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Vidéosurveillance : 4 septembre 2023 Cour d’appel d’Amiens RG n° 21/02636

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Vidéosurveillance : 4 septembre 2023 Cour d’appel d’Amiens RG n° 21/02636

ARRET

N° 679

[R]

C/

URSSAF DE LANGUEDOC ROUSSILLON

COUR D’APPEL D’AMIENS

2EME PROTECTION SOCIALE

ARRET DU 04 SEPTEMBRE 2023

*************************************************************

N° RG 21/02636 – N° Portalis DBV4-V-B7F-IDJW – N° registre 1ère instance : 20/255

JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE D’AMIENS (POLE SOCIAL) EN DATE DU 12 avril 2021

PARTIES EN CAUSE :

APPELANT

Monsieur [U] [R]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Comparant

Représenté et plaidant par Me Ninon COUANET, avocat au barreau de PARIS, substituant Me Nicolas PHILIPPE de la SELASU BORNHAUSER, avocat au barreau de PARIS

ET :

INTIMEE

URSSAF DE LANGUEDOC ROUSSILLON prise en la personne de son directeur en exercice, domicilié es qualité audit siège

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 5]

[Localité 1]

Représentée par Me Laetitia BEREZIG de la SCP BROCHARD-BEDIER ET BEREZIG, avocat au barreau d’AMIENS

DEBATS :

A l’audience publique du 13 Mars 2023 devant M. Renaud DELOFFRE, Président, siégeant seul, sans opposition des avocats, en vertu des articles 786 et 945-1 du Code de procédure civile qui a avisé les parties à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 04 Septembre 2023.

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme Audrey VANHUSE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

M. Renaud DELOFFRE en a rendu compte à la Cour composée en outre de:

Mme Elisabeth WABLE, Président,

Mme Graziella HAUDUIN, Président,

et M. Renaud DELOFFRE, Conseiller,

qui en ont délibéré conformément à la loi.

PRONONCE :

Le 04 Septembre 2023, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, Mme Graziella HAUDUIN, Président a signé la minute avec Mme Diane VIDECOQ-TYRAN, Greffier.

*

* *

DECISION

En date du 28 novembre 2019, l’URSSAF a adressé à M. [R] [U] un appel de « Cotisation subsidiaire maladie » prévue à l’article L380-2 du code de la Sécurité sociale, pour un montant de 135 193 € au titre de l’année 2018.

Aux termes des explications fournies en annexe de cet appel, ce montant a été calculé en fonction des éléments suivants :

Revenus d’activités : 0 €

Revenue du capital et du patrimoine : 1 699 845 €

Abattement : 9 932 €

Assiette retenue pour le calcul de la CM 1 689 913 €

CSM = 135 193 €

Monsieur [R] a effectué le règlement de cette somme en date du 06 janvier 2020.

Le 20 avril 2020, il saisit la Commission de Recours Amiable de l’URSSAF Languedoc-Roussillon en contestation de l’appel de cotisation et sollicite le dégrèvement total de la somme de 135 193,00 €.

Par courrier en date du 10 août 2020, les serices de l’URSSAF Languedoc-Roussillon adressent au cotisant la notification de la décision de la Commission de Recours Amiable en date du 21 juillet 2020 rejetant la demande de M. [R] [U].

En date du 22 septembre 2020, Monsieur [R] [U] saisit le Tribunal Judiciaire d’Amiens en contestation d’une décision explicite de la CRA qui est enregistrée sous le numéro de recours : RG 20/00255.

Par jugement en date du 12 avril 2021, le Tribunal a décidé ce qui suit :

Le tribunal judiciaire d’Amiens, statuant après débats publics, par jugement réputé contradictoire, en premier ressort et par mise à disposition au greffe ;

SE DECLARE incompétent pour confirmer ou infirmer la décision de la commission de recours amiable ;

DEBOUTE Monsieur [U] [R] de sa demande de dégrèvement de la somme de 135.193 € (cent trente cinq mille cent quatre-vingt-treize euros), correspondant à la cotisation subsidiaire maladie au titre de l’année 2018 ;

DEBOUTE Monsieur [U] [R] de sa demande d’indemnisation formulée au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE Monsieur [U] [R] aux dépens de l’instance.

Appel de ce jugement a été interjeté par Monsieur [U] [R] par courrier de son avocat expédié au greffe en date du 4 mai 2021.

Par conclusions enregistrées par le greffe en date du 24 février 2023 et soutenues oralement par avocat, l’appelant demande à la Cour de :

– INFIRMER le jugement rendu par le Tribunal judiciaire d’Amiens le 12 avril 2021 n° 20/00255 ;

– DECHARGER la cotisation subsidiaire maladie mise à la charge de Monsieur [R] pour un montant de 135 193 euros ;

A titre subsidiaire de :

– SAISIR la Cour de cassation pour avis sur le fondement de l’article L 441-1 du code de l’organisation judiciaire en raison des questions de droit relatives à l’incompétence, les infractions à la règlementation en matière de données personnelles et la réserve d’interprétation constitutionnelle ;

A titre plus subsidiaire de :

– SAISIR la Cour de justice de l’Union européenne de la question préjudicielle suivante : Le règlement n° 2016/ 679 et le principe d’effectivité du droit de l’Union européenne doivent-il être interprétés en ce sens que le juge national a l’obligation d’annuler un appel de cotisation établi sur la base de données traitées et transférées illégalement ‘

A titre infiniment subsidiaire de :

– LIMITER la cotisation de Monsieur [R] à un montant de 20 660,64 euros en application des nouvelles modalités de calcul de la cotisation subsidiaire maladie ;

– PRONONCER la décharge du surplus soit 114 532,36 euros ;

En tout état de cause de

– CONDAMNER l’URSSAF du Languedoc Roussillon à payer la somme de 4 000 euros à Monsieur [R] au titre de l’article 700 du CPC ;

– CONDAMNER l’URSSAF du Languedoc Roussillon aux dépens.

Il fait en substance valoir ce qui suit :

Sur l’absence de rétroactivité de sa revendication de l’application de la réserve d’interprétation du Conseil Constitutionnel

Contrairement à ce qu’a jugé le tribunal judiciaire d’Amiens et ce que soutient l’URSSAF, sa revendication de l’application de la réserve d’interprétation Constitutionnelle à la cotisation de Monsieur [R] n’a pas de caractère rétroactif, qu’en effet, la réserve .d’interprétation date du 27 septembre 2018 et la cotisation de Monsieur [R] a été appelée par un courrier daté du 28 novembre 2019, soit postérieurement à la décision du Conseil constitutionnel, que dès lors, la réserve d’interprétation devrait s’appliquer pleinement à sa cotisation.

Si l’on devait considérer qu’il y a rétroactivité, les réserves d’interprétation s’appliquent dès la date d’entrée en vigueur par le texte qui en est frappé. Ce principe a été affirmé par le service juridique du Conseil constitutionnel.

Dans ce cadre, si l’on applique les modalités mises en place à compter de la cotisation 2019 afin de se conformer à la réserve d’interprétation du Conseil constitutionnel, la cotisation de Monsieur [R] devrait se limiter à un montant de :

8 x PASS 2018 x 6,5 % = 8 x 39 732 € x 6,5 % = 317 856 € x 6,5 % = 20 660,64 €

Dans ce cadre, Monsieur [R] souhaite, à titre subsidiaire, se prévaloir des nouvelles modalités de calcul de la cotisation et limiter le montant de sa cotisation à 20 660,64 €.

Sur la violation du principe d’égalité

La loi doit être la même pour tous. Les règlements pris pour son application doivent respecter ce principe, affirmé par l’article 6 de la Déclaration des Droits de l’Homme de 1789. Or, s’agissant de la CSM, il est totalement méconnu :

Les cotisants au titre de 2016, 2017 et 2018 continuent d’être soumis à un taux de 8 % et ne bénéficient toujours pas d’un plafonnement puisque, pour eux, la réserve d’interprétation du Conseil constitutionnel n’a pas été suivie d’effet ;

Les cotisants au titre de 2019 seront soumis à un taux de 6,5 % et auront droit à un plafonnement fixé à 20 000 euros de cotisation. Ce sont donc eux, et seulement eux, qui bénéficient de la réserve d’interprétation du Conseil constitutionnel.

Certes, il est toujours loisible au pouvoir réglementaire d’établir des distinctions entre cotisants sociaux et il peut changer une contribution d’un exercice à l’autre. Mais il doit fonder son appréciation sur des critères rationnels en fonction des buts qu’il se propose. Ce principe s’impose aussi bien au regard de la norme constitutionnelle interne (CC Décision n° 2013-666 DC du 11 avril 2013) que de la norme conventionnelle externe de la Convention de Sauvegarde des Droits de l’Homme (Cass Com, 19 juin 2019, n° 17-19.305).

En l’espèce, le but du PLFSS 2019 et de son décret d’application du 23 avril 2019 concernant la CSM était très clair : modifier le régime de la cotisation pour le mettre en conformité avec la décision du Conseil constitutionnel du 27 septembre 2018. Il ressort clairement de l’exposé des motifs et plus encore de la discussion parlementaire (voir citations ci-dessus). Aucun autre but n’est exprimé.

A ce titre, le rapport de la Commission des affaires sociales du Sénat a noté que la mise en place d’un plafonnement et la diminution du taux de la cotisation issue du nouveau texte permettait de mettre en conformité à la réserve d’interprétation constitutionnelle les modalités de taux et d’assiette de la CSM à compter de la cotisation 2019.

Le jugement entrepris ne s’est pas prononcé sur ce moyen pourtant déjà soulevé en première instance, il y a donc lieu d’infirmer le jugement pour ce motif.

Sur la violation de la réglementation en matière de protection des données personnelles

Le droit européen ainsi que le droit interne ont mis en place des règles afin de garantir la protection des données personnelles des individus.

Le traitement et la communication de ces données est actuellement régi par le Règlement (UE) 2016/679 dit règlement général sur la protection des données (RGPD) et, en droit interne, la loi n° 78-17 dite loi informatique et liberté (LIL).

Ce corpus de normes octroie des droits et garanties aux personnes concernées par les données personnelles et prévoit des obligations à la charge des responsables de traitement.

Ainsi, le traitement de données personnelles suppose notamment :

Une autorisation par décret après avis de la CNIL (article 27 de la LIL). Or, sauf à vider de tout intérêt ce formalisme, cette obligation de consultation et d’autorisation préalable suppose que le traitement autorisé ne soit pas modifié a posteriori (1).

L’information des personnes concernées par le traitement (2).

Enfin, contrairement à ce soutient l’URSSAF, d’une part les juges judiciaires peuvent se prononcer sur les atteintes à la loi informatique et liberté et au RGPD et d’autre part les actes pris en méconnaissance des dispositions relatives au traitement des données personnelles sont illégaux et doivent être annulés (3).

1. La violation de l’article 27 de la LIL

Les juges de première instance ont considéré que le décret du 3 novembre 2017 pris après avis de la CNIL ayant autorisé le transfert de données entre la DGFIP et l’ACOSS, les dispositions de l’article 27 de la loi informatique et liberté avaient bien été respectées.

L’URSSAF Languedoc-Roussillon a violé les dispositions précitées de l’article 27 de la loi Informatique et Liberté en traitant un fichier contenant des données personnelles sans en avoir l’autorisation. En effet, conformément à cet article, les traitements de données personnelles ne peuvent être autorisés que par un décret pris en Conseil d’Etat après avis de la CNIL.

Or, ainsi qu’il a été évoqué dans les développements qui précèdent, l’avis du 26 octobre 2017 de la CNIL s’est prononcé sur un traitement prévoyant uniquement un traitement par les organismes territorialement compétents. Il précise à ce titre : « S’agissant de ces organismes, la commission prend acte de ce qu’ils ne seront destinataires que des données concernant les cotisants pour lesquels ils sont territorialement compétents ».

Ainsi, le traitement ayant fait l’objet de l’avis et ensuite de l’autorisation par le décret n° 2017-1530 est un traitement réalisé uniquement par les URSSAF territorialement compétentes. La modification du traitement ayant permis aux URSSAF non territorialement compétentes de procéder au calcul de la cotisation subsidiaire maladie des cotisants méconnait donc l’article 27 de la LIL.

Il est ici nécessaire de souligner l’extrême gravité de la situation en résultant pour Monsieur [R]. En effet, ainsi qu’il vient d’être indiqué, l’article 1er du décret du 3 novembre 2017 limite expressément ses droits d’accès et de rectification de ses données personnelles. Il ne peut le faire qu’auprès de l’URSSAF à laquelle il est rattaché au vu de son adresse fiscale, c’est-à-dire l’URSSAF Midi-Pyrénées. Il n’a donc aucun droit à s’adresser à cette fin à de l’URSSAF Languedoc-Roussillon alors que cet organisme s’est pourtant, en toute illégalité, approprié le traitement de ses données personnelles. L’URSSAF Languedoc-Roussillon s’est ainsi donné la liberté d’exploiter les données de Monsieur [R] concernant son état civil, sa vie de famille, ses revenus, sans aucun contrôle possible de la part de cette dernière. Cela est d’autant plus inquiétant que, dans son avis, la CNIL a relevé pour le déplorer que les données des cotisants (et donc de Monsieur [R]) n’étaient pas chiffrées.

Un organisme chargé de la gestion d’un service public ne peut pas participer directement ou indirectement à l’appréhension illicite de données informatiques (Cass. Crim. 27 novembre 2013, n° 13-85.042). A fortiori, il ne peut pas être lui-même l’auteur d’une telle infraction. Cette irrégularité a un effet immédiat sur la régularité formelle de l’appel à cotisation car cet appel a été établi par utilisation de ces données. Il s’agit donc un acte préalable et non détachable de l’appel à cotisation, l’irrégularité de son traitement entraine nécessairement l’irrégularité de l’appel à cotisation.

