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Vidéosurveillance : 23 novembre 2023 Cour d’appel de Pau RG n° 22/00039

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Vidéosurveillance : 23 novembre 2023 Cour d’appel de Pau RG n° 22/00039

PS/SB

Numéro 23/3889

COUR D’APPEL DE PAU

Chambre sociale

ARRÊT DU 23/11/2023

Dossier : N° RG 22/00039 – N° Portalis DBVV-V-B7G-ICSW

Nature affaire :

Contestation du motif non économique de la rupture du contrat de travail

Affaire :

[B] [W]

C/

S.A.S. OLODIS

Grosse délivrée le

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 23 Novembre 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l’audience publique tenue le 17 Mai 2023, devant :

Madame CAUTRES-LACHAUD, Président

Madame SORONDO, Conseiller

Madame PACTEAU, Conseiller

assistées de Madame LAUBIE, Greffière.

Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.

dans l’affaire opposant :

APPELANTE :

Madame [B] [W]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Maître SANTI de la SELARL DARMENDRAIL/SANTI, avocat au barreau de PAU

INTIMEE :

S.A.S. OLODIS agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Maître CREPIN de la SELARL LEXAVOUE, avocat au barreau de PAU et Maître LOOTEN de la SELAS FIDAL DIRECTION PARIS, avocat au barreau de BORDEAUX

sur appel de la décision

en date du 06 DECEMBRE 2021

rendue par le CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION DE DEPARTAGE DE PAU

RG numéro : 20/00094

EXPOSÉ DU LITIGE

La société par actions simplifiée Olodis exploite un supermarché sous l’enseigne E. Leclerc.

Mme [B] [W] a été embauchée par ladite société, à compter du 16 février 2015, suivant contrat à durée déterminée pour remplacement, en qualité d’hôtesse de caisse, puis par contrat à durée indéterminée à compter du 1er juillet 2016.

Le 16 mai 2019, une cliente du magasin a oublié de l’argent à une caisse automatique où Mme [W] était en poste.

Le 17 mai 2019, Mme [W] a été convoquée à un entretien préalable le 22 mai 2019.

Le 20 mai 2019, elle a été convoquée à un entretien préalable fixé le 28 mai 2019 à une éventuelle sanction disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement, et mise à pied à titre conservatoire.

Le 1er juin 2019, elle a été licenciée pour faute grave.

Le 11 mai 2020, elle a saisi la juridiction prud’homale.

Par jugement du 6 décembre 2021, le conseil de prud’hommes de Pau a’:

– écarté des débats les éléments de vidéo-surveillance versés par la société Olodis,

– débouté Mme [W] de l’ensemble de ses demandes,

– condamné Mme [W] aux entiers dépens de l’instance,

– dit que chaque partie supportera les frais irrépétibles par elle engagés.

Le 6 janvier 2022, Mme [W] a interjeté appel de ce jugement dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas contestées.

Dans ses conclusions n°3 adressées au greffe par voie électronique le 19 janvier 2023, auxquelles il y a lieu de se référer pour l’exposé des faits et des moyens, Mme [W], demande à la cour de’:

– Infirmer le jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il juge la vidéosurveillance illicite,

– Prononcer la nullité du licenciement intervenu ‘ au moins en partie ‘ en violation de la liberté d’expression consacrée par l’article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, l’intimée ayant laissée l’appelante reprendre son poste avant de se raviser à cause des « écrits » de cette dernière, ou, subsidiairement son absence de cause réelle et sérieuse pour avoir été notifié verbalement et en se fondant sur une preuve illicite,

– Prononcer également l’irrecevabilité du prétendu aveu de Mme [W] obtenu au moyen de l’enregistrement de vidéosurveillance illicite, l’intimée n’apportant pas la preuve d’avoir consulté le comité d’entreprise, ni d’avoir informé, individuellement, la salariée, dans le respect des règles du RGPD (information préalablement à la mise en ‘uvre d’un traitement de données à caractère personnel, de l’identité du responsable du traitement des données ou de son représentant, de la (ou les) finalité(s) poursuivie (s) par le traitement des destinataires ou catégories de destinataires de données, de l’existence d’un droit d’accès aux données les concernant, d’un droit de rectification et d’un droit d’opposition pour motif légitime, ainsi que des modalités d’exercice de ces droits),

