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Vidéosurveillance : 22 juin 2023 Cour d’appel d’Orléans RG n° 21/01814

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Vidéosurveillance : 22 juin 2023 Cour d’appel d’Orléans RG n° 21/01814

C O U R D ‘ A P P E L D ‘ O R L É A N S

CHAMBRE SOCIALE – A –

Section 2

PRUD’HOMMES

Exp +GROSSES le 22 JUIN 2023 à

la SCP TEN FRANCE

la SELARL SELARL EFFICIENCE

XA

ARRÊT du : 22 JUIN 2023

MINUTE N° : – 23

N° RG 21/01814 – N° Portalis DBVN-V-B7F-GMRT

DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE TOURS en date du 08 Juin 2021 – Section : COMMERCE

APPELANTE :

S.A.S. SOLODIS prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 3]

représentée par Me Pierre LEMAIRE de la SCP TEN FRANCE, avocat au barreau de POITIERS

ET

INTIMÉ :

Monsieur [N] [D]

né le 07 Décembre 1965 à [Localité 5]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représenté par Me Elise HOCDÉ de la SELARL SELARL EFFICIENCE, avocat au barreau de TOURS

Ordonnance de clôture : 9 MARS 2023

Audience publique du 11 Avril 2023 tenue par Monsieur Xavier AUGIRON, Conseiller, et ce, en l’absence d’opposition des parties, assisté/e lors des débats de Mme Fanny ANDREJEWSKI-PICARD, Greffier,

Après délibéré au cours duquel Monsieur Xavier AUGIRON, Conseiller a rendu compte des débats à la Cour composée de :

Madame Laurence DUVALLET, présidente de chambre, présidente de la collégialité,

Monsieur Xavier AUGIRON, conseiller,

Madame Anabelle BRASSAT-LAPEYRIERE, conseiller,

Puis le 22 Juin 2023, Mme Laurence DUVALLET, présidente de Chambre, présidente de la collégialité, assistée de Mme Fanny ANDREJEWSKI-PICARD, Greffier a rendu l’arrêt par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

FAITS ET PROCÉDURE

M.[N] [D] a été engagé par la société Solodis (SAS), qui exploite un magasin à l’enseigne Leclerc, selon contrat à durée indéterminée, à compter du 4 juillet 2011, en qualité d’employé commercial. Il a été promu responsable adjoint du rayon Drive à compter du 1er mai 2014.

Après avoir, par lettre recommandée avec accusé de réception du 13 juin 2019, convoqué M.[D] à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 20 juin 2019, et adressé par courrier du même jour une mise à pied à titre conservatoire, la société Solodis lui a notifié par lettre recommandée avec accusé de réception du 25 juin 2019 son licenciement pour faute grave dans les termes suivants : ” il a été constaté que vous êtes sorti avec des produits qui ne vous étaient pas destinés et que vous avez gardés pour vous-même le mercredi 12 juin 2019. Il s’agit de deux melons que vous avez dissimulés sous votre veste “.

Par requête enregistrée au greffe le 31 octobre 2019, M.[D] a saisi le conseil de prud’hommes de Tours pour contester son licenciement et obtenir le paiement de diverses indemnités afférentes, ainsi qu’une indemnité pour non-réalisation des entretiens professionnels et une indemnité pour non-communication du décompte des heures de travail effectuées.

Par jugement du 8 juin 2021, le conseil de prud’hommes de Tours a :

– dit et jugé que le licenciement de M.[D] est dépourvu de cause réelle et sérieuse

– condamné la société Solodis à verser à M.[D] les sommes suivantes :

– 15.385,52 euros nets à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

– 3.846,38 euros bruts à titre d’indemnité de préavis

– 384,63 euros bruts au titre des congés payés afférents

– 695,33 euros bruts au titre de rappel de salaire sur mise à pied

– 69,53 euros bruts au titre des congés payés afférents

– 4.157,50 euros nets au titre d’indemnité de licenciement

– 1.100 euros nets au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile

– rappelé que l’exécution provisoire est de droit pour les créances salariales qui seront assorties des intérêts légaux à compter du 31 octobre 2019, et fixé à la somme brute de 1.923,19 euros la base moyenne mensuelle des trois derniers mois de salaire prévue à l’article R.1454-28 du code du travail

– dit n’y avoir lieu d’accorder l’exécution provisoire autre que celle de droit

– débouté M.[D] du surplus de ses demandes

– débouté la société Solodis de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile

– condamné la société Solodis aux dépens d’instance y compris les frais éventuels d’exécution.