Il ne pourrait en être autrement que s’il était établi que les données personnelles de Monsieur [R] avaient été traitées par URSSAF Midi-Pyrénées, l’URSSAF Languedoc-Roussillon ne s’étant chargée que de l’expédition de l’appel à cotisation.

Monsieur [R] demande, si une telle allégation est avancée, que lui soient communiquées toutes les correspondances et relevés de flux de fichier le concernant échangés entre les services fiscaux, l’URSSAF Midi-Pyrénées et l’URSSAF Languedoc-Roussillon, avec copie à la CNIL.

Si le législateur a donné expressément compétence aux URSSAF afin d’effectuer l’appel de la cotisation subsidiaire maladie ainsi que son recouvrement ce n’est que dans la mesure où le traitement qui en résulte ne violait pas l’avis de la CNIL, spécialement consultée par le Premier ministre.

Le traitement de l’appel de cotisation par l’URSSAF du Centre prive les requérants des droits et garanties de la Loi Informatique et Liberté puisque, selon les dispositions du Décret, ils peuvent exercer leurs droits d’accès et de rectification uniquement auprès de l’URSSAF du lieu de leur domicile fiscal (Tournefeuille).

Par conséquent, il y a lieu d’infirmer le jugement entrepris.

L’appel de cotisation et l’ensemble du traitement des données ont été établis en violation du RGPD et de l’arrêt de la CJCE du 1er octobre 2015

Les juges en première instance considèrent qu’il ne peut être imposé à l’URSSAF de prendre l’initiative de l’information individuelle d’un cotisant alors que les droits auxquels celui-ci peut prétendre se déduisent de la mise en application d’une nouvelle loi.

Il convient de revenir précisément sur les dispositions applicables.

La Directive sur le traitement des données à caractère personnel réglemente leur traitement lorsque celles-ci sont contenues ou appelées à figurer dans un fichier. Les articles 10 et 11 de cette Directive font peser sur la personne responsable du traitement une obligation d’information préalable de la personne concernée. En effet, les données doivent être traitées loyalement et licitement.

Par un renvoi préjudiciel de la Cour d’appel de Cluj (Roumanie), la Cour de justice de l’Union européenne a eu à se prononcer sur la question suivante :

« Les données personnelles peuvent-elles être traitées par une autorité qui n’était pas destinataire des dites données dans des conditions où cette opération cause rétroactivement des préjudices patrimoniaux ».

CJUE, [Adresse 4]

En effet, le droit roumain permet aux entités publiques de transmettre des données à caractère personnel aux caisses d’assurance maladie afin de leur permettre d’établir la qualité d’assuré des personnes concernées. Plus particulièrement, un protocole conclu entre l’administration fiscale et la sécurité sociale roumaine prévoyait la transmission des données concernant les revenus entre les deux administrations (cons 13).

La CJUE a donc jugé : « L’exigence de traitement loyal des données personnelles prévues à l’article 6 de la Directive 95/46 oblige une administration publique à informer les personnes concernées de la transmission de ces données à une autre administration publique en vue de leur traitement par cette dernière en sa qualité de destinataire des dites données » (CJUE 1 octobre 2015, paragraphe 36).

La Directive a été abrogée le 23 mai 2018 mais le RGPD qui la remplace (Règlement UE 2016/679) réitère et renforce l’exigence de traitement loyal des données personnelles par les organismes publics comme par les entreprises privées et ce dans l’ensemble du territoire de l’Union. La jurisprudence précitée est donc bien applicable à la CSM de Monsieur [R].

Le RGPD prévoit à ce titre à son article 14 que « Lorsque les données à caractère personnel n’ont pas été collectées auprès de la personne concernée, le responsable du traitement fournit à celle-ci toutes les informations suivantes : (…)

Le responsable du traitement fournit les informations visées aux paragraphes 1 et 2 :

a) dans un délai raisonnable après avoir obtenu les données à caractère personnel, mais ne dépassant pas un mois, eu égard aux circonstances particulières dans lesquelles les données à caractère personnel sont traitées ;

(…)

c) s’il est envisagé de communiquer les informations à un autre destinataire, au plus tard lorsque les données à caractère personnel sont communiquées pour la première fois ».

En droit interne, le 1° de l’article 4 de la Loi Informatique et Liberté reprend dans les mêmes termes le 1-a de l’article 6 de la Directive n° 95/46 CE :

« Les données à caractère personnel doivent être :

1° Traitées de manière licite, loyale et, pour les traitements relevant du titre II, transparente au regard de la personne concernée ; »

Il est précisé à son article 116 que « IL-Lorsque les données à caractère personnel n’ont pas été recueillies auprès de la personne concernée, le responsable du traitement ou son représentant doit fournir à cette dernière les informations énumérées au I dès l’enregistrement des données ou, si une communication des données à des tiers est envisagé

de la première communication des données ».

Cette obligation d’information des cotisants au plus tard lors des données à l’ACOSS est donc reprise en droit interne.

Dans le cadre de la CSM, les données sont collectées par l’administration auprès des cotisants et sont ensuite communiquées par l’administration fiscale à l’ACOSS. Cette situation est donc couverte par le c de l’article 14 du RGPD et le II de l’article 116 de la Loi Informatique et Liberté. Ainsi, il apparait que l’information relative au traitement des données des cotisants ainsi que de sa finalité aurait donc dû être fournie au plus tard au moment de la communication de ces données à l’ACOSS.

Or, ni l’Administration fiscale ni l’URSSAF n’ont informé l’appelant de ce traitement et de sa finalité.

Au surplus, contrairement à ce que soutient l’URSSAF, la publication au journal officiel du décret ayant autorisé le traitement des données à caractère personnel ne saurait constituer une information préalable des personnes concernées au sens du RGPD et de la loi informatique et liberté. Il en est de même de l’information diffusée sur le site internet de l’URSSAF.

En effet, les articles 14 du RGPD et 116 de la LIL précisent que l’information doit être fournie à la personne concernée par le traitement. Il s’agit donc d’une information personnelle. Or, la publication par décret ou sur le site internet de l’URSSAF ne permet pas d’identifier les personnes concernées cette information ne répond donc pas à l’obligation tirée de ces articles. Il en est de même d’une publication générale sur le site de l’URSSAF.

Enfin, s’agissant des arrêts de la Cour de cassation cités par l’URSSAF dans ses dernières conclusions, ils portaient sur l’obligation générale d’information tirée de l’article R 112-2 du CSS pour l’un et sur l’affiliation au régime des travailleurs indépendants pour l’autre. Ainsi, ces décisions ne se sont pas prononcées sur l’obligation d’information individuelle des personnes faisant l’objet de traitement de leurs données personnelles. Dès lors, les arrêts cités par l’URSSAF dans ses écritures ainsi que l’argument selon lequel elle aurait respecté son obligation générale d’information vis-à-vis de Monsieur [R] sont parfaitement inopérants.

Ainsi, il résulte de ce qui précède que l’appel de cotisation a été effectué en violation du droit interne et du droit de l’Union européenne.

Sur la compétence du juge judiciaire pour apprécier les manquements relatifs à la protection des données personnelles et la sanction de cette méconnaissance

L’URSSAF soutient que seule la CNIL est compétente pour constater et sanctionner les manquements à la LIL.

Toutefois, le RGPD précise à son chapitre VIII intitulé « voies de recours, responsabilité et sanctions », les voies de recours ouvertes dans le cadre du contrôle du respect de la protection des données. Dans ce cadre, s’il est vrai qu’il prévoit que les personnes concernées peuvent saisir les autorités de contrôle étatiques d’une réclamation, ce droit s’exerce « sans préjudice de tout autre recours administratif ou juridictionnel ». Ainsi, la saisine de la CNIL ne constitue pas la seule voie de recours à la disposition des justiciables.

A ce titre, il est à noter que la Cour de cassation a déjà eu l’occasion d’apprécier la conformité d’un traitement de données personnelles à la LIL et la sanction de sa méconnaissance (Com., 25 juin 2013, n° 12-17.037).

Dans cette affaire, les requérants avaient assigné leur cocontractant en nullité de la vente d’un fichier de clients informatisé. Le fichier objet de la cession enfreignait la LIL car il n’avait pas été déclaré à la CNIL. La Cour d’appel avait reconnu ce manquement mais rejeté la demande en nullité estimant que la loi ne prévoyait pas que la méconnaissance de cette obligation de déclaration préalable à la CNIL était sanctionnée par la nullité. La Cour de cassation censure cet arrêt considérant que le fichier étant illicite la vente était nulle.

Il ressort ainsi de cet arrêt que, conformément au RGPD, la possibilité de saisir la CNIL d’une réclamation s’exerce bien « sans préjudice de tout autre recours » autorisant ainsi les justiciables à se prévaloir de la méconnaissance de ce règlement ainsi que de la LIL dans le cadre de recours de droit commun.

Ainsi, contrairement à ce que soutient l’URSSAF, le juge judiciaire est compétent pour se prononcer sur les méconnaissances au RGPD et à la LIL.

En outre, dans cet arrêt la Cour de cassation a considéré que le fichier créé en méconnaissance de la LIL devait être considéré comme illégal.

Pour une application récente, le tribunal judiciaire de Paris a, dans un jugement en date du 30 novembre 2022, considéré que la méconnaissance par la Mairie de [Localité 6] de ses obligations tirées du RGPD pouvait exempter une plateforme de location touristique de son obligation de transmission d’information fondée sur l’article L 3241 du code de l’urbanisme3. Là encore le tribunal a fait application de la règlementation en matière de données personnelles en dehors d’un contexte de saisine de la CNIL.

Par ailleurs, il ressort de ces deux décisions, que les actes faisant suite à une méconnaissance de cette règlementation doivent être écartés. Le même raisonnement peut être appliqué s’agissant du traitement des données personnelles des cotisants par les URSSAF.

A ce titre, CJUE a eu l’occasion de se prononcer sur la question de la recevabilité des preuves obtenues en infraction au droit de l’Union européenne notamment en infraction au RGPD4. La Cour a ainsi précisé que si les conséquences relatives à la recevabilité des preuves relèvent des règles propres au droit national, le principe d’effectivité du droit de l’Union européenne impose aux Etats d’écarter les preuves obtenues en infraction à ce droit.

Dès lors, si la question qui se pose en l’espèce n’est pas identique à celle de l’affaire précitée la logique de cette décision et notamment la portée du principe d’effectivité suppose que les Etats tirent, en droit interne, toutes les conséquences des infractions à la règlementation européenne. Ainsi, en l’espèce, le principe d’effectivité implique nécessairement l’annulation de l’ensemble des actes qui ont résulté du traitement illégal des données des cotisants pour les besoins du calcul des cotisations subsidiaires maladie.

Par conséquent, l’appel de cotisation qui a résulté de traitements illégaux de données doit être annulé.

Enfin, dans la mesure où il serait considéré que les règles de droit interne ne permettent pas de conclure à l’annulation des actes résultant d’un traitement illégal de données, il y a lieu de saisir la Cour de justice de l’Union européenne d’une question préjudicielle.

En effet, il serait alors nécessaire de clarifier la question des conséquences des traitements de données non conformes au RGPD sur les actes subséquents.

Ainsi, il est demandé à la Cour de saisir la Cour de justice de l’Union européenne sur le fondement de l’article 267 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne de la question préjudicielle suivante :

« Le règlement n° 2016/679 et le principe d’effectivité du droit de l’Union européenne doivent-il être interprétés en ce sens que le juge national a l’obligation d’annuler un appel de cotisation établi sur la base de données traitées et transférées illégalement ‘ »

Enfin, dans la mesure où les questions de droit présentées ci-dessus sont des questions de droit nouvelles, présentant une difficulté sérieuse et se posant dans de nombreux litiges, il est demandé à la Cour de saisir la Cour de cassation pour avis sur le fondement de l’article L 441-1 du code de l’organisation judiciaire.

Par conclusions reçues par le greffe le 13 mars 2023 et soutenues oralement par avocat, l’URSSAF DE LANGUEDOC ROUSSILLON demande à la Cour de :

Confirmer le jugement déféré ;

Valider l’appel de cotisation PUMA pour l’année 2018 en date du 28 novembre 2019 ;

Confirmer la décision de la Commission de Recours Amiable de l’URSSAF du 21 juillet 2020, notifiée le 10 août 2020 ;

Laisser pour acquis à l’URSSAF Languedoc-Roussillon la somme de 135 193 E réglée par M. [R] au titre de la cotisation subsidiaire maladie due pour l’année 2018.

Laisser les frais de signification, de procédures et les dépens à la charge de M. [R] [U].

Débouter M. [R] [U] de la demande effectuée au titre de l’article 700 CPC

Condamner M. [R] [U] à la somme de 4000 E au titre de l’article 700 CPC.

Elle fait en substance valoir ce qui suit :

Sur l’appel de cotisation postérieur au 30 novembre 2019 :

Comme indiqué par la décision de la Commission de Recours amiable, l’appel de cotisations mentionné à l’article R. 380-4 du code de la sécurité sociale a comme objectif de notifier au cotisant le montant de la cotisation dont il est redevable, et son échéance de paiement.

Il notifie, en conséquence, le montant des cotisations dues, et fait courir un délai de trente jours au terme duquel la cotisation sera exigible.

Aucun texte ne sanctionne de nullité l’éventuel décalage dans le temps de l’envoi de cet appel de cotisation.