– Débouter l’intimée de toutes ses demandes, fins et conclusions,

– Fixer le montant du salaire de référence à 1.792,80 euros,

– Condamner en conséquence l’intimée au paiement des sommes suivantes :

I ‘ Dans l’hypothèse d’une nullité avec réintégration

‘ 86.054,40 euros (1.792,80 x 48 mois) d’indemnité d’éviction correspondant au montant de la rémunération entre le 1 juin 2019 et le 1 juin 2023 ‘ depuis la date du licenciement jusqu’à la date de réintégration et ce, sans déduire les revenus de remplacement, (somme à parfaire en fonction de date effective de réintégration),

‘ 8.960 euros d’indemnité compensatrice de congés payés acquis pendant la période d’éviction, en écartant tout texte et jurisprudence contraires, sur le fondement de l’article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l’union, interprété à la lumière du dernier état de la jurisprudence de la cour de justice de l’union européenne et de la cour de cassation (somme à parfaire en fonction de date effective de réintégration),

‘ 827,45 euros de rappel de salaire pour mise à pied injustifiée, outre 82,74 euros de congés afférents,

‘ 5.000 euros de dommages-intérêts en raison des circonstances abusives, vexatoires et attentatoires à la réputation de la salariée dans lesquelles est intervenue la rupture du contrat de travail,

‘ 15.000 euros de dommages-intérêts en réparation de la dégradation de l’état de santé sur le fondement des dispositions combinées de l’article 31 de la charte des droits fondamentaux de l’union européenne et L.1222-1 du code du travail,

‘ 10.000 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral pour avoir enregistré illégalement la salariée à l’aide d’images de vidéosurveillance.

II’ Dans l’hypothèse du rejet de la demande de réintégration

‘ 30.000 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en écartant le barème d’indemnisation de l’article L.1235-3 du code du travail sur le fondement des articles 30 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, 10 de la Convention n°158 de l’OIT et 24 de la Charte sociale européenne, ou subsidiairement, 8.964,01 euros sur le fondement de l’article L.1235-3 du code du travail,

‘ 3.585,60 euros d’indemnité compensatrice de préavis de l’article 5 de l’annexe I à la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire du 12 juillet 2001 outre 358,56 euros au titre des congés payés y afférents,

‘ 1.904,89 euros d’indemnité légale de licenciement,

‘ 827,45 euros de rappel de salaire pour mise à pied injustifiée, outre 82,74 euros de congés afférents,

‘ 5.000 euros de dommages-intérêts en raison des circonstances abusives, vexatoires et attentatoires à la réputation de la salariée dans lesquelles est intervenue la rupture du contrat de travail,

‘ 15.000 euros de dommages-intérêts en réparation de la dégradation de l’état de santé sur le fondement des dispositions combinées de l’article 31 de la charte des droits fondamentaux de l’union européenne et L.1222-1 du code du travail,

‘ 10.000 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral pour avoir enregistré illégalement la salariée à l’aide d’images de vidéosurveillance,

– Lui allouer 4.500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

– Frapper les condamnations des intérêts au taux légal depuis la saisine du conseil de prud’hommes.

– Faire application des dispositions de l’article 1343-2 du code civil autorisant la capitalisation des intérêts.

– Condamner Olodis SAS aux entiers dépens.

Dans ses conclusions responsives et récapitulatives adressées au greffe par voie électronique le 16 janvier 2023, auxquelles il y a lieu de se référer pour l’exposé des faits et des moyens, la société Olodis, formant appel incident, demande à la cour de’:

– Confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il juge irrecevables les images de vidéosurveillance,

– Juger irrecevables à titre principal ou débouter à titre subsidiaire Mme [W] de toutes ses nouvelles prétentions en cause d’appel,

En conséquence :

– Juger recevables les éléments de preuve issus directement ou indirectement de la vidéosurveillance,

– Juger recevable comme élément de preuve l’aveu extrajudiciaire de Mme [W],

– Juger que le licenciement de Mme [W] est parfaitement bien-fondé et repose sur une faute grave,

– Juger que la société a exécuté loyalement le contrat de travail de Mme [W],

– Juger que la société n’a pas violé la liberté d’expression de Mme [W], et que son licenciement ne trouve pas, même partiellement, sa source dans une telle violation,

– En la matière et à titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour d’appel venait à faire droit à l’argument de Mme [W] sur la violation de sa liberté d’expression, il est demandé à la cour d’examiner les autres motifs de licenciement, et de juger qu’ils constituaient bien une faute grave.