La société Solodis a relevé appel du jugement par déclaration notifiée par voie électronique le 30 juin 2021 au greffe de la cour d’appel.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Vu les dernières conclusions enregistrées au greffe le 3 mai 2022, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé détaillé des prétentions et moyens présentés conformément à l’article 455 du code de procédure civile, aux termes desquelles la société Solodis demande à la cour de :

– Infirmer le jugement du 8 juin 2021 du Conseil de Prud’hommes de Tours en ce qu’il:

– dit et juge que le licenciement de M.[D] est dépourvu de cause réelle et sérieuse

– condamne la société Solodis à verser à M.[D] les sommes suivantes:

– 15.385,52 euros nets à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

– 3.846,38 euros bruts à titre d’indemnité de préavis

– 384,63 euros bruts au titre des congés payés afférents

– 695,33 euros bruts au titre de rappel de salaire sur mise à pied

– 69,53 euros bruts au titre des congés payés afférents

– 4.157,50 euros nets au titre d’indemnité de licenciement

– 1.100 euros nets au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile

– rappelle que l’exécution provisoire est de droit pour les créances salariales qui seront assorties des intérêts légaux à compter du 31 octobre 2019, et fixe à la somme brute de 1.923,19 euros la base moyenne mensuelle des trois derniers mois de salaire prévue à l’article R1454-28 du code du travail

– déboute la société Solodis de l’ensemble de ses demandes, notamment de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile (4.000 euros)

– condamne la société Solodis aux dépens d’instance y compris les frais éventuels d’exécution.

– Statuant à nouveau, débouter M.[D] de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

– Subsidiairement, confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté M.[D] de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement vexatoire, pour non réalisation des entretiens professionnels et pour non communication du décompte des heures de travail effectuées,

– Condamner M.[D] à payer à la société Solodis la somme de 4.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

Vu les dernières conclusions enregistrées au greffe le 21 décembre 2021, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé détaillé des prétentions et moyens présentés conformément à l’article 455 du code de procédure civile, aux termes desquelles M.[D] demande à la cour de :

– Confirmer le jugement du Conseil de prud’hommes de Tours en date du 8 juin 2021 en ce qu’il a jugé le licenciement de Monsieur [D] comme dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamné la Société Solodis au paiement des sommes suivantes :

– 3.846,38 euros bruts au titre de l’indemnité compensatrice de préavis;

– 384,63 euros bruts au titre des congés payés afférents ;

– 695,33 euros bruts au titre de rappel de salaire sur la mise à pied conservatoire ;

– 69,53 euros bruts à titre de congés payés afférents ;

– 4.157,50 euros nets au titre de l’indemnité de licenciement ;

– 1.100 euros nets au titre de l’article 700 du Code de procédure civile

– Infirmer le jugement du Conseil de prud’hommes de Tours en date du 8 juin 2021 en ce qu’il a limité le montant des indemnités dues au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse à 15.385,52 euros et a débouté Monsieur [D] du surplus de ses demandes ;

– Statuant à nouveau, condamner la Société Solodis à verser à Monsieur [D] les sommes suivantes :

– 30.000 euros au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;

– 10.000 euros au titre de l’indemnité pour licenciement vexatoire ;

– 4.000 euros au titre de l’indemnité pour non-réalisation des entretiens professionnels ;

– 4.000 euros au titre de l’indemnité pour non-communication du décompte des heures de travail effectuées

– A titre subsidiaire, confirmer le jugement du Conseil de prud’hommes en ce qu’il a condamné la Société Solodis au paiement de 15.385,52 euros au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

– Condamner la Société Solodis à verser à Monsieur [D] 3.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

– Condamner la Société Solodis aux entiers dépens

Enfin, il est demandé à la Cour d’appel d’assortir les sommes devant être versées à Monsieur [D] des intérêts légaux à compter du 31 octobre 2019 (date de saisine du Conseil de prud’hommes).

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 9 mars 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

– Sur le licenciement pour faute grave

Il résulte de l’article L.1232-1 du code du travail que tout licenciement pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse.

Le motif inhérent à la personne du salarié doit reposer sur des faits objectifs, matériellement vérifiables et qui lui sont imputables.

