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Vidéosurveillance : 16 novembre 2023 Cour d’appel de Pau RG n° 21/01134

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Vidéosurveillance : 16 novembre 2023 Cour d’appel de Pau RG n° 21/01134

TP/SB

Numéro 23/3771

COUR D’APPEL DE PAU

Chambre sociale

ARRÊT DU 16/11/2023

Dossier : N° RG 21/01134 – N° Portalis DBVV-V-B7F-H2SN

Nature affaire :

Contestation du motif non économique de la rupture du contrat de travail

Affaire :

[W] [F]

C/

S.E.L.A.R.L. EKIP

UNEDIC DELEGATIONS AGS CGEA DE [Localité 2]

Grosse délivrée le

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 16 Novembre 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l’audience publique tenue le 06 Septembre 2023, devant :

Madame CAUTRES-LACHAUD, Président

Madame SORONDO, Conseiller

Madame PACTEAU, Conseiller

assistées de Madame LAUBIE, Greffière.

Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.

dans l’affaire opposant :

APPELANT :

Monsieur [W] [F]

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représenté par Maître SIMOES de la SELARL LEXEO CONSEIL, avocat au barreau de PAU

INTIMEES :

S.E.L.A.R.L. EKIP Es qualité de Mandataire liquidateur de la « SAS DARCO »

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Maître BARNECHE de la SELARL FABIENNE BARNECHE, avocat au barreau de PAU et Maître ALEMANY de la SELARL CAPSTAN – PYTHEAS, avocat au barreau de MARSEILLE

UNEDIC DELEGATIONS AGS CGEA DE [Localité 2]

[Adresse 6]

[Adresse 6]

[Localité 2]

Non comparante, non représentée

sur appel de la décision

en date du 01 MARS 2021

rendue par le CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE PAU

RG numéro : F 19/00211

EXPOSÉ DU LITIGE

La SARL DARCO, devenue SAS, est spécialisée dans l’étude, la fabrication et la commercialisation de robinets à boisseaux sphériques pour fluides et gaz, essentiellement pour le domaine pétrolier, parapétrolier, chimie et parachimie.

M. [W] [F] a fondé cette société dont il a été le président.

Par jugement du tribunal de commerce de Pau du 22 décembre 2016, la société a été placée en redressement judiciaire.

La société LK-Hydraulics est alors entrée dans le capital de la société et en est devenue l’associée majoritaire.

M. [F] a démissionné de son mandat de président de la société DARCO dont il est resté associé minoritaire et, suivant contrat à durée indéterminée en date du 27 juin 2018, il en est devenu salarié pour exercer les fonctions de directeur général en charge du développement.

Dans le cadre d’un cumul emploi retraite, un nouveau contrat de travail a été conclu le 2 novembre 2018.

Le 22 janvier 2019, M. [F] a été convoqué à un entretien préalable fixé le 31 janvier 2019. La convocation était assortie d’une mise à pied conservatoire.

L’entretien a été reporté au 25 février 2019.

Le 5 mars 2019, M. [W] [F] a été licencié pour faute grave.

Le 9 juillet 2019, il a saisi la juridiction prud’homale au fond.

Par jugement du 1er mars 2021, le conseil de prud’hommes de Pau a’:

-Rejeté la demande de nullité du licenciement,

-Dit que le licenciement de M. [W] [F] ne repose pas sur une faute grave,

-Requalifié le licenciement pour faute grave en licenciement pour cause réelle et sérieuse,

-Condamné la SAS DARCO à verser à M. [W] [F] les sommes de :

‘ 11 636.36 € à titre de rappel de salaire pour mise à pied injustifiée,

‘ 24 000 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

‘ 800 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

-Débouté M. [W] [F] de ses autres demandes,

-Rappelé que l’exécution provisoire en matière prud’homale est de droit pour les remises de documents que l’employeur est tenu de délivrer ainsi que pour le paiement de sommes au titre des rémunérations et indemnités mentionnées au 2e de l’article R.1454-14 du code du travail dans la limite de neuf mois de salaire calculé sur la moyenne des trois derniers mois de salaire.

Le 2 avril 2021, M. [W] [F] a interjeté appel de ce jugement dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas contestées.

Par jugement du 31 mai 2022, le tribunal de commerce de Pau a prononcé la résolution du plan de redressement et la liquidation judiciaire de la SAS Darco, avec continuité d’activité, la SELARL Ekip étant désignée en qualité de liquidateur.

Dans ses conclusions modificatives et responsives n°2 adressées au greffe par voie électronique le 18 janvier 2023, auxquelles il y a lieu de se référer pour l’exposé des faits et des moyens, M. [W] [F] demande à la cour de’:

– Débouter la Société DARCO de ses fins de non-recevoir.

– Réformer le jugement du conseil de prud’hommes de Pau, en ce qu’il a :

– Débouté M. [W] [F] de ses autres demandes

– Confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Pau, en ce qu’il a :

– Dit que le licenciement de M. [W] [F] ne repose pas sur une faute grave,

– Rappelé que l’exécution provisoire en matière prud’homale est de droit pour les remises de documents que l’employeur est tenu de délivrer ainsi que pour le paiement de sommes au titre des rémunérations et indemnités mentionnées au 2° de l’article R 1454-14 du code du travail dans la limite de neuf mois de salaire calculé sur la moyenne des trois derniers mois de salaire.

– Débouté la SAS DARCO de ses demandes.

– Condamné la SAS DARCO aux entiers dépens de l’instance.