– En conséquence, la cour limiterait à sa plus simple expression la condamnation de la concluante en réparation du préjudice subi.

– Dire et juger que la société ne peut se voir opposer aucun manquement à son obligation de sécurité à l’égard de Mme [W],

– Débouter Mme [W] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions et plus précisément de ses demandes suivantes :

« ‘ Sur sa demande de reconnaissance d’une nullité avec réintégration

‘ 86.054,40 euros (1.792,80 x 48 mois) d’indemnité d’éviction,

‘ 8.960 euros d’indemnité compensatrice de congés payés acquis pendant la période d’éviction,

‘ 827,45 euros de rappel de salaire pour mise à pied injustifiée, outre 82,74 euros de congés afférents,

‘ 5.000 euros de dommages-intérêts en raison des circonstances abusives, vexatoires et attentatoires à la réputation de la salariée dans lesquelles est intervenue la rupture du contrat de travail,

‘ 15.000 euros de dommages-intérêts en réparation de la dégradation de l’état de santé,

‘ 10.000 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral pour avoir enregistré illégalement la salariée à l’aide d’images de vidéosurveillance,

‘ Dans l’hypothèse du rejet de sa demande de réintégration

‘ 30.000 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en écartant le barème d’indemnisation de l’article L.1235-3 du code du travail, ou subsidiairement, 8.964,01 euros sur le fondement de l’article L 1235-3 du code du travail,

‘ 3.585,60 euros d’indemnité compensatrice de préavis, outre 358,56 euros au titre des congés payés y afférents,

‘ 1.904,89 euros d’indemnité légale de licenciement,

‘ 827,45 euros de rappel de salaire pour mise à pied injustifiée, outre 82,74 euros de congés afférents,

‘ 5.000 euros de dommages-intérêts en raison des prétendues circonstances abusives, vexatoires et attentatoires à la réputation de la salariée dans lesquelles serait intervenue la rupture du contrat de travail,

‘ 15.000 euros de dommages-intérêts en réparation de la dégradation de l’état de santé,

‘ 10.000 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral pour avoir enregistré illégalement la salariée à l’aide d’images de vidéosurveillance,

‘ 3.500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

‘ Frapper les condamnations des intérêts au taux légal depuis la saisine du conseil de prud’hommes et faire application des dispositions de l’article 1343-2 du code civil autorisant la capitalisation des intérêts,

‘ Condamner Olodis SAS aux entiers dépens »

– Condamner Mme [W] au paiement de 3 000 euros à titre d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 17 avril 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I Sur la production d’éléments de vidéosurveillance

En première instance, Mme [W] a demandé d’écarter des débats, à titre conservatoire, un enregistrement de vidéosurveillance si l’employeur venait à le produire, et le premier juge a écarté des débats les éléments de vidéo-surveillance versés par la société Olodis alors qu’il n’en a été produit aucun, ni en première instance ni en appel. Ne peuvent être écartés des débats des pièces qui ne sont pas produites de sorte que le jugement doit être infirmé sur ce point et il doit être constaté que la société Olodis ne produit aucun enregistrement de vidéosurveillance et que la demande est donc sans objet.

II Sur le licenciement

Mme [W] soutient que le licenciement est nul car prononcé en violation d’une liberté fondamentale, la volonté d’expression, et subsidiairement qu’il est sans cause réelle et sérieuse s’agissant d’un licenciement qui est verbal et fondé sur une preuve illicite s’agissant d’un prétendu aveu obtenu au moyen d’une vidéo-surveillance illicite.

Selon l’article L.1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d’instruction qu’il estime utiles’; si un doute subsiste, il profite au salarié’; ainsi, l’administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n’incombe pas spécialement à l’une ou l’autre des parties, l’employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables.

La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, est rédigée comme suit’:

«’Vous avez été embauchée en qualité d’hôtesse de caisse en date du 16 février 2015 au sein de la Sas Olodis.

Jeudi 16 mai une cliente a oublié de sa monnaie à hauteur de 40 €, vous avez fait semblant de nettoyer la caisse et récupéré discrètement l’espèce puis caché dans une pochette personnelle.

Lorsque la cliente s’est aperçue de son oubli et est revenue réclamer cet argent à la caisse centrale vous avez maintenu que vous n’avez rien vu.