L’article L.1235-1 du code du travail prévoit qu’en cas de litige, le juge, à qui il appartient d’apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

Enfin, la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise et qui justifie la rupture immédiate de son contrat de travail, sans préavis ; la charge de la preuve pèse sur l’employeur.

La société Solodis indique que M.[D] a reconnu avoir emporté deux melons, alors que le règlement intérieur l’interdit expressément, sans qu’un responsable l’ait autorisé, d’autant qu’elle a signé avec un prestataire une convention relative aux produits ” en date courte ” dans le but de les réserver à des associations humanitaires et éviter le gaspillage. M.[D] a été surpris par un dispositif de vidéosurveillance en train de prendre ces produits dans la ” casse destinées aux associations “. Ce dispositif est, selon l’employeur, conforme aux impératifs dégagés par la jurisprudence quant aux finalités de sa mise en place, puisqu’il n’avait pas pour but de contrôler les salariés dans l’exercice de leurs fonctions, mais seulement de surveiller la benne à déchets pour éviter que des personnes extérieures se servent de produits, sans atteinte disproportionnée à leur vie personnelle par rapport au but ainsi poursuivi. La société Solodis ajoute que les formalités nécessaires ont été accomplies, à savoir une autorisation préfectorale pour l’installation du système de vidéosurveillance et son renouvellement, et l’information du comité d’entreprise. Elle souligne que M.[D] était nécessairement informé du dispositif, puisqu’il était désigné comme personne pouvant avoir accès aux images. Enfin, elle rappelle que l’illicéité du dispositif ne rend pas pour autant irrecevable la preuve qui en est issue pour caractériser la faute du salarié.

M.[D] réplique que les melons qu’il a emportés étaient abîmés, avaient été retirés de la commercialisation et placés dans un bac situé à l’entrée du Drive dans lequel sont stockés les fruits et légumes destinés à être jetés, ce qui explique qu’il les ait pris et ce qui n’apparaît aucunement fautif selon lui, le règlement intérieur ne prohibant que la sortie de produits commercialisables. Il affirme ne pas connaître les mesures contre le gaspillage, invoquées par la société Solodis, n’ayant eu connaissance que de dons aux Restos du c’ur qui ne concernaient pas les fruits et légumes abîmés, lesquels étaient donnés à la propriétaire d’une ferme voisine. Il conteste la licéité de l’exploitation des images de télésurveillance, installées selon lui pour contrôler et surveiller les salariés, n’ayant pas été informé de leur installation de manière individuelle, pas plus de ce qu’il était désigné dans la demande de renouvellement d’autorisation préfectorale comme personne autorisée à accéder aux images. Il conteste les modalités de consultation du comité d’entreprise qui n’a pas été avisé de la finalité du dispositif. Il souligne que l’utilisation de la vidéosurveillance n’est pas mentionnée dans la lettre de licenciement. Enfin, il relève le caractère disproportionné de la sanction qui a été prononcée, relevant que le règlement intérieur prévoit d’autres sanctions que celle du licenciement.

La cour relève en premier lieu que l’installation d’un système de vidéosurveillance à l’intérieur et à l’extérieur du magasin Leclerc Drive a été autorisée par arrêté préfectoral du 26 octobre 2012 et que son renouvellement a été autorisé par arrêté préfectoral du 26 septembre 2017.

Les finalités de ce dispositif, telle que mentionnée dans la demande et dans le premier de ces arrêtés, sont ” la sécurité des personnes, la protection incendie/accident, la prévention des atteintes aux biens et la lutte contre la démarque inconnue “.

Ce système permet de facto le contrôle des activités des salariés, et a d’ailleurs été utilisé par l’employeur afin de recueillir et d’exploiter des informations concernant le comportement de son salarié et dès lors, la consultation des instances représentatives du personnel, prévus par les articles L.2323-3 ancien et L.2312-38 nouveau du code du travail, s’imposait.

