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Vidéosurveillance : 13 septembre 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 21/03071

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Vidéosurveillance : 13 septembre 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 21/03071

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

17e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 13 SEPTEMBRE 2023

N° RG 21/03071

N° Portalis: DBV3-V-B7F-UZKN

AFFAIRE :

Société FIDUCIAL SECURITE PREVENTION

C/

[D] [S]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 5 octobre 2021 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de NANTERRE

Section : AD

N° RG : F19/01225

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Franck LAFON

Me Elise DANGLETERRE

Copies numériques adressées à:

Pôle emploi

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE TREIZE SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Société FIDUCIAL SECURITE PREVENTION

N° SIRET : 383 474 889

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentant : Me Sébastien-pierre TOMI de la SELAFA SOFIRAL, Plaidant, avocat au barreau de LYON, vestiaire : 706 – Représentant : Me Franck LAFON, Plaidant/constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 618

APPELANTE

****************

Monsieur [D] [S]

né le 17 Février 1959 à [Localité 3]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentant : Me Elise DANGLETERRE de la SELEURL RESOLVE AVOCAT, Plaidant/constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D1342

INTIME

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 31 mai 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Aurélie PRACHE, Président chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Aurélie PRACHE, Président,

Monsieur Laurent BABY, Conseiller,

Madame Nathalie GAUTIER, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Marine MOURET,

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

M. [S] a été engagé en qualité d’agent de sécurité confirmé, par contrat de travail à durée indéterminée, à compter du 1er juillet 2015, par la société Fiducial Sécurité Prévention.

Cette société est spécialisée dans la prévention et la sécurité. L’effectif de la société était, au jour de la rupture, de plus de 10 salariés. Elle applique la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité.

Le 12 août 2018, un individu torse nu a pénétré sur le parking du site Thalès [5] sur lequel il était affecté.

Par lettre du 29 août 2018, le salarié a été convoqué à un entretien préalable en vue d’un éventuel licenciement, fixé le 7 septembre 2018.

Il a été licencié par lettre du 4 octobre 2018 pour faute grave dans les termes suivants :

« Vous avez intégré nos effectifs le 1er Juillet 2015, dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet, assorti de clauses de variabilité de vos horaires et de mobilité géographique.

Le 12 août 2018, vous étiez planifié en qualité de Chef de Poste de 19H00 à 7H00, sur le site « THALES » à [Localité 4]. Au cours de cette vacation, il fut constaté aux environs de 19H55, une intrusion sur site par un individu en torse nu. Celui-ci serait ensuite sorti vers l’extérieur en direction de « La clé St Pierre », en escaladant la grille métallique au niveau de la guérite H.

Malgré la gravité d’un tel incident sur un site « THALES » particulièrement sensible et hautement sécurisé du fait de son activité ainsi que du risque attentatoire actuel, vous vous êtes ainsi simplement contenté de mentionner sur le registre de la main courante le rapport rédigé comme suit : « 19H55 – traversée rapide du parking P2 par un inconnu. Rentré par le chantier et sorti en grimpant sur la rambarde à côté de la guérite H. Aucun déclenchement d’alarme ».

Force a été de constater que votre action s’est simplement limitée à la rédaction de ce rapport particulièrement succinct, sans daigner vous conformer aux consignes de sécurité applicables en la matière, notamment à celle afférente aux instructions en cas d’intrusion.

Conformément à la consigne précitée, outre les instructions sécuritaires, vous deviez immédiatement avertir le Chef de site ainsi que l’officier de sécurité, qui doit impérativement être informé de tout incident d’une telle nature sur son site.

Pourtant tel n’en fut pas votre cas. Notre client, uniquement informé de l’incident le lendemain, soit le 13 août 2018, nous a fait part de son profond mécontentement à cet égard, tout en exigeant la transmission d’un complément de rapport.

Ce faisant, le 13 août 2018 à 19H25, vous avez établi le rapport complémentaire rédigé notamment comme suit « […] Du PC de sécurité, nous avons simplement vu un inconnu gravir la grille métallique à côté de la guérite H à partir vers l’extérieur en direction de la Clé St Pierre.