Statuant à nouveau,

– Dire que M. [W] [F] a été victime de harcèlement moral

– Condamner en conséquence la SAS DARCO et EKIP es-qualité de liquidateur judiciaire de la SAS DARCO au paiement à M. [W] [F] de la somme de 10 000 euros de dommages et intérêts pour le préjudice subi du fait du harcèlement moral

– Dire le licenciement de M. [W] [F] dénué de cause réelle et sérieuse et donc abusif

– En conséquence, Condamner la SAS DARCO, EKIP’ en qualité de liquidateur judiciaire de la SAS DARCO et l’UNEDIC solidairement au paiement des sommes suivantes :

* 1 376.40 euros bruts au titre de l’indemnité de licenciement

* 11 636.36 euros à titre de rappel de salaire pour mise à pied injustifiée

* 24 000 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis

* 204 000 euros de dommages et intérêts pour licenciement abusif

– Condamner la SAS DARCO et EKIP’ es qualité de liquidateur judiciaire de la SAS DARCO au paiement à M. [W] [F] de la somme de 10 000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice distinct lié aux conditions brutales et vexatoires de son licenciement

– Condamner la SAS DARCO et EKIP’ es qualité de liquidateur judiciaire de la SAS DARCO à indemniser M. [F] à hauteur de 480 000 euros de dommages et intérêts au titre de la perte de chance de percevoir son salaire jusqu’au terme des 4 années d’accompagnement

– Condamner la SAS DARCO et EKIP’ es qualité de liquidateur judiciaire de la SAS DARCO à indemniser M. [F] à hauteur de la somme de 500 000 euros au titre de la perte de chance de pouvoir céder ses parts sociales à l’issue de la période de 4 années d’accompagnement

– Condamner la SAS DARCO et EKIP’ es qualité de liquidateur judiciaire de la SAS DARCO à indemniser M. [F] à hauteur de 10 430 € au titre du préjudice résultant du retard de la société DARCO dans la mise en place du cumul emploi-retraite

– Condamnera la SAS DARCO et EKIP’ es qualité de liquidateur judiciaire de la SAS DARCO au paiement des notes de frais de M.[F] pour la somme de 991.50 euros.

– Condamner la SAS DARCO et EKIP’ es qualité de liquidateur judiciaire de la SAS DARCO au paiement de la somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Dans ses conclusions n°3 adressées au greffe par voie électronique le 11 mai 2023, auxquelles il y a lieu de se référer pour l’exposé des faits et des moyens, la SELARL EKIP es qualité de liquidateur de la société DARCO, formant appel incident, demande à la cour de’:

> A titre liminaire :

– Déclarer irrecevables les demandes nouvelles présentées par M. [F], à savoir celles visant à Condamner la Société au paiement des sommes suivantes :

* 1 337 euros bruts au titre de l’indemnité de licenciement,

* 11 636,36 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire,

* 300 000 euros au titre de l’indemnité due au titre de l’utilisation du brevet, finalement abandonnée en cours de procédure par M. [F],

* 12 000 euros, actualisée à hauteur de cour à 10 430 euros, au titre de réparation du préjudice résultant du retard dans la mise en place du cumul emploi retraite,

* 754,58 euros, actualisée à hauteur de cour à 991,50 euros, en remboursement des notes de frais.

> A titre principal

– Sur le licenciement :

o A titre principal :

– Infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Pau en ce qu’il a’:

o Dit que le licenciement de M. [W] [F] ne repose pas sur une faute grave

o Requalifié le licenciement pour faute grave en licenciement pour cause réelle et sérieuse

o Condamné la Société DARCO à verser à M. [F] les sommes de :

o 11 636,36 euros à titre d’indemnité de rappel de salaire pour mise à pied injustifiée

o 24 000 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis

– Confirmer le jugement en ce qu’il a rejeté la demande de nullité du licenciement.

o A titre subsidiaire :

– Confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Pau en ce qu’il :

o Requalifié le licenciement pour faute grave en licenciement pour cause réelle et sérieuse.

o Rejeté la demande de nullité du licenciement.

– Sur les autres demandes :

– Confirmer le jugement en ce qu’il a :

o Débouté M. [W] [F] de ses autres demandes

– Infirmer le jugement en ce qu’il a :

o Débouté la Société DARCO de ses demandes

o Condamné la Société DARCO au paiement de la somme de 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

o Condamné la SAS DARCO aux entiers dépens de l’instance.

> Statuant à nouveau’:

– Débouter M. [F] de l’ensemble de ses demandes

– Condamner M. [F] au paiement de la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens

L’UNEDIC délégation AGS CGEA n’a pas constitué avocat et n’a pas conclu.

Assigné en intervention forcée, le CGEA a écrit le 19 octobre 29022 qu’il ne serait ni présent ni représenté.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 7 août 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il importe de rappeler que, aux termes de l’article 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion.

La fin de non recevoir relative à l’effet dévolutif de l’appel développée dans les écritures de la SELARL Ekip n’étant pas reprise au dispositif des conclusions, la cour n’en est pas saisie.

Sur la fin de non recevoir tirée de l’irrecevabilité des demandes nouvelles de M. [F]

Le principe de l’unicité de l’instance en matière prud’homale permettant l’admission de demandes nouvelles au cours d’une instance ayant été supprimé, il convient de revenir aux textes du code de procédure civile en la matière.

La SELARL Ekip, ès qualités de liquidateur de la SAS Darco, soulève l’irrecevabilité de demandes nouvellement présentées par M. [F] au cours de la procédure devant le conseil de prud’hommes, à savoir’:

un rappel de salaire sur mise à pied conservatoire,

une indemnité au titre de l’utilisation du brevet finalement abandonnée,

des dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant du retard dans la mise en place du cumul emploi retraite,

un remboursement d’une note de frais.

Elle soulève par ailleurs l’irrecevabilité de la demande d’indemnité de licenciement formulée pour la première fois en cause d’appel.

