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Vidéosurveillance : 19 septembre 2023 Cour d’appel de Colmar RG n° 21/04230

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Vidéosurveillance : 19 septembre 2023 Cour d’appel de Colmar RG n° 21/04230

EP/KG

MINUTE N° 23/716

Copie exécutoire

aux avocats

Copie à Pôle emploi

Grand Est

le 26 septembre 2023

Le greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE COLMAR

CHAMBRE SOCIALE – SECTION A

ARRÊT DU 19 SEPTEMBRE 2023

Numéro d’inscription au répertoire général : 4 A N° RG 21/04230

N° Portalis DBVW-V-B7F-HVY7

Décision déférée à la Cour : 09 Septembre 2021 par la formation de départage du conseil de prud’hommes de Strasbourg

APPELANT :

La SAS AUCHAN HYPERMARCHE

prise en la personne de son représentant légal, N° SIRET : 410 409 460 ayant siège [Adresse 2] à

[Localité 3]

Représentée par Me Bernard ALEXANDRE, Avocat au barreau de Strasbourg

INTIMÉ :

Monsieur [D] [E]

demeurant [Adresse 1] à [Localité 4]

Représenté par Me Amandine RAUCH, Avocat au barreau de Strasbourg

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 16 Mai 2023, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Mme DORSCH, Président de Chambre, et M. PALLIERES, Conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme DORSCH, Président de Chambre

M. PALLIERES, Conseiller

M. LE QUINQUIS, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme THOMAS

ARRÊT :

– contradictoire

– prononcé par mise à disposition au greffe par Mme DORSCH, Président de Chambre,

– signé par Mme DORSCH, Président de Chambre, et Mme ARMSPACH-SENGLE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [D] [E], né le 12 mars 1972, a été embauché par contrat à durée indéterminée par la société Auchan Hypermarché à compter du 2 avril 1993.

La relation de travail était régie par la convention collective du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire.

Il occupait en dernier lieu les fonctions de second de rayon niveau 4C.

La moyenne de ses 12 derniers mois de salaires mensuels bruts s’élève à 2 426, 57 euros.

Il a fait l’objet d’un avertissement le 12 juillet 2017 pour comportement irrespectueux lors d’une réunion du 31 mai 2017.

Par lettre du 6 septembre 2018, Monsieur [D] [E] a été convoqué à un entretien préalable à une mesure éventuelle de licenciement avec mise à pied à titre conservatoire.

Par lettre du 9 octobre 2018, la société Auchan Hypermarché lui a notifié son licenciement pour faute grave.

Par requête du 17 décembre 2018, Monsieur [D] [E] a saisi le Conseil de prud’hommes de Strasbourg, section commerce, de demandes de contestation de son licenciement, aux fins d’indemnisations en conséquence, et d’annulation d’un avertissement.

Par décision du 11 février 2019, le bureau de conciliation a ordonné à la Sas Auchan Hypermarché de verser aux débats, sous astreinte de 40 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision :

– les pièces au soutien du prononcé du licenciement,

– les consignes dénommées ” procédures en vigueur ” dans la lettre de licenciement, avec la preuve de la remise de ces consignes à Monsieur [E] personnellement,

– la preuve de l’information personnelle du salarié de la collecte d’informations et de contrôle par le système de vidéosurveillance, en application de l’article L 1222-4 du code du travail.

Par jugement du 9 septembre 2021, le Conseil de prud’hommes, en formation de départage, a :

– annulé l’avertissement du 12 juillet 2017,

– dit et jugé que le licenciement de Monsieur [D] [E] est dénué de cause réelle et sérieuse,

– condamné la société Auchan Hypermarché à payer à Monsieur [D] [E] les sommes de :

* 1 466, 08 euros au titre du rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire outre 146, 60 euros de congés payés,

* 4 853, 14 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis outre 485, 13 euros de congés payés y afférents,

* 18 733, 11 euros au titre de l’indemnité de licenciement,

* 43 500 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 2 000 euros de dommages et intérêts pour licenciement abusif et vexatoire