Cette personne avait les mains vides. Cachés par les arbres, nous ne l’avons pas vu discuter avec l’opérateur du CCO au niveau du portail d’entrée. Le maître-chien étant alors en ronde et sans qu’aucune alarme ne se soit déclenchée, nous avons supposé que cet inconnu avait traversé rapidement le parking P2 en entrant par les chantiers, histoire de prendre furtivement un raccourci. L’Officier de sécurité n’a pas été dérangé pour les raisons ci-dessus (absence d’alarme, non-interception par le maître-chien en ronde, inconnu torse nu et ayant les mains vides, forte présomption d’une simple traversée par le parking P2 comme raccourci). Un signalement d’incident a néanmoins été réalisé par la rédaction immédiate d’un compte rendu. »

Suite à la transmission de ce complément de rapport, une réunion d’urgence a été organisée avec notre responsable d’affaire, Mr [R] et notre client. Il est ainsi inéluctable la mise en cause de votre responsabilité et par voie de conséquence, celle de notre entreprise.

Au regard des missions qui vous sont confiées, de tels agissements sont tout simplement inacceptables.

Lors de notre entretien, vous avez partiellement reconnu les griefs reprochés.

Selon vos dires, aux environs de 19H55, vous étiez à la fenêtre du PC de sécurité en train de discuter avec les autres membres de l’équipe sécuritaire. C’est alors que vous confirmez avoir vu un individu torse nu en train de gravir la grille métallique à côté de la guérite H et partir vers l’extérieur en direction de la « Clé St Pierre ».

Néanmoins, vous nous expliquez avoir analysé la situation et avoir estimé qu’elle ne présentait pas de caractère de gravité, tout en précisant selon vos dires qu’il s’agissait d’une « extrusion » et non d’une intrusion, car vous ne l’aviez pas vu pénétrer dans l’enceinte du site, mais simplement en sortir.

Vous conviendrez que de telles explications sont tout simplement inadmissibles au regard des fonctions occupées par vos soins.

En liminaire, nous prenons acte de la présence de l’ensemble de l’équipe sécuritaire à la fenêtre du PC, qui n’était donc pas en face des écrans de surveillance des caméras de contrôle et n’ayant a fortiori, pas pu constater l’intrusion de l’individu.

Par ailleurs, il convient de contester purement et simplement le caractère aussi fantaisiste que dénué de tout fondement légitime, de votre analyse sémantique sur la différenciation entre « l’extrusion » et « l’intrusion», pour tenter d’atténuer votre responsabilité.

Considérant nos missions de sécurité et de prévention d’un site classé particulièrement sensible et hautement sécurisé, dont nos obligations sont renforcées au regard du contexte géopolitique et sécuritaire actuels, vous comprendrez aisément la gravité de tels agissements.

Votre négligence nous a donc placés dans une situation de fait, susceptible d’être pénalement répréhensible.

Nous vous rappelons qu’au regard des missions qui vous sont confiées, il vous incombe de respecter scrupuleusement les consignes édictées en la matière.

En effet, il résulte des dispositions issues de l’article III.1 du Règlement Intérieur de notre société que « le personnel est tenu de concourir d’une manière générale à la bonne marche de son entreprise dont il est lui-même pour partie responsable. Dans cet esprit, il se doit de respecter les consignes et prescriptions données par ses supérieurs ou portées à sa connaissance verbalement ou par écrit ».

Force est de constater que vous ne vous y êtes pas conformé.

Au regard des spécificités et des responsabilités liées à notre domaine d’activité, un tel manquement dans l’exercice de vos fonctions dument constaté par notre client a ainsi gravement mis en péril l’intégrité et la sécurité du site, dont nous avons la charge de la garde, ce que nous ne pouvons pas tolérer.