Concernant les premières, il est constant qu’en matière prud’homale, la procédure étant orale, le requérant est recevable à formuler contradictoirement des demandes additionnelles qui se rattachent aux prétentions originaires dans les conditions de l’article 70 du code de procédure civile, devant le juge lors des débats, ou dans ses dernières conclusions écrites réitérées verbalement à l’audience lorsqu’il est assisté ou représenté par un avocat.

En l’espèce, le conseil de prud’hommes a relevé que M. [F] avait ajouté, à ses demandes initiales, les prétentions suivantes qu’il maintenait à l’audience’:

un rappel de salaire sur mise à pied conservatoire,

des dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant du retard dans la mise en place du cumul emploi retraite,

un remboursement d’une note de frais.

Il n’a pas répondu à la fin de non recevoir soulevée par la société Darco à l’encontre de ces demandes nouvelles, a admis la première, n’a pas statué sur la deuxième et a rejeté la troisième.

L’examen des demandes initiales de M. [F] montre que celui-ci a toujours contesté son licenciement pour faute grave, et donc sa mise à pied à titre conservatoire, de sorte que la demande de rappel de salaire à ce titre comporte un lien suffisant avec les prétentions originaires.

Il en va en revanche différemment des deux autres présentées devant le conseil de prud’hommes, qui doivent donc être déclarées irrecevables.

Il sera donc ajouté de ce chef au jugement querellé.

Concernant la demande d’indemnité de licenciement formulée en cause d’appel, elle est la conséquence de la contestation de la validité et, à titre subsidiaire, du bien fondé du licenciement pour faute grave de M. [F], de sorte qu’elle est recevable en cause d’appel au sens de l’article 566 du code de procédure civile. La fin de non recevoir soulevée à ce titre sera donc rejetée.

Sur le harcèlement moral

En application de l’article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Selon l’article L.1152-2 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.

En vertu de l’article L.1152-3 du même code, toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions ci-dessus, toute disposition ou tout acte contraire est nul.

L’article L.1154-1 du même code prévoit qu’en cas de litige le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement. Il incombe alors à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

En l’espèce, M. [F] indique avoir subi les agissements suivants’:

une mise à l’écart,

un dénigrement récurrent,

une volonté affichée d’éviction brutale.

Au soutien de ses affirmations, il produit les éléments suivants’:

ses contrats de travail desquels il ressort qu’il a été engagé pour exercer les fonctions de directeur général en charge du développement, avec pour missions principales’:

la définition technique des produits, les achats et/ou approvisionnements,

l’élaboration des offres de prix, la relation commerciale avec les clients,

le management des équipes techniques et commerciales

l’organigramme de la société à la date du 20 septembre 2018 qui le place, sous le PDG [V] [E], à la direction business development, et note la présence de [J] [X] à la direction industrielle

les conclusions de la société Darco en première instance qui précisent que l’embauche de M [X] «'[répondait] à un souci de la part du groupe de fiabiliser l’activité de la société Darco, de décharger M. [F] de la gestion du quotidien de l’usine’» pour donner la priorité absolue au business et au développement, mais également pour sortir de l’ambiance pesante du redressement judiciaire en préparant une organisation managériale faisant émerger de nouveaux leaders afin d’éviter la concentration sur une seule et même personne

un mail du 24 septembre 2018 adressé par [Z] [K], Managing director de la holding, à plusieurs collaborateurs, dont deux dépendants directement de [J] [X] placé en copie de ce mail, et l’un dépendant de [W] [F], non destinataire du mail, dont l’objet était «’courriers officiels pour clients et fournisseurs’», présentant la nouvelle organisation au sein de la société Darco. Il était demandé que les mails à destination des clients soient adressés également, en copie, à [V] [E], PDG, et ceux destinés aux fournisseurs envoyés en copie à [J] [X]. Ce mail exclut [W] [F] de cette information aux clients alors qu’il était, par son contrat, chargé de la relation commerciale avec ces derniers.

un courrier écrit par M. [F] à destination de [V] [E], PDG de la société Darco, en date du 21 janvier 2019, dans lequel il dénonce des «’agissements répétés de [sa] part’» ayant «’pour objet et pour effet une dégradation de ses conditions de travail’». Ce courrier a été reçu le 22 janvier 2019, date du courrier de convocation à l’entretien préalable au licenciement.

un échange de mails avec M. [E] en date du 4 décembre 2018 dont l’objet est «’difficultés’» et où où [W] [F] fait part de son ressenti. [V] [E] lui répond en ces termes’: «’j’ai lu ton mail, j’ai perdu 10 minutes, car tout ce qui est écrit, tu me l’as déjà dit et répété plusieurs fois. Donc rien de nouveau, je pense que tu es en boucle sur tous ces sujets qui malheureusement concernent la période où tu étais seul aux manettes de la société (qui puis-je en penser’). (‘) Nous reviendrons le 12 en réunion sur ton mail afin de clôturer définitivement ces sujets stériles pour l’avenir de Darco. En même temps, j’en profite pour te demander de passer moins de temps à discuter dans l’atelier et plus particulièrement avec M. [K] notre délégué, tu ne lui rends pas service ‘ et à l’entreprise non plus’».

un article paru dans la République des Pyrénées le 5 février 2019 intitulé «’Darco, histoire d’une relance’», avec une photo représentant [V] [E], avec son équipe de Darco, sur laquelle ne figue pas M. [F], dont le nom n’apparaît que comme ayant été celui qui a fondé et dirigé la société, placée ensuite en redressement judiciaire.

l’attestation de M. [A] [D] qui a travaillé en tant que directeur technique pour le groupe ITI et a été licencié fin juin 2016, licenciement reconnu comme étant dépourvu de cause réelle et sérieuse par le conseil de prud’hommes de Toulon. Par cette attestation, M. [F] veut pointer les pratiques de M. [E]. Ce témoignage n’apporte aucun élément sur les agissements dont se plaint en particulier M. [F].