En l’espèce, l’appel de cotisation est daté du 28 novembre 2019, soit antérieurement au 30 novembre 2019, et M. [R] a bien bénéficié du délai de 30 jours prévu à l’article R. 380-4 du code de la sécurité sociale, la date limite de paiement ayant été fixée au 06 janvier 2020.

En tout état de cause, aucune sanction n’est attachée à un éventuel non-respect de la date de l’appel de la cotisation.

Une telle annulation ne résulterait d’aucune disposition légale.

C’est précisément en ce sens que la Cour de cassation s’est prononcée dans un arrêt rendu le 20 novembre 2019, dans une espèce où un acte notarié avait été signifié à un indivisaire au-delà du délai d’un mois prévu par l’article 815-5-1 du code civil. La Cour de cassation a rejeté le pourvoi faisant grief à la cour d’appel d’avoir néanmoins ordonné la vente sur licitation de l’immeuble indivis, estimant essentiellement que le dépassement du délai d’un mois était indifférent dès lors que ce délai n’était assorti d’aucune sanction (Civ 1er, 20 novembre 2019, pourvoi n°18-23762, publié au Bulletin).

Cette jurisprudence a été implicitement transposée en matière de sécurité sociale, la Cour de cassation ayant censuré, dans une espèce particulièrement topique, le tribunal qui avait annulé l’appel de cotisation subsidiaire maladie adressé par l’Urssaf Centre Val-de-Loire au cotisant le 15 décembre 2017, soit passée la date butoir fixée par l’article R.380-4 du code de ta sécurité sociale (Civ 2e, 23 janvier 2020, pourvoi n°19-12022, publié au Bulletin).

C’est ce principe jurisprudentiel selon lequel il ne saurait y avoir de nullité sans texte. A ce propos, la Cour de cassation réaffirme constamment le principe « pas de nullité sans texte » en matière de dépassement de certains délais (Civ 1er, 20 novembre 2019, pourvoi n°1823762, publié au Bulletin ; Civ 2e, 23 janvier 2020, pourvoi n°19-12022, publié au Bulletin).

Aussi, si le législateur avait souhaité sanctionner le non-respect de ce délai, Il l’aurait indiqué dans le texte ou par une autre disposition, comme c’est le cas avec certains délais.

En matière de sécurité sociale, il s’agit de préserver le travail des Urssaf, dont les dotations chutent alors que la charge de travail augmente.

Il en résulte nécessairement des retards dans le traitement des envois d’appel de cotisations, qui ne dépassent toutefois jamais les quelques jours ou semaines.

D’autre part, parce que le cotisant ne subit aucun préjudice du fait du retard dans l’envoi de l’appel de cotisation.

Or, il est constant que la nullité n’est encourue qu’en présence d’un préjudice.

L’oubli d’une mention dans un document administratif ne peut être cause de nullité de l’acte qu’à la condition que cela ait privé son bénéficiaire d’une garantie ou d’un droit essentiel, ou que cela ait affecté la compétence de l’auteur de l’acte (jurisprudence Danthony, CE 23 décembre 2011, n°335033).

La Cour de cassation a repris ce principe, la conduisant notamment à confirmer la validité d’une mise en demeure, notifiée tardivement à son destinataire dès lors que ce dernier avait pu contester l’indu devant le tribunal, de sorte qu’aucun grief n’en était résulté (Civ 2e, 15 février 2018, pourvoi n°17-10163 ; Civ 2e, 15 décembre 2016, pourvoi n°15-28915, publié au Bulletin).

La Cour de cassation a même considéré que l’absence totale d’envoi de la mise en demeure préalable ne pouvait avoir pour conséquence l’annulation de l’indu dès lors que le débiteur qui aurait dû en être destinataire avait in fine pu contester cet Indu devant le tribunal (Civ 2e, 23 janvier 2020, pourvoi n°19-10917).

D’autre part, à l’instar de la nullité des actes de procédure pour vice de forme qui ne peut être prononcée qu’à charge pour l’adversaire qui l’invoque de prouver le grief que lui cause l’irrégularité de l’acte (article 114 du CPC), en l’espèce II ne peut qu’être relevé que le cotisant ne Justifie d’aucun grief lié à l’appel tardif de la CSM, puisque l’exigibilité de la cotisation a, de fait, été décalée. Il a donc bénéficié du délai suffisant pour régler le montant de la CSM et aucune majoration de retard n’a d’ailleurs été calculée.

L’appelant note lui-même, tout en persistant à s’appuyer sur des décisions de première En outre et surtout, la Cour de cassation a une position très claire sur le sujet, ce que instance ou d’appel. Selon la Cour de cassation, l’éventuelle réception de cet appel de cotisation postérieurement au dernier jour ouvré du mois de novembre n’entacherait aucunement la régularité de l’appel – Cour de cassation, le 28 janvier 2021, pourvois n°1922255 et 19-25853, s’agissant de l’article R.3804 susvisé et de l’appel de la CSM 2016 : « Le non-respect par l’organisme de recouvrement de la date limite mentionnée par ce texte a pour seul effet de reporter le délai au terme duquel la cotisation devient exigible. »

En conséquence, il convient de constater que la position de l’Organisme de recouvrement a été entérinée par la Haute juridiction, solution de maintes fois reprises (voir notamment arrêt du 17 mars 2022, pourvoi n°20-18936)

Il conviendra à la Cour de confirmer le Jugement sur ce point et valider la position de l’Urssaf quant à la régularité de l’appel de cotisation PUMA en date du 28 novembre 2019.

Sur l’application de la réserve d’Interprétation du Conseil Constitutionnel et sur la violation du principe d’égalité.

Il est nécessaire de rappeler la décision rendue par le Conseil Constitutionnel, dans le cadre de la QPC du 27 septembre 2018 n°2018-735.

Dans cette décision et dans un premier temps, le Conseil constitutionnel a exprimé la réserve suivante : « la seule absence de plafonnement d’une cotisation dont les modalités de détermination de l’assiette ainsi que le taux sont fixés par vole réglementaire n’est pas en elle-même constitutive d’une rupture caractérisée de Pénalité devant les chantes publiques. Toutefois, il appartient au pouvoir réglementaire de fixer ce taux et ces modalités de façon à ce que la cotisation n’entraine pas de rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques ».

Par ailleurs, le Conseil constitutionnel a reconnu qu’« en créant une différence de traitement entre les personnes pour la détermination des modalités de leur participation au financement de l’assurance maladie selon le montant de leurs revenus professionnels, le législateur a fondé son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu’il se proposait ».

Ce faisant, le Conseil a estimé que l’existence du seuil d’assujettissement ne méconnaissait pas le principe d’égalité devant les charges publiques. Il a ainsi déclaré que « s’il résulte des dispositions contestées une différence de traitement entre deux assurés sociaux disposant d’un revenu d’activité professionnelle d’un montant proche, selon que ce revenu est inférieur ou supérieur au plafond prévu par le quatrième alinéa de l’article L. 380-2, celte différence est inhérente à l’existence d’un seuil ».

L’argumentation de la partie appelante ne saurait prospérer.

Rappelons que la décision du Conseil Constitutionnel n° 2018-735 QPC du 27 septembre 2018 a validé la conformité à la Constitution de l’article L.380-2 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2015-1702 du 21 décembre 2015, applicable au litige.

A l’article 1er de sa décision, le Conseil Constitutionnel a, en effet, décidé que « Sous la réserve énoncée au paragraphe 19, les première et dernière phrases du quatrième alinéa de l’article L. 380-2 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction résultant de la loi n° 20151702 du 21 décembre 2015 de financement de la sécurité sociale pour 2016, sont conformes à la Constitution. »

Concernant la réserve d’interprétation du Conseil Constitutionnel, il s’agit d’une réserve dite « directive », c’est-à-dire que le Conseil constitutionnel donne l’interprétation à retenir et comporte une prescription à l’égard du pouvoir réglementaire chargé de l’application de la loi. La réserve directive indique donc comment la loi doit être appliquée par les destinataires de la décision du Conseil constitutionnel.

La réserve d’interprétation directive formulée par le Conseil Constitutionnel dans sa décision du 27 septembre 2018, renvoyant au pouvoir réglementaire le soin de fixer les taux et modalités de calcul de ta cotisation de façon à ce que la cotisation n’entraîne pas de rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques, ne permet pas de considérer que le Conseil Constitutionnel a entendu déclarer rétroactivement non conformes à la Constitution les dispositions réglementaires portées dans le décret n°2016-979 du 19 juillet 2016.

Au contraire, en procédant de la sorte, le cotisant sollicite une application toute personnelle de la réserve constitutionnelle.

Il est pourtant clair que ladite réserve d’interprétation s’adresse exclusivement aux autorités de l’Etat chargées de l’application de la loi, et ne peut donc être invoquée par les justiciables, à l’appui de contestations des appels de cotisation subsidiaire maladie ou de demandes de remboursement ou de décharge en paiement de la CSM.

En outre, la décision du Conseil Constitutionnel, à l’occasion de laquelle l’article L. 380-2 CSS a été déclaré conforme à la Constitution, avec mention de cette réserve renvoyant au pouvoir réglementaire le soin de fixer les taux et modalités de calcul de la CSM, a été rendue le 27 septembre 2018 et ne vaut donc que pour l’avenir.

En effet, le Conseil Constitutionnel n’a pas entendu donner une portée rétroactive à sa décision mais uniquement pour l’avenir à compter de sa décision rendue, alors qu’il dispose pourtant de moyens pour aménager dans le temps les effets de sa décision (article 82 de la Constitution).

A l’inverse, il a déclaré les dispositions relatives à la CSM conformes à la Constitution, en utilisant la technique de la réserve d’interprétation pour l’avenir, ce qui permet de concourir à une meilleure sécurité juridique des situations passées. Celle-ci ne saurait être remise en cause par le requérant pour bénéficier d’une décharge de la cotisation.

De plus, l’article 62 de la Constitution stipule que « les décisions du Conseil Constitutionnel ne sont susceptibles d’aucun recours. Elles s’imposent aux pouvoir publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles ».

Au surplus, par décision du 10 juillet 2019 (recours n° 417919), le Consort d’Etat s’est prononcé sur le recours pour excès de pouvoir introduit contre la circulaire du 16 novembre 2017.

Après avoir relevé d’office un moyen d’ordre public lié à la tardiveté de la requête en tant qu’elle est présentée par certains requérants, le Conseil d’Etat rejette le recours et se prononce au fond sur chacun des arguments présentés. Il estime notamment que la circulaire du 15 novembre 2017, en ce qu’elle réitérerait des dispositions législatives et réglementaires, est conforme

– au principe d’égalité devant les charges publiques prévu par l’article 13 de la Déclaration des droits de l’homme et des citoyens, le Conseil d’Etat, après avoir rappelé la réserve d’interprétation du Conseil constitutionnel et sa portée, estimant qu’en fixant le taux de la cotisation à 8%, le seuil de revenu professionnel à 10% et l’abattement d’assiette à 25%, le pouvoir réglementaire a défini les modalités de calcul de la CSM en ne contrevenant pas à ce principe.

Enfin, il est impropre de considérer que les modifications de l’article L 380-2 introduites par la LFSS pour 2019 (Loi n°2018-1203 du 22 décembre 2018 ‘ art. 12 ) auraient été prises uniquement en application de la réserve d’interprétation formulée par le Conseil Constitutionnel

Aussi, si le législateur, à l’occasion de la discussion et du vote pour la LFSS pour 2019, a entendu modifier le texte pour l’avenir, ce n’est pas en réponse ou pour appliquer la réserve du Conseil Constitutionnel, mais avant tout pour atténuer les effets de seuil qui sont reprochés au dispositif actuellement applicable (et qui ont pourtant été déclarés conformes) et pour mettre un terme à des difficultés ou incohérences relevées par ailleurs (montants importants de cotisations…).

Dans les discussions en Commissions devant l’Assemblée Nationale ou le Sénat, ou à l’occasion des rapports remis lors des débats parlementaires de la LFSS 2019, la portée de la réserve du Conseil Constitutionnel a été respectée par les parlementaires, à savoir que cette réserve s’adresse au pouvoir réglementaire à qui il appartient de fixer les modalités de détermination de l’assiette et le taux afin que la cotisation n’entraine pas de rupture d’égalité devant les charges publiques.

Au regard de ce qui précède, les arguments de M. [R] sont inopérants.

Il conviendra à la Cour de valider la position de l’URSSAF de Languedoc-Roussillon sur ce point.

Sur l’incompétence de l’URSSAF Languedoc-Roussillon :

Le cotisant estime que l’Urssaf n’est pas compétente territorialement pour adresser l’appel de cotisation, eu égard à son adresse fiscale.

Il résulte de l’article L.122-7 CSS que “Le directeur d’un organisme local ou régional peut déléguer à un organisme local ou régional la réalisation des missions ou activités liées à la gestion des organismes, au service des prestations, au recouvrement et à la gestion des activités de trésorerie, par une convention qui prend effet après approbation par le directeur de l’organisme national de chaque branche concernée.

Lorsque la mutualisation inclut des activités comptables, financières ou de contrôle relevant de l’agent comptable, la convention est également signée par les agents comptables des organismes concernés.”

Une décision du 11 décembre 2017 du directeur de l’ACOSS, publiée au BO Santé Protection sociale ‘ Solidarité n°2017112 du 15 janvier 2018, prise au visa des articles L. 122-7, L. 380-2 et R. 380-3 du CSS approuve ” les conventions de mutualisation interrégionales, prises en application de l’article L.122-7 du code de la sécurité sociale et conclues entre les unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (URSSAF) aux fins de délégation du calcul, de l’appel et du recouvrement des cotisations dues en application de l’article L380-2 du code de la sécurité sociale, à des URSSAF délégataires conformément à la répartition figurant dans le tableau annexé à la présente décision.”

