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Vidéosurveillance : 22 juin 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 19/11956

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Vidéosurveillance : 22 juin 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 19/11956

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 7

ARRÊT DU 22 JUIN 2023

(n° 353, 10 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/11956 – N° Portalis 35L7-V-B7D-CBB6S

Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 octobre 2019 – Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de MELUN – RG n° 17/00119

APPELANTE

Société MINA 3 sous l’enseigne IBIS BUDGET

RCS Melun – 440 451 573

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Me Géraldine HANNEDOUCHE, avocat au barreau de PARIS, toque : K0031

INTIMÉ

Monsieur [K] [T]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Bérangère LAURAIN RICHARD, avocat au barreau de MELUN

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 12 avril 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Laurent ROULAUD, conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Bérénice HUMBOURG, présidente de chambre

Madame Guillemette MEUNIER, présidente de chambre Monsieur Laurent ROULAUD, conseiller

Greffier, lors des débats : Madame Marie-Charlotte BEHR.

ARRÊT :

– CONTRADICTOIRE,

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame Bérénice HUMBOURG, présidente de chambre et par Madame Alisson POISSON, greffière à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROC”DURE ET PR”TENTIONS DES PARTIES

Par contrat de travail à durée déterminée, M. [K] [T] a été engagé par la société Relais Bleus en qualité de ‘night auditor’ (réceptionniste de nuit) et affecté à l’hôtel des Balladins situé à [Localité 5] pour la période du 16 septembre 1996 au 15 septembre 1997.

Suite à la reprise de la gestion de l’hôtel par la société Mina 3, celui-ci a continué son activité sous l’enseigne ‘Etap Hôtel’ puis, à compter de l’année 2013, sous celle ‘Ibis Budget’.

Par acte non daté, le directeur de l’hôtel a prolongé le contrat de travail de M. [T] par un contrat à durée indéterminée à compter du 15 septembre 1997.

Par une lettre en date du 17 janvier 2017, M. [T] a été convoqué à un entretien préalable à une éventuelle sanction fixé au 27 janvier 2017.

Par courrier du 27 janvier 2017, la société Mina 3 a notifié à M. [T] sa mise à pied avec effet immédiat.

Par courrier du 2 février 2017, la société a notifié à M. [T] son licenciement pour faute grave.

Contestant le bien-fondé de son licenciement, M. [T] a saisi le 28 février 2017 le conseil de prud’hommes de Melun afin que la société Mina 3 soit condamnée à lui verser diverses sommes de nature salariale et indemnitaire.

Par jugement de départage du 18 octobre 2019, le conseil de prud’hommes de Melun a :

– Dit que le licenciement pour faute grave de M. [T] est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

– Condamné la société Mina 3 à payer à M. [T] les sommes suivantes :

– 164,37 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied à titre conservatoire,

– 16,43 euros de congés payés afférents,

– 1.593,10 euros à titre d’indemnité de préavis,

– 159,31 euros de congés payés afférents,

– 2.288,13 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,

– 14.337,90 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 1.200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens,

– Débouté M. [T] de sa demande d’indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement ;

– Ordonné le remboursement par la société Mina 3 à Pôle emploi des indemnités de chômage versées à M. [T] du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé à concurrence de 6 mois dans les conditions prévues à l’article L. 1235-4 du code du travail ;

– Dit que le greffe en application de l’article R. 1235-2 du code du travail adressera à la direction générale de Pôle emploi une copie certifiée conforme du jugement en précisant si celui-ci a fait l’objet ou non d’un appel ;

– Ordonné la capitalisation des intérêts à compter du 28 février 2017 ;

– Ordonné à la société Mina 3 de remettre à M. [T] un certificat de travail conforme, une attestation Pôle emploi et un bulletin de paie récapitulatif conformes au jugement ;

– Rejeté la demande d’exécution provisoire sur le fondement de l’article 515 du code de procédure civile ;

– Rappelé que le jugement est assorti de l’exécution provisoire dans les conditions de l’article R. 1454-28 du code du travail ;

– Précisé que la moyenne des trois derniers mois de salaire perçus par M. [T] s’élève à la somme de 796,55 euros.