Si ces pièces sur lesquelles se fonde M. [F] pour laisser supposer l’existence d’un harcèlement moral montrent incontestablement les difficultés relationnelles existant entre le nouveau dirigeant de la société Darco et l’appelant, qui avait fondé cette société et a dû en laisser la direction après son placement en redressement judiciaire, elles n’établissent pas l’existence d’agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Dès lors, il y a lieu de considérer qu’aucun harcèlement moral n’est établi et de débouter M. [F] de ses demandes à ce titre.

Sur le licenciement

En application de l’article L.1232-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse. La cause réelle est celle qui présente un caractère d’objectivité et d’exactitude. La cause sérieuse suppose une gravité suffisante.

Aux termes de l’article L.1232-6 du code du travail, la lettre de licenciement, le cas échéant complétée dans les conditions fixées par l’article R.1232-13 du même code, comporte l’énoncé du ou des motifs invoqués par l’employeur.

Suivant l’article L.1232-5 du code du travail, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations découlant des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. Il incombe à l’employeur d’en rapporter la preuve.

Suivant l’article L.1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l’exercice de poursuites pénales.

Dès lors que les faits sanctionnés ont été commis plus de deux mois avant l’engagement des poursuites disciplinaires, il appartient à l’employeur d’apporter la preuve qu’il n’en a eu connaissance que dans les deux mois ayant précédé l’engagement des poursuites. La prise en compte d’un fait antérieur à deux mois peut cependant intervenir s’il s’est poursuivi ou réitéré dans ce délai.

Le délai de deux mois s’apprécie du jour où l’employeur a eu connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l’ampleur des faits fautifs reprochés au salarié, étant précisé que c’est à l’employeur qu’incombe la charge de la preuve qu’il n’a eu cette connaissance des faits fautifs que dans les deux mois ayant précédé l’engagement de la procédure disciplinaire.

En l’espèce, selon la lettre en date du 5 mars 2019, dont les termes fixent les limites du litige, M. [F] a été licencié pour faute grave pour les motifs suivants’:

dénigrement de la nouvelle direction IPI, auprès d’un commercial de l’entreprise lors du salon international Valve Wolrld Expo du 28 novembre 2018, puis de l’administrateur judiciaire et enfin lors de l’entretien préalable,

immixtion dans le service production, préjudiciable aux intérêts de l’entreprise, notamment en décembre 2018,

ingérence dans les décisions relevant du pouvoir des dirigeants de l’entreprise, en particulier en ayant dénoncé le contrat de télésurveillance avec la société GIP Sécurité sans avertir préalablement la direction,

utilisation anormale des moyens de paiement en février 2019,

non-restitution des biens de l’entreprise en dépit d’une mise en demeure.

Il convient d’examiner successivement ces griefs.

Sur le dénigrement de la nouvelle direction

La SELARL Ekip, ès qualité de liquidateur de la société Darco, verse plusieurs attestations de salariés de cette dernière, dont M. [F] soulève la partialité en invoquant le lien de subordination de ces témoins vis-à-vis de son adversaire. Il a déposé plainte à la suite de la production de ces attestations mais l’issue de cette procédure n’est pas connue.

Or, ces attestations ont été établies conformément aux exigences édictées par le code de procédure civile. Elles ne peuvent être écartées du seul fait qu’elles émanent de salariés de la société Darco.

[S] [B], responsable administratif et financier, atteste ainsi que «’à plusieurs reprises, entre août et décembre 2018, M. [F] a tenu des propos peu élogieux à l’encontre de la direction du groupe et de son dirigeant M. [E], et notamment sur son manque de compétence et sa capacité à gérer une entreprise’». M. [B] poursuit qu’il a assisté par ailleurs à l’entretien préalable au licenciement de M. [F] le 25 février 2019 et que ce dernier a dit, à propos de la nouvelle direction’: «’M. [K] ça flotte’».

[N] [L], directeur des ressources humaines, confirme ces propos en expliquant que «’lors de l’entretien préalable du 25 février 2019 (‘), M. [F] s’est permis de remettre en cause les compétences de M. [Z] [K], membre du comité de direction en disant’: ”chez M. [K]… ça flotte”’».

[S] [M], directeur commercial cadre groupe, écrit que «’le 28 novembre [2018], lors du salon Vavle World expo à Düsseldorf, M. [W] [F] [lui a] dit textuellement’: ”la direction du groupe IPI, ce ne sont pas des entrepreneurs, ils ne savent pas y faire et ils nous prennent de haut” et «’«’on va droit dans le mur, ils ne savent pas gérer”’». M. [M] ajoute que «’à plusieurs reprises M. [W] [F] [lui] disait au sujet du nouveau directeur industriel, [J] [X], ”il ne sert à rien”’».

[T] [P], acheteur au sein de la société Darco, «’certifie que le 16/11/18, suite à une divergence de point de vue sur une commande de composants entre M. [F] et M. [X] ([son] supérieur hiérarchique à l’époque), M. [F] [l’a] convoqué dans son bureau et [l’a] menacé en présence de deux autres collègues’: ”si tu ne fais pas ce que je te dis de faire, tu vas voir ce qu’il va t’arriver”’». M. [P] conclut que «’M. [F] ne supportait pas que ses anciens employés suivent les consignes de la nouvelle direction’».

[H] [O], cadre, atteste de ce que «’lors d’une réunion interne à laquelle plusieurs collaborateurs étaient conviés, M. [F] a indiqué’» que LK Hydraulics était là uniquement pour ”injecter de l’argent” et qu’il fallait que l’on ”garde la main” (en interne) sur le fonctionnement et la stratégie à mettre en place à Darco’».