– ordonné le remboursement par la société Auchan Hypermarché à l’organisme concerné des indemnités de chômage effectivement versées à Monsieur [D] [E] par suite de son licenciement et ce dans la limite de 6 mois,

– condamné la société Auchan Hypermarché à remettre à Monsieur [D] [E] les documents de fin de contrat conformes au présent jugement dans un délai d’un mois à compter de la signification du jugement,

– dit n’y avoir lieu au prononcé d’une astreinte,

– débouté Monsieur [D] [E] de sa demande au titre de la liquidation de l’astreinte prononcée par le BCO,

– condamné la société Auchan Hypermarché à payer à Monsieur [D] [E] la somme de 1 400 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens,

– ordonné l’exécution provisoire du jugement.

Par déclaration du 11 mai 2021, la Sas Auchan Hypermarché a interjeté un appel du jugement en toutes ses dispositions.

Par ordonnance de référé du 18 janvier 2022, la délégataire de la première présidente a débouté l’employeur de sa demande d’arrêt de l’exécution provisoire.

Par écritures transmises par voie électronique le 24 décembre 2021, la Sas Auchan Hypermarché sollicite l’infirmation du jugement entrepris en ce qu’il a :

– dit que le licenciement de Monsieur [E] était dénué de cause réelle et sérieuse, fait droit aux demandes de Monsieur [E] en conséquence, et ordonné  le remboursement des indemnités de chômage dans la limite de

6 mois ;

et que la Cour statuant à nouveau :

– déboute Monsieur [E] de ses demandes au titre de :

* rappel de salaire pour la mise à pied conservatoire et congés payés afférents,

* indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents,

* indemnité de licenciement,

* dommages et intérêts pour le préjudice subi au titre de la perte d’emploi,

* dommages et intérêts, au titre des conditions brutales et vexatoires de la rupture,

* bulletins de salaire et documents de fin de contrat rectifiés,

* l’article 700 du code de procédure civile en 1ère instance et appel.

– condamne Monsieur [E] au paiement d’un montant de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens.

Par écritures transmises par voie électronique le 21 mars 2022, Monsieur [D] [E] sollicite la confirmation partielle du jugement entrepris,

En conséquence, que la Cour :

– dise et juge son licenciement nul, subsidiairement dénué de toute cause réelle et sérieuse ;

– annule l’avertissement du 12 juillet 2017 ;

– écarte des débats le document présenté par la société Auchan Hypermarché

en son annexe n°4 intitulé ” PV de constat d’huissier “, le document transmis ne respectant pas le principe du contradictoire étant illisible ;

– condamne la société Auchan Hypermarché à lui verser les sommes suivantes :

* 1 466,08 euros bruts au titre du rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire, outre 146,60 euros bruts au titre des congés payés afférents, portant intérêts de retard à compter de la convocation de la société appelante devant le Conseil de Prud’hommes ;

* 4 853,14 euros bruts au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, outre 485,31 euros bruts au titre des congés payés afférents, portant intérêts de retard à compter de la convocation de la société appelante devant le Conseil de Prud’hommes ;

*18 733,11 euros nets au titre de l’indemnité de licenciement, portant intérêts de retard à compter de la convocation de la société appelante devant le Conseil de Prud’hommes ;

* 60 000 euros nets à titre de dommages et intérêts réparant le préjudice subi au titre de la perte d’emploi ;

* 2.000 euros nets à titre de dommages et intérêts au titre des conditions brutales et vexatoires de la rupture ;

– condamne la société Auchan Hypermarché à lui remettre les bulletins de paie et documents de fin de contrats (certificat de travail, solde de tout compte et attestation Pôle Emploi) régularisés, sous astreinte de 20 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir ;

– condamne la société Auchan Hypermarché à lui verser la somme de 37 480 euros au titre de la liquidation de l’astreinte ;

– déboute la société Auchan Hypermarché de ses demandes ;

– condamne la société Auchan Hypermarché lui verser, au titre de l’article l’article 700 du Code de procédure civile du code de procédure civile, la somme de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance, ainsi que 3 000 euros au titre de la procédure en appel et les dépens de première instance et d’appel.

