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ND/PR
ARRÊT N° 561
N° RG 21/01496
N° Portalis DBV5-V-B7F-GISM
S.A.S. SAUTEL DISTRIBUTION
C/
[B]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE POITIERS
Chambre Sociale
ARRÊT DU 16 NOVEMBRE 2023
Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 avril 2021 rendu par le conseil de prud’hommes de LA ROCHELLE
APPELANTE :
S.A.S. SAUTEL DISTRIBUTION
Exerçant sous l’enseigne Centre Leclerc
N° SIRET : 316 238 989
[Adresse 1]
[Localité 3]
Ayant pour avocat postulant Me Jérôme CLERC de la SELARL LEXAVOUE POITIERS-ORLÉANS, avocat au barreau de POITIERS
Ayant pour avocat plaidant Me Brigitte LOOTEN substituée par Me Marie GIRINON de la SELAS FIDAL, avocats au barreau de BORDEAUX
INTIMÉ :
Monsieur [A] [B]
né le 18 mars 1995 à [Localité 3] (17)
[Adresse 2]
[Localité 3]
Ayant pour avocat Me Olivier DUNYACH de la SCP ELIGE LA ROCHELLE-ROCHEFORT, avocat au barreau de LA ROCHELLE- ROCHEFORT
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 20 septembre 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente
Madame Ghislaine BALZANO, Conseillère
Monsieur Nicolas DUCHATEL, Conseiller
qui en ont délibéré
GREFFIER, lors des débats : Madame Patricia RIVIÈRE
ARRÊT :
– CONTRADICTOIRE
– Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
– Signé par Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente, et par Madame Patricia RIVIERE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE :
Par contrat de travail à durée déterminée et à temps partiel daté du 12 mars 2016 prenant effet le 14 mars 2016, M. [A] [B] a été embauché par la société SAS Sautel Distribution en qualité d’employé commercial au sein de son établissement sous l’enseigne Leclerc, au niveau II échelon 1.
Les relations contractuelles se sont poursuivies dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet à compter du 29 août 2016 sur un poste d’employé libre service polyvalent, pour un salaire brut mensuel de 1.564,31 euros.
Par lettre remise en main propre le 9 mars 2019, la société Sautel Distribution a convoqué M. [B] à un entretien préalable à un éventuel licenciement prévu le 20 mars 2019, puis lui a notifié son licenciement pour cause réelle et sérieuse par courrier recommandé en date du 5 avril 2019, en lui reprochant notamment une totale démotivation se traduisant notamment par un comportement totalement inapproprié.
Par requête du 5 décembre 2019, M. [B] a saisi le conseil de prud’hommes de La Rochelle afin de contester son licenciement.
Par jugement du 26 avril 2021, le conseil de prud’hommes de La Rochelle a :
dit que le licenciement de M. [B] est sans cause réelle et sérieuse,
condamné la société Sautel Distribution à verser à M. [B] la somme de 5.270,61 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
condamné la société Sautel Distribution à payer à M. [B] la somme de 1.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement en raison des circonstances brutales et vexatoires,
condamné la société Sautel Distribution à verser à M. [B] la somme de 1. 200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
prononcé l’exécution provisoire du jugement,
débouté la société Sautel Distribution de toutes ses demandes,
condamné la société Sautel aux entiers dépens.
La société Sautel Distribution a interjeté appel de cette décision par déclaration électronique en date du 7 mai 2021.