Lorsque la direction vous a demandé des explications vous avez nié jusqu’à ce que vous soyez confrontée à une preuve formelle qui vous a contraint finalement à reconnaître votre responsabilité lorsque la présidence vous a reçue pour vous demander des explications. Vous avez fait suivre un arrêt maladie.

Par courrier recommandé le 21 mai 2019 avec accusé de réception, nous vous avons convoqué à un entretien préalable le 28 mai 2019 à 11 h, envisageant à votre égard une mesure de licenciement.

Vous n’avez pas jugé utile de vous présenter et avez préféré nous adresser un courrier truffé d’inexactitudes et de remarques sans aucun fondement.

Compte tenu de votre comportement, nous avons le regret de vous signifier votre licenciement pour faute grave. Sans préavis ni indemnité de rupture, votre contrat de travail cessera dès l’envoi de la présente

Nous vous rappelons que vous faites l’objet d’une mise à pied à titre conservatoire. Par conséquent, la période non travaillée depuis la date de réception de votre mise à pied à savoir le 22 mai 2019 ne sera pas rémunérée…’».

Sur la nullité pour violation de la liberté d’expression

En application de l’article 565 du code de procédure civile, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu’elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent. Il en résulte qu’est recevable en appel la demande en nullité du licenciement qui tend aux mêmes fins que la demande initiale au titre d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, dès lors que ces demandes tendent à obtenir l’indemnisation des conséquences du licenciement qu’un salarié estime injustifié (Cour de cassation chambre sociale 1er décembre 2021 n° 20-13339). La demande de nullité du licenciement doit donc être déclarée recevable.

La salariée soutient qu’elle a été licenciée en violation de la liberté d’expression pour avoir remis le 18 mai 2019 à la direction un courrier en date du 17 mai 2019 dans lequel elle écrit ce qu’elle indique craindre ne pas être à même d’exprimer lors de l’entretien préalable à venir, à savoir’:

– son incompréhension de «’ce geste’», le courrier permettant de déterminer qu’il s’agit de l’appropriation de sa part de 40 € («’j’ai suffisamment d’expérience pour savoir que si une personne oublie 40 €, elle va venir les réclamer’») oubliés par un client à une caisse automatique qu’elle a «’discrètement mis de côté’»’;

– que dans le cadre de son activité professionnelle, elle n’a jamais volé même 1 centime ni été tentée de le faire’;

– concernant ses explications relativement à «’ce geste’»’:

. que la veille elle a eu une violente dispute avec son plus jeune fils, n’en a pas dormi, travaille aux caisses automatiques («’les îlots’») où il n’y a pas véritablement de roulement, et est physiquement et nerveusement fatiguée’;

. qu’elle est «’beaucoup moins heureuse’» dans son travail depuis la reconfiguration du magasin’;

. que depuis les caisses automatiques, elle a constaté que des collègues des caisses traditionnelles prennent des pauses à rallonge, multiplient les «’pauses pipi’», et qu’il lui a été rapporté qu’à la fermeture, certaines ferment leur caisse à l’avance puis se cachent’;

. qu’elle vit mal des réflexions injustifiées faites à son égard devant la clientèle’;

. que lorsqu’elle a découvert l’argent oublié, elle a pensé avoir commis une négligence qu’elle a souhaité cacher pour ne pas être réprimandée, a paniqué et a mis l’argent discrètement de côté ; qu’elle l’a immédiatement regretté car elle a pensé avoir volé quelqu’un («’j’avais l’impression d’avoir volé une personne’»)’; que le client est revenu réclamer son argent mais pas aux caisses automatiques, ce qui «’aurait tout changé’».

Il résulte de l’article L.1121-1 du code du travail et de l’article 10 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales que, sauf abus, le salarié jouit, dans l’entreprise et, en dehors de celle-ci’; de sa liberté d’expression à laquelle seules des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché peuvent être apportées’; le licenciement prononcé pour un motif lié à l’exercice non abusif par le salarié de sa liberté d’expression est nul.