Or, figure parmi ces conventions une “convention relative à la centralisation du recouvrement de la cotisation d’assurance maladie visée à l’article L. 380-2 du code de la Sécurité sociale datée du 1er décembre 2017 entre l’URSSAF Midi Pyrénées et l’URSSAF Languedoc-Roussillon.

Cette convention de mutualisation et de centralisation stipule :

– que “Les Urssaf délégantes transfèrent à l’Urssaf délégataire l’ensemble des droits et obligations afférents à l’exercice des missions de recouvrement résultant des articles R.3803 et suivants du CSS sur le champ de la cotisation d’assurance maladie visée à l’article L.380-2 du CSS” (article 3),

– et que “L’Urssaf délégataire assure l’encaissement centralisé et la gestion du recouvrement de la cotisation visée à l’article L380-2 du CSS, dont le contrôle et les suites amiables et judiciaires des contestations soulevées par le cotisants” (article 4).

Démonstration est donc faite de la compétence pleine et entière de l’Urssaf Languedoc-Roussillon à émettre un appel de cotisation CSM à destination des cotisants résidant en Midi-Pyrénées.

L’appel de cotisation reçu par Monsieur [R] a donc été adressé par une URSSAF territorialement compétente.

Par ailleurs, il sera relevé qu’en invoquant la délibération de la CNIL pour justifier d’une éventuelle incompétence territoriale de l’Urssaf, le cotisant procède par confusion sur les finalités de deux corps de réglementation distincts, encadrant et garantissant les droits des cotisants dans deux domaines différents : l’avis de de la CNIL du 26 octobre 2017 (remis sous forme de délibération publique n°2017-279) a pour vocation de protéger les redevables

de la CSM d’une utilisation abusive de leurs données à caractère personnel et n’a pas vocation à décider des règles de compétence territoriale des Urssaf.

Il conviendra à la Cour de corroborer la position de l’URSSAF de Languedoc-Roussillon sur ce point

Sur la violation de l’article 27 de la loi informatique et liberté et du ROPD :

Le requérant considère que l’Urssaf a violé les dispositions de la loi informatique et liberté et le RGPD.

A. Les dispositions de l’article 27 de la loi informatique et libertés ont été respectées, le traitement de données à caractère personnel destiné au calcul de la CSM avant été autorisé par décret n°2017-1530 du 3 novembre 2017 pris après avis motivé et publié de la CNIL du 26 octobre 2017

L’article 27 de la loi n°78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés dispose que : « Sont autorisés par décret en Conseil d’Etat, pris après avis motivé et publié de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, les traitements de données à caractère personnel mis en ‘uvre pour le compte de l’Etat, agissant dans l’exercice de ses prérogatives de puissance publique, qui portent sur des données génétiques ou sur des données biométriques nécessaires à l’authentification ou au contrôle de l’identité des personnes. »

Rappelons les dispositions du dernier alinéa de l’article L380-2 CSS selon lesquelles « les agents des administrations fiscales communiquent aux organismes mentionnés aux articles L.213-1 et L752-2 les informations nominatives déclarées pour l’établissement de l’impôt sur le revenu par les personnes remplissant les conditions mentionnées au premier alinéa de l’article L380-2, conformément à l’article L.152 du livre des procédures fiscales. »

L’article R. 380-3 CSS, tel qu’issu du décret n° 2017-736 du 3 mai 2017, prévoit donc que la CSM est “calculée, appelée et recouvrée par les organismes chargés du recouvrement des cotisations du régime général au vu des éléments transmis par l’administration fiscale ou par les personnes redevables de ces cotisations”.

L’article D. 380-5 I CSS (modifié par le décret n° 2016-979 du 19 juillet 2018) précise que « Les éléments nécessaires à la détermination des revenus mentionnés aux articles D. 3801 et D. 380-2 sont communiqués par l’administration fiscale aux organismes chargés du calcul et du recouvrement des cotisations mentionnées à l’article L. 380-2 et au deuxième alinéa du IV de L 380-3-1. »

Ainsi, il ressort de ces dispositions que l’administration fiscale communique aux URSSAF les données et éléments nécessaires au calcul de la CSM.

Conformément à l’article 27 de la loi du 6 janvier 1978, la CNIL a été saisie pour avis sur le projet de décret autorisant les traitements de données à caractère personnel.

Par délibération n°2017-279 du 26 octobre 2017 portant avis sur un projet de décret (demande d’avis n° 17012620) publiée au JO du 4 novembre 2017, la CNIL a notamment autorisé la mise en ‘uvre d’un traitement de données à caractère personnel destiné au calcul de la cotisation prévue par l’article L.380-2 CSS.

Dans cet avis, la CNIL précise que :

« Les catégories de données à caractère personnel qui seront traitées sont listées à l’article fer-ll du projet qui distingue les données relatives à l’état civil, l’identité ou l’identification des personnes, des données d’ordre économique et financier.

En pratique, l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) recevra les données en provenance de la direction générale des finances publiques (DGFIP). En effet, les personnes étant assujetties à la cotisation subsidiaire maladie sous conditions de ressources spécifiques, seule la DGFIP est en mesure de connaître la population des résidents fiscaux et peut vérifier les conditions d’assujettissement afin d’en soustraire la population assujettie.

La commission prend acte que seules les données à caractère personnel relatives à des personnes identifiées, par la DGF1P, comme redevables de cette cotisation seront transmises à l’ACOSS. »

Sur les destinataires des données, la CNIL indique :

« L’article 1er-IV du projet de décret prévoit que seront destinataires des données à caractère personnel, à raison de leurs attributions et du besoin d’en connaître : les agents habilités de l’ACOSS ;les agents habilités des organismes mentionnés aux articles L 2134 et L 752-2 du CSS en charge du calcul, du recouvrement et du contrôlé de la cotisation. S’agissant de ces organismes, la commission prend acte de ce qu’ils ne seront destinataires que des données concernant les cotisants pour lesquels ils sont territorialement compétents.Un tel accès aux données apparaît justifié au regard des finalités du traitement. »

Eu égard à cet avis favorable, le traitement de données à caractère personnel destiné au calcul de la cotisation prévue à l’article L 380-2 du code de la sécurité sociale (ainsi que le traitement de données à caractère personnel destiné au contrôle de la résidence) ont été mis en ‘uvre par décret n° 2017-1530 du 3 novembre 2017.

Le décret du 3 novembre 2017 autorise le traitement par l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) et les Unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (URSSAF) des informations nominatives déclarées pour l’établissement de l’impôt sur le revenu par les personnes remplissant les conditions pour verser cette cotisation.”

Il ressort de l’avis rendu par la CNIL et du décret du 3 novembre 2017 que pour la cotisation 2016 recouvrée en 2017, sont bien autorisés

un transfert de données entre la DGFIP et I’ACOSS,

un traitement de ces données par l’ACOSS et les URSSAF pour le calcul de la CSM.

Les dispositions de l’article 27 de la loi informatique et libertés ont donc été respectées.

Les personnes concernées ont été informées de la mise en ‘uvre des transferts et traitements de données à caractère personnel les concernant.

L’article 32 III de la loi informatique et libertés (dans sa version en vigueur avant le 25 mai 2018) prévoit que : « Lorsque les données à caractère personnel n’ont pas été recueillies auprès de la personne concernée, le responsable du traitement ou son représentant doit fournir à cette dernière les informations énumérées au I dès l’enregistrement des données ou, si une communication des données à des tiers est envisagée, au plus tard lors de la première communication des données. »

Il ressort de cette disposition qu’en cas de communication de données à caractère personnel recueillies auparavant à des tiers, alors une information de la personne concernée doit être réalisée au plus tard lors de cette première communication.

Tel a bien été le cas pour le transfert de données à caractère personnel de la DGFIP vers l’ACOSS, qui est intervenu en application du décret du 3 novembre 2017 pour le calcul de la cotisation 2016, appelée fin 2017, décret qui a en outre été publié au Journal Officiel du 4 novembre 2017.

Le site internet Urssaf.fr contient également cette information, puisqu’il est indiqué que les redevables sont identifiés « à partir des données transmises par l’administration fiscale sur la base des éléments de revenus pris en compte pour l’impôt sur le revenu. »

Par conséquent, le requérant ne peut arguer ne pas avoir été informé des transferts de données entre l’administration fiscale et l’URSSAF pour solliciter l’annulation de l’appel de cotisation.

L’Urssaf a respecté son obligation d’information générale des assurés sociaux concernant la cotisation subsidiaires maladie, conformément à l’article R. 112-2 CSS.

Il convient enfin de rappeler que le site internet Urssaf délivre cette information générale et contient une page « Bénéficiaires de la PUMA : cotisation subsidiaire maladie ».

Enfin, la Cour de cassation a récemment décidé que « l’obligation générale d’information dont les organismes de sécurité sociale sont débiteurs envers leurs assurés ne leur impose, en l’absence de demande de ceux-ci, ni de prendre l’initiative de les renseigner sur leurs droits éventuels, ni de porter à leur connaissance des textes officiels publiés au Journal Officiel » (Cour de cassation, Civ 2, n°12-24210, 28 novembre 2013).

Précédemment, dans un arrêt du 6 mars 2008, la Cour de cassation, avait déjà relevé qu’il ne saurait être Imposé à un organisme de sécurité sociale « de prendre l’initiative d’une information individuelle d’un cotisant alors que les droits auxquels celui-ci peut prétendre et qu’il allègue ignorer se déduisent de la mise en application d’une nouvelle loi » (cour de cassation, Civ 2, n°07-11812, 6 mars 2008).

En tout état de cause, l’URSSAF souligne que si l’atteinte à l’article 27 de la loi Informatique et libertés était avérée, alors seule la CNIL pourrait en faire le constat et prononcer une éventuelle sanction, qui ne saurait toutefois consister en une annulation de l’appel de cotisation litigieux par la présente juridiction.

Enfin, l’Urssaf Languedoc-Roussillon pouvait parfaitement avoir accès aux données du cotisant pour l’ami de cotisation subsidiaire maladie, cet accès avant été réalisé dans le cadre d’une délégation de compétence par voie de convention de mutualisation interrégionale conclue entre URSSAF.

En effet, par convention de mutualisation du 1er décembre 2017, approuvée par décision du directeur de l’ACOSS du 11 décembre 2017, l’Urssaf Midi-Pyrénées a délégué à l’Urssaf Languedoc-Roussillon la compétence pour le calcul, l’appel et le recouvrement de la CSM, l’Urssaf délégante transférant ainsi à l’Urssaf délégataire l’ensemble des droits et obligations afférents à l’exercice des missions de recouvrement résultant des articles R.380-3 et suivants du CSS sur le champ de la cotisation d’assurance maladie visée à l’article L.380-2 du CSS”

Conformément à ces dispositions, en transférant “à l’Urssaf délégataire l’ensemble des droits et obligations afférents à l’exercice des missions de recouvrement”, la convention de délégation précitée a également eu pour effet de transférer ta compétence en matière de gestion et d’utilisation des données personnelles par le traitement automatisé à l’Urssaf Languedoc-Roussillon.

ll est ainsi totalement régulier que les informations obtenues en provenance des services fiscaux, dans le cadre du dernier alinéa de l’article L.380-2 du CSS, et leur exploitation, dans le cadre des prescriptions prévues à l’article R.380-3 du CSS, soient réalisées par l’Urssaf du Languedoc-Roussillon, dans le cadre d’une délégation de compétence par voie de convention de mutualisation interrégionale conclue entre URSSAF.

S’agissant de la jurisprudence citée par le cotisant (cass crim 27/11/2013, n°13-85.042), il sera relevé qu’en l’espèce la Cour de cassation avait estimé que soulever l’illicéité des moyens de preuve (fichiers Informatiques en l’espèce) fondant la plainte de l’administration fiscale et des actes subséquents, revenait à se fonder sur un “moyen (…) mélangé de fait et, comme tel, irrecevable (…) et inopérant [qui] ne saurait être accueilli”.

En outre, le cotisant ne peut prétendre être dans l’impossibilité légale d’user de son “droit d’accès et de rectification de ses données personnelles” auprès de l’Urssaf Languedoc-Roussillon car, comme il a également déjà été dit plus haut, l’Urssaf Languedoc-Roussillon est “délégataire de l’ensemble des droits et obligations afférents à l’exercice des missions de recouvrement”, et par conséquent la convention de délégation précitée a également eu pour effet de transférer la compétence en matière de gestion et d’utilisation des données personnelles par le traitement automatisé à l’Urssaf Languedoc-Roussillon.

Il conviendra à la Cour d’entériner la position de l’URSSAF de Languedoc-Roussillon sur ce point

Sur la violation de l’article 4 de la Convention européenne des Droits de l’Homme

Le cotisant considère que la CSM est contraire à l’article 4 de la CEDH. Il estime que cette cotisation aurait un caractère coercitif certain, dans la mesure où elle contraindrait les personnes à travailler en vue d’obtenir un revenu professionnel dépassant le seuil de redevabilité de 10 % du PASS afin d’éviter l’assujettissement à la cotisation.

Dans un premier temps, il apparait au regard de la jurisprudence de la cour européenne des droits de l’homme que le seuil d’assujettissement à la cotisation subsidiaire maladie n’est pas susceptible de représenter un esclavage ou un travail forcé.

