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Vidéosurveillance : 15 novembre 2023 Cour d’appel de Montpellier RG n° 19/03258

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Vidéosurveillance : 15 novembre 2023 Cour d’appel de Montpellier RG n° 19/03258

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

1re chambre sociale

ARRET DU 15 NOVEMBRE 2023

Numéro d’inscription au répertoire général :

N° RG 19/03258 – N° Portalis DBVK-V-B7D-OEXO

ARRÊT n°

Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 AVRIL 2019

CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION DE DEPARTAGE DE MONTPELLIER – N° RG F 15/01074

APPELANTE :

EURL LE KIOSQUE

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par Me Valentin ESCALE, avocat au barreau de MONTPELLIER, substitué par Me Thomas FERHMIN, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIME :

Monsieur [T] [C]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représenté par Me Thomas GONZALES, avocat au barreau de MONTPELLIER

Ordonnance de clôture du 31 Janvier 2023

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 19 SEPTEMBRE 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-Jacques FRION, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre

Monsieur Jean-Jacques FRION, Conseiller

Madame Magali VENET, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Marie-Lydia VIGINIER

ARRET :

– contradictoire ;

– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

– signé par Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre, et par Madame Marie-Lydia VIGINIER, Greffier.

*

* *

EXPOSE DU LITIGE :

Par acte du 8 juillet 2013, l’EURL LE KIOSQUE a recruté [T] [C] en qualité de serveur, niveau 1, échelon 1 à temps complet moyennant un salaire brut mensuel de 1430,24 euros outre le repas à titre d’avantage en nature. La durée hebdomadaire de travail a été fixée à 35 heures. L’EURL LE KIOSQUE exploite un établissement de restauration-snack.

La convention collective applicable est celle de la restauration rapide.

Courant 2015, [T] [C] a saisi l’inspection du travail. Par courrier du 8 juin 2015, le contrôleur du travail écrivait à [T] [C] que « le 20 avril 2015 j’ai été amenée à effectuer un contrôle au restaurant « Vert tomates » SARL LE KIOSQUE à [Localité 1]. J’ai pu constater qu’il n’existait aucune organisation en matière de durée de travail donnant lieu à l’élaboration et à l’affichage d’un planning, ni la mise en place de relevés d’heures. Dès lors que les salariés du restaurant ne sont pas occupés selon le même horaire collectif, il a été demandé à l’entreprise de mettre en place un système de contrôle de la durée du travail et ce, pour chaque salarié selon les modalités de l’article D.3171-8 du code du travail. J’ai rappelé à votre employeur que ce document doit être émargé par lui-même et par le salarié et être conservé pendant un an minimum ».

Se plaignant du comportement de [T] [C] envers le gérant, les salariés et des clients, notamment le 27 mai 2015, l’EURL LE KIOSQUE a mis à pied à titre conservatoire [T] [C] le 27 mai 2015 à 15 heures.

Par acte du 28 mai 2015, l’EURL LE KIOSQUE a convoqué [T] [C] à un entretien préalable fixé le 11 juin 2015 en vue d’un éventuel licenciement qui a été prononcé le 15 juin 2015 pour faute grave.

Par actes des 24 juin 2015 et 8 août 2015, l’EURL LE KIOSQUE a déposé plaintes à l’encontre de [T] [C] pour des faits du 13 et du 30 juin 2015. Par jugement du tribunal correctionnel de Montpellier du 23 mai 2018, pour les faits intervenus le 30 juin 2015, [T] [C] a été condamné pour violation de domicile, abus de confiance et dégradation, à la peine de quatre mois d’emprisonnement avec sursis simple. Le jugement a fait l’objet d’une opposition sans autre précision des suites de la procédure.