Mme [W] soutient que l’entreprise lui a annoncé le 17 mai 2019 qu’elle ferait l’objet d’un blâme puis a décidé de la licencier à réception de son courrier en date du 17 mai 2019. Elle produit une attestation du 8 février 2020 de Mme [O] [X], sans emploi et ancienne «’collègue de travail’», suivant laquelle’:

. le 17 mai, alors qu’elle était en caisse, elle a vu une caissière remplacer Mme [W] à son poste afin que cette dernière se rende au bureau de la direction’; Mme [W] a ensuite repris son poste et paraissait aller mal’;

. le lendemain, dans la matinée, elle a aperçu Mme [I] [K], chef de caisse, et la PDG lire une feuille devant les escaliers menant aux bureaux’; cette lecture engendrait chez elles de l’exaspération’;

. «’peu de temps après’», Mme [W] a de nouveau été convoquée au bureau de la direction puis est revenue à son poste de travail où elle a récupéré ses affaires et elle est partie’; la chef de caisse est ensuite allée dire à la salariée qui avait remplacé Mme [W] aux caisses automatiques qu’elle devait y rester et que Mme [W] était licenciée sur le champ «’pour vol et pour des écrits où [B] bavait sur ses collègues ainsi que sur le management des chefs’; à sa pause, elle a interrogé Mme [K] «’pour avoir sa version’» et elle lui a confirmé que Mme [W] ne reviendrait plus et qu’elle avait écrit un courrier «’qui les accable toutes’».

Cependant’:

– il n’est fourni aucun élément établissant qu’un blâme a été prononcé ou annoncé à la salariée, et le fait qu’elle a fait l’objet de deux convocations à un entretien préalable dont seule la seconde mentionnait que la sanction pouvait être un licenciement caractérise seulement la volonté de l’employeur de se ménager la possibilité de prononcer un licenciement’;

– cette attestation est incohérente en ce que le témoin est censé tout à la fois avoir entendu les propos tenus par Mme [K] à la salariée venue remplacer Mme [W] à son poste après la deuxième convocation et donc savoir dès alors que cette dernière était licenciée pour vol et pour s’être exprimée sur ses collègues et le management de ses chefs, et avoir sollicité ensuite à sa pause de Mme [K] «’sa version’»’;

– le courrier de la salariée en date du 17 mai 2019 n’est pas vindicatif à l’encontre de la direction de la société Olodis ;

– dans la lettre de licenciement, il n’est formulé aucun grief relativement à des écrits ou propos de la salariée et la phrase «’Vous n’avez pas jugé utile de vous présenter et avez préféré nous adresser un courrier truffé d’inexactitudes et de remarques sans aucun fondement’» détermine seulement que l’employeur n’a pas considéré comme valides les explications que la salariée a préféré donner par courrier en date du 17 mai plutôt que lors de l’entretien préalable.

Ainsi, il n’est pas déterminé que le licenciement a été prononcé, même pour partie, en violation de la liberté d’expression de la salariée. La demande de nullité du licenciement sera donc rejetée.

Sur l’absence de cause réelle et sérieuse

En application de l’article L.1232-6 du code du travail, lorsque l’employeur décide de licencier un salarié, il lui notifie sa décision par lettre recommandée avec avis de réception et cette lettre comporte l’énoncé du ou des motifs invoqués par l’employeur, de sorte que le licenciement verbal est sans cause réelle et sérieuse.

En l’espèce, Mme [W] produit quatre SMS reçus de collègues le 18 mai et le 20 mai 2019 qui, comme relevé par le premier juge, sont des messages de soutien et dont aucun ne mentionne un licenciement, et outre qu’il a été observé que l’attestation ci-dessus de Mme [O] [X] est incohérente s’agissant des propos prêtés à la chef de caisse relativement au licenciement de la salariée, ils émanent d’une personne qui ne dispose pas du pouvoir de licencier la salariée. Le licenciement verbal n’est donc pas établi.

La lettre de licenciement détermine que la salariée a été licenciée pour avoir volé une somme de 40 € oubliée par un client aux caisses automatiques où elle était en poste.

Sont versés aux débats’:

– par l’employeur, le courrier de la salariée en date du 17 mai 2019,

– par la salariée, une attestation du 17 janvier 2020 de Mme [F] [R], suivant laquelle Mme [W] lui a confié que lors d’un entretien informel du 17 mai 2019 avec le directeur du magasin, la présidente de la société et la chef de caisse, il lui a été montré des images de vidéo-surveillance et l’employeur lui a reproché d’avoir mis de l’argent dans une pochette personnelle tandis qu’elle a soutenu avoir pris un bonbon dans cette pochette.