[I] [C], cadre, témoigne «’avoir pris connaissance, via diverses conversations téléphoniques directes avec des clients, des agissements de M. [W] [F] visant à nuire à la société Darco au moyen de procédés peu élogieux et qui ne l’honorent pas’: calomnies sur l’état financier de l’entreprise et rumeurs mensongères à de multiples reprises concernant la fermeture de la société et donc [son] incapacité à honorer les commandes prises’». M. [C] précise, dans son attestation établie le 6 mai 2020, que «’ces agissements ont eu un impact considérable sur le relationnel et le climat de confiance instaurés depuis des années auprès [des] clients historiques ainsi que sur [l’activité] depuis un an et demi’».

[R] [G], cadre, rapporte «’les propos qui ont été portés à [sa] connaissance provenant d’un [des] clients (…)’: [W] appelle la terre entière pour détruire Darco et dire aucune commande lancée depuis octobre’».

[I] [Y], actionnaire de LK Hydraulics qui détient 60% du capital de Darco, indique que «’la direction de LK Hydraulics a tout fait pour conserver à [W] [F] son importance au sein de la société’». Il poursuit’: «’malgré tous nos efforts, il n’a pas cessé de nous dénigrer’». Il évoque le fait que malgré le «’comportement inadéquat’» de [W] [F], ses «’mensonges répétés’» et «’les désillusions causées mois après mois par le constat des agissements de [W] [F] depuis juillet 2018’», il a été fait droit à sa demande de cumul emploi-retraite afin de lui apporter une situation financière meilleure.

Ces témoignages variés, provenant majoritairement de salariés ayant travaillé pour la société Darco avant et depuis sa reprise par LK Hydraulics, sont convergents pour établir que M. [F] s’est livré à des critiques négatives et des propos peu amènes sur les nouveaux dirigeants de la société Darco.

Il a été destinataire d’un courrier émanant de [V] [E] daté du 31 octobre 2018, auquel était joint son contrat de travail permettant le cumul emploi-retraite, dans lequel ces critiques étaient déjà formulées.

[V] [E] y écrit’: «’J’ai accepté cette nouvelle forme de collaboration (le cumul emploi-retraite) pour te montrer notre bonne foi et notre volonté de collaborer sereinement.

Toutefois, et dans le prolongement de notre réunion du 18 septembre dernier en présence de Maître [U] et de [N] [L], j’ai souhaité également formaliser nos différents échanges afin que les choses soient claires sur le mode de fonctionnement et sur tes nouvelles prérogatives.

Depuis le rachat de Darco par notre groupe en date du 18 juin 2018, je suis devenu le PDG de Darco. Je peux comprendre que ce soit difficile pour toi de l’accepter. Les décisions d’organisation que je prends et notamment la nomination de [J] [X] ne sont plus discutables maintenant.

Tu as exprimé ton ressenti négatif sur cette nomination auprès de différents membres du Comex et ce n’est absolument pas notre façon de fonctionner. Je t’ai expliqué les raisons de ce choix, qui n’était pas nouveau. (‘)

Je compte sur toi pour développer nos affaires, notamment à l’export et nous te donnons les moyens pour réussir ce challenge avec l’embauche d’un directeur commercial et le remplacement en cours d’un commercial sédentaire.

Je souhaite qu’à l’avenir tu t’adresses directement à moi lorsque tu n’es pas d’accord et je compte sur ton soutien plein et entier afin que [J] [X] soit dans les meilleures conditions pour réussir sa prise de fonction chez Darco.

Comptant sur ton engagement pour que nous puissions réussir à redresser la situation financière de Darco.’»

A la lecture de tous ces éléments, il appert de considérer que ce premier grief est démontré, sauf en ce qui concerne un quelconque dénigrement auprès de l’administrateur judiciaire qui n’est nullement étayé par la société Darco.

Sur l’immixtion dans le service production, préjudiciable aux intérêts de l’entreprise

Il est ici fait grief à M. [F], engagé en tant que directeur général en charge du développement commercial de l’entreprise, d’être intervenu aux lieu et place notamment de M. [X], directeur du service production de l’entreprise et d’avoir mis en cause la qualité du travail d’un collaborateur qui n’était pas placé sous sa hiérarchie, [T] [P].

Concernant [J] [X], la SELARL Ekip, ès qualité de liquidateur de la société Darco, verse un mail de ce dernier adressé le 27 décembre 2018 à [W] [F], intervenu directement auprès d’un client dans le cadre d’un après vente qui ressort de la compétence du directeur industriel. [J] [X] a conclu son mail en priant M. [F] «’de bien vouloir cesser immédiatement toute communication avec le client GRT Gaz’» au sujet des pièces litigieuses.

[W] [F] fait valoir que ses interventions avaient pour but de faire profiter ses collègues de son expérience du secteur d’activité.

Il verse l’intégralité des échanges de mails avec le client GRT Gaz et [J] [X] à ce sujet, y compris les derniers de début janvier 2019 qui révèlent qu’il a été consulté directement par le client concerné qui le connaissait depuis de nombreuses années et qu’il a été en lien avec [J] [X] au sujet des insatisfactions de ce client.

Ce grief est insuffisamment établi.

Concernant [T] [P], il résulte des pièces versées par l’intimée que [W] [F] a adressé un mail à [V] [E] le 14 novembre 2018 pour l’informer de dossiers relancés à la réunion suivante et pour lesquels il manque des composants de faible valeur.

[T] [P], en charge du service des achats, a répondu à M. [E] le 20 novembre 2018 pour contester tout retard et expose la situation relative à chacune des pièces concernées, en se disant très déçu et en colère de voir ce type de messages envoyés par M. [F]. Il en ressort que les craintes avancées par M. [F] dans son mail du 14 novembre 2018 n’étaient pas fondées.

Ce grief était connu de la société Darco dès le 20 novembre 2018, de sorte qu’elle ne pouvait plus l’invoquer comme motif de licenciement plus de deux mois après cette date.