Par ailleurs, Il convient de rappeler que le loi ne saurait par principe constituer une incitation à la fraude, et que si, par extraordinaire, une fraude devait être commise, “tout acte fictif recherchant le bénéfice d’une application littérale des textes à l’encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, inspirés par la volonté d’éluder ou d’atténuer les contributions et cotisations sociales auxquelles le cotisant est tenu au titre de la législation sociale ou que le cotisant, s’il n’avait pas passé ces actes, aurait normalement supportées, eu égard à sa situation ou à ses activités réelles”, est susceptible de donner lieu à l’application d’une pénalité égale à 20 % des cotisations et contributions dues sur le fondement de l’article L243-7-2 du CSS.

Ensuite, il peut être opposé à ces affirmations, qui font une Interprétation erronée de l’article L.380-2 du CSS, que l’objet de la CSM n’est pas de contraindre au travail les assurés qui ne bénéficient pas de revenus professionnels dépassant le seuil, mais au contraire de permettre le financement de la prise en charge des frais de santé pour cette catégorie d’assurés particulièrement démunie, par un mécanisme de solidarité et de redistribution des personnes disposant des revenus du patrimoine suffisants et celles qui disposent de revenus d’activités faibles ou inexistants.

Il conviendra à la Cour de valider la position de l’URSSAF de Languedoc-Roussillon sur ce point.

Le Président a relevé d’office l’existence d’une jurisprudence établie du CONSEIL D’ETAT sur la question de l’absence de rétroactivité de la réserve d’interprétation du CONSEIL CONSTITUTIONNEL à savoir les deux arrêts du 10 juillet 2019 et du 29 juillet 2020 et a autorisé chacune des parties à adresser à la Cour sous un mois une note en délibéré sur ce point, l’autre partie pouvant répondre sous un mois à la première note adverse.

Par « conclusions complémentaires » valant note en délibéré de son avocat expédiées au greffe de la Cour le 7 avril 2023, Monsieur [R] indique pour l’essentiel de ce qui suit :

Sur l’absence de rétroactivité de l’application de la réserve d’interprétation à la cotisation de Monsieur [R]

Ainsi qu’il a été développé à l’audience, la question de savoir si la réserve d’interprétation peut produire un effet rétroactif n’est pas pertinente en l’espèce dans la mesure où la décision du Conseil constitutionnel qui a émis cette réserve d’interprétation date du 27 septembre 2018 et l’appel de cotisation contesté par Monsieur [R] a été envoyé le 2 décembre 2019 soit plus d’un an après la décision du Conseil constitutionnel.

L’application de la réserve d’interprétation à la cotisation de Monsieur [R] ne présente donc pas de caractère rétroactif.

Sur l’exception d’inconstitutionnalité des dispositions réglementaires

Ainsi qu’il a été développé dans nos précédentes écritures, les décisions précitées du Conseil d’Etat ont écarté les griefs tirés de la rupture d’égalité devant les charges publiques pour deux motifs :

D’une part, il s’agissait en réalité de sanctionner une absence de texte, notamment l’absence de plafonnement, et ainsi une incompétence négative que le Conseil d’Etat refuse de contrôler (cf. II. C. 1. d. des conclusions d’appelant) ;

D’autre part, le recours pour excès de pouvoir, recours exercé pour sanctionner les dispositions règlementaires applicables aux cotisations 2016, 2017 et 2018, donne un pouvoir limité au juge qui ne peut moduler sa décision. En effet, dans le cadre du recours pour excès de pouvoir le Conseil d’Etat ne peut que confirmer ou annuler l’acte soumis à son examen. Or, l’annulation des textes soumis à son contrôle aurait eu pour effet d’annuler l’intégralité des cotisations subsidiaires maladies appelées sans distinction alors même que certaines de ces cotisations ne portaient pas d’atteinte au principe d’égalité devant les charges publiques.

Dès lors, le Conseil d’Etat n’était pas en mesure d’apporter la sanction appropriée au dispositif en vigueur lorsque la cotisation de Monsieur [R] a été appelée.

Dans ce cadre, ainsi qu’il a été développé précédemment, il revient au juge judiciaire de donner son plein effet à la réserve d’interprétation constitutionnelle qui, comme l’a rappelé le Conseil d’Etat dans les décisions précitées « est revêtue de l’autorité absolue de la chose jugée et lient tant les autorités administratives que le juge pour l’application et l’interprétation de cette disposition. »

Il est à noter, que le Conseil d’Etat en soulignant que la réserve d’interprétation lie « le juge pour l’application et l’interprétation de cette disposition », renvoyait ici un message au juge judiciaire.

Il s’agit donc pour lui, d’examiner, au cas par cas, si la cotisation porte atteinte au principe d’égalité devant les charges publiques. Dans le cadre de cet examen, le juge judiciaire a à sa disposition un outil idéal, les nouvelles disposions règlementaires, mises en place pour se conformer à la réserve d’interprétation, ainsi qu’il ressort clairement des travaux parlementaires cités dans nos précédentes écritures.

La question qui se pose est donc celle de savoir si la cotisation mise à la charge de Monsieur [R] au titre de 2018 excède la cotisation à laquelle il aurait été assujetti en application des nouvelles dispositions règlementaires.

Ici, la réponse est claire, la cotisation mise à la charge de Monsieur [R], près de 7 fois supérieure à la cotisation à laquelle il aurait été assujetti en application des dispositions conformes à la réserve d’interprétation, est excessive. Dès lors, il y a lieu de limiter son montant. Nous vous renvoyons sur ce point à nos précédentes écritures.

Aucune note en délibéré de l’URSSAF ne figurant au dossier de la Cour mais son système informatique faisant apparaître la réception par cette dernière de conclusions de l’URSSAF le 20 avril 2023, le magistrat chargé de l’instruction a demandé au greffe de solliciter la production de ces dernières auprès du Conseil de l’URSSAF.

Par message électronique du 31 juillet 2023, ce dernier a indiqué ne pas souhaiter répliquer à la note en délibéré adverse.

MOTIFS DE L’ARRET.

SUR LES DISPOSITIONS DU JUGEMENT DEFERE SE DECLARANT INCOMPETENT POUR CONFIRMER OU INFIRMER LA DECISION DE LA COMMISSION DE RECOURS AMIABLE.

Les dispositions du jugement déféré se déclarant incompétent pour confirmer ou infirmer la décision de la commission de recours amiable ne faisant l’objet d’aucun moyen de contestation, il convient de confirmer le jugement de ce chef.

SUR LA DEMANDE EN NULLITE DE LA COTISATION LITIGIEUSE POUR DEPASSEMENT DE LA DATE BUTOIR D’APPEL DE LA COTISATION.

Vu l’article R. 380-4, I, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-736 du 3 mai 2017, applicable au recouvrement de la cotisation litigieuse :

4. Selon ce texte, la cotisation assise sur les revenus non professionnels mentionnée à l’article L. 380-2 du code de la sécurité sociale, est appelée au plus tard le dernier jour ouvré du mois de novembre de l’année suivant celle au titre de laquelle elle est due. Elle est exigible dans les trente jours suivant la date à laquelle elle est appelée.

5. Le non-respect par l’organisme de recouvrement de la date limite mentionnée par ce texte a pour seul effet de reporter le délai au terme duquel la cotisation devient exigible (en dernier lieu 2e Civ., 16 février 2023, pourvoi n° 21-12.613).

Sans qu’il soit besoin de retenir, comme l’a fait le Tribunal, qu’ « il n’est pas sérieusement contesté que l’appel de cotisations a été expédié le 28 novembre 2019 » , et de décider qu’il est antérieur au 30 novembre 2019, alors que ce point est formellement contesté, la Cour se contentera de constater que le moyen de l’appelant selon lequel l’expédition de l’avis de mise en recouvrement des cotisations litigieuses le 2 décembre 2019 entraînerait la nullité de cet appel de cotisations manque en droit.

Il convient en conséquence de rejeter la demande en nullité de l’appel de cotisations en ce qu’elle est fondée sur le motif du non-respect du délai-butoir résultant de l’article précité.

SUR LA DEMANDE DE DECHARGE DE L’APPEL DE COTISATION A RAISON DU DEFAUT DE CONFORMITE A LA CONSTITUTION DE SES MODALITES DE DETERMINATION.

L’article L. 160-1 du code de la sécurité sociale dispose que toute personne travaillant ou, lorsqu’elle n’exerce pas d’activité professionnelle, résidant en France de manière stable et régulière bénéficie, en cas de maladie ou de maternité, de la prise en charge de ses frais de santé. En application des paragraphes I et II de l’article L. 241-2 du même code, la couverture des dépenses afférentes à la prise en charge de ces frais est notamment assurée par les cotisations acquittées, dans chacun des régimes, par les employeurs des professions agricoles et non agricoles, par les travailleurs indépendants des professions non agricoles et des personnes non salariées des professions agricoles et par les personnes mentionnées aux articles L. 380-2 et L. 380-3-1 du même code.

L’article L380-2 du Code de la sécurité sociale, dans sa version en vigueur du 01 janvier 2016 au 01 janvier 2019 résultant de la LOI n°2015-1702 du 21 décembre 2015 – art. 32 :

Les personnes mentionnées à l’article L. 160-1 sont redevables d’une cotisation annuelle lorsqu’elles remplissent les conditions suivantes :

1° Leurs revenus tirés, au cours de l’année considérée, d’activités professionnelles exercées en France sont inférieurs à un seuil fixé par décret. En outre, lorsqu’elles sont mariées ou liées à un partenaire par un pacte civil de solidarité, les revenus tirés d’activités professionnelles exercées en France de l’autre membre du couple sont également inférieurs à ce seuil ;

2° Elles n’ont perçu ni pension de retraite, ni rente, ni aucun montant d’allocation de chômage au cours de l’année considérée. Il en est de même, lorsqu’elles sont mariées ou liées à un partenaire par un pacte civil de solidarité, pour l’autre membre du couple.

Cette cotisation est fixée en pourcentage du montant des revenus fonciers, de capitaux mobiliers, des plus-values de cession à titre onéreux de biens ou de droits de toute nature, des bénéfices industriels et commerciaux non professionnels et des bénéfices des professions non commerciales non professionnels, définis selon les modalités fixées au IV de l’article 1417 du code général des impôts, qui dépasse un plafond fixé par décret. Servent également au calcul de l’assiette de la cotisation, lorsqu’ils ne sont pas pris en compte en application du IV de l’article 1417 du code général des impôts, l’ensemble des moyens d’existence et des éléments de train de vie, notamment les avantages en nature et les revenus procurés par des biens mobiliers et immobiliers, dont le bénéficiaire de la couverture maladie universelle a disposé, en quelque lieu que ce soit, en France ou à l’étranger, et à quelque titre que ce soit. Ces éléments de train de vie font l’objet d’une évaluation dont les modalités sont fixées par décret en Conseil d’Etat. Un décret détermine le taux et les modalités de calcul de cette cotisation ainsi que les obligations déclaratives incombant aux assujettis.

Lorsque les revenus d’activité mentionnés au 1° sont inférieurs au seuil défini au même 1° mais supérieurs à la moitié de ce seuil, l’assiette de la cotisation fait l’objet d’un abattement dans des conditions fixées par décret. Cet abattement croît à proportion des revenus d’activité, pour atteindre 100 % à hauteur du seuil défini audit 1°.

La cotisation est recouvrée l’année qui suit l’année considérée, mentionnée aux 1° et 2° du présent article, selon les dispositions des sections 2 à 4 du chapitre III et du chapitre IV du titre IV du livre II du présent code, sous réserve des adaptations prévues par décret du Conseil d’Etat.

Les agents des administrations fiscales communiquent aux organismes mentionnés aux articles L. 213-1 et L. 752-2 les informations nominatives déclarées pour l’établissement de l’impôt sur le revenu par les personnes remplissant les conditions mentionnées au premier alinéa de l’article L. 380-2, conformément à l’article L. 152 du livre des procédures fiscales.

L’article R380-4 du Code de la sécurité sociale dans sa version en vigueur depuis le 06 mai 2017 résultant du Décret n°2017-736 du 3 mai 2017 – art. 7 :

I. ‘ La cotisation mentionnée à l’article L. 380-2 est appelée au plus tard le dernier jour ouvré du mois de novembre de l’année suivant celle au titre de laquelle elle est due. Elle est exigible dans les trente jours suivant la date à laquelle elle est appelée.

II. ‘ Au plus tard à l’issue de ce délai, l’assuré qui estime que le montant appelé ne tient pas compte de manière exacte de sa situation ou de ses revenus peut s’acquitter du montant de la cotisation dont il estime être redevable sur la base de tout élément probant qu’il communique à l’organisme chargé du recouvrement. Après examen des éléments envoyés, l’organisme de recouvrement, dans un délai d’un mois suivant la date de paiement de la cotisation et par tout moyen donnant date certaine à la réception par le redevable, lui confirme le montant estimé ou, le cas échéant, lui transmet un appel rectificatif fixant le solde restant dû par le redevable ou les sommes à rembourser. Le solde est exigible dans les trente jours suivant la date à laquelle il est appelé.

III. ‘ Lorsque le redevable choisit de verser sa cotisation en trois échéances, le premier versement intervient avant la date prévue au I et chacune des échéances supplémentaires intervient par prélèvement dans un délai maximum de 90 jours suivant le versement précédent.

Chaque versement est égal à un tiers du montant de la cotisation due. Si le redevable rectifie le montant de cotisation conformément aux éléments communiqués dans les conditions prévues au II, il ajuste alors le montant qu’il estime devoir acquitter lors du premier versement. Après examen de ces éléments, l’organisme de recouvrement ajuste, le cas échéant, les montants à prélever à l’occasion des deux échéances supplémentaires.