Nous vous rappelons qu’en application de l’Accord du 26 Septembre 2016 relatif aux qualifications professionnelles, les missions de l’agent de sécurité ont pour objet « la protection des biens meubles et immeubles ainsi que celle des personnes physiques ou morales liées directement ou indirectement à la sécurité des biens. Elles se déclinent en missions :

‘ D’accueil et de contrôles d’accès

‘ De surveillance générale du site

‘ De sécurité technique et incendie de base

‘De secours et assistance aux personnes, protection et alerte en cas d’accident ou événement exceptionnel.

Dans le cadre des missions d’accueil et de contrôle d’accès, il est expressément exposé qu’elles « constituent le premier maillon de la chaîne de la sécurité ». A cet effet, il vous incombe notamment de […] :

‘ « filtrer et contrôler tes entrées et sorties des personnes, des véhicules et des colis

‘ Contrôler les parkings

‘ Accueillir les visiteurs

‘ Enregistrer les identités

‘ Délivrer les badges aux visiteurs et entreprises extérieures

‘ Effectuer le rapprochement entre les identités et les habilitations […] »

Il ressort également des dispositions précitées qu’« en complément de ses missions d’agent de sécurité, l’agent de sécurité chef de poste est chargé pendant sa présence sur son site d’exploitation, de la bonne exécution de la prestation du ou des agents qu’il coordonne». Nous déplorons que tel n’en fut pas le cas.

Outre les manquements à vos obligations contractuelles, de tels agissements constituent des violations manifestes aux textes susvisés ainsi qu’une inexécution fautive de votre contrat de travail au regard des responsabilités et des fonctions qui vous sont dévolues.

Considérant la nature de notre mission de prévention et de sécurité, votre attitude a non seulement compromis l’intégrité et la sécurité du site mais également le bon fonctionnement de notre activité et par voie de conséquence, la bonne marche de l’entreprise.

Ce faisant, nous ne pouvons pas tolérer une telle attitude constitutive d’un manque de professionnalisme manifeste, susceptible d’altérer de manière irréversible l’image et la confiance de notre client envers notre société. La responsabilité de notre société ayant dument été soulevée.

Vous n’êtes pourtant pas sans ignorer que notre domaine d’activité exige une rigueur absolue et des états de service irréprochables.

Malgré les explications recueillies lors de notre entretien, notre appréciation des faits n’a pu subir aucun changement.

En conséquence de quoi, nous avons le regret de vous notifier par la présente votre licenciement à effet immédiat pour faute grave, sans préavis ni indemnités de rupture, votre comportement perturbant gravement la marche du service et rendant impossible la poursuite de votre activité au service de l’entreprise, même pendant un préavis. »

Le 13 mai 2019, M. [S] a saisi le conseil de prud’hommes de Nanterre aux fins de contester le bien-fondé de son licenciement et d’obtenir le paiement de diverses sommes.

Par jugement du 5 octobre 2021, le conseil de prud’hommes de Nanterre (section activités diverses) a :

– fixé la rémunération de M. [S] à 2 135,07 euros par mois,

– dit que le licenciement de M. [S] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

– condamné la société Fiducial Prévention Sécurité à payer à M. [S] :

. 6 106,60 euros au titre des rappels de salaire, outre 610,66 euros au titre des congés payés afférents,

. 8 540,28 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

. 1 734,74 euros à titre d’indemnité légale de licenciement,

. 3 710,92 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 371,09 euros au titre des congés payés afférents,

– condamné Fiducial Prévention Sécurité à payer la somme de 950 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné Fiducial Prévention Sécurité aux entiers dépens incluant la facture de la société AXCIO, expert-comptable saisi par M. [S],

– débouté Fiducial Prévention Sécurité de sa demande reconventionnelle formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– dit que seule l’exécution provisoire est de droit, conformément à l’article R1454-28 du code du travail,

– débouté M. [S] du surplus de ses demandes.

Par déclaration adressée au greffe le 18 octobre 2021, la société Fiducial Sécurité Prévention a interjeté appel de ce jugement.

