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Vidéosurveillance : 28 septembre 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/06053

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Vidéosurveillance : 28 septembre 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/06053

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 10

ARRET DU 28 SEPTEMBRE 2023

(n° , 1 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/06053 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CD7UB

Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Juin 2021 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de LONGJUMEAU – RG n° 18/01042

APPELANT

Monsieur [L] [I]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Maud EGLOFF-CAHEN, avocat au barreau de PARIS, toque : C1757

INTIMEE

S.A.S.U. LES CARS D [Localité 5]

[Adresse 6]

[Adresse 6]

[Localité 2]

Représentée par Me Annie GULMEZ, avocat au barreau de MEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 23 Mai 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant

Madame Carine SONNOIS, Présidente de la chambre, rédactrice

Monsieur Nicolas TRUC, Président de la chambre

Madame Gwenaelle LEDOIGT, Présidente de la chambre

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Madame Carine SONNOIS, Présidente de la chambre dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Madame Sonia BERKANE

ARRET :

– Contradictoire

– mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.

– signé par Madame Carine SONNOIS, Présidente de la chambre, Présidente de chambre et par Madame Sonia BERKANE, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE

M. [L] [I] a été engagé par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 27 octobre 2003, en qualité de Conducteur Receveur.

Depuis 2006, il exerçait un mandat de représentant du personnel, ainsi qu’un mandat de délégué syndical de la Fédération Nationale des Conducteurs Routiers.

Les relations contractuelles étaient soumises à la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires de transports.

Le 27 mars 2018, une altercation s’est produite dans le bureau de M. [A], Directeur de la société Les cars d'[Localité 5].

Par lettre du 27 mars 2018, M. [J] [O], Président de la société a adressé un courrier au préfet de l’Essonne et au procureur de la République d’Évry pour dénoncer ce qu’il considérait être des infractions commises par M. [L] [I] le 27 mars 2018 et les alerter sur le climat social au sein de la société.

Le même jour, M. [L] [I] et M. [A] ont déposé plainte à la gendarmerie de [Localité 4].

Par courrier du 4 mai 2018, une convocation à un entretien préalable à sanction fixé le 14 mai 2018 a été notifiée à M. [L] [I], entretien auquel il ne s’est pas rendu.

Par courrier recommandé en date du 29 mai 2018, une mise à pied disciplinaire d’une durée de de 5 jours, du 18 au 22 juin 2018, a été notifiée à M. [L] [I].

Par courrier du 25 juillet 2018, M. [L] [I] a demandé l’annulation de cette sanction disciplinaire, qu’il n’a pas obtenue.

Contestant la sanction disciplinaire prononcée à son encontre, M. [L] [I] a saisi le conseil de prud’hommes de Longjumeau le 12 décembre 2018.

Par courrier du 12 octobre 2020, M. [L] [I] a été licencié pour faute grave, après autorisation de l’inspection du travail et du ministre du travail.

Des poursuites pénales ont également été initiées à l’encontre de M. [L] [I]. Aucune décision définitive n’a été rendue à ce jour.

Par jugement en formation paritaire du 16 juin 2021, notifié le 22 juin 2021, le conseil de prud’hommes de Longjumeau a :

-jugé que la mise à pied disciplinaire est bien fondée,

-débouté M. [L] [I] de toutes ses demandes,

-condamné M. [L] [I] à verser à la S.A.S. les cars d'[Localité 5] 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

-condamné M. [L] [I] aux entiers dépens de l’instance, y compris ceux afférents aux actes et procédures éventuels de la présente instance ainsi que ceux d’exécution forcée par toute voie légale de la présente décision.

M. [L] [I] a interjeté appel de ce jugement par déclaration déposée par voie électronique le 6 juillet 2021.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 3 janvier 2023, M. [L] [I] la société Les Cars d'[Localité 5] demande à la cour de :

-infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Longjumeau du 16 juin 2021 en ce qu’il 

« JUGE que la mise à pied disciplinaire est bien fondée. DEBOUTE Monsieur [L] [I] de toutes ses demandes. CONDAMNE Monsieur [L] [I] à verser à la S.A.S LES CARS D'[Localité 5] la somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile CONDAMNE Monsieur [L] [I] aux entiers dépens de l’instance, y compris ceux afférents aux actes et procédures éventuels de la présente instance ainsi que ceux d’exécution forcée pour tout voie légale de la présente décision. »