Par conclusions datées du 8 décembre 2021, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens, la société Sautel Distribution demande à la cour de :
la déclarer recevable et bien fondée en son appel,
infirmer en toutes ses dispositions le jugement du conseil de prud’hommes de La Rochelle en date du 26 avril 2021 et notamment en ce qu’il juge sans cause réelle et sérieuse le licenciement de M. [B] et la condamne à verser les sommes de 5.270,61 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 1.000 euros à titre de dommages et intérêts pour les circonstances brutales et vexatoires entourant le licenciement et 1.200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
juger que le licenciement de M. [B] est justifié par l’existence d’une cause réelle et sérieuse,
débouter M. [B] de l’intégralité de ses prétentions indemnitaires,
débouter Monsieur [B] de son appel incident,
condamner M. [B] à lui verser la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
La SAS Sautel Distribution soutient notamment que M. [B] a fait preuve d’un comportement particulièrement délétère dès son embauche définitive, tant dans l’exécution de son travail que dans ses relations avec ses collègues et sa hiérarchie, qu’il se désintéressait volontairement de ses missions en se dissimulant en journée pour éviter de réaliser ses tâches, qu’il se moquait des autres membres du personnel en tenant des propos racistes, sexistes, des insultes et des sobriquets méprisants, qu’il proposait souvent à ses collègues d’aller ‘régler le problème sur le parking’ dès qu’une remarque lui déplaisait, qu’il pouvait même ralentir ses collègues volontairement dans la réalisation de leurs tâches. L’employeur soutient que le 8 mars M. [B] a jeté un carton au pied de M. [S] au lieu de le mettre à la poubelle et qu’il s’agissait d’une énième provocation à son égard. L’employeur relève qu’il a souhaité donner une chance au salarié d’amender son comportement et qu’il n’a réagi que devant le constat de son incapacité à reprendre une attitude conforme à ses obligations. Il ajoute que le salarié refusait d’effectuer la moindre heure supplémentaire pour pallier ses carences et que ses collègues étaient obligés de prendre le relai, ce qui a été à l’origine d’une ambiance de travail détestable à tel point que son comportement a été dénoncé par 18 salariés dont les attestations sont produites aux débats. L’employeur ajoute enfin que la poursuite par un salarié d’un comportement fautif autorise l’employeur à se prévaloir de faits similaires antérieurs même non sanctionnés.
Dans ses dernières conclusions, transmises au greffe et notifiées par le réseau privé virtuel des avocats le 27 septembre 2021, auxquelles il est expressément fait référence, M. [B] sollicite de la cour qu’elle :
confirme le jugement du conseil de prud’hommes de La Rochelle en date du 26 avril 2021 en ce qu’il a jugé que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse et condamné la société Sautel Distribution à lui verser la somme de 1.200 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
le réforme pour le surplus,
condamne la société Sautel Distribution à lui verser les sommes de 7.024 euros de dommages et intérêts au titre de son préjudice économique, 10.000 euros de dommages et intérêts au titre de son préjudice moral et 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
fixe le salaire mensuel de référence à 1.756,87 euros brut,
condamne la société Sautel Distribution aux entiers dépens.
M. [B] soutient notamment que la société Sautel Distribution fait référence à deux épisodes totalement infondés ainsi qu’à des prétendus désaccords avec des collègues injustifiés. Il soutient ainsi qu’il n’a jamais jeté de carton en direction de son collègue M. [S], que celui-ci l’a traité de ‘petit con’ et qu’il n’a pas réagi à cette insulte, que M. [S] n’était pas son supérieur hiérarchique et qu’il ne pouvait pas lui donner de consigne, que ce seul motif n’est pas sérieux et ne serait pas suffisamment grave pour rendre impossible la continuation du travail et fonder un licenciement. Il indique également qu’il a contesté avoir tenu les propos racistes allégués et que ces faits datent de deux ans, qu’il s’en était expliqué avec son responsable et qu’ils ne peuvent justifier son licenciement. Il soutient que les désaccords évoqués dans ses relations avec Mme [H] datent de l’été 2018, qu’ils ne peuvent pas justifier une décision de licenciement prise 9 mois après, qu’il n’était pas responsable des difficultés rencontrées par cette collègue et qu’il n’a pas rencontré de difficultés majeures avec Mme [C]. Il affirme qu’il a toujours correctement effectué sa tâche sans n’avoir jamais eu aucun reproche et que les griefs allégués ne sont qu’un prétexte pour dissimuler la véritable cause de son licenciement, qui réside dans le fait qu’il a fini par refuser d’effectuer des heures supplémentaires dans la mesure où l’employeur imposait qu’elles soient majoritairement récupérées. M. [B] relève enfin que les attestations produites ne mentionnent pas certains des griefs allégués, qu’elles font état de reproches vagues et généraux, qu’il ne lui est reproché aucun fait précis et matériellement vérifiable et que leurs auteurs sont soumis à l’employeur par un lien de subordination qui prive les attestations de toute valeur probante, alors qu’il n’a jamais fait l’objet d’un avertissement ou d’une mise au point.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 21 février 2023.
A l’issue des débats, l’affaire a été mise en délibéré par mise à disposition au greffe à la date du 16 novembre 2023.