Une ordonnance de clôture a été prononcée le 18 avril 2023.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 23 mai 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles la société Fiducial Sécurité Prévention demande à la cour de :

sur le bien fondé du licenciement notifié par courrier recommandé avec AR date du 4 octobre 2018,

– réformer le jugement dont appel,

– juger que M. [S] a adopté un comportement gravement fautif,

– juger, en conséquence, bien fondé le licenciement notifié par courrier recommandé avec AR en date du 4 octobre 2018,

– débouter, en conséquence, l’intéressé de l’intégralité des réclamations qu’il formule au titre d’un licenciement prétendument dénué de cause réelle et sérieuse,

– débouter, plus généralement, l’intéressé de l’intégralité des réclamations qu’il formule dans le cadre de la présente instance,

– condamner M. [S] à lui restituer la somme de 6 429,02 euros qu’il a perçue dans le cadre de l’exécution provisoire de droit,

sur la demande de repositionnement conventionnel,

– réformer le jugement dont appel,

– juger que le poste occupé par M. [S] au titre de la période de réclamation était un poste d’agent de service de sécurité confirmé, poste coté au niveau 3, échelon 1, coefficient 130, suivant les dispositions de la CCN applicable,

– juger que M. [S] n’est pas éligible au bénéfice du statut de chef de poste selon les dispositions de la même convention collective,

– débouter, en conséquence, M. [S] de la demande de rappel de salaire qu’il sollicite au titre de la reclassification à laquelle il aspire,

– juger que M. [S], pour celles des heures prestées en qualité de chef de poste a perçu, conformément aux dispositions de la CCN des entreprises de prévention et sécurité, une prime différentielle y afférente,

– débouter, en conséquence et de plus fort, M. [S] de toute demande à caractère salarial,

– condamner M. [S] à lui restituer la somme de 6 429,02 euros qu’il a perçue dans le cadre de l’exécution provisoire de droit,

sur le rappel de rémunération au titre de la journée du 4 octobre 2018,

– confirmer le jugement dont appel,

– juger que M. [S] a été rempli de ses droits,

– débouter, en conséquence, l’intéressé de la réclamation salariale qu’il formule à ce titre,

– débouter M. [S] de son appel incident et de tous moyens qu’il comporte,

en tout état de cause,

– condamner M. [S] à lui verser la somme de 2 800 euros sur le fondement de l’article 700 du « code civile »,

– condamner le même aux entiers dépens de l’instance dont distraction au profit de Me Franck Lafon, avocat, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 24 février 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles M. [S] demande à la cour de :

– confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Nanterre en date du 5 octobre 2021, en ce qu’il a dit le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

– confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Nanterre en date du 5 octobre 2021, en ce qu’il a condamné la société Fiducial Sécurité Prévention à lui payer la somme de 8 540,28 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Nanterre en date du 5 octobre 2021, en ce qu’il a condamné la société Fiducial Sécurité Prévention à lui payer la somme de 1 734,74 euros à titre d’indemnité légale de licenciement,

– confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Nanterre en date du 5 octobre 2021, en ce qu’il a condamné la société Fiducial Sécurité Prévention à lui payer la somme de 3 710,92 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

– confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Nanterre en date du 5 octobre 2021, en ce qu’il a condamné la société Fiducial Sécurité Prévention à lui payer la somme de 371,09 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,

– confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Nanterre en date du 5 octobre 2021, en ce qu’il a condamné la société Fiducial Sécurité Prévention à lui payer la somme de 6 106,60 euros, à titre rappel de salaire outre 610,66 euros pour congés payés afférents,

en outre,

– infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Nanterre en date du 5 octobre 2021, en ce qu’il l’a débouté de sa demande de rappel de salaire d’un montant de 92,95 euros, outre 9,29 euros pour congés payés afférents,

en conséquence,

statuant de nouveau,

– condamner la société Fiducial Sécurité Prévention à lui payer la somme de 92,95 euros à titre de rappel de salaire pour heures impayées outre 9,29 euros pour congés payés afférents,

en tout état de cause,

– débouter la société Fiducial Sécurité Prévention de l’ensemble de ses éventuelles demandes, fins et conclusions contraires et supplémentaires,

– condamner la société Fiducial Sécurité Prévention à lui payer la somme de 5 200 euros, au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la société Fiducial Sécurité Prévention aux entiers dépens.