 Et statuant à nouveau, il est demandé à la cour de :

-annuler la mise à pied à titre disciplinaire notifiée le 29 mai 2018 à M. [L] [I],

 -condamner la société Les Cars d'[Localité 5] à verser à M. [L] [I] :

*456,32 euros bruts à titre de rappel de salaire au titre de la mise à pied injustifiée,

*45,63 euros bruts au titre des congés payés afférents,

*5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour sanction disciplinaire injustifiée,

*3 000 euros à titre de l’article 700 du code de procédure civile

-débouter la société Les Cars d'[Localité 5] de l’ensemble de ses demandes

-assortir les sommes des intérêts au taux légal à compter de la saisine pour les sommes de nature salariale et à compter de l’arrêt à intervenir.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 5 janvier 2023 la société Les Cars d'[Localité 5] demande à la cour de :

1/ infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Longjumeau seulement en ce qu’il a jugé recevable la demande de dommages et intérêts à hauteur de 5 000 euros pour sanction disciplinaire injustifiée ;

 En conséquence,

-déclarer cette demande irrecevable ;

2/ confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Longjumeau en ce qu’il a jugé bien fondée la mise à pied disciplinaire et condamné M. [L] [I] au paiement de la somme de 500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

-juger Monsieur [L] [I], mal fondé en ses demandes ;

En tout état de cause,

-débouter Monsieur [L] [I] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

-condamner Monsieur [L] [I] à régler à la société Les Cars d'[Localité 5] la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais d’appel ;

-condamner Monsieur [L] [I] aux entiers dépens, y compris les éventuels frais d’exécution de la décision à intervenir par voie d’huissier de justice.

Conclusions auxquelles la cour se réfère expressément pour un plus ample exposé des faits de la procédure ainsi que des moyens et prétentions des parties.

L’instruction a été clôturée par ordonnance du 11 janvier 2023.

L’affaire a été fixée à l’audience du 23 mai 2023.

MOTIFS DE LA DECISION :

 

1/Sur la mise à pied disciplinaire

En application de l’article L.1331-1 du code du travail, constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l’employeur à la suite d’un agissement du salarié considéré par l’employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l’entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération.

En cas de litige, le conseil de prud’hommes apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction. L’employeur fournit au conseil de prud’hommes les éléments retenus pour prendre la sanction. Au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l’appui de ses allégations, le conseil de prud’hommes forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

L’article L. 1333-2 du même code précise que le conseil de prud’homme peut annuler une sanction irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise.

La lettre de notification de la mise à pied disciplinaire est ainsi rédigée (extrait) :

« Le 27 mars 2018, aux alentours de 11h30, vous avez adopté un comportement irrespectueux, et d’une rare violence, ce que nous ne pouvons tolérer.

En effet, vous vous êtes présentés accompagné de M. [D] dans mon bureau, sans n’avoir pris aucun rendez-vous au préalable.

Vous m’avez alors demandé « des arrangements de poste » c’est-à-dire que je donne gratuitement des journées de travail à certains conducteurs, dans le cadre d’une sortie du comité d’entreprise, pour le week-end suivant.

Ne comprenant ni l’objet ni la finalité de votre demande, je vous ai expliqué que l’entreprise ne payait pas les salariés absents alors qu’ils étaient supposés être à leurs postes de travail.

Face à mon refus, vous vous êtes placés dans une colère totalement disproportionnée et avait tenu à mon égard des propos insultants.

Vous êtes sortis de mon bureau furieux, et êtes revenu quelques instants plus tard accompagné de plusieurs de vos collègues, et avez été rejoint dans les minutes qui suivaient par d’autres encore (MM. [D], [Y], [B], [Z] puis MM. [E], [V], [K], [W] et Mme [P]).

Vous expliquant ainsi qu’à l’ensemble de vos collègues que je ne pouvais pas vous recevoir, je vous ai demandé de sortir de mon bureau ce que vous avez refusé de faire.

Vous avez systématiquement pris la parole pour le groupe, en expliquant que vous resteriez dans mon bureau, et en me tenant des propos particulièrement injurieux et démontrant le peu d’égard que vous avez pour votre hiérarchie.