MOTIVATION
1. Sur la rupture du contrat de travail
Il résulte des dispositions des articles L1232-1 et L1235-1 du code du travail que tout licenciement doit être justifié par une cause réelle et sérieuse et qu’en cas de litige sur les motifs du licenciement d’un salarié, il appartient au juge d’apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur et de former sa conviction au vu des éléments fournis par les parties et au besoin après toutes mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.
En l’espèce, la lettre de licenciement de M. [B] est formulée de la manière suivante :
‘Nous avons pu constater depuis quelques mois une totale démotivation qui se traduit notamment par un comportement totalement inapproprié.
Ainsi par exemple, le vendredi 8 mars en début d’après-midi, vous avez eu une altercation avec votre collègue M. [S] au sujet d’un carton vide que vous auriez jeté à ses pieds plutôt que de le casser et le mettre dans le chariot destiné à la presse à carton. M. [S] vous a interpellé mais vous avez préféré continuer votre route au lieu de ramasser le carton et ainsi calmer la situation. C’est donc M. [S] qui a jeté votre carton.
M. [Z], responsable du drive, vous a reçu à plusieurs reprises pour entre autres :
des propos racistes envers une intérimaire : en effet cette intérimaire s’est plainte en pleurs auprès de M. [Z] de vos propos type ‘sale noir’ ou gestes à connotations racistes qui sont inacceptables. Suite à cela M. [Z] vous a demandé de cesser immédiatement un tel comportement.
des désaccords réguliers avec Mme [H], votre ex-coéquipière sur le robot ‘Kardex’ qui se plaignait de votre manque de rythme et qui ne souhaitait plus vous entendre vous plaindre de l’entreprise. M. [Z] vous a reçu et vous a changé de coéquipière, en la personne de Mme [C].
des désaccords également avec Mme [C] qui à son tour est venue me demander de faire quelque chose à votre sujet car il devenait compliqué de continuer de travailler avec vous car une nouvelle fois votre esprit négatif et votre manque de dynamisme était devenu insupportable. M. [Z] vous a donc transféré sur un poste où vous ne travaillez pas en binôme afin d’ éviter tout nouveau problème avec d’autres collaborateurs. Mais là encore des conflits comme le dernier avec M. [S] sont apparus.
Travailler au drive est un travail d’équipe, l’ensemble des collaborateurs doivent être dans la même mouvance. Il peut arriver certains écarts mais nous pensons que vous concernant nous sommes arrivés à un degré de non retour.
Ce manque de motivation pour le poste se retrouve dans vos propos puisque vous m’avez informé ce 1er avril 2019 à 14h30 lorsque je vous ai demandé si vous souhaitiez une rupture conventionnelle que vous préfériez partir quand vous aurez trouvé un autre poste mais que pour le moment vous restiez là’
Vous comprendrez que nous ne pouvons plus accepter une telle situation c’est pourquoi l’ensemble de ces faits nous amène à vous notifier par la présente votre licenciement pour cause réelle et sérieuse.’
Le conseil de prud’hommes a retenu que le licenciement de M. [B] était sans cause réelle et sérieuse en considérant que si les attestations produites par l’employeur démontraient l’état d’esprit de M. [B], elles ne démontraient pas ‘des fautes consécutives à un licenciement’.
L’employeur produit 18 attestations établies par des salariés de l’entreprise, ex-collègues de M. [B].
M. [S], mentionné dans la lettre de licenciement, atteste ainsi que ‘M. [B] n’arrêtait pas de me provoquer, plusieurs exemples : au niveau des balles à cartons après que j’ai balayé, M. [B] passait pour mettre ses cartons dans la balle et laissait trainer toute sorte de cartons par terre pour me provoquer. Il passait dans l’allée avec un transpalette et faisait exprès de traîner pour m’empêcher de passer et en même temps des insultes de sa part ‘Tu me fais chier’, ‘Tu attendras le vieux’, et l’entendant souvent insulter par des mots vulgaires envers mes collègues ‘Toi tu es un con’, ‘Si je te plais pas casse toi de là’, il m’empêchait même de travailler en prenant des clefs de mon outil de travail et débranchait la batterie de celui-ci. Le dernier exemple en date : me jeter un carton à mes pieds et me dire ‘Tu le ramasseras’. Il n’arrêtait pas de se moquer de moi, aucun respect pour moi-même ni l’enseigne Leclerc que je cotoie depuis 1991.’