Par acte du 20 juillet 2015, [T] [C] a saisi le conseil de prud’hommes de Montpellier aux fins de voir condamner l’EURL LE KIOSQUE au paiement des sommes suivantes :

heures supplémentaires à chiffrer,

9026,88 euros pour travail dissimulé,

5000 euros pour violation de la convention collective,

12 000 euros pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

3008,96 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis et 10 % de congés payés afférents,

576,71 euros à titre d’indemnité de licenciement,

1009,05 euros au titre des rappels de salaire de mise à pied et 10 % de congés payés y afférents,

3000 euros pour défaut d’information de la mise en place d’une vidéosurveillance,

délivrance des documents de fin de contrat et bulletins de paie conformes au jugement sous astreinte de 150 € par jour de retard à compter de la notification du jugement,

2500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 29 mars 2017, un partage de voix a été constaté au conseil des prud’hommes de Montpellier et l’audience a été renvoyée le 16 avril 2019 en présence du juge départiteur. Le conseil des prud’hommes a condamné l’EURL LE KIOSQUE à payer à [T] [C] les sommes suivantes :

20 679,68 euros à titre de rappels d’heures supplémentaires et 1067,96 euros à titre des congés payés afférents, en brut,

9026,88 euros nette à titre d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

2000 euros nette pour exécution déloyale du contrat de travail,

3000 euros pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

1504,48 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis et 150,44 euros à titre de congés payés afférents, en brut,

576,71 euros brute à titre d’indemnité de licenciement,

1009,05 euros à titre de rappels de salaires pour la mise à pied et 100,90 euros de congés payés afférents, en brut,

à Maître Thomas GONZALES la somme de 1000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridictionnelle totale accordée à [T] [C],

ordonne à l’EURL LE KIOSQUE de remettre à [T] [C] ces documents de fin de contrat et un bulletin de salaire récapitulatif conformes au jugement, sous astreinte de 10 euros par jour et par document à compter du 30e jour après notification du jugement,

sous le bénéfice de l’exécution provisoire de droit et sur la base d’un salaire mensuel moyen de 1504,48 euros brut,

pour rappel, assorties de l’intérêt au taux légal à compter de la date de la saisine concernant les condamnations salariales et à la date du jugement concernant les créances indemnitaires,

déboute les parties de leurs autres demandes,

condamne l’EURL LE KIOSQUE aux dépens.

Par déclaration d’appel du 11 mai 2019, l’EURL LE KIOSQUE a interjeté appel à l’encontre de tous les chefs du jugement.

Par arrêt du 26 octobre 2022, la cour d’appel a ordonné la réouverture des débats à l’audience du 21 février 2023 pour permettre à l’intimé, avant le 1er décembre 2022, de mettre ses conclusions en conformité avec les prescriptions de l’article 954 alinéa 1 et de produire aux débats le calcul détaillé de la somme réclamée au titre des heures supplémentaires alléguées. La cour a fixé au 31 janvier 2023 la clôture de la mise en état. L’affaire a été renvoyée à la demande de l’intimé au 19 septembre 2023.

Par conclusions récapitulatives du 17 avril 2020, l’EURL LE KIOSQUE demande à la cour de voir infirmer le jugement en toutes ses dispositions, juger qu’elle n’a manqué à aucune de ses obligations, débouter [T] [C] de ses demandes et le condamner au paiement de la somme de 3000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions récapitulatives du 28 novembre 2022, [T] [C] demande à la cour, en confirmant le jugement rendu par le conseil de prud’hommes, de condamner l’EURL LE KIOSQUE au paiement des sommes suivantes :

18 959,93 euros brute au titre des heures supplémentaires non payées outre la somme de 1895,99 euros brute au titre des congés payés y afférents,

9026,88 euros nette à titre d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

10 000 euros nette pour exécution déloyale du contrat de travail,

constater que les griefs contenus dans la lettre de licenciement sont prescrits à l’exception de deux d’entre eux,

1009,05 euros brute à titre des jours de mise à pied abusivement retenus et 100,90 euros brute à titre de congés payés y afférents,

3008,96 euros brute au titre de l’indemnité compensatrice de préavis et la somme de 300,89 euros brute au titre des congés payés sur préavis,

576,71 euros nette au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement,

12 000 euros nette pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

ordonner la remise d’un bulletin de salaire récapitulatif, une attestation pôle emploi et un certificat de travail conformes au jugement sous peine d’astreinte de 80 euros par jour de retard à compter de la notification du jugement,

ordonner le remboursement par l’employeur des indemnités de chômage versées au salarié,

2500 € en application de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 avec le droit de recouvrement direct au bénéfice de Maître Thomas GONZALES, avocat de [T] [C] et les dépens.