Ainsi, vous vous êtes cru autorisé à me dire : « moi, je t’emmerde, petit enculé, tous ceux qui sont au-dessus je les encule, t’es un privilégié parce que t’a pas encore pris de tarte, je n’ai pas peur de la police et de la justice, je leur pisse dessus, bâtard, petit pédé, je ne sais pas ce qui me retient de te casser une chaise sur la tête, mais moi en procédure de licenciement ça va être un cauchemar pour toi, t’auras plus de chicot, si ce n’est dans l’entreprise, on te trouvera à l’extérieur ».

J’ai été extrêmement choqué par la violence de vos injures qui plus est prononcées publiquement devant vos collègues de travail.

Non content de cet irrespect flagrant, vous vous êtes cru autorisé à mettre plusieurs coups de poing violents sur mon bureau et avez projeté mes affaires contre la fenêtre.

Vos tentatives d’intimidation et d’humiliation sont totalement inadmissibles et n’ont pas leur place au sein de l’entreprise.

Vos propos insultants, odieux et méprisants, auxquels je n’ai pas même répondu, le sont tout autant.

J’ai été estomaqué par la violence de votre mauvaise foi, prétendant avoir fait l’objet d’une agression, alors qu’il a fallu l’intervention de M. [D] pour que vous ne me frappiez pas.

De la même façon, le 7 mai dernier, vous êtes intervenu auprès de la Responsable bureau d’études qui travaillait avec ses collaborateurs pour exiger sur-le-champ un titre de libre circulation pour votre fils.

Vous vous êtes cru autorisé à cette occasion et publiquement de façon tout aussi virulente que menaçante à tenir les propos suivants à M. [N] : « et toi avec ta barbe et ton air de crado, tu me donnes la migraine, t’inquiète pas, je vais venir te voir tous les jours, je te demande toi pourquoi tu coupes pas ta barbe et que t’es crado, je vais être ta migraine ».

Une fois encore, vous avez eu au sein de l’entreprise un comportement on ne peut plus répréhensible et inacceptable.

Nous tenons par la présente à vous notifier que nous ne tolérerons pas que des faits de même nature se reproduisent à nouveau.

Votre volonté en vous déplaçant en groupe de vous présenter à mon bureau pour me faire impression et exiger de moi le paiement de sommes indues ne fera pas plier l’entreprise.

Vous avez ignoré les règles les plus élémentaires applicables à la vie en société et l’agression de votre direction s’assimile à une atteinte à l’entreprise tout entière.

Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, de la gravité des faits susvisés, de votre mépris de vos collègues de travail de votre direction, nous vous notifions par la présente une mise à pied à titre disciplinaire de cinq jours, que vous effectuerez les 18, 19, 20, 21 et 22 juin 2018,’. ».

 

M. [L] [I] fait valoir que sa mise à pied doit être annulée car elle se fonde sur des manquements injustifiés. C’est au contraire M. [A] qui a été agressif et violent durant l’entretien du 27 mars 2018, comme le démontrent les attestations qu’il verse aux débats. D’ailleurs, celui-ci s’en est excusé lors des réunions du comité d’entreprise du 29 mars 2018, puis du CHSCT du 5 avril 2018. Si M. [A] tente de justifier son agressivité par celle de M. [L] [I], les attestations qu’il produit doivent être écartées car elles ne respectent pas les conditions de validité de l’article 202 du code de procédure civile, leurs auteurs n’ayant pas assisté aux faits, elles sont de surcroît mensongères et aucun autre élément de preuve n’est rapporté. D’autre part, M. [L] [I] conteste avoir eu un comportement agressif à l’égard de la responsable du bureau d’études, Mme [S], et à l’égard de l’un de ses collaborateurs, M. [N]. Enfin, il souligne avoir été relaxé des faits de harcèlement moral par le tribunal correctionnel d’Évry.

 