L’ordonnance de clôture de l’instruction a été rendue le 6 juillet 2022.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, la Cour se réfère aux conclusions susvisées pour plus amples exposé des prétentions et moyens des parties.

MOTIFS

Liminaire

Le dispositif des dernières écritures de la Sas Auchan Hypermarché ne comporte pas de demande d’infirmation du jugement, en ses dispositions relatives à l’annulation de l’avertissement du 12 juillet 2017, de telle sorte qu’en application des articles 542 et 954 du code de procédure civile, la Cour ne peut que confirmer cette annulation, au regard de la déclaration d’appel.

I. Sur la faute grave

La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise.

La charge de l’administration de la preuve de la faute grave repose sur l’employeur (dans le même sens, notamment, Cass. Soc 20 mars 2019 n° 17-22.068).

En l’espèce, il est reproché au salarié, comme manquements, dans la lettre de licenciement qui fixe les débats : de ne pas avoir respecté les procédures en vigueur en emportant, en réserve, 3 articles sous coques d’une valeur totale de 362, 99 euros, d’avoir décoqué ces 3 articles, d’avoir jeté sciemment 45 euros de coques, et d’avoir ainsi tenté de créer pour 362, 99 euros de démarque via la complicité d’un client, d’avoir créé 32 euros de démarque de produits de maquillage et d’avoir détourné les procédures pour son compte.

Pour justifier de la faute grave, l’employeur produit :

– la copie d’une plainte pénale pour vol aggravé du 6 septembre 2018,

– la copie de la plainte complémentaire faisant état de la découverte, dans la réserve du magasin, des objets déclarés initialement volés et de produits de beauté (mascara, crème, eau de toilette) dont une partie impropre à la vente,

– des photographies,

– un procès-verbal de constat dressé le 7 septembre 2018 par Me [J] [N], huissier de justice à [Localité 4],

– la copie d’un document intitulé ” règlement intérieur de la société Auchan France ” et daté du 1er décembre 2012,

– la copie d’un document intitulé ” prérequis à la mise en place de la journée type canal hypers France “,

– un document intitulé ” grille d’amélioration continue d’excellence opérationnelle 2.0 “,

– la copie des procès-verbaux de la réunion du Chsct des 23 avril 2010, 25 juin 2010, 20 mai 2009.

L’employeur soutient, par ailleurs, qu’à l’audience du Conseil de prud’hommes du 3 juin 2021, le salarié aurait reconnu le déroulement des faits tels que décrits par l’huissier de justice, dans le procès-verbal de constat.

Sur ce dernier point, la Cour relève que le plumitif d’audience, renseigné par le greffier d’audience, qui certifie, seul, les débats, indique, s’agissant des déclarations de Monsieur [E] :

” Sur les coques présentées, Monsieur [E] déclare qu’elles étaient intactes, je les ai déposées dans un endroit spécial. Sur l’accès à la réserve, elle est ouverte pour tout le monde à partir de 4 heures du matin, et c’est le coordinateur qui y va avec éventuellement une personne qui doit y chercher quelque chose. Ce jour-là, j’étais coordinateur. Monsieur [G] était avec moi dans la réserve. Ce matériel je l’ai déposé dans la réserve dans un caddie spécial. Les objets trouvés devaient être dans un caddie dans la réserve “.

Monsieur [D] [E] sollicite que le procès-verbal de constat soit écarté des débats comme ne respectant pas le principe du contradictoire, pour être illisible, les photographies ne permettant pas de voir qui est présent.

La Cour dispose d’un exemplaire dudit procès-verbal avec des photographies en couleur. Le caractère lisible au non des photographies est sans rapport avec une éventuelle violation du principe de la contradiction, mais est relatif à la force probante des photographies produites. Dès lors que le procès-verbal a été transmis, avec photographies, au conseil de Monsieur [D] [E], il n’y a pas de violation du principe de la contradiction.

Monsieur [D] [E] soutient, par ailleurs, que ledit procès-verbal a été établi au vu d’un système de vidéo-surveillance, mis en place, illégalement, en l’absence de preuve de la consultation préalable du Comité d’entreprise, et de l’information personnelle des salariés, en tout état de cause, de sa propre information.