Il sera fait référence aux conclusions des parties pour un plus ample exposé des faits et des moyens conformément à l’article 455 du code de procédure civile.

LES MOTIFS DE LA DECISION :

Sur les heures supplémentaires :

L’article L.3121-1 du code du travail dispose que la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l’employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles. L’article L.3121-28 du code du travail prévoit que toute heure accomplie au-delà de la durée légale hebdomadaire ou de la durée considérée comme équivalente est une heure supplémentaire qui ouvre droit à une majoration salariale ou, le cas échéant, à un repos compensateur équivalent. L’article L.3121-29 dispose quant à lui que les heures supplémentaires se décomptent par semaine. En pareil contentieux, l’article L.3171-4 prévoit qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

En pareille matière, il appartient au salarié d’étayer sa demande par la production d’éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l’employeur de répondre en fournissant ses propres éléments. Un décompte mensuel établi à la main suffit, sans autre explication ni indication complémentaire apportée par le salarié. Dans l’hypothèse où le juge retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

En l’espèce, le salarié a produit un relevé mentionnant 4626,10 heures réalisées sur la période de son contrat, calculé par semaine depuis le 8 juillet 2013 jusqu’au 30 avril 2015 et un nombre de 1394,70 heures supplémentaires réalisées sur la même période, calculé par semaine. En tenant compte des majorations d’heures supplémentaires, le salarié a chiffré une créance d’un montant de 18 959,93 euros, actualisée en cause d’appel par rapport à la procédure de première instance. Les attestations [H], [I] font état d’une prise de fonction vers 11 heures 30 le matin jusqu’à six jours sur sept par semaine, sans respect du jour de repos, jusqu’à la fermeture dont les heures n’étaient pas définies, aux alentours de 21 heures ou parfois jusqu’à deux heures du matin.

L’employeur ne produit aucun élément relatif aux horaires de travail du salarié ni du nombre éventuel d’heures supplémentaires et fait valoir n’avoir jamais demandé au salarié d’effectuer des heures supplémentaires. Les attestations d’autres salariés de l’entreprise qu’il produit expliquant le respect des horaires ne valent que pour ces salariés et n’apparaissent pas probantes à l’égard de la situation de [T] [C] qui pouvait être différente.

Elles se heurtent au courrier de l’inspection du travail qui a expressément indiqué qu’il n’existait aucune organisation en matière de durée de travail donnant lieu à l’élaboration et à l’affichage d’un planning, ni la mise en place de relevés d’heures.

Le nombre d’heures supplémentaires évoqué par le salarié sur 23 mois renvoie à une quinzaine d’heures supplémentaires par semaine, ce qui apparaît crédible dans une activité de restauration.

Ainsi et en l’absence de tout élément de l’employeur concernant l’organisation des horaires de travail et au vu d’un relevé d’heures effectuées produit par le salarié, il convient de faire droit à la demande de ce dernier et de condamner l’employeur au paiement des sommes réclamées, celle de 18 959,93 euros brute au titre des heures supplémentaires non payées et celle de 1895,99 euros brute au titre des congés payés y afférents.

L’employeur devra remettre au salarié les documents de fin de contrat et un bulletin de salaire récapitulatif conformes à l’arrêt sans astreinte.

Le jugement sera infirmé sur ce point.