A cet égard, la société Solodis ne produit aucun élément susceptible d’établir que M.[D] ait été individuellement informé de l’installation d’un tel système, le fait que son nom soit mentionné dans le dossier de demande d’autorisation comme ” personne habilitée à accéder aux images ” étant insuffisant à le démontrer. Par ailleurs, il n’est produit qu’un procès-verbal de réunion du comité d’entreprise du 10 octobre 2013 informant le comité d’entreprise de ce que ” le magasin et le drive sont placés sous vidéosurveillance ” et de ce que ” les déclarations en préfectures ont été faites “, ce qui représente une simple information, mais pas une consultation, n’étant notamment pas précisé si tous les éléments nécessaires à une information complète du comité, notamment sur la finalité de cette installation, aient été portées à sa connaissance. Enfin, il n’est pas justifié de ce que le comité d’entreprise ait été consulté lors du renouvellement de l’autorisation.

Dès lors, les modalités d’information des salariés, et de M.[D] en particulier, sont en l’espèce critiquables.

Cependant, comme l’a jugé la cour de cassation dans un arrêt du 8 mars 2023 (pourvoi n°21-17.802), il résulte des articles 6 et 8 de la Convention de sauvegarde de droits de l’homme et des libertés fondamentales que l’illicéité d’un moyen de preuve n’entraîne pas nécessairement son rejet des débats, le juge devant, lorsque cela lui est demandé, apprécier si l’utilisation de cette preuve a porté atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit au respect de la vie personnelle du salarié et le droit à la preuve, lequel peut justifier la production d’éléments portant atteinte à la vie personnelle d’un salarié à la condition que cette production soit indispensable à l’exercice de ce droit et que l’atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi.

En présence d’une preuve illicite, le juge doit donc d’abord s’interroger sur la légitimité du contrôle opéré par l’employeur et vérifier s’il existait des raisons concrètes qui justifiaient le recours à la surveillance et l’ampleur de celle-ci. Il doit ensuite rechercher si l’employeur ne pouvait pas atteindre un résultat identique en utilisant d’autres moyens plus respectueux de la vie personnelle du salarié. Enfin le juge doit apprécier le caractère proportionné de l’atteinte ainsi portée à la vie personnelle au regard du but poursuivi.

En l’espèce, malgré le défaut d’information du personnel et de M.[D] en particulier sur la présence de la caméra de surveillance qui l’a filmé, il résulte des éléments du dossier que l’installation du système de vidéosurveillance ne présentait pas un caractère occulte ou caché, avait fait l’objet d’une déclaration régulière en préfecture et avait notamment pour but ” d’éviter les atteintes aux biens ” et donc d’éviter les vols, ce qui rend ce mode de preuve en l’espèce indispensable à la constatation des faits reprochés à M.[D], sauf à exiger de l’employeur une surveillance permanente, et de visu, par un préposé ou une entreprise de sécurité sur l’ensemble du site.

S’agissant simplement de surveiller une ” casse destinée aux associations ” localisée dans l’entreprise, toute atteinte disproportionnée au respect de la vie privée du salarié, qui ne faisait nécessairement qu’y passer, par rapport au but légitime de l’employeur d’éviter le vol, qui constitue une infraction pénale, est exclue.

Le procès-verbal de constat d’huissier décrivant les conditions dans lesquelles M.[D] a été aperçu, par le moyen de la vidéosurveillance, en train d’emporter les deux melons, peut donc être opposé à ce dernier.

De manière surabondante, il est en outre constaté par la cour que M.[D] reconnaît s’être emparé de ces deux melons.

L’article 10.5 du règlement intérieur prévoit qu’il est ” interdit de sortir de l’entreprise des produits sans justificatif d’achat ou accord signé d’un responsable “, ce qui n’autorisait en rien M.[D] à emporter des melons, même inconsommables.

Cependant, si ces melons étaient propres à la consommation et si comme tels ils étaient destinés, comme leur positionnement dans un bac réservé à cet effet le laisse supposer, à des dons au bénéfice d’associations caritatives, la faute en est plus grande que si ces melons étaient abîmés.

Force est de constater qu’il ne peut être répondu de manière certaine à la question de l’état de murissement des melons, seul le principe selon lequel le doute doit profiter au salarié permettant de retenir l’hypothèse soulevée par M.[D].

Quoiqu’il en soit, toute mesure de licenciement disciplinaire doit être proportionnée à la faute reprochée au salarié, ce que le juge doit apprécier pour déterminer l’existence ou non d’une faute grave et d’une cause réelle et sérieuse au licenciement.