Il résulte des articles 6 et 8 de la convention de sauvegarde de droits de l’homme et des libertés fondamentales que l’illicéité d’un moyen de preuve n’entraîne pas nécessairement son rejet des débats, le juge devant, lorsque cela lui est demandé, apprécier si l’utilisation de cette preuve a porté atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit au respect de la vie personnelle du salarié et le droit à la preuve, lequel peut justifier la production d’éléments portant atteinte à la vie personnelle d’un salarié à la condition que cette production soit indispensable à l’exercice de ce droit et que l’atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi (Cass. Ch. Soc. 8 mars 2023 n°21-17.802, publié au bulletin).

En l’espèce, compte tenu des risques connus de vols, dans un supermarché, que ce soit dans les rayons, ou dans la réserve, d’une présence très limitée des personnels en début de matinée, avant ouverture du magasin, la production d’extraits issus de la vidéo-surveillance n’a pas porté atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, la production d’une extraction de la vidéo-surveillance apparaissant, en l’espèce, indispensable à l’exercice du droit de la preuve et l’atteinte, au droit au respect de la vie personnelle du salarié, apparaissant strictement proportionnée au but poursuivi, alors que la vie personnelle du salarié est limitée, en l’espèce, à l’exercice, dans les locaux, stricto sensu, du magasin, de son activité professionnelle.

Les premiers juges, ayant omis, au dispositif de leur décision, de statuer sur la demande du salarié que soit écarté, des débats, le procès-verbal de constat, la Cour, ajoutant au jugement, déboutera Monsieur [D] [E] de cette demande.

Appréciant la force probante de ce document, la Cour relève que l’huissier de justice a porté des descriptions des photographies extraites qui ne peuvent être confirmées à la vue desdites photographies, et qui font preuve d’une appréciation non limitée à la description matérielle des faits.

Il en ainsi des dissimulations, invoquées par l’huissier de justice, en page 19 et 21, du procès-verbal, et de la personne, apparaissant sur la photographie 1 en page 36.

La définition de l’image et l’absence de couleur de cette dernière photographie ne permet pas de considérer que la personne, jetant un carton dans la benne, à 4 h 21 : 30, est la même personne qui a apporté des objets dans la réserve.

Par ailleurs, si l’huissier de justice a mentionné, page 39, qu’un employé ” va récupérer dans la benne le carton jeté un peu plus tôt “, les horaires, mentionnés sous les images, permettent de relever que plus de 2 heures se sont déroulées entre le moment où une personne a jeté un carton dans la benne et le moment où un employé a récupéré un carton dans la benne.

Il ne résulte d’aucun élément probant que l’employé, ayant récupéré un carton dans la benne, contenait les emballages (coques vides) des 3 objets, découverts le lendemain, en réserve.

La lettre de licenciement fait état que le carton, récupéré par l’agent de sécurité, contenait 3 coques vides d’une valeur de 15 euros chacune, alors que la plainte pénale, du 6 septembre 2018, déposée par Monsieur [Z] [C] au Commissariat central de [Localité 4], fait état de la découverte d’un emballage du micro Usb et de 2 coques sans les emballages.

L’employeur ne produit ni l’audition, ni une attestation de témoin de l’employé, qui a récupéré ce carton, permettant d’en déterminer le contenu.

Cette pièce était d’autant plus importante que le salarié produit une attestation de témoin de Monsieur [X] [G] selon laquelle ce dernier a été appréhendé, avec Monsieur [D] [E], par le personnel de surveillance qui leur a présenté 2 coques en affirmant que Monsieur [D] [E] les avait jetées, alors que le carton, que Monsieur [D] [E] a jeté, contenait des boîtes de crabe ouvertes, Monsieur [G] précisant avoir accompagné Monsieur [D] [E] en réserve le jour même et que le carton, qui était situé sur le tire palette, avait été posé, par Monsieur [D] [E], en réserve saisonnier.

L’employeur conteste la force probante de cette attestation de témoin au motif que Monsieur [G] n’apparaît pas sur les images de la vidéo-surveillance.