La procédure de licenciement de M. [F] a été initiée par une première lettre de convocation à un entretien préalable en date du 22 janvier 2019, de sorte que ce grief est prescrit.

sur l’ingérence dans les décisions relevant du pouvoir des dirigeants de l’entreprise

Il est ici reproché à M. [F] d’avoir mis fin à un contrat de télésurveillance, ce qui a permis une intrusion, en toute impunité, dans les locaux de l’entreprise le 1er janvier 2019.

Il est établi que M. [F] a résilié les contrats de télésurveillance et d’intervention auprès de la société GIP LR par courrier daté du 16 août 2018. Le courrier de résiliation signé de sa main est versé aux débats.

Pour autant, l’appelant produit un devis de la société Adour Vision System en date du 13 août 2018, signé par M. [E], par ailleurs avisé de la procédure d’autorisation d’apposer une vidéosurveillance par des mails de M. [F] des 7 octobre 2018 et 7 décembre 2018.

[V] [E] avait ainsi connaissance plus de deux mois avant l’engagement de la procédure de licenciement disciplinaire de l’intervention de M. [F] dans la gestion de la télésurveillance, de sorte que ce grief, pour autant qu’il soit établi, est prescrit.

sur l’utilisation anormale des moyens de paiement de l’entreprise et la non restitution des biens de la société

Il est ici fait grief à M. [F] d’avoir effectué une dépense de 1061,66 euros le 1er février 2019 au moyen de la carte de crédit qui avait été mise à sa disposition, alors qu’il faisait l’objet d’une mise à pied à titre conservatoire.

Il n’est produit aucun élément de preuve au soutien de ce grief qui est donc infondé.

La société Darco reprochait par ailleurs à M. [F] des déplacements avec le véhicule de l’entreprise en février 2019 sans en justifier et sans démontrer que le véhicule avait été mis à sa disposition dans le cadre du contrat de travail, lequel était d’ailleurs toujours en cours.

Au regard de ces éléments, ce grief n’est pas établi.

sur la non restitution des biens de la société

La société Darco a motivé le licenciement de M. [F] sur le fait qu’il n’avait pas restitué ses outils de travail à la suite de la mise à pied à titre conservatoire et malgré une mise en demeure du 7 février 2019.

Il importe de rappeler que le véhicule de fonction n’a pas à être restitué avant la rupture effective du contrat de travail.

Il appert par ailleurs de relever qu’aucune pièce du dossier ne permet d’établir quels biens ont été mis à la disposition de M. [F] pour l’exercice de ses fonctions. Pour autant, le téléphone et les autres biens remis ont été restitués au plus tard lors de l’audience de conciliation.

Ce grief est insuffisamment caractérisé pour constituer un motif de licenciement qui plus est pour faute grave alors que c’est justement dans le cadre de cette procédure que la restitution a été sollicitée, dès la mise à pied à titre conservatoire et avant donc toute rupture effective du contrat de travail.

A la lecture de tous ces éléments, il apparaît que seul le premier grief consistant en le dénigrement de la nouvelle direction est établi et pouvait servir de fondement à la procédure disciplinaire engagée par l’envoi de la convocation à l’entretien préalable le 22 janvier 2019.

La nature de ce grief et le poste de cadre dirigeant occupé par M. [F] justifiaient la rupture du contrat de travail. Le licenciement du salarié était donc justifié.

Toutefois, les propos qui peuvent être précisément datés ont été tenus dès la fin du mois de novembre 2018, soit près de 8 semaines avant l’engagement de la procédure disciplinaire. Ils se sont poursuivis ensuite, ce qui permet de ne pas les considérer comme prescrits. En revanche, ce délai empêche de considérer que ces faits étaient d’une gravité telle qu’ils empêchaient le maintien du salarié dans l’entreprise y compris pendant le préavis, de sorte que le licenciement pour faute grave de M. [F] doit être requalifié en licenciement pour cause réelle et sérieuse.

Le jugement déféré sera confirmé de ce chef.

En raison de la requalification de ce licenciement, M. [F] sollicite le paiement de diverses sommes’:

une indemnité de licenciement

[W] [F] a été engagé par la société Darco suivant contrat à durée indéterminée en date du 27 juin 2018. Ce contrat a pris fin le 31 octobre 2018 lorsqu’il a fait valoir ses droits à la retraite. Il a alors été procédé au solde de ses droits à cette date, notamment pour les congés payés.

Un nouveau contrat à durée indéterminée a été souscrit entre les parties à compter du 2 novembre 2018, rompu par le licenciement notifié suivant courrier du 5 mars 2019.

[W] [F] demande qu’il soit tenu compte d’une ancienneté à compter du 27 juin 2018, ce qui lui ouvrirait droit à une indemnité de licenciement en application des dispositions des articles L.1234-9 et R.1234-2 du code du travail.

La SELARL Ekip, liquidateur de la société Darco, s’y oppose et soutient que l’ancienneté doit être calculée à compter du 2 novembre 2018 et que la mention portée à ce sujet sur le bulletin de paie de décembre 2018 n’est pas génératrice de droit.

L’article 10 de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie dispose que, pour l’application des dispositions de la présente convention, on entend par présence le temps écoulé depuis la date d’entrée en fonction, en vertu du contrat de travail en cours, sans que soient exclues les périodes de suspension de ce contrat.

Pour la détermination de l’ancienneté, on tiendra compte non seulement de la présence au titre du contrat en cours, mais également de la durée des contrats de travail antérieurs dans la même entreprise, ainsi que de l’ancienneté dont bénéficiait l’intéressé en cas de mutation concertée à l’initiative de l’employeur, même dans une autre entreprise.