Il ne peut être considéré que le courrier en date du 17 mai 2019 est en lien avec le visionnage d’images de vidéo-surveillance alors qu’il ne comporte aucune mention relativement à de telles images, que suivant l’attestation ci-dessus, la salariée n’avait pas reconnu le vol suite au visionnage allégué, et que, comme observé par le premier juge, il a été rédigé par la salariée alors qu’elle se trouvait à son domicile, sans aucune forme de pression, si ce n’est de sa propre conscience. Ce courrier est dès lors une preuve licite et il établit que la salariée a commis le vol qui lui est imputé puisque’:

– il commence par des indications relativement au fait que la salariée n’avait jusqu’alors jamais commis aucun vol dans le cadre de son activité professionnelle, la salariée relatant qu’en caisse traditionnelle, elle a d’abord ramené à la caisse centrale la monnaie oubliée par les clients puis l’a conservée à sa caisse pour servir d’appoint aux clients qui en manquait, et qu’aux caisses automatiques, elle recommandait régulièrement aux clients de veiller à ne pas oublier de monnaie et la leur restituait au besoin’;

– la salariée indique avoir découvert de l’argent oublié par un client à une caisse automatique («’lorsque j’ai découvert cet argent oublié’»)’;

– l’indication suivant laquelle s’agissant d’un oubli portant sur une somme de 40 €, son auteur revient sur ses pas lorsqu’il en prend conscience («’j’ai suffisamment d’expérience pour savoir que si une personne oublie 40 euros, elle va venir les réclamer’») permet de déterminer le montant de l’argent oublié par un client et découvert par la salariée, soit 40 € ;

– si certes la salariée indique avoir pensé avoir commis une négligence en ne découvrant cet oubli d’un client qu’après le départ de celui-ci et avoir craint une réprimande, négligence qu’elle a souhaité cacher de sorte qu’elle «’a mis discrètement l’argent de côté’», elle poursuit qu’elle avait «’l’impression d’avoir volé une personne’» de sorte qu’il est établi qu’elle a eu conscience qu’en agissant de la sorte, elle s’est appropriée frauduleusement l’argent du client’; par ailleurs, le fait pour une salariée en charge de plusieurs caisses automatiques de ne pas constater dès sa survenance l’oubli d’un client n’est pas une négligence, nul ne pouvant avoir d’yeux partout’; de même, la salariée ne fournit aucun élément de nature à caractériser que des reproches lui ont été faits par le passé relativement à de tels faits par sa supérieure ou la direction, et il n’est pas sérieux de prétendre avoir voulu cacher une simple négligence par un vol, faute autrement plus grave et qui n’en serait au demeurant pas moins avéré.

Le vol d’une somme de 40 € à un client est constitutif d’une faute qui empêche la poursuite du contrat de travail, donc d’une faute grave. Ainsi, le jugement doit être confirmé en ce qu’il a rejeté les demandes de rappel de salaire pour mise à pied injustifiée, d’indemnisation d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, d’indemnité compensatrice de préavis, d’indemnité légale de licenciement, et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

III Sur la demande de dommages et intérêts en raison des circonstances du licenciement abusives, vexatoires et attentatoires à la réputation

Le bien-fondé d’une demande de dommages et intérêts à raison des circonstances vexatoires de la rupture d’un contrat de travail est indépendant du bien-fondé de celle-ci. Ainsi, sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun (Cass Soc 16/12/2020, n°18-23966), un salarié peut se voir allouer des dommages et intérêts lorsque son licenciement a été entouré de circonstances vexatoires.

En l’espèce cependant, la salariée ne caractérise pas de manquement de l’employeur de ce chef. Sa demande d’indemnisation doit donc être rejetée.

IV Sur la demande de dommages et intérêts en réparation de la dégradation de l’état de santé de la salariée

Mme [W] soutient que l’employeur a manqué à son obligation d’exécuter loyalement le contrat de travail et à l’article 31 de la charte des droits fondamentaux de l’union européenne en exerçant des pressions sur elle, au moyen d’un enregistrement de vidéo-surveillance illégal, puis en la faisant passer pour une voleuse aux yeux de ses collègues.