Mme [K], déléguée du personnel au moment des faits, atteste qu’elle a pu visionner lors de l’entretien préalable, au cours duquel elle assistait M. [B], les images de vidéosurveillance de l’établissement prises lors de l’altercation entre M. [B] et M. [S] le 8 mars 2020, et elle indique qu’elle a constaté que M. [B] jetait un carton vide derrière M. [S], en attendant visiblement une réaction de sa part, et qu’un échange qui semblait vif s’en est suivi, à l’issue duquel M. [S] a ramassé le carton pour le jeter.
Mme [H] atteste qu’elle a travaillé en binôme avec M. [B] pendant 6 mois et qu’elle a constaté son absence d’esprit d’équipe, sa nonchalance, le fait qu’il répondait ‘sur un mauvais ton’ et qu’il ‘gênait les autres collègues en mettant ses cartons sur les frigos ou à jeter ses cartons d’un air désinvolte et aller voir ailleurs l’air de rien’. Elle indique qu’il allait ‘se balader dans l’entrepôt ou discuter avec un tel ou un tel pendant plusieurs minutes, dénigrait ou se moquait de ses collègues ouvertement’ et qu’elle a fini par ne plus supporter ‘son comportement intolérable’, ce qui l’a conduit à demander à M. [Z] de changer de poste.
Mme [C], également mentionnée dans la lettre de licenciement atteste du fait que M. [B] ‘n’hésitait pas à se moquer de nos collègues ouvertement’, qu’il ‘est devenu très nonchalant, toujours à se plaindre et trainer les pieds au sens propre’, et elle ajoute que fin décembre 2018 ou début janvier 2019, M. [B] n’a pas accepté de rester à son poste au-delà de l’horaire contractuel à la suite d’une panne informatique, ce qui a posé des problèmes aux livreurs et l’a contrainte à gérer seule plusieurs difficultés, la salariée précisant ‘c’était la goutte d’eau pour moi, je suis partie en colère et ai envoyé à message à une collègue lui demandant de m’excuser auprès des reponsables (…)’, et ajoutant qu’à la suite de cet incident, ‘[A] a donc été mis en poste de livreur, il est devenu plus nonchalant qu’il ne l’avait jamais été au travail, on aurait dit qu’il faisait exprès pour gâcher les statistiques (…) Il énervait tous les livreurs car eux se donnaient à fond afin de fournir un service parfait alors que lui faisait complètement tâche au milieu’. S’agissant de l’altercation avec M. [S], la salariée indique ‘ce jour là [A] a fait en sorte de faire sortir de ses gonds [E] [S]. Tout simplement au lieu de casser ses cartons vides et de les mettre sur le roll prévu à cet effet, il les a jetés aux pieds de [E]. A force d’accumuler les petits accrochages entre eux deux, cette fois là a été celle de trop pour [E] qui a fermement vidé son sac en lui criant dessus’.
M. [Z], responsable hiérarchique du salarié, atteste du fait que ‘M. [B] mettait beaucoup de mauvaise volonté que ce soit au milieu de son travail ou de ses relations avec ses collègues ou ses supérieurs, testant parfois les limites de tous en faisant répéter une consigne de base, en demandant à de très nombreuses reprises l’intérêt de telle ou telle procédure, en faisant exprès de ne pas respecter une consigne pour ensuite s’en dédouaner au motif qu’il ne savait pas ou que ce n’était pas lui, en demandant à de très nombreuses reprises l’heure qu’il était … par petites touches qui amènent à l’épuisement et agacement tant de ses collègues que de l’encadrement’. M. [Z] explique ensuite dans son témoignage qu’il a été tenu d’affecter le salarié sur un poste sur lequel il était plus autonome et travaillait en binôme avec Mme [H] ‘afin de calmer relativement les tensions avec le reste de l’équipe’, jusqu’à ce que celle-ci vienne le voir en lui demandant de changer de poste car il lui était devenu ‘insupportable’ de travailler avec M. [B]. Il indique que Mme [C], qui a succédé à Mme [H], a également sollicité un changement de poste quelques mois plus tard, ‘indiquant ne plus supporter la nonchalance de M. [B] et sa démotivation permanente’.