Pour la détermination de l’ancienneté, il sera également tenu compte de la durée des missions professionnelles effectuées par l’intéressé dans l’entreprise avant son recrutement par cette dernière.

Il doit être également tenu compte des durées d’interruption pour mobilisation ou faits

de guerre, telles qu’elles sont définies au titre Ier de l’ordonnance du 1er mai 1945, sous réserve que l’intéressé ait repris son emploi dans les conditions prévues au titre Ier de ladite ordonnance.

En outre, lorsqu’un ingénieur ou cadre passe, avec l’accord de son employeur, au service soit d’une filiale, soit d’une entreprise absorbée ou créée par lui, soit d’un groupement d’intérêt économique (GIE), ou inversement, les périodes d’ancienneté acquises dans l’entreprise quittée par l’intéressé sont prises en considération pour le bénéfice des avantages résultant de la présente convention et fondés sur l’ancienneté. L’intéressé devra en être averti par écrit.

L’article 29 relatif plus précisément à l’indemnité de licenciement prévoit cependant que, par dérogation à l’article 10, la durée des contrats de travail antérieurs avec la même entreprise n’est pas prise en compte pour la détermination de l’ancienneté servant au calcul de l’indemnité de licenciement. Toutefois, sont prises en compte, le cas échéant, pour le calcul de cette ancienneté :

‘ en application de l’article L. 1243-11, alinéa 2, du code du travail, la durée du contrat de travail à durée déterminée avec la même entreprise, lorsque la relation de travail s’est poursuivie après l’échéance du terme de ce contrat ;

‘ en application de l’article L. 1244-2, alinéa 3, du code du travail, la durée des contrats de travail à durée déterminée à caractère saisonnier successifs avec la même entreprise, lorsque la relation de travail s’est poursuivie après l’échéance du terme du dernier de ces contrats ;

‘ en application de l’article L. 1251-38, alinéa 1, du code du travail, la durée des missions de travail temporaire effectuées par le salarié, dans l’entreprise utilisatrice, au cours des 3 mois précédant son embauche par cette entreprise utilisatrice ;

‘ en application de l’article L. 1251-39, alinéa 2, du code du travail, la durée de la mission de travail temporaire effectuée dans l’entreprise utilisatrice, lorsque celle-ci a continué à faire travailler le salarié temporaire sans avoir conclu un contrat de travail ou sans nouveau contrat de mise à disposition.

Or, la situation de M. [F] ne correspond à aucune de ces exceptions. De plus, le contrat prenant effet au 2 novembre 2018 ne prévoyait aucune reprise d’ancienneté. Enfin la mention portée sur le seul bulletin de salaire du mois de décembre 2018 ne saurait à elle seule démontrer la volonté de l’employeur de reprendre l’ancienneté de M. [F] compter du 27 juin 2018.

En conséquence de tous ces éléments, il doit être retenu une ancienneté au 2 novembre 2018, ce qui exclut M. [F] du bénéfice de l’indemnité de licenciement, l’article L.1234-9 du code du travail exigeant une ancienneté minimale de 8 mois.

[W] [F] sera donc débouté de sa demande à ce titre.

Le jugement déféré sera complété sur ce point.

une indemnité compensatrice de préavis

En application de l’article 27 de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie, M. [F] doit percevoir une indemnité compensatrice pour le préavis de 3 mois dont il aurait dû bénéficier.

La somme de 24 000 euros lui sera donc allouée. Le jugement querellé sera confirmé de ce chef avec précision que cette somme sera fixée au passif de la société Darco.

un rappel de salaire pour la mise à pied conservatoire

Il convient de confirmer le jugement du conseil de prud’hommes en ce qu’il a alloué à M. [F] la somme de 11636,36 euros brut à titre de rappel de salaire pour la mise à,pied injustifiée, les griefs finalement retenus ne justifiant pas cette mise à l’écart du salarié pendant la procédure de licenciement. Cette somme sera fixée au passif de la société Darco.

les dommages et intérêts pour licenciement abusif

Le licenciement de M. [F] ayant été reconnu comme pourvu d’une cause réelle

et sérieux, cette demande de dommages et intérêts est infondée et sera donc rejetée.

Le jugement déféré sera confirmé de ce chef.

Sur les autres demandes

Sur les dommages et intérêts au titre des circonstances brutales et vexatoires du licenciement

Il est constant que le bien-fondé d’une demande de dommages et intérêts à raison des circonstances vexatoires de la rupture d’un contrat de travail est indépendant du bien-fondé de celle-ci.

Ainsi, sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun (Cass Soc 16/12/2020, n°18-23’966), un salarié peut se voir allouer des dommages et intérêts lorsque son licenciement a été entouré de circonstances vexatoires.

En l’espèce, il appert de relever que M. [F] a fait l’objet d’un licenciement initié par l’envoi d’une lettre de convocation à un entretien préalable le jour de la réception d’un courrier qu’il avait lui-même adressé à son employeur, avec une mise à pied à titre conservatoire, puis une mise en demeure d’avoir à restituer le véhicule, le téléphone, l’ordinateur et tous autres biens que son employeur affirmait lui avoir remis pour l’exercice de ses fonctions.

Il était salarié depuis sept mois mais présent dans la société Darco depuis l’origine puisqu’il l’avait fondée, l’avait dirigée avant d’avoir cédé la majorité des parts sociales et d’en devenir l’un des directeurs et responsables de service.

Dans ces conditions, le faire quitter l’entreprise en laissant ses effets personnels sur place, en l’empêchant de saluer ses anciens collaborateurs et en ne lui permettant pas de s’expliquer sur les raisons de son départ qui se révéleront qualifiées de manière excessive par la société Darco, celle-ci lui a incontestablement causé un préjudice moral distinct. M. [F] a d’ailleurs été placé en arrêt de travail à la suite de son éviction de l’entreprise.