Le 2 décembre 2019, la société Mina 3 a interjeté appel du jugement.

Selon ses conclusions transmises par la voie électronique le 4 août 2022, la société Mina 3 demande à la cour de :

– La déclarer recevable et bien fondée en son appel ;

– Infirmer le jugement en ce qu’il a dit le licenciement de M. [T] pour faute grave dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

– Infirmer le jugement en ce qu’il l’a condamnée à payer à M. [T] les sommes suivantes :

– 164,37 euros de rappel de salaire sur mise à pied à titre conservatoire,

– 16,43 euros de congés payés afférents,

– 1.593,1 euros d’indemnité compensatrice de préavis et 159,31 euros de congés payés afférents,

– 2.288,13 euros d’indemnité conventionnelle de licenciement,

– 14.337,9 euros d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– Infirmer le jugement en ce qu’il l’a condamnée à rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage versées à M. [T] du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé à concurrence de 6 mois ;

– Infirmer le jugement en ce qu’il a ordonné la capitalisation des intérêts à compter du 28 février 2017 ;

– Infirmer le jugement en ce qu’il l’a condamnée à remettre à M. [T] un certificat de travail, une attestation Pôle emploi et un bulletin de paie conformes au jugement ;

– Infirmer le jugement en ce qu’il l’a condamnée à verser à M. [T] la somme de 1.200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens et l’a déboutée de sa demande au titre de l’article 700 dudit code ;

Statuant à nouveau,

– Déclarer que le licenciement pour faute grave notifié à M. [T] est parfaitement fondé et justifié ;

– Débouter M. [T] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

A titre reconventionnel,

– Condamner M. [T] à lui verser la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Condamner M. [T] aux entiers dépens d’appel.

Selon ses conclusions transmises par la voie électronique le 25 mai 2020, M. [T] demande à la cour de :

– Confirmer le jugement en ce qu’il a dit son licenciement pour faute grave dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

– Confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société Mina 3 à lui verser les sommes suivantes :

– 167,37 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire,

– 16,43 euros à titre de congés payés afférents,

– 1.593,10 euros à titre d’indemnité de préavis,

– 159,32 euros à titre de congés payés afférents,

– 2.288,13 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,

– 14.337,90 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 1.200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– Confirmer le jugement en ce qu’il a ordonné la remise d’un certificat de travail conforme, d’une attestation Pôle emploi et d’un bulletin de paie récapitulatif conforme à la décision ;

– Ordonner l’exécution provisoire sur le fondement de l’article 515 du code de procédure civile ;

– Confirmer le jugement en ce qu’il a ordonné la capitalisation des intérêts à compter du 28 février 2017 sur le fondement de l’article 1343-2 du code civil ;

– Condamner la société Mina 3 à lui payer la somme de 2.000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel ainsi qu’aux entiers dépens, y compris les éventuels dépens d’exécution.

Pour un exposé des moyens des parties, la cour se réfère expressément aux conclusions transmises par la voie électronique.

L’instruction a été déclarée close le 15 mars 2023.

MOTIFS :

Sur le bien fondé du licenciement pour faute grave :

La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, doit être suffisamment motivée et viser des faits et griefs matériellement vérifiables, sous peine de rendre le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse.

La faute grave qui seule peut justifier une mise à pied conservatoire est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. Il appartient à l’employeur qui l’invoque de rapporter la preuve de l’existence d’une faute grave.