Les autres attestations produites ne font que confirmer les difficultés posées par le comportement adopté par M. [B] au sein de l’entreprise. Ainsi, Mme [J] indique que M. [B] n’avait ‘aucun esprit d’équipe’, ‘nous amenait à prendre du retard sur les journées de travail’, ‘il se cachait dans les toilettes pour passer des commandes’, ‘il prenait les gens de haut en les rabaissant plus bas que terre’. M. [G] atteste des ‘nombreuses tensions pour lesquelles M. [B] en était très souvent à l’origine’, ‘un jour agacé je lui ai fait remarquer son geste déplacé en lui figurant qu’on ne réglait pas ses problèmes avec son entreprise de cette manière, piqué dans son jeu, il m’a provoqué en me proposant de régler cette histoire sur le parking’. Mme [X] atteste avoir remarqué ‘son envie de mettre à dos les employés les uns contre les autres’ et sa ‘méchanceté gratuite envers certaines personnes (homosexuel, couleur de peau ou de part leur physique)’, et que ‘depuis que M. [B] ne fait plus partie de l’entreprise, l’ambiance est bien plus agréable et moins oppressante’. M. [O] atteste qu’il a entendu M. [B] prononcer ‘des propos racistes envers une employée (…) qui avait été très affectée par ces paroles’, et qu’il ‘cherchait à pousser à bout tous les responsables en critiquant leur façon de travailler dont la mienne’. M. [L] atteste qu’il a vu M. [B] en train de discuter alors qu’il y avait beaucoup de commandes et qu’on lui demandait un renfort au service livraison, qu’il a alors interpellé M. [B] pour lui demander de se remettre à travailler et que celui-ci lui a rétorqué ‘tu veux qu’on aille sur le parking s’expliquer”.
M. [V], ancien responsable adjoint du service dans lequel travaillait M. [B], qui a établi son attestation alors qu’il n’était plus salarié de la société, confirme les éléments d’information fournis par M. [Z] quant à la nécessité de changer M. [B] de service à plusieurs reprises en raison du comportement qu’il adoptait, ajoute que M. [B] ‘n’était pas performant au poste de livreur en comparaison de ses collègues malgré le résultat des statistiques, que ses relations avec les autres livreurs étaient mauvaises, que son attitude produisait une surcharge de travail que ses collègues devaient absorber, et qu’il adoptait une attitude provocatrice envers plusieurs personnes pour les pousser à la faute’.
Les témoignages produits par l’employeur ne peuvent être considérés comme étant faits par complaisance au seul motif qu’ils émanent de personnes ayant des liens avec l’employeur sans éléments objectifs de nature à pouvoir suspecter leur sincérité.
Ces attestations sont ainsi très circonstanciées et personnalisées, et aucun élément ne permet de douter de la crédibilité de ces témoignages, nonobstant le lien de subordination liant tous leurs auteurs, à l’exception notable de M. [V], à l’employeur.
Le contenu de ces attestations permet d’établir la réalité de l’ensemble des griefs visés dans la lettre de licenciement, et l’existence du comportement prêté au salarié, consistant dans des provocations à l’égard de certains collègues, des propos inappropriés, un manque d’investissement et des difficultés relationnelles récurrentes avec ses coéquipiers à l’origine de tensions nécessitant des changements de poste ou un surinvestissement des collègues, le tout perturbant la bonne marche de l’entreprise, jusqu’à la survenance d’une altercation avec M. [S] le 8 mars 2020 à la suite d’une nouvelle provocation de M. [B].
Au regard de l’ensemble de ces éléments, l’employeur a pu considérer au lendemain de l’altercation avec M. [S] que le comportement inapproprié adopté par M. [B], qui perdurait malgré plusieurs rappels à l’ordre et changements de poste de travail, constituait une cause réelle et sérieuse de licenciement, et son seul positionnement à l’égard des heures supplémentaires est étranger à cette décision de rompre son contrat de travail.
En conséquence, il convient par infirmation de toutes les dispositions du jugement entrepris de considérer que le licenciement de M. [B] pour cause réelle et sérieuse est fondé et de débouter celui-ci de ses demande de dommages-intérêts, que ce soit au titre de son préjudice économique ou de son préjudice moral.
2. Sur les demandes accessoires
Les dépens seront supportés par la partie succombante, M. [B].
Il n’y pas lieu en équité de faire droit aux demandes des parties fondées sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Infirme le jugement du conseil de prud’hommes de La Rochelle en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau,
Dit que le licenciement de M. [A] [B] repose sur une cause réelle et sérieuse ;
Déboute Monsieur [A] [B] de toutes ses demandes ;
Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne Monsieur [A] [B] aux dépens de première instance et d’appel.
LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,