IV. ‘ Dans le cadre d’un contrôle effectué en application de l’article L. 243-7, en cas d’absence de mise à disposition par l’employeur d’élément probant permettant le chiffrage des cotisations et contributions, l’organisme de recouvrement peut fixer l’assiette de la cotisation mentionnée au I à cinq fois le plafond annuel de la sécurité sociale en vigueur au 1er janvier de l’année au titre de laquelle est notifiée la fixation forfaitaire.

Cette fixation forfaitaire est opérée à titre provisoire et constitue l’assiette de la cotisation tant que le cotisant n’apporte pas d’éléments probants permettant d’en rectifier le montant.

Aux termes de l’article D380-1 du Code de la sécurité sociale dans sa version en vigueur du 22 juillet 2016 au 01 janvier 2019 résultant du Décret n°2016-979 du 19 juillet 2016 – art. 1 :

I.-Le montant de la cotisation mentionné à l’article L. 380-2 due par les assurés dont les revenus tirés d’activités professionnelles sont inférieurs à un seuil fixé à 10 % du plafond annuel de la sécurité sociale est déterminé selon les formules suivantes :

1° Si les revenus tirés d’activités professionnelles sont inférieurs à 5 % du plafond annuel de la sécurité sociale :

Montant de la cotisation = 8 % × (A-D)

Où :

A est l’assiette des revenus définie au quatrième alinéa de l’article L. 380-2 ;

D, qui correspond au plafond mentionné au quatrième alinéa du même article, est égal à 25 % du plafond annuel de la sécurité sociale ;

2° Si les revenus tirés d’activités professionnelles sont compris entre 5 % et 10 % du plafond annuel de la sécurité sociale :

Montant de la cotisation = 8 % × (A-D) × 2 × (1-R/ S)

Où :

R est le montant des revenus tirés d’activités professionnelles ;

S, qui correspond au seuil des revenus tirés d’activités professionnelles mentionné au deuxième alinéa de l’article L. 380-2, est égal à 10 % du plafond annuel de la sécurité sociale.

II.-Lorsque le redevable de cette cotisation ne remplit les conditions mentionnées à l’article L. 160-1 que pour une partie de l’année civile, le montant de la cotisation due est calculé au prorata de cette partie de l’année.

III.-Si, au titre d’une période donnée, l’assuré est redevable de la cotisation prévue à l’article L. 380-3-1, il ne peut être redevable de la cotisation prévue à l’article L. 380-2 pour la même période. Le montant de celle-ci est alors calculé dans les conditions prévues au II.

Par décision n° 2018-735 QPC du 27 septembre 2018, les première et dernière phrases du quatrième alinéa de l’article L. 380-2 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2015-1702 du 21 décembre 2015 de financement de la sécurité sociale pour 2016, sont déclarées par le Conseil Constitutionnel conformes à la Constitution, sous la réserve énoncée au paragraphe 19 de la décision, aux termes de laquelle il appartient au pouvoir réglementaire de fixer le taux et les modalités de détermination de l’assiette de la cotisation de façon à ne pas entraîner de rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques.

A la suite des dispositions de la décision du Conseil constitutionnel n° 2018-735 QPC du 27 septembre 2018 le pouvoir réglementaire a modifié comme suit par Décret n°2019-349 du 23 avril 2019 – art. 1 les dispositions de l’article D380-1 à effet du 01 janvier 2019 :

I.-Le montant de la cotisation mentionnée à l’article L. 380-2 est déterminé selon la formule suivante :

Montant de la cotisation = 6,5 % × (A-0,5 × PASS) × [1-R/ (0,2 × PASS)]

Où :

A est égal au montant des revenus définis au quatrième alinéa du même article, retenus dans la limite de huit fois la valeur annuelle du plafond de la sécurité sociale ;

PASS correspond au plafond annuel de la sécurité sociale ;

R est égal au montant des revenus tirés d’activités professionnelles mentionnés au 1° de l’article L. 380-2 ou, le cas échéant, au montant mentionné au sixième alinéa du même article.

II.-Lorsque le redevable de cette cotisation ne remplit les conditions mentionnées à l’article L. 160-1 que pour une partie de l’année civile, le montant de la cotisation due est calculé au prorata de cette partie de l’année.

III.-Si, au titre d’une période donnée, l’assuré est redevable de la cotisation prévue à l’article L. 380-3-1, il ne peut être redevable de la cotisation prévue à l’article L. 380-2 pour la même période. Le montant de celle-ci est alors calculé dans les conditions prévues au II.

Conformément à l’article 3 du décret n° 2019-349 du 24 avril 2019, ces dispositions s’appliquent aux cotisations dues au titre des périodes courant à compter du 1er janvier 2019.

Il résulte de la modification du texte précité de l’article D.380-1 du Code de la sécurité sociale que l’assiette de la cotisation subsidiaire maladie est désormais plafonnée à 8 plafonds annuels de la sécurité sociale.

Monsieur [R] fait valoir à l’appui de sa demande de dégrèvement des cotisations litigieuses qu’il appartient au juge judiciaire de faire respecter la réserve d’interprétation du Conseil Constitutionnel, que cette réserve d’interprétation a une valeur équivalente à la loi, qu’elle paralyse l’exécution de la norme qui lui est antérieure aussi longtemps que les pouvoirs publics n’adoptent pas les mesures correctives nécessaires en matière réglementaire pour s’y confirmer, que les textes d’application ( des articles L.380-2 et des articles L.380-3-1 du code de la sécurité sociale) ne sont plus applicables même pour les situations passées puisqu’ils sont contraires à la constitution, que la Cour doit censurer la violation de l’article 62 de la constitution, qu’il n’est pas demandé à la Cour d’annuler une disposition réglementaire ce qui constituerait un empiètement sur la compétence du juge administratif mais qu’il est demandé à la Cour de constater que le pouvoir réglementaire n’a pas adopté en sa faveur les mesures requises par le Conseil Constitutionnel et d’en déduire que la cotisation est dépourvue de modalités de détermination conformes à la constitution.

Il résulte clairement des explications fournies par Monsieur [R] que s’il n’entend pas à proprement parler soulever l’exception d’illégalité des dispositions de l’article D.380-1 du Code de la sécurité sociale dans leur version applicable ( l’article D.380-3-1 du même code qu’il invoque également s’appliquant aux travailleurs frontaliers et étant sans incidence sur la solution du litige) il entend soulever l’inapplicabilité de ce texte au motif qu’il serait contraire à la réserve d’interprétation du Conseil Constitutionnel.

Il résulte d’ailleurs à la fois de ses explications que le texte serait contraire à la loi puisqu’il indique que la réserve d’interprétation a une valeur équivalente à la loi mais qu’il serait également contraire à la constitution puisqu’en ne respectant pas la réserve d’interprétation il violerait par là même l’article 62 de la Constitution.

Force est donc de constater que la contestation soulevée par Monsieur [R] relève du mécanisme de l’exception d’illégalité.

Il convient de rappeler les conditions de mise en ‘uvre d’une telle exception.

Aux termes de la jurisprudence du Tribunal des Conflits inaugurée par l’arrêt « septfonds », le juge judiciaire civil a compétence pour interpréter les actes administratifs réglementaires mais doit renvoyer au juge administratif l’interprétation des actes non réglementaires ainsi que la question de la légalité de tous les actes administratifs et surseoir à statuer dans l’attente de la décision de ce dernier.

Cette jurisprudence a subi une importante évolution avec l’arrêt du Tribunal des Conflits du 17 octobre 2011 connu sous le nom d’arrêt « scea du Chéneau » n° C 3828 publié au recueil des arrêts du Conseil d’Etat.

Le Tribunal des Conflits a rappelé qu’il n’appartient en principe qu’à la juridiction administrative de connaître des recours tendant à l’annulation ou à la réformation des décisions prises par l’administration dans l’exercice de ses prérogatives de puissance publique 16 et que de même, le juge administratif est en principe seul compétent pour statuer, le cas échéant par voie de question préjudicielle, sur toute contestation de la légalité de telles décisions, soulevée à l’occasion d’un litige relevant à titre principal de l’autorité judiciaire ;

Il ajoute que les dispositions de l’article 55 de la Constitution conférant aux traités, dans les conditions qu’elles définissent, une autorité supérieure à celle des lois ne prescrivent ni n’impliquent aucune dérogation aux principes, rappelés ci-dessus, régissant la répartition des compétences entre ces juridictions, lorsque est en cause la légalité d’une disposition réglementaire, alors même que la contestation porterait sur la compatibilité d’une telle disposition avec les engagements internationaux.

Ces principes étant rappelés, le Tribunal des Conflits a décidé qu’ils doivent être conciliés tant avec l’exigence de bonne administration de la justice qu’avec les principes généraux qui gouvernent le fonctionnement des juridictions, en vertu desquels tout justiciable a droit à ce que sa demande soit jugée dans un délai raisonnable et qu’il s’ensuit que si, en cas de contestation sérieuse portant sur la légalité d’un acte administratif, les tribunaux de l’ordre judiciaire statuant en matière civile doivent surseoir à statuer jusqu’à ce que la question préjudicielle de la légalité de cet acte soit tranchée par la juridiction administrative, il en va autrement lorsqu’il apparaît manifestement, au vu d’une jurisprudence établie, que la contestation peut être accueillie par le juge saisi au principal.

Le Tribunal des Conflits a également posé la règle selon laquelle il résulte du principe d’effectivité issu des dispositions des traités sur l’Union Européenne et du traité sur le fonctionnement de l’Union Européenne, telles qu’elles ont été interprétées par la Cour de justice de l’Union européenne, que le juge national chargé d’appliquer les dispositions du droit de l’Union a l’obligation d’en assurer le plein effet en laissant au besoin inappliquée, de sa propre autorité, toute disposition contraire ; qu’à cet effet, il doit pouvoir, en cas de difficulté d’interprétation de ces normes, en saisir lui-même la Cour de justice à titre préjudiciel ou, lorsqu’il s’estime en état de le faire, appliquer le droit de l’Union, sans être tenu de saisir au préalable la juridiction administrative d’une question préjudicielle, dans le cas où serait en cause devant lui, à titre incident, la conformité d’un acte administratif au droit de l’Union européenne.

C’est d’ailleurs en application de l’obligation qu’il venait de poser faite au juge judiciaire d’apprécier la conformité des actes administratifs au droit de l’Union Européenne, que le Tribunal des Conflits a décidé d’annuler les arrêtés préfectoraux de conflit qui lui étaient déférés en relevant que si la contestation soulevée par la « scea du chéneau » mettant en cause la légalité des actes administratifs ayant rendu obligatoires les cotisations litigieuses, il appartenait à la juridiction judiciaire de se prononcer elle-même, le cas échéant après renvoi à la Cour de justice, sur le moyen tiré de la méconnaissance du droit de l’Union Européenne et que c’était dès lors à tort que le conflit avait été élevé.

Dans ses arrêts postérieurs, le Tribunal des Conflits a eu l’occasion de rappeler les principes dégagés dans l’arrêt « scea du chéneau » et d’appliquer la règle de l’exception à l’obligation pour le juge judiciaire de surseoir à statuer sur la légalité d’un acte administratif en cas de jurisprudence administrative établie permettant au juge d’accueillir la contestation

Ainsi dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 12 décembre 2011 n° C3841 publié au recueil des arrêts du Conseil d’Etat, dans laquelle était en cause la légalité de dispositions réglementaires arguées de méconnaissance du principe de non-rétroactivité des actes 17 administratifs, le Tribunal des Conflits a décidé qu’eu égard à la jurisprudence établie du Conseil d’Etat sur la portée de ce principe général du droit , une telle contestation pouvait être tranchée par le juge judiciaire ( dans le même sens s’agissant de l’appréciation de la légalité de l’article 8-1 du décret du 4 juin 1999 l’arrêt du 7 avril 2016 n° 15-12.371).

Le même raisonnement a été suivi par le Tribunal des Conflits en matière d’actes administratifs individuels dans une affaire ayant donné lieu à un arrêt du 16 juin 2014 au Bulletin 2014 Tribunal des Conflits n° 7 qui a retenu que le juge judiciaire pouvait apprécier la légalité d’une décision de renonciation à exercice du droit de préemption eu égard à la jurisprudence établie du Conseil d’Etat puis dans un arrêt du 12 octobre 2015 n° C4024 mentionné dans les tables du recueil des arrêts du Conseil d’Etat qui a retenu la même solution, s’agissant de la même problématique.

Il résulte finalement clairement de cette jurisprudence du Tribunal des Conflits qu’en cas de contestation sérieuse la juridiction civile saisie d’une demande de sa compétence doit surseoir à statuer et saisir par voie préjudicielle le juge administratif sauf lorsque la contestation peut être tranchée au vu d’une jurisprudence établie ou qu’elle met en ‘uvre le droit de l’Union Européenne.