La lettre de licenciement du 2 février 2017 pour faute grave est ainsi rédigée :

« Vous avez été engagé en qualité de réceptionniste de nuit, à compter du 3 mars 1996. Nous vous rappelons que votre mission consistait à assurer l’accueil de nuit des clients de l’Hôtel les vendredis et samedis. A ce titre, votre contrat de travail précisait que vous étiez « sous le contrôle et les directives de votre supérieur hiérarchique » et que « vous vous engagez à respecter toutes les instructions et consignes qui seront données en plus du règlement intérieur ». A cet égard, une note de la Direction vous informait qu’ « à compter du 27 Octobre 2016, […] l’usage du téléphone portable personnel pendant les heures de travail est interdit, hormis cas de force majeure […] ». De plus, vous avez été informé par le biais d’une note de la Direction de la mise en place d’un système de vidéosurveillance destiné à la surveillance de la caisse et de la clientèle. Toutefois, à l’occasion du visionnage de vidéos du fait de la disparition de marchandises, nous avons pu constater de graves manquements à vos obligations tant légales que contractuelles. Nous avons d’ailleurs été contraints de déposer une plainte pénale à votre égard, le 25 janvier 2017, au Commissariat de [Localité 5].

En effet, nous avons pu constater que vous subtilisiez quotidiennement, pendant vos heures de travail, des marchandises à savoir des sacs de cadeaux destinés aux clients, et de la nourriture.

A ce titre, on peut vous voir distinctement, le 7 janvier 2017, préparer un volumineux sac de marchandises appartenant à l’Hôtel, le reposer de manière à ne pas être vu par vos collègues pour ensuite partir rapidement avec, en tentant de le cacher des caméras, au terme de votre service.

Pire encore, lors de vos vols vous avez ostensiblement fait des doigts d’honneur à la caméra en tirant vulgairement la langue ce que nous ne pouvons qu’analyser comme une volonté d’injurier votre direction.

Nous avons donc procédé à une enquête interne du fait des vols que vous avez commis.

Au cours de cette enquête, nous avons pu constater que vous n’effectuez pas les tâches qui vous incombent pendant vos heures de travail.

En effet :

– Vous passez des heures au téléphone pendant vos heures de service en dépit de la note d’information précitée. Nous avons également pu constater qu’au-delà d’utiliser votre téléphone portable personnel, vous avez également pour habitude de passer des coups de fils de longue durée à l’étranger à partir de votre téléphone professionnel. Vos nombreuses communications ont entrainé, ne serait-ce que pour les mois de décembre 2016 et janvier 2017, des dépassements de forfait dont nous devons nous acquitter.

– Vous passez vos nuits devant la télévision, à consulter des sites internet à des fins personnelles ou à lire le journal sans porter attention à la clientèle.

En effet, nous avons dernièrement pu constater que vous ne preniez même pas la peine de répondre à leurs interrogations sans raccrocher votre téléphone ou arrêter de lire votre journal. Nous vous rappelons que, du fait de votre poste, vous représentez l’établissement.

Pire encore, vous vous êtes permis à de nombreuses reprises de travailler avec des baskets déchaussées, d’éteindre les lumières de la réception, laissant entendre à nos clients une absence d’accueil en dépit des consignes de votre Directeur adjoint, et ce même les soirs des 25 et 31 décembre 2016. En effet, votre supérieur hiérarchique Monsieur [F] [L] vous avait expressément laissé la consigne (écrite en rouge) de laisser la lumière allumée.

– Vous ne portez aucune attention à beaucoup de clients qui se plaignent de votre agressivité.

– Vous refusez systématiquement d’effectuer les formations qui vous incombent. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle vous n’avez pas daigné prendre connaissance des différents sites internet de réservations permettant aux clients de réserver leur séjour par internet, ce qui a été à l’origine de nombreuses erreurs et incompréhensions de votre part.

De plus, vous ne connaissez pas les prestations qu’octroient les différentes cartes de notre groupe (Carte Accord Hôtel, Ibis Business…) et délivrez de mauvaises informations à nos clients qui ne peuvent de ce fait bénéficier pleinement des services de leur carte. Votre inattention et votre désintérêt pour vos fonctions vous amènent à commettre de récurrentes erreurs de facturation des clients. A titre d’exemple, vous avez facturé à tort, et à maintes reprises, des clients qui avaient déjà réglé leurs séjours sur internet. Nous avons donc été amenés encore à réaliser des remboursements au cours de ces derniers mois.