Sur le travail dissimulé :

L’article L.8221-5 du code du travail prévoit qu’est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur 1° de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L.1221-10 relatif à la déclaration préalable à l’embauche ; 2° de se soustraire intentionnellement à la délivrance d’un bulletin de salaire ou d’un document équivalent défini par voie réglementaire ou de mentionner sur un bulletin de paie ou le document équivalent, un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement de temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ; 3° de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales. L’article L. 8223-10 dispose qu’en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l’article L.8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

En l’espèce, l’EURL LE KIOSQUE a été condamnée pour non-paiement de 1394,70 heures supplémentaires causant ainsi le fait matériel du travail dissimulé tenant dans l’absence ou la soustraction aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales auprès des organismes sociaux et fiscaux. Tenant l’ampleur des heures non payées et non déclarées et l’avis de l’inspection du travail du 8 juin 2015 constatant qu’il n’existait aucune organisation en matière de durée du travail donnant lieu à l’élaboration et à l’affichage d’un planning, ni la mise en place de relevé d’heures, l’ignorance des règles ou la simple erreur invoquées par l’employeur ne sont pas convaincantes. Au contraire, le caractère intentionnel de l’absence de déclaration apparaît établi.

Dès lors, l’employeur sera condamné à payer à [T] [C] la somme de 9026,88 euros nette à titre d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé. Le jugement sera ainsi confirmé sur ce point.

Sur le licenciement :

L’article L.1234-1 du code du travail prévoit que lorsque le licenciement n’est pas motivé par une faute grave, le salarié a droit à une indemnité de préavis et de licenciement.

En pareille matière, il est admis que la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. Il appartient à l’employeur de prouver la réalité de la faute grave qu’il reproche au salarié. La mise en ‘uvre de la procédure de licenciement doit intervenir dans un délai restreint après que l’employeur a eu connaissance des faits fautifs dès lors qu’aucune vérification n’est nécessaire. Le maintien du salarié dans l’entreprise est possible pendant le temps nécessaire pour apprécier le degré de gravité des fautes commises.

En l’espèce, une mise à pied conservatoire a été ordonnée par le gérant le 27 mai 2015 vers 15 heures au motif d’une « violente altercation avec une cliente et des propos outrageants et irrespectueux envers ma personne ».

La lettre de licenciement qui fixe le cadre du litige, porte mention des reproches suivants :

en avril 2014, brusques sautes d’humeur avec un comportement inadapté et des propos très désagréables envers les clients notamment lorsqu’un client vous a demandé les toilettes, vous lui avez refusé de façon pour le moins irrespectueuse,

été 2014, injures en traitant les uns et les autres de « grosse chienne », à voie haute et intelligible que les clients, médusés, entendaient, les mettant mal à l’aise ou les faisant fuir,

réponse sur un ton irrespectueux et même agressif aux consignes données par le gérant,

le 11 janvier 2015, à un moment de forte affluence, « vous m’avez de façon très virulente, sur un ton agressif avec un visage haineux, reproché l’arrivée soudaine de trop de clients devant des clients stupéfaits ce qui a eu pour conséquence d’en faire fuir certains qui étaient assis et se sont levés pour partir »,