Un certain nombre d’arrêts de la Cour de Cassation , intervenus dans des contentieux ne concernant pas le droit de la rétention administrative des étrangers, reprennent à l’identique la formulation du Tribunal des Conflits, sur la nécessité, lorsque l’exception d’illégalité soulève un problème de contestation sérieuse, de surseoir à statuer dans l’attente de la décision administrative sauf jurisprudence établie ( 1ère Chambre civile du 24 avril 2013 au Bull I n° 89/ du 9 décembre 2015 n° 14-16.548/ 2ème Chambre Civile du 7 avril 2016 n° 12-15.371/ 1ère Civile du 12 mai 2016 n° 15-16.743 et 15-18.595 ) étant relevé que dans d’autres arrêts, le raisonnement suivi s’arrête au stade du critère posé par le Tribunal des Conflits de la nécessité du caractère sérieux de l’exception d’illégalité, ce caractère sérieux n’étant pas retenu ( par exemple l’arrêt de la Chambre Commerciale du 13 novembre 2013 n° 12-21.572 qui retient que l’exception d’illégalité du règlement général de l’autorité des marchés financiers ne présente pas de caractère sérieux dans la mesure où ce règlement ne fait qu’appliquer sur le point contesté des textes législatifs/ également dans le même sens l’arrêt de la 1ère Chambre Civile du 4 juin 2014 au Bull Civ I n° 106, Soc. ; 22 octobre 2014 n° 14-60.123, 14-60.124, Soc., 26 octobre 2022, pourvoi n° 19-25.999, 19-26.002, 19-26.004, 19-26.006, 19-26.007, 19-26.008, 19-25.996 ; Soc., 5 octobre 2017, pourvoi n° 15-23.221, Bull. 2017, V, n° 174 ; 1re Civ., 23 mars 2017, pourvoi n° 16-10.277, Bull. 2017, I, n° 73 ).

En l’espèce, il est reproché par Monsieur [R] à l’article D.380-1 du Code de la sécurité sociale dans sa rédaction applicable à l’établissement de la cotisation litigieuse de ne pas avoir fixé le taux et les modalités de détermination de l’assiette de la cotisation de façon à ne pas entraîner de rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques et ce en méconnaissance de la réserve d’interprétation du Conseil Constitutionnel.

La cotisation litigieuse porte sur l’année 2018.

Le Conseil d’Etat dans son arrêt du 10 juillet 2019 1ère – 4ème chambres réunies, 417919, a décidé dans son considérant 1 , au visa de la réserve d’interprétation du Conseil Constitutionnel, qu’en fixant, dans le cadre déterminé par les dispositions de l’article L. 380-2 précité, le seuil de revenus professionnels prévu au deuxième alinéa de cet article, en-deçà duquel la cotisation est due, à 10 % du plafond annuel de la sécurité sociale, soit 3 861,60 euros en 2016, le montant des revenus du patrimoine mentionné au quatrième alinéa du même article, au-delà duquel s’applique le prélèvement, à 25 % de ce même plafond, soit 9 654 euros en 2016, et le taux de la cotisation en cause à 8 %, le pouvoir réglementaire a défini les modalités de calcul de cette cotisation dans des conditions qui n’entraînent pas de rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques.

Dans l’arrêt de sa première Chambre du 29/07/2020 n° 430326 le Conseil d’Etat a exprimé la même analyse en indiquant qu’en fixant, dans le cadre déterminé par les dispositions de l’article L. 380-2 précité, le seuil de revenus professionnels prévu au deuxième alinéa de cet article, en deçà duquel la cotisation est due, à 10 % du plafond annuel de la sécurité sociale, soit 3 922,80 euros en 2017, le montant des revenus du patrimoine mentionné au quatrième alinéa du même article, au-delà duquel s’applique le prélèvement, à 25 % de ce même plafond, soit 9 807 euros en 2017, et le taux de la cotisation en cause à 8 %, le pouvoir réglementaire a défini les modalités de calcul de cette cotisation dans des conditions qui n’entraînent pas de rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques.

Si cet arrêt poursuit en indiquant que l’article D. 380-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret du 19 juillet 2016 précité, ne méconnaissait pas le principe d’égalité devant les charges publiques garanti par l’article 13 de la Déclaration des droits de l’homme et des citoyens de 1789, pas plus que les dispositions de l’article L. 380-2 du code de la sécurité sociale telles qu’interprétées par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2018-735 QPC du 27 septembre 2018, qui, contrairement à ce qui est soutenu, n’impliquait pas l’adoption de mesures réglementaires pour le passé, et si la combinaison de cette précision de l’absence de rétroactivité de la réserve d’interprétation et de l’affirmation selon laquelle les modalités de calcul de la cotisation n’entraîneraient pas de rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques apparaît difficile à appréhender, force est cependant de constater qu’il résulte clairement de l’arrêt que le texte de l’article D.380-1 précité dans sa rédaction issue du décret du 19 juillet 2016 n’entraîne aucune atteinte au principe d’égalité devant les charges publiques s’agissant des cotisations antérieures à 2019, ce dont il résulte que la solution résultant de l’arrêt précité s’applique indiscutablement à la problématique litigieuse.

Les deux arrêts du Conseil d’Etat constituent donc une jurisprudence établie de la juridiction administrative à son plus haut niveau et dont il résulte clairement que les modalités de calcul de la cotisation litigieuse prévues par l’article D.380-1 du Code de la sécurité sociale n’entraînent pas de rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques et qu’elles sont donc conformes aux dispositions de l’article L.380-2 tel qu’interprétées par le Conseil Constitutionnel dans sa réserve d’interprétation n° 2018-735 QPC du 27 septembre 2018.

Il convient dans ces conditions de rejeter la demande de dégrèvement de la cotisation litigieuse en ce qu’elle serait contraire à la réserve d’interprétation précitée et, par voie de conséquence, à l’article 62 de la constitution.

SUR LA DEMANDE DE REFORMATION DU JUGEMENT POUR NE PAS AVOIR REPONDU AU MOYEN TIRE DE LA VIOLATION DU PRINCIPE D’EGALITE AFFIRME PAR L’ARTICLE 6 DE LA DECLARATION DES DROITS DE L’HOMME DE 1789.

L’appelant fait valoir qu’il existerait une rupture d’égalité entre les cotisants au titre de années 2016 à 2018 et les cotisants au titre de 2019 qui bénéficient de la réserve d’interprétation du Conseil Constitutionnel et il sollicite la réformation du jugement déféré pour ne pas avoir répondu au moyen tiré de la violation par le texte réglementaire déterminant les modalités de calcul du taux de la cotisation litigieuse du principe d’égalité affirmé par l’article 6 de la déclaration des droits de l’homme de 1789 .

Il convient cependant de rappeler que ni le juge judiciaire ni le juge administratif ne peuvent contrôler la constitutionnalité d’une disposition réglementaire.

Il s’ensuit que le moyen tiré de la violation par les dispositions réglementaires contestées de l’article 6 de la déclaration des droits de l’homme de 1789 ne peut en aucun cas être examiné par la Cour, sous peine d’excès de pouvoir, et manque en droit ce dont il résulte que la demande de réformation du jugement déféré en tant qu’elle est fondée sur ce moyen manque par le fait qui lui sert de base et doit donc être rejetée.

SUR LA DEMANDE DE DEGREVEMENT DES COTISATIONS LITIGIEUSES A RAISON DE LA VIOLATION DE LA REGLEMENTATION EN MATIERE DE PROTECTION DES DONNEES PERSONNELLES.

Aux termes de l’article 27 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés :

I.-Sont autorisés par décret en Conseil d’Etat, pris après avis motivé et publié de la Commission nationale de l’informatique et des libertés :

1° Sous réserve du I bis de l’article 22 et du 9° du I de l’article 25, les traitements de données à caractère personnel mis en ‘uvre pour le compte de l’Etat, d’une personne morale de droit public ou d’une personne morale de droit privé gérant un service public, qui portent sur des données parmi lesquelles figure le numéro d’inscription des personnes au répertoire national d’identification des personnes physiques ;

2° Les traitements de données à caractère personnel mis en ‘uvre pour le compte de l’Etat qui portent sur des données biométriques nécessaires à l’authentification ou au contrôle de l’identité des personnes.

II.-Sont autorisés par arrêté ou, en cas de traitement opéré pour le compte d’un établissement public ou d’une personne morale de droit privé gérant un service public, par décision de l’organe délibérant chargé de leur organisation, pris après avis motivé et publié de la Commission nationale de l’informatique et des libertés :

1° Sous réserve du I bis de l’article 22 et du 9° du I de l’article 25, les traitements mis en ‘uvre par l’Etat ou les personnes morales mentionnées au I qui requièrent une consultation du répertoire national d’identification des personnes physiques sans inclure le numéro d’inscription à ce répertoire ;

2° Sous réserve du 9° du I de l’article 25, ceux des traitements mentionnés au I :

-qui ne comportent aucune des données mentionnées au I de l’article 8 ou à l’article 9 ;

-qui ne donnent pas lieu à une interconnexion entre des traitements ou fichiers correspondant à des intérêts publics différents ;

-et qui sont mis en ‘uvre par des services ayant pour mission, soit de déterminer les conditions d’ouverture ou l’étendue d’un droit des administrés, soit d’établir l’assiette, de contrôler ou de recouvrer des impositions ou taxes de toute nature, soit d’établir des statistiques ;

3° Les traitements relatifs au recensement de la population, en métropole et dans les collectivités situées outre-mer ;

4° Les traitements mis en ‘uvre par l’Etat ou les personnes morales mentionnées au I aux fins de mettre à la disposition des usagers de l’administration un ou plusieurs téléservices de l’administration électronique définis à l’article 1er de l’ordonnance n° 2005-1516 du 8 décembre 2005 relative aux échanges électroniques entre les usagers et les autorités administratives et entre les autorités administratives, si ces traitements portent sur des données parmi lesquelles figurent le numéro d’inscription des personnes au répertoire national d’identification ou tout autre identifiant des personnes physiques.

III.-Les dispositions du IV de l’article 26 sont applicables aux traitements relevant du présent article.

IV.-Le 1° des I et II du présent article n’est pas applicable :

1° Aux traitements à des fins de recherche, d’étude ou d’évaluation dans le domaine de la santé, qui sont soumis au chapitre IX de la présente loi ;

2° Aux traitements mis en ‘uvre afin de répondre à une alerte sanitaire en cas de situation d’urgence, qui sont soumis au V de l’article 22.

Aux termes du décret n° 2017-1530 du 3 novembre 2017 autorisant la mise en ‘uvre d’un traitement de données à caractère personnel destiné au calcul de la cotisation prévue à l’article L. 380-2 du code de la sécurité sociale, d’un traitement de données à caractère personnel destiné au contrôle de la résidence et modifiant le décret n° 2015-390 du 3 avril 2015 :

Article 1

I. – Pour l’application des dispositions de l’article L.380-2 du code de la sécurité sociale est autorisée la création par l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale d’un traitement de données à caractère personnel dénommé « Cotisation spécifique maladie ».
Les finalités de ce traitement sont le calcul et le recouvrement par les organismes mentionnés aux articlesL.213-1 et L.752-2 du code de la sécurité sociale de la cotisation spécifique maladie prévue par l’article L. 380-2 du code de la sécurité sociale.
II. – Le traitement autorisé par le présent article porte sur les catégories de données suivantes :
1° Données relatives à l’identité des personnes :

– numéro d’inscription au répertoire national d’identification des personnes physiques (NIR) ;
– civilité ;
– nom de famille ;
– nom d’usage ;
– prénoms ;
– date de naissance ;
– lieu de naissance (code commune INSEE) ;
– adresse de domicile (numéro et nom de voie, nom de commune, code commune INSEE) ;
– adresse de correspondance (numéro et nom de voie, nom de commune, code commune INSEE) ;

2° Données fiscales relatives aux revenus :

– traitements et salaires ;
– pensions, retraites et rentes ;
– revenus et plus-values des professions non salariées : revenus agricoles, revenus industriels et commerciaux professionnels, revenus industriels et commerciaux non professionnels, revenus non commerciaux professionnels, revenus non commerciaux non professionnels ;
– divers : montant net des revenus agricoles, revenus industriels et commerciaux, revenus non commerciaux non soumis aux contributions sociales par les organismes sociaux, indemnités d’élus locaux, revenus étrangers imposables en France, ouvrant droit à un crédit d’impôt égal au montant de l’impôt français ;
– revenus des valeurs et capitaux mobiliers ;
– plus-values et gains divers ;
– revenus fonciers ;
– revenus fonciers exceptionnels ou différés ;
– le cas échéant, rectifications apportées, par le contribuable ou les services de la direction générale des finances publiques, aux mêmes données, en cas d’émission de rôles supplémentaires et de dégrèvements.

III. – Sont destinataires des données à caractère personnel mentionnées au II du présent article, à raison de leurs attributions respectives et dans la limite du besoin d’en connaître :
1° Les agents de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale individuellement habilités par le directeur de l’Agence ;
2° Les agents des organismes mentionnés aux articles L. 213-1 et L. 752-2 du code de la sécurité sociale chargés du calcul, du recouvrement et du contrôle de la cotisation prévue par l’article L. 380-2, individuellement habilités par le directeur de l’organisme concerné.

Monsieur [R] soutient que le décret précité serait intervenu en violation des dispositions de l’article 27 de la loi précitée et ce au motif que l’avis de la Commission Informatique et Libertés s’est prononcé sur un traitement prévoyant uniquement un traitement par les organismes territorialement compétents.

On déduit de cette argumentation qu’il soutient implicitement mais nécessairement que le décret pris en application de l’article 27 de la loi devrait être conforme à l’avis de la Commission Informatique et Libertés.

Cette contestation de la légalité du décret n’est pas sérieuse, le texte de l’article 27 n’exigeant aucunement que les décrets d’application qu’il prévoit soient conformes à l’avis de la commission mais seulement qu’ils interviennent sur avis publié et motivé de cette dernière

La Cour ne peut que dire par voie de conséquence que le moyen tiré de l’illégalité du décret n° 2017-1530 du 3 novembre 2017 est dépourvu de tout fondement.