Toutefois, il résulte de la mention, page 34 du procès-verbal de constat, que les caméras ne visionnent pas l’intégralité de la réserve, la personne suivie ayant disparu de la caméra pendant plus de 5 minutes, entre 4 h 15 :30 et 4 h 20 :37, de telle sorte que Monsieur [G] a pu se trouver dans la réserve avec Monsieur [D] [E] et que la force probante de son attestation ne peut être écartée.

Les photographies, en pièce n°3 de l’employeur, ne justifient pas plus que Monsieur [D] [E] aurait commis un vol ou une tentative de vol, alors qu’il est un fait constant que plusieurs salariés ont accès à la réserve.

La plainte pénale a fait l’objet d’un classement sans suite au motif : “auteur inconnu ” des faits dénoncés. Si un tel classement n’a pas pour effet de lier le juge prud’homal, sur son appréciation des éléments produits par les parties, ce classement sans suite vient confirmer que les extraits de la vidéo-surveillance n’ont pas permis d’attribuer les faits de vol aggravé (ou tentative de vol aggravé) à Monsieur [D] [E], qui n’a reconnu que partiellement le déroulement des faits, tels que décrits par l’huissier de justice, dans le procès-verbal de constat.

Enfin, s’agissant du défaut de respect des procédures en vigueur, comme invoqué par Monsieur [D] [E], l’employeur ne justifie pas que le document, produit, à savoir les ” prérequis à la mise en place de la journée type canal hypers France ” ait été soumis au salarié, avant les faits, et accepté par ce dernier, de telle sorte qu’en amenant des objets en réserve, Monsieur [D] [E], aurait commis une faute dans l’exercice de ses fonctions.

Il en résulte que l’employeur ne rapporte pas la preuve d’une faute grave, et, qu’en outre, aucun manquement du salarié, à ses obligations contractuelles, tel qu’indiqué dans la lettre de licenciement, n’est établi.

II. Sur la nullité du licenciement et l’appel incident

Il résulte des articles 542 et 954 du code de procédure civile que lorsque l’appelant ne demande dans le dispositif de ses conclusions, ni l’infirmation des chefs du dispositif du jugement dont il recherche l’anéantissement ni l’annulation du jugement, la Cour d’appel ne peut que confirmer le jugement.

Cette règle vaut tant pour l’appelant principal que pour l’appelant incident (Cass. Civ. 2ème 1er juillet 2021 n°20-10.694).

Or, en l’espèce, les dernières écritures de Monsieur [D] [E] ne comporte aucune demande d’infirmation du jugement entrepris, mais uniquement une demande de confirmation partielle dudit jugement, sans précision, Monsieur [D] [E] reprenant, pour le surplus, pour l’essentiel, ses demandes de première instance.

Toutefois, la Cour relève que les premiers juges ont omis de statuer, au dispositif de leur décision, sur la demande, de Monsieur [D] [E], de nullité du licenciement, et qu’en raison de l’appel, seule la Cour a qualité pour statuer sur cette omission de statuer.

Monsieur [D] [E] soutient que son licenciement, abusif, est une mesure visant à l’évincer alors qu’il faisait usage de sa liberté d’expression, prévue par l’article L 2281-1 du code du travail, de telle sorte que le licenciement serait nul.

D’une part, la lettre de licenciement ne comporte aucun motif qui serait lié à une contestation ou l’expression du salarié sur son lieu de travail ou à l’extérieur, d’autre part, aucun fait matériel, de contestation du salarié, ou remarque de ce dernier, adressée à ses supérieurs hiérarchiques, entre l’avertissement du 12 juillet 2017 et l’engagement de la procédure de licenciement, n’est établi et pourrait confirmer une intention cachée de l’employeur de se débarrasser d’un salarié exerçant une liberté d’expression gênante pour l’employeur.

L’attestation de Monsieur [X] [G], sur ce point, est rédigée en termes généraux, non circonstanciés, (” il n’était pas aimé par sa direction car il disait toujours les choses qui n’allaient pas au magasin et ça, ses supérieurs ne le supportaient pas. Je pense que tout ça est un coup monté pour pouvoir le licencier “) et fait état d’une appréciation subjective, de telle sorte que la force probante de cette attestation, quant au caractère gênant, pour l’employeur, de Monsieur [D] [E], au regard de déclarations de ce dernier, ne peut être retenue.