En l’espèce, le fait pour M.[D], salarié n’ayant jamais fait l’objet de sanction disciplinaire, de s’être emparé de deux melons possiblement abîmés ne peut, à lui seul, constituer une faute grave, ni même un motif réel et sérieux de licenciement, celui-ci invoquant avec raison l’existence à l’article 30.2 du règlement intérieur d’un panel de sanctions disciplinaires qui auraient pu lui être infligées, à l’évidence davantage proportionnées aux faits qui lui étaient reprochés.

C’est pourquoi le licenciement apparaît dépourvu de cause réelle et sérieuse, le jugement entrepris devant être confirmé sur ce point.

– Sur les conséquences financières du licenciement sans cause réelle et sérieuse

– sur le rappel de salaire sur la mise à pied conservatoire

Le montant de 695,33 euros alloué à ce titre par le conseil de prud’hommes n’est pas contesté en son quantum, pas plus que la somme de 69,53 euros allouée au titre de l’indemnité de congés payés afférents.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

– sur l’indemnité de préavis et les congés payés afférents :

L’article L.1234-5 du code du travail prévoit que l’indemnité de préavis correspond aux salaires et avantages que le salarié aurait perçus s’il avait accompli son travail jusqu’à l’expiration du préavis, indemnité de congés payés comprise. Elle doit tenir compte notamment des heures supplémentaires habituellement accomplies.

L’article L.1234-1 du code du travail prévoit que :

” Lorsque le licenciement n’est pas motivé par une faute grave, le salarié a droit:

3° S’il justifie chez le même employeur d’une ancienneté de services continus d’au moins deux ans, à un préavis de deux mois. ”

L’article L.1234-5 du code du travail prévoit que ” lorsque le salarié n’exécute pas le préavis, il a droit, sauf s’il a commis une faute grave, à une indemnité compensatrice.

L’inexécution du préavis, notamment en cas de dispense par l’employeur, n’entraîne aucune diminution des salaires et avantages que le salarié aurait perçus s’il avait accompli son travail jusqu’à l’expiration du préavis, indemnité de congés payés comprise.

L’indemnité compensatrice de préavis se cumule avec l’indemnité de licenciement et avec l’indemnité prévue à l’article L. 1235-2 ”

C’est une somme équivalente à deux mois de salaire, soit 3846,38 euros, non contestée en son quantum, qui sera allouée à M.[D], outre 384,63 euros à titre d’indemnité de congés payés afférents, le jugement étant confirmé sur ce point.

– sur l’indemnité de licenciement

Les articles L.1234-9 et R.1234-2 du code du travail, dans leur version issue de l’ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017, applicable à l’espèce, prévoient, pour les salariés de 8 mois d’ancienneté ininterrompus, une indemnité de licenciement égale à 1/4 de mois de salaire par année d’ancienneté, pour les années jusqu’à 10 ans, et 1/3 de mois de salaire pour les années à partir de 10 ans.

Le montant de l’indemnité de licenciement due à M.[D], non contesté, sera, compte tenu de son ancienneté dans l’entreprise, et par voie de confirmation, fixée à 4157,50 euros.

– sur l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Les dispositions des articles L. 1235-3 du code du travail sont applicables à l’espèce.

M.[D] conteste la conformité de ce texte à l’article 24 de la charte sociale européenne et aux dispositions des articles 4 et 10 de la convention 158 de l’Organisation Internationale du Travail.

Cependant l’article L.1235-3 du code du travail, dont les effets sont modérés par l’article L.1235-3-1, lesquels octroient au salarié, en cas de licenciement injustifié, une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux variant en fonction du montant du salaire mensuel et de l’ancienneté du salarié et qui prévoient que, dans les cas de licenciements nuls, le barème ainsi institué n’est pas applicable, permettent raisonnablement l’indemnisation de la perte injustifiée de l’emploi.

Le caractère dissuasif des sommes mises à la charge de l’employeur est également assuré par l’application, d’office par le juge, des dispositions de l’article L. 1235-4 du code du travail.

Les dispositions des articles L. 1235-3, L. 1235-3-1 et L. 1235-4 du code du travail sont ainsi de nature à permettre le versement d’une indemnité adéquate ou une réparation considérée comme appropriée au sens de l’article 10 de la Convention n° 158 de l’OIT (Soc., 11 mai 2022, pourvoi n° 21-14.490).