Mars avril 2015, « vous vous êtes pris encore davantage à vos collègues, leur manquant de respect, tenant des propos désagréables : « vous êtes des incapables », « il n’y a que moi qui sais travailler », « toi t’as pas de cervelle », allant jusqu’à leur donner des surnoms humiliants, inacceptables dans une relation de travail, « coquilles Saint-Jacques », « le petit pédé », « la suceuse », « la grosse ». Le 27 mai 2015, « vous avez en effet dépassé les bornes. Alors qu’une cliente vous a demandé si elle pouvait avoir le journal pour le consulter, vous lui avez répondu « t’as qu’à te lever, grosse, je suis pas ton larbin ». Non content d’avoir eu cette attitude inadmissible et tenu de tels propos inacceptables à l’égard d’une cliente, vous avez fait dégénérer la situation. En effet, lorsque je suis venu vous voir pour essayer de temporiser, vous ramener à la raison et vous calmer, vous vous en êtes pris cette fois à moi, vous emportant encore davantage, m’insultant devant la clientèle, « ta gueule, tout est de ta faute et des collègues » en allant jusqu’à me menacer, les yeux exorbités, « tu vas voir ce que je vais faire ». C’est dans ce contexte qu’afin de garantir la sérénité et même la sécurité de tout le monde, j’ai dû vous demander de quitter les lieux et vous ai adressé la mise à pied conservatoire que vous connaissez. (‘) Les faits susvisés étant inadmissibles, nuisant par ailleurs au bon fonctionnement de l’équipe et du service (votre comportement nuit à un travail serein et à la bonne ambiance de l’équipe) et étant préjudiciables également à l’établissement dont l’image est fortement dégradée vis-à-vis de la clientèle, rendent impossible la poursuite de votre contrat de travail ainsi que votre maintien même temporaire dans l’entreprise ».

Les faits postérieurs à la lettre de licenciement sont sans incidence sur la solution du litige.

S’agissant de la prescription des faits fautifs, l’article L.1332-4 du code du travail prévoit qu’aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l’exercice de poursuites pénales. Toutefois, il est admis que si un fait fautif ne peut plus donner lieu à lui seul à une sanction au-delà du délai de deux mois, l’employeur peut invoquer une faute prescrite lorsqu’un nouveau fait fautif est constaté, à condition toutefois que les deux fautes procèdent d’un comportement identique. De même, l’employeur peut prendre en compte un fait antérieur à deux mois dans la mesure où le comportement du salarié a persisté dans ce délai. En l’espèce, les faits du 27 mai 2015 ne sont pas prescrits et l’employeur peut ainsi invoquer les autres fautes prescrites puisqu’il est évoqué des fautes de même nature. Le jugement sera infirmé sur ce point.

Sur le fond, le contrôle opéré par l’inspection du travail peu de temps avant le licenciement peut interroger sur le licenciement prononcé. Toutefois, l’employeur invoque des griefs tout à fait distincts fondés sur de nombreuses attestations et le fait d’avoir ignoré que le contrôle de l’inspection du travail avait été effectué à l’initiative de l’intimé. Aucune preuve d’un lien entre le contrôle et le licenciement n’est établie.

Si les trois premières séries de reproches contenus dans la lettre de licenciement n’apparaissent pas suffisamment précis et circonstanciés, les autres du 11 janvier 2015, de mars avril 2015 et du 27 mai 2015 caractérisent un motif sérieux consistant en des faits suffisamment précis, circonstanciés et matériellement vérifiables à l’encontre du salarié.

L’employeur et le salarié produisent de nombreuses attestations à leur profit. Toutefois, il apparaît que l’employeur, selon attestation de [S] [H], lui a reproché une attestation faite au profit du salarié et lui a demandé de lui faire une autre attestation en sa faveur en échange d’un emploi, ce qu’elle n’a pas fait et a confirmé son attestation précédente. L’intimé reproche aussi l’attestation de M. [Y] pour des faits commis le 26 mai 2015 alors qu’il était absent. Ces attestations n’ont donc aucun effet probatoire. De même, l’employeur conteste les attestations des consorts [X], [F], [J] et [G] évoquant une pression du salarié pour les faire attester dans son sens, attestations qui seront écartées.

L’employeur produit l’attestation de [A] [L], cliente le 27 mai 2015 qui indique avoir fait l’objet à plusieurs reprises de

réflexions fort déplacées à son égard de la part de [T] [C]. Cette attestation est corroborée par celles de clients, de témoins travaillant à proximité et d’employés reprochant à l’intimé un comportement insultant, grossier et injurieux, persistant au moins sur le premier semestre de l’année 2015, causant en outre un préjudice à l’entreprise en terme d’image.

La faute grave est ainsi caractérisée et est exclusive de toute indemnité de licenciement et de préavis le jugement sera infirmé sur ce point.