– Par ailleurs, nous avons pu constater sur nos caméras et d’après les dires de vos collègues que vous partiez, la plupart du temps, avant la fin de votre service.

Vous aviez déjà fait l’objet de rappels à l’ordre tant oraux qu’écrits dont vous n’avez absolument pas tenu compte.

Or, les tâches précitées relèvent pourtant de vos attributions et vous incombent.

Vos manquements ne peuvent alors que s’analyser comme des faits d’insubordination.

De surcroit, vous avez toutefois persisté à les nier lors de votre entretien préalable au cours duquel vous avez affirmé que « vous n’en aviez rien à cirer » manquant, une nouvelle fois, de respect à votre hiérarchie. Cette attitude est intolérable.

En effet, vous ne pouvez nier que votre comportement est préjudiciable au bon fonctionnement de notre établissement et porte atteinte à notre image.

En effet, au-delà d’être désagréable avec la plupart de notre clientèle alors que vous assurez l’image de notre établissement de par votre poste, vous avez facturé à tort certains d’entre eux. Au surplus, votre contrat de travail stipulait expressément en son article 16 « Vous vous engagez à vous consacrer professionnellement toute votre activité et tous vos soins à l’entreprise, l’exercice et toute autre activité professionnelle soit pour votre compte, soit pour le compte de tiers vous étant par conséquent interdite ».

Or, nous avons pu constater que vous consacrez votre temps de travail à assurer votre préparation pour le poste de « Surveillant de collège » que vous occupez la semaine. A cet égard, le 7 janvier 2017, vous imprimiez, une fois encore, d’importantes quantités de copies destinées aux élèves du collège que vous surveillez sur le papier en tête de la société, ce qui a engendré un important surcout de papier et d’encre. En effet, nous avons relevé de nombreuses impressions, en l’occurrence de « devoirs surveillés », de « correction de DS », des brouillons de lettres de motivation.

Ces faits constituent également une violation de votre contrat de travail préjudiciable à la société car vous consacrez votre temps de travail à des fins étrangères à vos fonctions au détriment de vos collègues qui sont amenés à assurer les tâches que vous n’accomplissez pas. Ces éléments s’analysent alors comme une violation de votre devoir de loyauté. Les éléments exposés sont graves et parfaitement intolérables dans notre entreprise. Votre comportement constitue une violation manifeste et caractérisée de vos obligations contractuelles et légales, préjudiciable à la Société et qui perturbe la bonne marche de l’entreprise. Votre licenciement est donc immédiat, sans préavis ni indemnité de rupture. »

* Sur l’illicéité du recours à la vidéosurveillance :

L’employeur entend établir certains manquements reprochés au salarié dans la lettre de licenciement en produisant des captures d’écran de son système de vidéosurveillance. Il considère, contrairement à ce qu’énonce le conseil de prud’hommes dans le jugement querellé, que ce mode de preuve est licite puisque :

– il a déclaré son installation auprès de la CNIL le 20 octobre 2016,

– il n’avait pas besoin de demander une autorisation préfectorale puisque l’article L. 251-1 du code de la sécurité intérieure n’impose une telle autorisation que lorsque les caméras filment la voie publique,

– il a respecté les prescriptions de la CNIL en matière de durée de conservation des images puisqu’il a extrait des captures d’écran pour les produire en justice,

– il a informé les salariés de l’existence du système de vidéosurveillance.

Au contraire, M. [T] soutient que ce mode de preuve est illicite puisque :

– une autorisation préfectorale est nécessaire pour filmer les lieux ouverts au public,

– s’il est justifié d’une déclaration à la CNIL en date du 20 octobre 2016, certaines captures d’écran ne sont pas datées ou sont issues d’images prises avant cette date,

– il n’est pas établi que le salarié avait connaissance de ce système avant janvier 2017.