En l’espèce, M.[D] a acquis une ancienneté de 7 années complètes lors du licenciement et de 8 années complètes à la fin du préavis, dont le défaut d’exécution est imputable à l’employeur ; par ailleurs, la société emploie habituellement au moins onze salariés.

Le montant de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse est compris entre 3 et 8 mois de salaire.

Compte tenu notamment des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée au salarié, de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à retrouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu’elles résultent des pièces et des explications fournies, il y a lieu de condamner la société Solodis, qui ne critique d’ailleurs pas en son quantum la condamnation prononcée par le conseil de prud’hommes, à payer à M.[D], par voie de confirmation, la somme de 15 385,52 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

– Sur la demande de dommages-intérêts pour licenciement vexatoire

M.[D] évoque les circonstances particulières dans lesquelles son licenciement a été prononcé, ayant été mis à pied et convoqué à un entretien préalable alors qu’il était parallèlement convoqué à une formation se déroulant son jour habituel de repos. Il s’en est suivi un état de choc à telle enseigne qu’il a dû être raccompagné chez lui par un collègue. Le lendemain de son licenciement, il a été invité à venir récupérer son solde de tout compte alors qu’il devait assister à des obsèques, et c’est son épouse qui a dû se déplacer.

Ces circonstances, ne justifient cependant pas l’octroi de dommages-intérêts à ce titre, le caractère vexatoire du licenciement n’étant pas pour autant établi.

M.[D] sera, par voie de confirmation, débouté de sa demande à ce titre.

– Sur la demande d’indemnité pour non-réalisation des entretiens professionnels

M.[D] expose qu’il n’a bénéficié d’aucun entretien professionnel depuis la mise en place de cette obligation le 5 mars 2014. Il n’a bénéficié d’aucun avancement pendant cette période en dépit de son investissement.

La cour relève néanmoins que M.[D] a été promu précisément en 2014 responsable adjoint du Drive, de sorte que son absence d’évolution sur les quelques années qui ont suivi n’est pas critiquable en soi, et ne peut, en tout état de cause, être causée uniquement par l’absence d’entretien professionnel, de sorte qu’il n’établit aucun préjudice qui puisse justifier l’octroi de dommages-intérêts ; il sera, par voie de confirmation, débouté de sa demande à ce titre.

– Sur la demande d’indemnité pour non-communication du décompte des heures de travail effectuées.

M.[D] expose que les impératifs mis en place par l’article L.1371-2 du code du travail, relativement au décompte de la durée du travail et aux repos compensateurs, dans une entreprise où tous les salariés ne travaillent pas selon le même horaire collectif, et à la remise d’un document mensuel annexé au bulletin de salaire, prévu par les articles D.3171-11 et D.3171-12 du code du travail, n’ont pas été respectés par la société Solodis.

Cependant, M.[D] ne fait pas état d’une difficulté quelconque quant à ses horaires de travail ou au calcul de la durée du travail à laquelle il était soumis, de sorte qu’il n’établit l’existence d’aucun préjudice lié au manquement de l’employeur qu’il invoque.

Il doit être, par voie de confirmation, débouté de sa demande à ce titre.

– Sur l’article L.1235-4 du code du travail

En application de ce texte, il convient d’ordonner le remboursement par la société Solodis à Pôle Emploi des indemnités de chômage versées à M.[D] du jour de son licenciement au jour du présent arrêt, dans la limite de 3 mois d’indemnités de chômage.

– Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens

La solution donnée au litige commande de confirmer la décision de première instance afférente à l’indemnité allouée à M.[D] au titre des frais irrépétibles engagés en première instance, et de condamner en outre la société Solodis à payer au conseil de M.[D] la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en cause d’appel.

La société Solodis sera déboutée de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile et condamnée aux dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,

Confirme le jugement rendu le 8 juin 2021 par le conseil de prud’hommes de Tours en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Ordonne le remboursement par la société Solodis à Pôle Emploi des indemnités de chômage versées à M.[N] [D] du jour de son licenciement au jour du présent arrêt, dans la limite de 3 mois d’indemnités de chômage ;

Condamne la société Solodis à payer à [N] M.[D] la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles engagés en appel ;

Déboute la société Solodis de sa propre demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Solodis aux dépens d’appel.

Et le présent arrêt a été signé par le président de chambre, président de la collégialité, et par le greffier

Fanny ANDREJEWSKI-PICARD Laurence DUVALLET

 


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