Ce préjudice sera indemnisé par la somme de 8000 euros nets, qui sera inscrite à ce titre au passif de la société.

Le jugement déféré sera infirmé de ce chef.

Sur les dommages et intérêts au titre de la perte de chance de percevoir son salaire pendant 4 ans et de céder ses parts sociales

[W] [F] fonde ses demandes à ce titre sur le pacte d’associé qu’il a signé le 27 juin 2018 avec la société LK Hydraulics, en présence de la société Darco.

L’intimée lui oppose l’absence de garantie d’emploi salarié et le fait que les parts lui ont été rachetées en juin 2019 en fonction du prix de rachat négatif des titres à cette date.

Il importe de rappeler que M. [F] a été engagé en tant que directeur général chargé du développement suivant contrat à durée indéterminée en date du 27 juin 2018, sans période d’essai. A la suite de son départ en retraite, il a été engagé à nouveau dans les mêmes conditions par la société Darco à compter du 2 novembre 2018.

Ces contrats et en particulier le dernier ne prévoyait aucune durée minimale garantissant au salarié un emploi pour une période déterminée.

Parallèlement, M. [F] étant toujours associé minoritaire de la société Darco, il a été signé pacte d’associé prévoyant, dans son article 10 intitulé «’liquidité de l’associé minoritaire’»’:

«’L’objectif de l’associé minoritaire étant d’accompagner la société dans sa nouvelle phase de développement pendant au minimum quatre ans puis d’obtenir une liquidité, il est convenu que les associés travailleront ensemble à une solution de cession afin d’obtenir la liquidité des titres détenus par l’associé minoritaire.’»

Le texte poursuivait en décrivant les modalités de l’option d’achat par l’associé majoritaire à partir du 1er juin 2022, soit après l’expiration du délai de 4 ans.

L’article 14 du pacte d’associé relatif au «’rachat des parts de M. [W] [F] en cas de départ anticipé’» apportait toutefois une nuance en cas de départ anticipé de M. [F] pour cause de fin de collaboration avec Darco et fin de son contrat de travail, situation de handicap de M. [F] l’empêchant d’assurer ses missions pour Darco, objet de son contrat, ou bien décès de M. [F].

Le texte poursuivait en expliquant les modalités de calcul de l’indemnité de cession.

Ces dispositions ne constituaient nullement une garantie d’emploi pour M. [F] pendant une durée de 4 années. Il a souscrit, avec la société Darco, un contrat à durée indéterminée pouvant être rompu selon les règles prévues par le code du travail, et notamment le licenciement.

Son licenciement, certes requalifié pour cause réelle et sérieuse, était toutefois justifié, de sorte que M. [F] ne démontre aucun manquement de la part de la société Darco générateur d’une quelconque perte de chance de percevoir un salaire pendant 4 ans en plus de sa retraite.

Par ailleurs, la cession des parts de M. [F] a eu lieu dans le délai prévu par l’article 14 du pacte d’associé et selon leur valeur, négative, au jour de leur reprise à la suite du licenciement de M. [F].

Ce dernier ne démontre aucunement la perte de chance qu’il invoque d’obtenir une somme de 500.000 euros si la cession s’était opérée au bout de 4 années. Il importe de rappeler que la société Darco a fait l’objet d’un redressement judiciaire et a été reprise par la société LK Hydraulics quelques mois avant le licenciement de l’appelant. Elle a depuis lors été placée en liquidation judiciaire.

Au regard de tous ces éléments, les demandes de dommages et intérêts formulées par M. [F] au titre de ces pertes de chance sont infondées. M. [F] en sera débouté.

Le jugement de première instance a débouté M. [F] de toutes ses autres demandes, d’une manière générale, sans répondre précisément aux moyens invoqués dans sa discussion sur ces demandes de dommages et intérêts pour perte de chance. Il convient donc d’ajouter à la décision déférée.

Sur les demandes accessoires

La SELARL Ekip, liquidateur de la société Darco, succombant finalement à l’instance, elle devra en supporter les entiers dépens, y compris ceux exposés devant le conseil de prud’hommes. Ceux-ci seront employés en frais privilégiés de liquidation judiciaire.

Le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a alloué une indemnité à M. [F] en première instance, qui sera inscrite au passif de la société. En revanche, M. [F], qui succombe en son appel, sera débouté de sa demande à ce titre en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort,

REJETTE la fin de non recevoir relative à l’irrecevabilité de la demande d’indemnité de licenciement’;

REJETTE la fin de non recevoir relative à l’irrecevabilité de la demande de rappel de salaire pour la mise à pied conservatoire’;

CONFIRME le jugement du conseil de prud’hommes de Pau en date du 1er mars 2021, sauf en ce qui concerne les dommages et intérêts au titre des circonstances brutales et vexatoires du licenciement’;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

DECLARE irrecevables les demandes de M. [W] [F] de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant du retard dans la mise en place du cumul emploi retraite et de remboursement d’une note de frais’;

DEBOUTE M. [W] [F] de ses demandes d’indemnité de licenciement et de dommages et intérêts au titre de la perte de chance de percevoir son salaire pendant 4 ans et de céder ses parts sociales’;

FIXE au passif de la société Darco les sommes de :

– 11.636,36 euros à titre de rappel de salaire pour mise à pied injustifiée

– 24.000 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis

– 8.000 euros à titre de dommages et intérêts pour les circonstances brutales et vexatoires du licenciement’

– 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

DECLARE la présente décision opposable au CGEA de [Localité 2]’;

ORDONNE l’emploi des dépens de première instance et d’appel en frais privilégiés de liquidation judiciaire’;

DEBOUTE M. [W] [F] de sa demande en cause d’appel fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.

Arrêt signé par Madame CAUTRES-LACHAUD, Présidente, et par Madame LAUBIE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

 


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