Sur l’exécution déloyale du contrat par l’employeur :

L’article L.1222-1 du code du travail prévoit que le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi.

En l’espèce, il n’est pas établi par le salarié qu’il n’a pas été déclaré à la CARSAT en 2013 alors que l’employeur justifie du contraire dans sa pièce 57, produisant un avis de situation en date du 15 juillet 2013.

Par contre, il apparaît qu’à l’embauche, [T] [C] n’a bénéficié d’aucune visite médicale.

S’il avait droit à une mutuelle dès lors qu’il avait six mois d’ancienneté, celle-ci n’a été souscrite à son profit qu’en mai 2014.

La non-déclaration des heures de travail, l’absence de repos journalier, l’absence de deux jours de repos compensateurs hebdomadaires consécutifs au sens de l’article 34 de la convention collective applicable sont caractérisées tenant l’importance et le volume des heures supplémentaires non payées, peu important que d’autres salariés en aient légalement bénéficié.

S’agissant de la vidéosurveillance installée, la surveillance des salariés et le contrôle de leur activité sont des droits de l’employeur inhérents à son pouvoir de direction. Mais, sur le fondement de l’article L.1121-1 du code du travail, ce contrôle doit s’effectuer dans des conditions respectant les droits de la personne et les libertés individuelles et collectives des salariés, en particulier le droit au respect de leur vie privée dont ils bénéficient même au temps et au lieu de travail. Ainsi, toute restriction à ces droits et libertés apportée par un dispositif de contrôle doit être justifiée par la nature de la tâche à accomplir et proportionnée au but recherché. En l’espèce, l’employeur n’a apporté aucune justification à l’installation de cette vidéosurveillance.

En tout état de cause, quand bien même ces fautes seraient établies, [T] [C] n’évoque aucun préjudice causé par ces faits. Il en résulte que sa demande sera par conséquent rejetée. Le jugement sera infirmé sur ce point.

Sur les autres demandes :

De de de de de de de de de premier de La partie appelante succombe partiellement à la procédure, elle sera condamnée aux dépens d’appel. Sa condamnation aux dépens de première instance sera confirmée.

Il paraît inéquitable de laisser à la charge de l’intimé, l’intégralité des sommes avancées par lui et non comprises dans les dépens. Il lui sera alloué la somme de 2000 € en application de l’article 700 du Code de procédure civile. L’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 prévoit que les auxiliaires de justice rémunérés selon un tarif, peuvent renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l’Etat et poursuivre contre la partie condamnée aux dépens et non bénéficiaire de l’aide juridictionnelle le recouvrement des émoluments auxquels ils peuvent prétendre. Tel est le cas en l’espèce, il en sera donné acte.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe et en dernier ressort ;

Confirme le jugement rendu par le conseil des prud’hommes de Montpellier le 16 avril 2019 en ce qu’il a condamné l’EURL LE KIOSQUE à payer à [T] [C] la somme de 9026,88 euros au titre du travail dissimulé, la somme de 1000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens.

Infirme le surplus et statuant à nouveau sur les chefs infirmés,

Dit n’y avoir lieu à prescription des faits survenus antérieurement au 27 mai 2015 justifiant le licenciement.

Condamne l’EURL LE KIOSQUE à payer à [T] [C] les sommes suivantes :

18 959,93 euros brute au titre des heures supplémentaires,

1895,99 euros brute au titre des congés payés sur heures supplémentaires,

dit que l’employeur devra remettre au salarié les documents de fin de contrat et un bulletin de salaire récapitulatif conformes à l’arrêt sans astreinte.

Dit le licenciement de [T] [C] par l’EURL LE KIOSQUE fondé pour faute grave.

Déboute [T] [C] de ses autres demandes au fond.

Condamne l’EURL LE KIOSQUE à payer à [T] [C] la somme de 2000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de

procédure civile compte tenu de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Condamne l’EURL LE KIOSQUE aux dépens de la procédure d’appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

 


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