La société Les Cars d'[Localité 5] répond qu’aucune pièce versée au débat par M. [L] [I] ne démontre qu’il aurait, le 27 mars 2018, interpellé M. [A] au sujet d’un accident dont aurait été victime un salarié au sein du dépôt. En réalité, si M. [L] [I] s’est rendu dans le bureau de M. [A], c’est uniquement pour solliciter des arrangements de poste pour certains salariés en vue d’une sortie organisée par le comité d’entreprise le week-end suivant. Face à son refus, M. [L] [I] l’a insulté puis a quitté son bureau avant de revenir, accompagné de huit autres salariés. M. [L] [I] a ensuite menacé et intimidé M. [A]. Si ce dernier admet avoir eu des propos inappropriés, c’est en raison du comportement de ces personnes, et non pour menacer M. [L] [I] d’une agression physique à l’extérieur de l’entreprise. Cette version des faits est confirmée par plusieurs attestations de salariés ainsi que par un constat d’huissier. En réalité, M. [L] [I] tente d’échapper à la responsabilité de ses actes en prétendant avoir été agressé par M. [A]. La société Les Cars d'[Localité 5] conteste la valeur probante des attestations produites par le salarié et souligne que ce dernier avait pour habitude depuis plusieurs années de se comporter de la sorte à l’égard des divers directeurs qui se sont succédé au sein de l’entreprise, et de ses collègues de travail. Plusieurs collaborateurs ont déposé des mains courantes au cours de l’année 2019. Elle indique enfin que si M. [L] [I] a été relaxé des faits qualifiés de harcèlement, cela n’empêche pas la reconnaissance de faits ponctuels de violence, et le jugement du tribunal correctionnel du 7 septembre 2021 a été frappé d’appel tant en ce qui concerne son dispositif pénal que son dispositif civil.

La mise à pied disciplinaire vise des faits ayant eu lieu le 27 mars 2018 dans le bureau de M. [A], et le 7 mai 2018 à l’encontre de la Responsable bureau d’études et de M. [N].

S’agissant du 27 mars 2018, l’employeur produit un procès-verbal de constat d’huissier décrivant l’enregistrement réalisé ce jour-là par une caméra de vidéo-surveillance installée à l’extérieur du bureau de M. [A].

Il est constaté que M. [I] et M. [D] pénètrent à 11h24 dans le bureau de direction dont la porte est ouverte et ensuite fermée. À 11h28, M. [X], responsable d’exploitation, pénètre dans le bureau. À 11h38, les deux salariés sortent et M. [I] lève son bras gauche en pointant le bureau de direction. À compter de 11h41, M. [I] et neuf autres salariés pénètrent les uns après les autres dans le bureau de direction avant d’en ressortir, les derniers, dont M. [I], le quittant à midi. À 12h16, M. [I] tente de pénétrer à nouveau dans le bureau de direction mais trouve porte close. Il tente de pénétrer dans le bureau voisin dont la porte est également close. À 12h18, M. [X] sort du bureau de direction.

Le visionnage des images d’une seconde caméra de vidéosurveillance installée dans le couloir desservant l’ensemble des bureaux, dont le bureau de direction, permet de constater, à 11h44, la présence de M. [N] et de M. [C], puis de Mme [S] à 11h51. Mme [M] se trouve dans le couloir à 11h52 et se dirige vers son bureau. À 11h55, Mme [T] sort d’un bureau au fond du couloir et pénètre dans le bureau d’études avant de regagner son bureau.

S’agissant des attestations dont la validité est contestée, la cour rappelle que les dispositions de l’article 202 du code de procédure civile ne sont pas prescrites à peine de nullité. L’attestation litigieuse, régulièrement communiquée, ne peut être écartée des débats au seul motif qu’elle ne répond pas en la forme aux prescriptions légales, le juge devant seulement en apprécier la valeur probante.

M. [X], dont la présence dans le bureau de direction est avérée, atteste (pièce 25 intimée): « le 27 mars 2018, M. [A] m’a demandé de le rejoindre dans son bureau pour avoir des explications sur l’organisation du transport organisé par le comité d’entreprise le 30 mars 2019. M. [I] est entré dans le bureau de M. [A] en lui reprochant de vouloir dénoncer les privilèges des élus. M. [I] s’est emporté verbalement en rétorquant à M. [A] que c’était lui, le privilégié. M. [A] a confirmé qu’il mettrait fin à ses privilèges et qu’il regretterait ce comportement. M. [I] a pris les propos pour une menace et est sorti du bureau en proférant insultes et menaces envers M. [A] : « t’es un petit enculé, tous ceux de dessus, je les encule tu peux aller à la police je n’ai pas peur moi de la police et de la justice, je leur pisse dessus » accompagné d’un doigt d’honneur. M. [I] est ensuite revenu accompagné de huit salariés et ils ont dit qu’ils nous séquestraient et que nous pouvions appeler la gendarmerie. Les élus m’ont demandé de sortir du bureau mais compte tenu de la violence des échanges, j’ai refusé par peur d’une agression physique sur M. [A]. La violence s’est amplifiée avec un violent coup de poing sur le bureau ainsi que la projection des documents situés sur le bureau vers la fenêtre par M. [I]. M. [I] a une nouvelle fois insulté M. [A], visage contre visage, de bâtard et de petit pédé, vas-y retire-nous les privilèges et ta vie sera un cauchemar, je te retrouverai dehors et tu n’auras plus de chicots. Il a également menacé de casser une chaise sur la tête de M. [A]. M. [D] a tenté de retenir M.[I] sans succès. M. [Y] a promis de gifler en public M. [A] sinon il ne serait pas un homme. M. [K] a insulté M. [A] de connard. »

