planning produit qui le mentionne absent , élément sur lequel la SA Auchan France ne s’explique pas. Il existe une incertitude sur l’horaire auquel il était effectivement au poste de sécurité le 1er février, le cahier étant peu lisible et l’horaire mentionné par le commissaire de justice étant concomittant avec un changement de personnel à ce poste. Enfin, M.[X] fait valoir sans être contesté par la SA Auchan France que le 7 février à 11h03, il intervenait pour une fraude sur des articles finalement payés par l’individu. La cour relève que la reprise du poste PC sécurité par M.[X] n’est pas mentionnée sur le cahier d’observations alors qu’on lui impute des faits commis à partir de 12h43 et 12h57 sur la chef de caisse et que la SA Auchan France n’établit par aucun autre élément que celui-ci était bien revenu à son poste. A cet égard, le salarié fait valoir que la SA Auchan France refuse de produire l’intégralité des fiches de poste mentionnant les heures de pointage par badgeage des agents de sécurité pour entrer dans le PC , attestant de leur présence en ce lieu où l’un d’entre eux doit toujours s’y trouver.

En l’état de ces pièces, dont certaines se contredisent, certains faits ne sont pas démontrés et les autres faits ne peuvent être imputés avec certitude à M.[X]. Le doute devant lui profiter, le jugement sera confirmé en ce qu’il a dit le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse.

– Sur les conséquences financières de la rupture du contrat de travail :

Sur le sommes dues au titre du solde de tout compte :

M. [X] sollicite le paiement d’une somme totale de 463,27 euros correspondant à des heures supplémentaires, des indemnités de congés payés acquis et en cours d’acquisition et de prime annuelle.

Cependant, il ne produit aucun document ni argumentation permettant de justifier de sommes qui lui serait dues.

De son côté la société produit la fiche de paie du mois de février 2018 sur laquelle apparaîssent clairement les montants dont il dit ne pas avoir été payés.

Par conséquence, par voie de confirmation du jugement qui a examiné cette demande, il serait débouté de ce chef de demande.

Sur le rappel de salaire dû au titre de la mise à pied conservatoire :

En l’absence de contestation par l’employeur du montant réclamé par M. [X] au titre de la mise à pied à titre conservatoire, qui s’élève à la somme de 521,28 euros outre 52,13 euros au titre des congés payés afférents, il convient de condamner la société Auchan au paiement de cette somme.

Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

– Sur l’indemnité de préavis:

Il y a lieu, par voie de confirmation du jugement, de condamner la SA Auchan France à payer à M.[X] la somme de 3 293,76 euros brut à ce titre, outre 329,38 euros brut au titre des congés payés afférents, les montants n’étant pas discutés.

-Sur l’indemnité de licenciement :

Il y a lieu, par voie de confirmation du jugement, de condamner la SA Auchan France à payer à M. [X] la somme de 3 671.46 euros brut.

– Sur l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :

La perte injustifiée de son emploi cause au salarié un préjudice dont il appartient au juge d’apprécier l’étendue.

L’article L1235-3 du code du travail, dans sa version issue de l’ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017, prévoit, compte tenu de l’ancienneté de M. [X] qui est de 10 années complètes dans l’entreprise, et de la taille de l’entreprise qui emploie plus de 11 salariés, une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse comprise entre 3 et 10 mois de salaire brut.

Au regard des circonstances de la rupture, de la situation du salarié, de son âge (42 ans) et de sa capacité à retrouver un emploi, en l’absence de tout justificatif sur ses recherches d’emploi et sa nouvelle situation professionnelle, il lui sera alloué la somme de 6000 euros en réparation de son préjudice.

Il y a lieu d’infirmer le jugement sur ce point.

Sur la remise des documents de fin de contrat

Il y a lieu d’ordonner à la société Auchan de remettre à Monsieur [X] un bulletin de paie, une attestation Pôle emploi ainsi qu’un certificat de travail conformes aux dispositions du présent arrêt, et ce dans un délai d’un mois à compter de sa signification.

Aucune circonstance ne justifie d’assortir ce chef de décision d’une mesure d’astreinte afin d’en garantir l’exécution.

Sur l’article L.1235-4 du code du travail :

En application de ce texte, il convient d’ordonner le remboursement, par la société Auchan, à Pôle Emploi des indemnités de chômage versées à Monsieur [X] du jour de son licenciement au jour du présent arrêt, dans la limite de 2 mois d’indemnités de chômage.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

Il y a lieu de confirmer le jugement en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.

Il y a lieu également de condamner la SA Auchan France , partie perdante, aux dépens de l’instance d’appel avec distraction au profit de Maître Angéla Vilzinho-Joneau.

La SA Auchan France qui succombe sera également condamnée à payer à M.[X] la somme complémentaire de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en cause d’appel. Elle sera déboutée de sa demande à ce titre.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement, par arrêt mise à disposition au greffe, rendu contradictoirement et en dernier ressort:

Infirme le jugement, rendu entre les parties, le 20 mai 2021, par le conseil de prud’homme de Blois, mais seulement en ce qu’il a condamné la SA Auchan France à payer à M. [P] [X] la somme de 16 466,80 au titre de l’indemnité sans cause réelle et sérieuse ;

Le confirme pour le surplus ;

Statuant à nouveau du chef infirmé et ajoutant

Condamne la SA Auchan France à payer à M. [P] [X] la somme de 6000 euros brute au titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Ordonne à la SARL Securitas France de remettre à M. [P] [X] un bulletin de paie, une attestation Pôle emploi ainsi qu’un certificat de travail conformes aux dispositions du présent arrêt, et ce dans un délai d’un mois à compter de sa signification et dit n’y avoir lieu à astreinte de ce chef ;

Condamne la société Auchan à rembourser à Pôle Emploi les indemnités de chômage versées à M. [P] [X] du jour de son licenciement au jour du présent arrêt, dans la limite de 2 mois d’indemnités de chômage ;

Condamne la société Auchan à payer à M. [P] [X] la somme complémentaire de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en cause d’appel et rejette sa propre demande ;

Condamne la société Auchan aux entiers dépens d’appel avec avec distraction au profit de Maître Angéla Vilzinho-Joneau.

Et le présent arrêt a été signé par le président de chambre, président de la collégialité, et par le greffier

Karine DUPONT Laurence DUVALLET

 


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