Ajoutant au jugement entrepris, la Cour déboutera, dès lors, Monsieur [D] [E] de sa demande de nullité du licenciement, et au regard des motifs supra, le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu’il a dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Pour le surplus, s’agissant de la demande de liquidation d’astreinte, dont le salarié a été débouté, pour le motif rappelé ci-dessus, la Cour ne peut que confirmer le rejet.

III. Sur les indemnisations

A. Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Le salarié fait état d’un salaire moyen de référence de 2 426, 57 euros bruts.

Ce montant n’est pas discuté par l’employeur.

Le salarié justifie, par la production des bulletins de paie de janvier à juillet 2019, d’un nouvel emploi, dans le cadre de missions intérimaires, à compter du 2 janvier 2019, et de la perception d’un salaire mensuel brut moyen, sur cette période, de 1 641, 68 euros.

Par ailleurs, il justifie percevoir l’aide au retour à l’emploi, depuis au moins le 1er février 2021 jusqu’au 17 janvier 2022, à hauteur en moyenne de 109, 30 euros.

Au regard de l’article L 1235-3 du code du travail, de l’emploi par la Sas Auchan Hypermarché, de plus de 11 salariés, de l’ancienneté (25 ans) du salarié, de son âge, au moment du licenciement (46 ans), et du préjudice subi, la Cour évalue les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 35 000 euros bruts.

En conséquence, le jugement entrepris sera infirmé sur le quantum de la somme retenue.

B.Sur l’indemnité compensatrice de préavis et des congés payés y afférents

Compte tenu du salaire moyen de référence, les premiers juges ont fait une juste évaluation de l’indemnité compensatrice de préavis et des congés payés y afférents.

C. Sur l’indemnité de licenciement

Il en est de même s’agissant de l’indemnité de licenciement accordée par les premiers juges.

D. Sur les dommages et intérêts pour conditions (ou caractère) vexatoires et brutalité de la rupture

Monsieur [D] [E] invoque qu’il a été séquestré, par son employeur, pendant plus de 3 heures 40 en étant confiné au poste de sécurité, qu’il a été évincé brutalement sans la possibilité de s’exprimer sur les faits, que l’employeur l’a laissé dans l’incertitude quant à une éventuelle sanction pendant près d’un mois, et que ces conditions l’ont placé dans un épisode dépressif aigu.

Toutefois, Monsieur [D] [E] ne rapporte pas la preuve d’une séquestration, par les services de sécurité du magasin, pendant 3 heures 40, sa déclaration de main courante du 12 septembre 2018, faite 6 jours après les faits invoqués, alors qu’il faisait l’objet d’une convocation à un entretien préalable à une mesure éventuelle de licenciement, ne faisant que rapporter ses propres propos.

L’attestation de témoin, de Monsieur [X] [G], faisant état d’une retenue de Monsieur [D] [E] pendant plus de 4 heures, est démentie par les termes de la déclaration de main courante précisant que Monsieur [G] avait été relâché au bout d’une heure, de telle sorte que Monsieur [G] ne peut attester d’une retenue de 4 heures à défaut d’autres éléments.

Une retenue d’environ une heure, juste après les faits invoqués par les services de sécurité, n’apparaît pas déraisonnable pour présenter au salarié les faits et l’entendre sur des faits de vol aggravé ou tentative de vol qui se seraient déroulés quelques heures avant.

Par ailleurs, la décision de mise à pied à titre conservatoire, dans l’attente de l’issue de la procédure disciplinaire, n’est que l’exercice d’un droit par l’employeur, et il n’est pas justifié que ce droit ait dégénéré en abus au regard des éléments alors rapportés par les services de sécurité à l’employeur.

Il en est de même du délai pour l’employeur entre l’entretien préalable et la notification du licenciement, et plus généralement du délai de la procédure de licenciement.

Enfin, le lien de causalité entre la dépression de Monsieur [D] [E], établie par un arrêt de travail, non déclaré comme ayant une origine professionnelle, du 4 octobre 2018, et par le certificat du Dr [T], psychiatre, du 23 novembre 2018, et le licenciement, n’est pas établie.