En l’espèce, contrairement aux allégations du salarié, les captures d’écran versées aux débats (pièces 24 à 28) comportent mention de la date à laquelle les images ont été prises, soit entre le 27 août 2016 et le 8 janvier 2017.

Il ressort de ces images que la caméra est orientée vers le hall d’entrée de l’hôtel et filme ainsi l’arrivée des clients et la caisse des employés.

Comme le rappelle la fiche de la CNIL intitulée ‘La vidéosurveillance – vidéoprotection au travail’ versée aux débats, il résulte des dispositions des articles L. 251-1 et suivants du code de la sécurité intérieure dans leur version applicable à la date à laquelles les images ont été prises que ‘si des caméras filment un lieu ouvert au public (espaces d’entrée et de sortie du public, zones marchandes, comptoirs, caisses), le dispositif doit être autorisé par le préfet du département et par le préfet de police à [Localité 4]’.

Il ressort des captures d’écran produites que le système de vidéosurveillance mis en place par l’employeur filme le hall d’un hôtel, c’est-à-dire un lieu ouvert au public. Par conséquence, en applications des dispositions du code de la sécurité intérieure précitées, ce système devait faire l’objet d’une autorisation préfectorale. Or, il n’est ni allégué ni justifié qu’une telle autorisation ait été accordée en l’espèce.

Il s’en déduit, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres arguments soulevés par le salarié, que le système de vidéosurveillance est un moyen de preuve illicite faute d’avoir bénéficié d’une autorisation préfectorale.

* Sur les griefs reprochés au salarié :

En premier lieu, l’employeur reproche au salarié d’avoir utilisé son téléphone portable alors que selon une note de service, cet usage est interdit pendant les heures de travail, sauf cas de force majeure et après information préalable de la direction.

Toutefois, d’une part, cette note de service produite en pièce 18 n’est pas datée, ne précise pas sa date de prise d’effet et n’est accompagnée d’aucun élément justifiant qu’elle a été communiquée au salarié.

De même, il n’est produit aucune pièce établissant l’utilisation par le salarié de son téléphone portable en méconnaissance des prescriptions de cette note de service.

Il se déduit de ce qui précède que ce premier grief n’est pas établi.

En deuxième lieu, l’employeur reproche au salarié d’utiliser le téléphone de la société pour faire des appels de longue durée à l’étranger.

Toutefois, la société se borne à produire afin de prouver ce manquement des factures d’Orange et des plannings de décembre 2016 et janvier 2017 du personnel de la société qui ne permettent nullement d’établir que le salarié est à l’origine des appels litigieux.

Par suite, ce deuxième grief n’est pas établi.

En troisième lieu, l’employeur reproche au salarié d’avoir utilisé à des fins personnelles le matériel d’impression de l’hôtel.

Toutefois, la société se borne à produire, afin de prouver ce manquement, des photocopies sur papier à entête de l’hôtel (pièce 20) qu’aucun élément versé aux débats ne permet de rattacher au salarié.

Par suite, ce troisième grief n’est pas établi.

En quatrième lieu, l’employeur reproche au salarié de n’avoir pas suivi l’ensemble de ses formations. Toutefois, aucun élément produit ne permet d’établir ce fait.

Par suite, ce quatrième grief n’est pas établi.

En cinquième lieu, l’employeur reproche au salarié de n’avoir pas effectué les tâches qui lui étaient dévolues, d’avoir commis des erreurs, de ne pas avoir respecté ses horaires de travail et d’avoir ‘adopté un ton agressif qui dissuadait tout dialogue’.

A l’appui de ses allégations, l’employeur se réfère à une attestation de M. [R] qui, comme l’a justement relevé le conseil de prud’hommes, a quitté l’hôtel en 2009 et ne peut donc établir un éventuel manquement du salarié après cette date. Il se réfère également à des attestations dans lesquelles MM. [L] (directeur adjoint de l’hôtel) et [V] (receptionniste) et Mme [I] (directrice marketing) n’évoquent pas de faits suffisamment précis, datés et circonstanciés pour être qualifiés de faute disciplinaire imputable au salarié.