La salariée produit’:

– une attestation de paiement par l’assurance maladie d’indemnités journalières pour un arrêt maladie du 20 mai 2019 au 5 septembre 2019,

– deux avis de prolongation d’arrêt de travail des 10 juin et 2019 et 26 juillet 2019, le premier pour «’troubles dépressifs, burn out’», et le second pour «’amélioration progressive des troubles dépressifs’»’;

– trois ordonnances des 14 juin 2019, 18 juillet 2019 et 26 juillet 2019, la dernière sans rapport avec des troubles dépressifs puisque portant sur une pommade de traitement des infections de la peau et un dermocorticoïde’;

– un certificat du 9 mai 2020 de son médecin traitant suivant lequel la salariée l’a consulté en mai 2019 «’suite à des problèmes survenus à son travail’»’; il poursuit qu’elle présentait des troubles anxiodépressifs qui ont nécessité un arrêt de travail immédiat et un traitement anxiolytique, antidépresseur et de l’insomnie et indique que ces troubles se sont progressivement améliorés au cours des mois suivants mais qu’il demeure «’une grande fragilité et des angoisses récurrentes lors de certains déplacements qui l’oppressent à l’idée de rencontrer certaines personnes’».

Outre qu’il a été retenu que la salariée a volé une somme de 40 € à un client, elle ne caractérise pas de lien entre ses problèmes de santé et le comportement de l’employeur et son courrier en date du 17 mai 2019 permet de déterminer qu’il existe un tel lien entre son propre comportement et la dégradation de sa santé puisqu’il débute et s’achève par les deux remarques respectives ci-après : «’mon geste me traumatise’», «’le fait d’avoir brisé la confiance de mon employeur et de mes collègues ‘ m’est insupportable’». Sa demande doit donc être rejetée. Le jugement sera confirmé sur ce point.

V Sur la demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral résultant de l’enregistrement illégal de la salariée à l’aide d’images de vidéo-surveillance

En application de l’article L.1222-4 du code du travail, aucune information concernant personnellement un salarié ne peut être collectée par un dispositif qui n’a pas été porté préalablement à sa connaissance. Ainsi, si l’employeur a le droit de contrôler et de surveiller l’activité de son personnel durant le temps de travail, il ne peut mettre en ‘uvre un dispositif de contrôle qui n’a pas été porté préalablement à la connaissance des salariés. De même, en application de l’article L.2312-8 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, le comité social et économique est informé et consulté notamment sur l’introduction des nouvelles technologies.

En l’espèce, l’employeur caractérise seulement qu’il a été autorisé par arrêté préfectoral du 21 juillet 1997 à mettre en ‘uvre un système de vidéo-protection ayant pour finalités «’la sécurité des personnes, la protection incendie-accidents, la prévention des atteintes aux biens et la lutte contre la démarque inconnue’», et que cette autorisation a été renouvelée pour 5 ans par arrêté du 7 octobre 2011. Il n’établit pas ni que cette autorisation a été de nouveau reconduite à son échéance, étant au demeurant établi qu’un nouveau système de vidéo-surveillance a été installé lors de travaux de rénovation du magasin à compter de septembre 2017, ni que les salariés et les instances représentatives du personnel ont été informés que ce dispositif avait également pour finalité la surveillance des salariés, étant observé par ailleurs qu’il n’est pas établi que l’affichette à l’entrée du magasin dont la photographie est produite par l’employeur en pièce 8 existait lors des faits, et que s’agissant d’un lieu ouvert au public, cette affichette a seulement vocation à informer les clients de l’existence d’un système de vidéo-protection conformément à l’article R.253-3 du code de la sécurité intérieure.

Pour autant, la salariée ne démontre pas avoir subi un préjudice du fait de l’enregistrement illégal d’elle à l’aide d’images de vidéo-surveillance, étant notamment observé que lesdites images n’ont pas été produites ni en première instance ni en appel. Sa demande d’indemnisation doit être rejetée.Le jugement sera en conséquence confirmé sur ce point.

VI Sur les autres demandes

Mme [W], qui succombe en toutes ses demandes, sera condamnée aux dépens exposés en appel. La situation économique respective des parties justifie en revanche de ne pas faire application de l’article 700 du code de procédure à son encontre de sorte que les demandes indemnitaires présentées sur ce fondement par l’employeur comme par la salariée seront rejetées.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Déclare recevable la demande en nullité du licenciement et la rejette,

Confirme le jugement du conseil de prud’hommes de Pau du 6 décembre 2021 hormis sur la production d’éléments de vidéo-surveillance,

Statuant de nouveau sur le point infirmé et y ajoutant,

Constate qu’il n’a pas été produit d’éléments de vidéo-surveillance et déclare sans objet la demande tendant à les écarter des débats,

Condamne Mme [B] [W] aux dépens exposés en appel,

Rejette les demandes présentées sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Arrêt signé par Madame CAUTRES-LACHAUD, Présidente, et par Madame LAUBIE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

 


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