Monsieur [R] soutient ensuite que l’appel de cotisations et l’ensemble du traitement des données ayant permis leur calcul auraient été établis en violation du RGPD ( règlement UE 2016 /679 ) et de l’arrêt de la Cour de Justice de l’Union Européenne du 1er octobre 2015 dans la mesure où, en violation de ces textes et arrêt, les cotisants n’auraient pas reçu au plus tard lors de la transmission des données par l’administration fiscale à l’ACOSS l’information relative au traitement de ces données ainsi qu’à sa finalité.

Le Règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 définit comme suit le responsable du traitement dans le point 7 de l’article 4 intitulé « définitions » :

« responsable du traitement », la personne physique ou morale, l’autorité publique, le service ou un autre organisme qui, seul ou conjointement avec d’autres, détermine les finalités et les moyens du traitement; lorsque les finalités et les moyens de ce traitement sont déterminés par le droit de l’Union ou le droit d’un État membre, le responsable du traitement peut être désigné ou les critères spécifiques applicables à sa désignation peuvent être prévus par le droit de l’Union ou par le droit d’un État membre ;

Aux termes de l’article 5 du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE, ou règlement général sur la protection des données : ” 1. Les données à caractère personnel doivent être : a) traitées de manière licite, loyale et transparente au regard de la personne concernée (licéité, loyauté, transparence).

Aux termes de l’article 14 du règlement :

Informations à fournir lorsque les données à caractère personnel n’ont pas été collectées auprès de la personne concernée

1. Lorsque les données à caractère personnel n’ont pas été collectées auprès de la personne concernée, le responsable du traitement fournit à celle-ci toutes les informations suivantes:

a) l’identité et les coordonnées du responsable du traitement et, le cas échéant, du représentant du responsable du traitement;

b) le cas échéant, les coordonnées du délégué à la protection des données;

c) les finalités du traitement auquel sont destinées les données à caractère personnel ainsi que la base juridique du traitement;

d) les catégories de données à caractère personnel concernées;

e) le cas échéant, les destinataires ou les catégories de destinataires des données à caractère personnel;

f) le cas échéant, le fait que le responsable du traitement a l’intention d’effectuer un transfert de données à caractère personnel à un destinataire dans un pays tiers ou une organisation internationale, et l’existence ou l’absence d’une décision d’adéquation rendue par la Commission ou, dans le cas des transferts visés à l’article 46 ou 47, ou à l’article 49, paragraphe 1, deuxième alinéa, la référence aux garanties appropriées ou adaptées et les moyens d’en obtenir une copie ou l’endroit où elles ont été mises à disposition;

2. En plus des informations visées au paragraphe 1, le responsable du traitement fournit à la personne concernée les informations suivantes nécessaires pour garantir un traitement équitable et transparent à l’égard de la personne concernée:

a) la durée pendant laquelle les données à caractère personnel seront conservées ou, lorsque ce n’est pas possible, les critères utilisés pour déterminer cette durée;

b) lorsque le traitement est fondé sur l’article 6, paragraphe 1, point f), les intérêts légitimes poursuivis par le responsable du traitement ou par un tiers;

c) l’existence du droit de demander au responsable du traitement l’accès aux données à caractère personnel, la rectification ou l’effacement de celles-ci, ou une limitation du traitement relatif à la personne concernée, ainsi que du droit de s’opposer au traitement et du droit à la portabilité des données;

d) lorsque le traitement est fondé sur l’article 6, paragraphe 1, point a), ou sur l’article 9, paragraphe 2, point a), l’existence du droit de retirer le consentement à tout moment, sans porter atteinte à la licéité du traitement fondé sur le consentement effectué avant le retrait de celui-ci;

e) le droit d’introduire une réclamation auprès d’une autorité de contrôle;

f) la source d’où proviennent les données à caractère personnel et, le cas échéant, une mention indiquant qu’elles sont issues ou non de sources accessibles au public;

g) l’existence d’une prise de décision automatisée, y compris un profilage, visée à l’article 22, paragraphes 1 et 4, et, au moins en pareils cas, des informations utiles concernant la logique sous-jacente, ainsi que l’importance et les conséquences prévues de ce traitement pour la personne concernée.

3. Le responsable du traitement fournit les informations visées aux paragraphes 1 et 2:

a) dans un délai raisonnable après avoir obtenu les données à caractère personnel, mais ne dépassant pas un mois, eu égard aux circonstances particulières dans lesquelles les données à caractère personnel sont traitées;

b) si les données à caractère personnel doivent être utilisées aux fins de la communication avec la personne concernée, au plus tard au moment de la première communication à ladite personne; ou

c) s’il est envisagé de communiquer les informations à un autre destinataire, au plus tard lorsque les données à caractère personnel sont communiquées pour la première fois.

4. Lorsqu’il a l’intention d’effectuer un traitement ultérieur des données à caractère personnel pour une finalité autre que celle pour laquelle les données à caractère personnel ont été obtenues, le responsable du traitement fournit au préalable à la personne concernée des informations au sujet de cette autre finalité et toute autre information pertinente visée au paragraphe 2.

5. Les paragraphes 1 à 4 ne s’appliquent pas lorsque et dans la mesure où:

a) la personne concernée dispose déjà de ces informations;

b) la fourniture de telles informations se révèle impossible ou exigerait des efforts disproportionnés, en particulier pour le traitement à des fins archivistiques dans l’intérêt public, à des fins de recherche scientifique ou historique ou à des fins statistiques sous réserve des conditions et garanties visées à l’article 89, paragraphe 1, ou dans la mesure où l’obligation visée au paragraphe 1 du présent article est susceptible de rendre impossible ou de compromettre gravement la réalisation des objectifs dudit traitement. En pareils cas, le responsable du traitement prend des mesures appropriées pour protéger les droits et libertés ainsi que les intérêts légitimes de la personne concernée, y compris en rendant les informations publiquement disponibles;

c) l’obtention ou la communication des informations sont expressément prévues par le droit de l’Union ou le droit de l’État membre auquel le responsable du traitement est soumis et qui prévoit des mesures appropriées visant à protéger les intérêts légitimes de la personne concernée; ou

d) les données à caractère personnel doivent rester confidentielles en vertu d’une obligation de secret professionnel réglementée par le droit de l’Union ou le droit des États membre, y compris une obligation légale de secret professionnel.

Aux termes de l’article 116 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, crée par l’ordonnance n°2018-1125 du 12 décembre 2018 – art. 1 et entré en vigueur le 1er juin 2019 :

I.-La personne auprès de laquelle sont recueillies des données à caractère personnel la concernant est informée, sauf si elle l’a été au préalable, par le responsable de traitement ou son représentant :

1° De l’identité du responsable du traitement et, le cas échéant, de celle de son représentant ;

2° De la finalité poursuivie par le traitement auquel les données sont destinées ;

3° Du caractère obligatoire ou facultatif des réponses ;

4° Des conséquences éventuelles, à son égard, d’un défaut de réponse ;

5° Des destinataires ou catégories de destinataires des données ;

6° Des droits qu’elle tient des dispositions des articles 117 à 120 ;

7° Le cas échéant, des transferts de données à caractère personnel envisagés à destination d’un Etat non membre de l’Union européenne ;

8° De la durée de conservation des catégories de données traitées ou, en cas d’impossibilité, des critères utilisés permettant de déterminer cette durée.

Lorsque de telles données sont recueillies par voie de questionnaires, ceux-ci doivent porter mention des prescriptions figurant aux 1°, 2°, 3° et 6°.

II.-Lorsque les données à caractère personnel n’ont pas été recueillies auprès de la personne concernée, le responsable de traitement ou son représentant doit fournir à cette dernière les informations énumérées au I dès l’enregistrement des données ou, si une communication des données à des tiers est envisagée, au plus tard lors de la première communication des données.

Lorsque les données à caractère personnel ont été initialement recueillies pour un autre objet, les dispositions de l’alinéa précédent ne s’appliquent pas lorsque la personne concernée est déjà informée ou quand son information se révèle impossible ou exige des efforts disproportionnés par rapport à l’intérêt de la démarche.

III.-Les dispositions du I ne s’appliquent pas aux données recueillies dans les conditions prévues au II dans la mesure où une telle limitation est nécessaire au respect des fins poursuivies par le traitement.

Conformément à l’article 29 de l’ordonnance n° 2018-1125 du 12 décembre 2018, ces dispositions entrent en vigueur en même temps que le décret n° 2019-536 du 29 mai 2019 pris pour l’application de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés au 1er juin 2019 soit le 1er juin 2019.

Il résulte clairement des textes précités du règlement (UE) 2016/679 et de la loi informatique et libertés qu’il appartenait à l’URSSAF, responsable du traitement des données concernant Monsieur [R] qui lui avaient été transmises par l’administration fiscale, d’informer ce dernier notamment de l’identité du responsable du traitement et, le cas échéant, de celle de son représentant, de la finalité poursuivie par le traitement auquel les données sont destinées, de la durée de conservation des catégories de données traitées ou, en cas d’impossibilité, des critères utilisés permettant de déterminer cette durée, ce qui n’est d’ailleurs aucunement contesté par l’URSSAF qui soutient cependant que l’information en question aurait été fournie à l’intéressé par le décret du 3 novembre 2017 prévoyant le transfert de données de la DGFIP vers l’ACOSS et publié au journal officiel du 4 novembre 2017 et par la référence au site internet urssaf.fr mentionné sur l’appel de cotisations.

En premier lieu, il résulte des textes précités que l’information qu’ils prévoient doit être personnellement portée à la connaissance de l’intéressé, ce dont il résulte qu’elle ne peut l’être par la voie de la publication d’un décret, et qu’elle doit être portée à sa connaissance de manière claire et explicite, ce que ne permet pas la seule mention sur l’appel de cotisations de la seule référence au site internet du responsable du traitement des données, sans qu’il y ait la moindre indication dans cette mention quant à l’existence d’informations quant au traitement des données de l’intéressé.

Il en résulte que l’URSSAF, responsable du traitement, n’a pas respecté son obligation d’information de Monsieur [R], telle qu’elle résulte des textes précités, lorsqu’elle a effectué le traitement des données qui lui ont été transmises par l’administration fiscale.

Elle a ainsi méconnu les dispositions des textes précités et notamment celles de l’article 14 du règlement (UE) 2016/679, 116 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 et 5 du règlement 2016/679 selon lequel les données à caractère personnel doivent être traitées de manière licite, loyale et transparente au regard de la personne concernée.

Il résulte des textes précités que l’absence de traitement licite, loyal et transparent de données n’expose pas seulement l’organisme chargé du traitement des données à des sanctions de la commission nationale informatique et libertés, comme le soutient l’URSSAF, mais entache également d’irrégularité les décisions prises au vu des données traitées en violation de leurs prescriptions ( en ce sens que l’exploitation illicite d’un système de vidéosurveillance entache d’illicéité la preuve tirée des données recueillies par ce système et invoquées au soutien du licenciement d’une salariée Soc., 10 novembre 2021, pourvoi n° 20-12.263/ Et dans le même sens du caractère illicite de la preuve résultant d’un traitement de données à caractère personnel effectué sans respect des formalités prévues par la loi du 6 janvier 1978 Soc., 25 novembre 2020, pourvoi n° 17-19.523 et Soc., 27 mars 2019, pourvoi n° 17-31.715).

Il convient dans ces conditions, réformant le jugement en ses dispositions contraires, de dire non-fondé car reposant sur des données non traitées de manière licite, loyale et transparente, l’appel de cotisations daté du 28 novembre 2019 réclamant à Monsieur [U] [R] la somme de 135 193 € au titre de la cotisation subsidiaire maladie (CSM).

SUR LES DEPENS ET LES FRAIS NON REPETIBLES.

L’URSSAF succombant en ses prétentions, il convient de réformer les dispositions du jugement portant sur la charge des dépens et, statuant à nouveau de ce chef et ajoutant au jugement, de la condamner aux dépens de première instance et d’appel.

L’équité ne justifiant pas qu’il soit prononcé de condamnations au titre des frais non répétibles, il convient de de débouter l’URSSAF de ses prétentions dirigées à ce titre contre l’appelant et de confirmer le jugement en ses dispositions déboutant Monsieur [R] de ses prétentions de ce chef.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt contradictoire rendu en audience publique par sa mise à disposition au greffe,

Réforme le jugement déféré en toutes ses dispositions à l’exception de celles se déclarant incompétent pour confirmer ou infirmer la décision de la commission de recours amiable et de celles déboutant Monsieur [R] de ses prétentions sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile qu’il convient de confirmer.

Et statuant à nouveau du chef des prétentions ayant donné lieu aux dispositions réformées,

Rejette la demande en nullité de l’appel de cotisations en ce qu’elle est fondée sur le motif du non-respect du délai-butoir résultant de l’article R. 380-4, I, du code de la sécurité sociale

Rejette la demande de dégrèvement de la cotisation litigieuse en ce qu’elle serait contraire à la réserve d’interprétation du Conseil Constitutionnel résultant de sa décision n° 2018-735 QPC du 27 septembre 2018, et, par voie de conséquence, à l’article 62 de la constitution.

Dit non-fondé et ne pouvant produire aucun effet car reposant sur des données non traitées de manière licite, loyale et transparente, l’appel de cotisations daté du 28 novembre 2019 réclamant à Monsieur [U] [R] la somme de 135 193 € au titre de la cotisation subsidiaire maladie (CSM).

Déboute l’URSSAF DE LANGUEDOC ROUSSILLON de ses prétentions au titre des frais non répétibles et la condamne aux dépens de première instance et d’appel.

Le Greffier, Le Président,

 


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