Par suite ce cinquième grief n’est pas établi.

En sixième lieu, la société expose qu’à compter du mois de septembre 2016, elle s’est aperçue que des produits alimentaires et des produits promotionnels de l’hôtel à destination des clients disparaissaient de manière récurrente et qu’afin de découvrir l’auteur de ces vols, elle a procédé à la consultation des images de vidéosurveillance prises dans l’hôtel.

Il ressort des développements précédents que la cour a jugé que le système de vidéosurveillance mis en place par la société est un moyen de preuve illicite.

Toutefois, l’illicéité d’un moyen de preuve n’entraîne pas nécessairement son rejet des débats, le juge devant apprécier si l’utilisation de cette preuve a porté une atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit au respect de la vie personnelle du salarié et le droit à la preuve, lequel peut justifier la production d’éléments portant atteinte à la vie personnelle d’un salarié à la condition que cette production soit indispensable à l’exercice de ce droit et que l’atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi.

En l’espèce, l’employeur entend établir que M. [T] a volé des marchandises en produisant des captures d’écran du 8 janvier 2017 le montrant en train de récupérer un sac blanc placé sous son poste de travail, puis sortir de l’hôtel avec ledit sac et revenir quelques secondes plus tard sans ce sac (pièce 26).

Bien qu’issue d’un moyen de preuve illicite, la cour considère que la production de ces images est indispensable au respect du droit à la preuve de l’employeur puisque celles-ci établiraient, selon lui, le détournement de marchandises reproché au salarié, sans qu’il soit allégué ou justifié par les parties que cette preuve aurait pu être obtenue par un autre moyen. De même, il n’est ni allégué ni justifié par le salarié que cette production porterait une atteinte excessive au respect de sa vie personnelle. Il s’en déduit que la production des captures d’écran est recevable.

Néanmoins, comme l’indique M. [T], ces images ne sont pas suffisamment précises pour montrer la soustraction de biens appartenant à l’employeur par le salarié dans son sac blanc et ce, d’autant que la société ne mentionne pas dans ses écritures d’appel quels biens auraient été ainsi dérobés.

De même, la plainte de la société auprès du commissariat de police de [Localité 5] mettant en cause le salarié n’est pas suffisante pour établir les faits de vol reprochés à l’intimé et ce, d’autant que M. [T] soutient, sans être contesté sur ce point par l’employeur, que l’enquête pénale est toujours en cours.

Il s’en déduit que le grief de vol reproché au salarié n’est pas établi.

En septième et dernier lieu, l’employeur entend établir que M. [T] a fait un ‘geste obscène’ à son attention en produisant une capture d’écran du 15 octobre 2016 le montrant devant la caméra de vidéosurveillance tirer la langue et faire deux doigts d’honneur (pièce 24).

Bien qu’issue d’un moyen de preuve illicite, la cour considère que la production de cette image est indispensable au respect du droit à la preuve de l’employeur puisque celle-ci établit le manque de respect du salarié à son encontre, sans qu’il soit allégué ou justifié par les parties que cette preuve aurait pu être obtenue par un autre moyen. De même, il n’est ni allégué ni justifié par le salarié que cette production porterait une atteinte excessive au respect de sa vie personnelle. Il s’en déduit que la production des captures d’écran est recevable.

Toutefois, dans la partie discussion de ses écritures, M. [T] soutient que les faits liés à cette image sont prescrits.

Selon l’article L.1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l’exercice de poursuites pénales.

Il ressort des éléments produits que, d’une part, le comportement inadapté de M. [T] a été commis le 15 octobre 2016 et, d’autre part, la salarié a été convoqué par courrier du 17 janvier 2017 à un entretien préalable en vue d’un éventuel licenciement.

De même, il n’est ni allégué ni justifié par l’employeur que celui-ci n’a pas eu connaissance de ce comportement inadapté le jour de sa commission.