D’autres salariés dont les bureaux se trouvent au même étage, comme cela ressort du plan des lieux produit, ont également établi des attestations.

M. [G], chargé d’études, (pièce 28 intimée) écrit : « Depuis mon bureau, situé à environ une dizaine de mètres de la scène et sans vue directe, j’ai entendu M. [I] interpeller de façon agressive M. [A] puis fermer la porte du bureau. Je n’ai pas entendu les propos mais juste perçu la voix de M. [I] à travers la porte,’, j’ai entendu un bruit très fort sur le bureau, comme si quelqu’un avait donné un grand coup sur un bureau,’, j’ai juste entendu à un moment « tu veux appeler la police ‘» ».

Mme [U], formatrice, (pièce 29 intimée) atteste avoir entendu des cris et des mots agressifs envers le directeur, lequel a dit qu’il allait appeler la gendarmerie tellement ils le menaçaient. Elle précise avoir entendu l’une des personnes dire « qu’une tarte le mettrait à la renverse ».

Mme [S], responsable bureau d’études (pièce 26 intimée) indique qu’elle a entendu des voix suivies de hurlements et de cris émanant du bureau M. [A]. Elle a reconnu la voix de M. [I] disant « bâtard, petit pédé, je te préviens, tu ne nous retireras pas nos privilèges, ça ne se passera pas comme ça ». Elle a ensuite entendu des bruits sourds, des coups portés sur le bureau et des objets projetés.

M. [C], chargé d’exploitation, (pièce 30 intimée) atteste qu’il se trouvait dans le bureau de Mme [S] lorsqu’il a entendu des voix émanant du bureau du directeur, agressives et virulentes, suivies d’un bruit sourd comme si quelqu’un tapait très fort sur un bureau. Il ajoute avoir reconnu la voix de M. [I] qui proférait des menaces et répétait que le directeur voulait abolir les privilèges et qu’il n’en avait pas. Il ajoute : « Cela ressemblait fort à une méthode d’intimidation, leur attitude était très agressive ».

Mme [M], assistante de direction, (pièce 31 intimée) écrit : « je me trouvais dans mon bureau lorsque j’ai entendu des cris et insultes dans le bureau voisin, celui de directeur’, les insultes et les cris provenaient de M. [I]. J’ai entendu « bâtard, petit pédé, je vais être ton pire cauchemar, t’auras plus de chicots ». Les cris ont continué pendant quelques minutes puis M. [I] a quitté le bureau. Il est revenu accompagné de plusieurs salariés’, les insultes ont continué : « je vais te gifler, faut le taper ». J’ai également entendu de violents bruits d’objets qui ont été lancés. M. [A] leur a demandé de calmer et de quitter le bureau. Suite à ça, j’ai entendu « appelle la gendarmerie, on ne partira pas, tu ne nous mettras pas dehors ».

M. [N], technicien, (pièce 32 intimée) indique qu’il a entendu des bruits sourds comme des coups frappés sur un bureau et qu’il a entendu M. [I] dire « bâtard, petit pédé ».

De son côté, M. [I] produit plusieurs attestations émanant de salariés qui étaient présents dans le bureau de M. [A].

M. [B] (pièce 11 appelant) atteste que M. [I] n’a pas insulté M. [A] mais qu’à l’inverse, ce dernier s’est emporté en disant qu’ils avaient trop de privilèges et qu’ils allaient le regretter à l’extérieur. M. [K] et M. [Y] (pièces 7 et 9 appelant) confirment les propos tenus par M. [A] et ajoutent ne pas avoir entendu d’insultes de la part des membres élus.

M. [W] (pièce 10 appelant) affirme qu’aucun des salariés présents dans le bureau du directeur ne l’a insulté, alors que celui-ci a dit : « je vous le ferai regretter » avant de retirer ces mots malheureux.