En conséquence, le jugement entrepris sera infirmé en ce qu’il a condamné l’employeur à payer la somme de 2 000 euros, à ce titre, la Cour déboutant le salarié de sa demande d’indemnisation.

IV. Sur le rappel de salaires correspondant à la période de mise à pied à titre conservatoire et aux congés payés y afférents

Compte tenu des bulletins de paie des mois de septembre et octobre 2018, les premiers juges ont fait une juste application de la loi, tirant les conséquences de leur décision, quant au licenciement sans cause réelle et sérieuse, en condamnant l’employeur au paiement des sommes de 1 466, 08 euros bruts et 146, 60 euros bruts.

Au regard du présent arrêt, le jugement sera confirmé sur ce rappel de salaires.

V. Sur la remise des bulletins de paie et documents de fin de contrat

La Sas Auchan Hypermarché sera condamnée à remettre à Monsieur [D] [E] les bulletins de paie des mois de septembre et octobre 2018, un certificat de travail, un solde de tout compte et une attestation destinée à Pôle Emploi, conforme au présent arrêt, et, ce, à compter de la signification de l’arrêt qui lui sera faite.

Il n’y a pas lieu à astreinte provisoire, en l’état.

VI. Sur le remboursement à Pole Emploi

Aux termes de l’article L 1235-4 du code du travail, dans les cas prévus aux articles L 1132-4, L 1134-4, L 1144-3, L 1152-3, L 1152-4, L 1235-3, et L 1235-11, le juge ordonne le remboursement par l’employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage par salarié intéressé ;

Ce remboursement est ordonné d’office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l’instance ou n’ont pas fait connaître le montant des indemnités versées, ce qui est le cas en l’espèce.

Dès lors, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a ordonné ledit remboursement dans la limite, en l’espèce, de 6 mois.

VII. Sur les demandes annexes

Le jugement entrepris sera confirmé en ses dispositions relatives au frais irrépétibles et aux dépens.

Succombant pour l’essentiel, la Sas Auchan Hypermarché sera condamnée aux dépens d’appel.

Pour le même motif, la Sas Auchan Hypermarché sera condamnée à payer à Monsieur [D] [E] la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés à hauteur d’appel.

La demande, de la Sas Auchan Hypermarché, à ce titre, sera rejetée.

PAR CES MOTIFS

La Cour, Chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement du 9 septembre 2021du Conseil de prud’hommes de Strasbourg SAUF en ses dispositions relatives :

– aux dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– aux dommages et intérêts pour licenciement abusif et vexatoire (caractère vexatoire et brutal) ;

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

DEBOUTE Monsieur [D] [E] de sa demande d’écart des débats du procès-verbal de constat d’huissier de justice du 7 septembre 2018 ;

DEBOUTE Monsieur [D] [E] de sa demande de nullité de son licenciement ;

CONDAMNE la Sas Auchan Hypermarché à payer à Monsieur [D] [E] la somme de 35 000 euros bruts (trente cinq mille euros), à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

DEBOUTE Monsieur [D] [E] de sa demande de dommages et intérêts pour caractère vexatoire et brutal de la rupture de son contrat ;

CONDAMNE la Sas Auchan Hypermarché à remettre à Monsieur [D] [E] les bulletins de paie des mois de septembre et octobre 2018, un certificat de travail, un solde de tout compte et une attestation destinée à Pôle Emploi, conforme au présent arrêt, et, ce, à compter de la signification de l’arrêt qui lui sera faite ;

DEBOUTE Monsieur [D] [E] de sa demande d’astreinte ;

CONDAMNE la Sas Auchan Hypermarché à payer à Monsieur [D] [E] la somme de 2 000 euros (deux mille euros) au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés à hauteur d’appel ;

DEBOUTE la Sas Auchan Hypermarché de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés à hauteur d’appel ;

CONDAMNE la Sas Auchan Hypermarché aux dépens d’appel.

Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le 19 septembre 2023, signé par Madame Christine Dorsch, Président de Chambre et Madame Corinne Armspach-Sengle, Greffier.

Le Greffier, Le Président,

 


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