L’engagement des poursuites disciplinaires à l’égard de ce fait a ainsi eu lieu au-delà du délai de deux mois prescrit par l’article L.1332-4 du code du travail.

Il s’en déduit que l’action disciplinaire à l’égard de ce comportement inadapté est prescrite.

***

Il résulte de ce qui précède qu’aucun grief mentionné dans la lettre de licenciement ne peut fonder le licenciement pour faute grave du salarié.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a dit que le licenciement pour faute grave est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences pécuniaires de la rupture :

En premier lieu, la cour constate que les parties ne sollicitent pas l’infirmation du jugement en ce qu’il a fixé le salaire moyen de l’intimé à la somme de 796,55 euros. Par suite, la rémunération de M. [T] sera fixée à hauteur de ce montant.

En deuxième lieu, le salarié sollicite la confirmation du jugement en ce qui concerne les sommes que le conseil de prud’hommes lui a allouées au titre du rappel de salaire sur mise à pied conservatoire, des congés payés afférents, de l’indemnité compensatrice de préavis, des congés payés afférents et de l’indemnité conventionnelle de licenciement.

En défense, l’employeur ne produit aucun argumentaire afin de contester les montants retenus par la conseil de prud’hommes dans le jugement querellé.

Dès lors, il y a lieu de confirmer le jugement de ces chefs, précision faite que sont exprimées en brut les sommes allouées au titre du rappel de salaire sur mise à pied conservatoire, des congés payés afférents, de l’indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents.

En troisième lieu, le salarié sollicite la confirmation jugement en ce qu’il a condamné la société Mina 3 à lui payer la somme de 14.337, 90 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, représentant 18 mois de salaire.

En défense, l’employeur conteste ce montant et demande dans la partie discussion de ses écritures (p.28) que ce montant soit limité à six mois de salaire.

Selon l’article L. 1235-3 du code du travail dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017 applicable au litige, si le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l’entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. Si l’une ou l’autre des parties refuse, le juge octroie une indemnité au salarié. Cette indemnité, à la charge de l’employeur, ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois. Elle est due sans préjudice, le cas échéant, de l’indemnité de licenciement prévue à l’article L. 1234-9.

Eu égard au salaire de M. [T], à son ancienneté (plus de 19 ans), à son âge au moment de la rupture (né le 1er septembre 1965) et au fait qu’il n’est produit aucun élément sur la situation du salarié postérieure à la rupture, il lui sera alloué la somme de 5.000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement sera infirmé sur le quantum.

***

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a ordonné la production de documents sociaux, la capitalisation des intérêts et le remboursement des indemnités Pôle emploi par la société à hauteur de six mois en application des dispositions de l’article L. 1235-4 du code du travail.

Sur les demandes accessoires :

La société Mina 3 qui succombe partiellement est condamnée à verser au salarié la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel.

La société Mina 3 sera condamnée aux dépens d’appel.

Le pourvoi en cassation n’étant pas suspensif d’exécution conformément à l’article 579 du code de procédure civile, il n’y a pas lieu de prononcer l’exécution provisoire du présent arrêt comme le demande le salarié dans le dispositif de ses conclusions.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire et rendu en dernier ressort, mis à disposition au greffe,

INFIRME le jugement sur le quantum de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

CONFIRME le jugement pour le surplus, précision faite que sont exprimées en brut les sommes allouées au titre du rappel de salaire sur mise à pied conservatoire, des congés payés afférents, de l’indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents,

Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant,

CONDAMNE la société Mina 3 à verser à M. [K] [T] les sommes suivantes:

– 5.000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 1.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel,

DIT que les créances de nature salariale porteront intérêt au taux légal à compter de la date de réception par l’employeur de la lettre de convocation devant le bureau de conciliation et les créances à caractère indemnitaire à compter de la décision qui les ordonne,

DEBOUTE les parties de toutes leurs autres demandes,

CONDAMNE la société Mina 3 aux dépens d’appel.

La greffière, La présidente.

 


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