M. [D] (pièce 8 appelant) atteste pour sa part n’avoir constaté aucune violence de la part de M. [I] et de M. [A].

Si la réalité des propos tenus par M. [A] le 27 mars 2018, à savoir « Je vous le ferai regretter » est établie, puisque celui-ci, sur la demande de M. [I], a exprimé publiquement des regrets lors du comité d’entreprise du 29 mars 2018 puis lors de la réunion du CHSCT du 5 avril 2018, la cour retient que cette phrase a été prononcée alors que dix salariés avaient fait irruption dans son bureau et s’y sont maintenus pendant plus d’une demi-heure.

M. [X], qui était présent dans le bureau de M. [A], décrit de façon circonstanciée les multiples insultes et menaces de violence physique proférées par M. [I] à l’encontre de ce dernier, accompagnées de démonstrations violentes destinées à l’intimider, ou en approchant son visage de celui du directeur, ce comportement incitant d’autres salariés présents à se joindre à ces insultes et menaces. Par leur gravité et leur réitération, ces propos et actes sont sans commune mesure avec les propos tenus par M. [A] et ne peuvent donc être considérés comme une simple réaction de riposte.

Face à ce témoignage circonstancié, corroboré par les attestations d’autres salariés présents à proximité qui évoquent également les insultes, les menaces et les coups portés sur des objets, les attestations produites par M. [I], et notamment celle de M. [D] pourtant présent de bout en bout, manquent singulièrement de précision, si l’on écarte la relation des propos de M. [A]. Toutes écartent rapidement l’existence d’insultes ou de violences sans pour autant décrire, comme a pu le faire M. [X], le déroulement de la scène qui a pourtant duré plus de 30 minutes.

Eu égard à l’ensemble de ces éléments, la cour considère que les faits du 27 mars 2018 visés au soutien de la mise à pied sont caractérisés.

S’agissant ensuite des faits du 7 mai 2018, l’employeur produit les attestations de deux salariés établies le jour-même.

Mme [S] (pièce 35 intimée) relate que M. [I] est entré dans son bureau et a demandé une carte scolaire pour son fils. M. [N] lui indiquant qu’elle serait faite pour le lendemain, M.[I] a haussé le ton pour l’obtenir immédiatement, conduisant M. [R] à s’interposer, avant d’insulter M. [N] :  « toi, avec ta barbe et ton air de crado, tu me donnes la migraine, t’inquiète pas, je vais venir te voir tous les jours ».

M. [C] (pièce 36 intimée) confirme que M. [I] a violemment interpellé M. [N] en le menaçant : « Tu vas voir si tu ne vas pas me la faire aujourd’hui, il me cherche depuis longtemps, je te demande toi pourquoi tu ne coupes pas ta barbe et que t’es crado, je vais être ta migraine, s’il faut venir tous les jours je vais le faire pour être ta migraine ».

Pour sa part, M. [I] verse aux débats les attestations de MM. [E] et [Y] (pièces 12 et 13 appelant) qui indiquent que Mme [S] leur a affirmé le 3 septembre 2018 qu’elle n’avait pas été interpellée de façon agressive et menaçante par M. [I] le 7 mai 2018. Mais la cour relève que ces faits ne lui sont pas reprochés, au soutien de la mise à pied disciplinaire .

En l’absence d’éléments remettant en cause les attestations concordantes de Mme [S] et M. [C] qui évoquent les propos injurieux et menaçants tenus par M. [I] à l’encontre de M. [N], au seul motif que sa demande n’était pas immédiatement satisfaite, la cour retient que ces seconds faits sont caractérisés.

Il s’en suit que la société Les cars d'[Localité 5] apporte suffisamment d’éléments de preuve pour établir la matérialité des manquements reprochés à M. [I] et que ces derniers sont d’une gravité telle qu’ils justifient la mise à pied disciplinaire du 29 mai 2018.

Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu’il a jugé bien fondée la mise à pied disciplinaire, et débouté le salarié de ses demandes de rappel de salaires et de dommages-intérêts pour sanction disciplinaire injustifiée.

2/Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens

 

M. [I] sera condamné à payer à la société Les cars d'[Localité 5] la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et supportera les dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne M. [L] [I] à payer à la société Les cars d'[Localité 5] la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

M. [L] [I] supportera les dépens d’appel.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

 


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