MOTIFS

Sur l’exécution du contrat de travail

Sur le rappel de salaire relatif à la qualification de chef de poste

Le salarié soutient avoir effectué quasi-exclusivement des vacations de chef de poste à compter d’août 2016 de sorte qu’il ne s’agissait pas de remplacements temporaires ou ponctuels pouvant donner lieu à une prime différentielle mais bien de sa qualification d’emploi, ce qui devait selon lui conduire l’employeur à lui octroyer le statut agent de maîtrise, coefficient 160, coefficient appliqué volontairement par la société aux chefs de poste, supérieur au coefficient 140 prévu par la convention collective pour cette qualification d’emploi.

L’employeur conteste la qualification de chef de poste du salarié et fait valoir qu’en tout état de cause, lorsque le salarié réalisait ponctuellement les missions de chef de poste, il bénéficiait de la prime différentielle conventionnelle prévue à cet effet.

***

La qualification d’un salarié s’apprécie au regard des fonctions qu’il exerce réellement au sein de l’entreprise, au regard de la définition des emplois donnée par la convention collective, et non par référence à l’intitulé de ses fonctions. Elle peut aussi résulter du contrat de travail.

Il appartient au salarié qui se prévaut d’une classification conventionnelle différente de celle dont il bénéficie, de démontrer qu’il assure effectivement, de façon habituelle, dans le cadre de ses fonctions, des tâches et responsabilités relevant de la classification qu’il revendique.

L’article 3 « Définitions des emplois repères » de l’accord du 26 septembre 2016 relatif aux qualifications professionnelles de la convention collective de la prévention et de la sécurité prévoit que :

« 3.5. En cas de remplacement temporaire dans un poste de classification supérieure, les dispositions de l’article 3 de l’annexe IV de la CCN demeurent applicables ».

L’article 3 de l’annexe IV de la convention collective stipule que « Tout agent d’exploitation, employé administratif ou technicien assurant l’intérim d’un poste de classification supérieure pendant une période continue de plus de 2 mois recevra, à partir du 3e mois, une indemnité mensuelle qui ne peut être inférieure à la différence entre son salaire et le salaire minimal conventionnel de la catégorie du poste dont il assure l’intérim ».

Au cas présent, les plannings d’août 2016 à octobre 2018 fournis par l’employeur (pièce n°2) démontrent que le salarié a effectué une majorité de vacations en qualité de chef de poste.

Ainsi, à titre d’exemple, en août 2016, le salarié a été affecté en qualité de chef de poste lors de 12 vacations sur 14, en septembre 2016, lors de 6 vacations sur 10, en octobre 2016, lors de 9 vacations sur 12 et en novembre 2016, lors de 7 vacations sur 12.

En outre, l’examen des bulletins de salaire de décembre 2016 à octobre 2018 dont les mentions ne sont contestées par les parties, permet de constater que le salarié a perçu une prime différentielle pour 3 072 heures de travail sur les 3 082,5 heures travaillées (pièce n°3).

L’employeur reconnaissant que la prime différentielle avait vocation à compenser les heures de travail exercées en qualité de chef de poste par le salarié, il s’en déduit que ce dernier a travaillé pendant cette période en qualité de chef de poste à 99,6 % de son temps de travail.

Enfin, l’employeur, qui prétend que le salarié n’exerçait les fonctions de chef de poste qu’à titre ponctuel, précise toutefois dans ses écritures que « Monsieur [S] était indifféremment affecté en qualité d’opérateur, d’intervenant ou de chef de poste ».

Il s’en déduit que les vacations du salarié en qualité de chef de poste n’avaient pas seulement pour objet d’assurer un remplacement temporaire sur ce poste tel que prévu dans les textes précités mais de pourvoir à une affectation sur ce poste de façon pérenne.

Dès lors qu’il est établi que le salarié effectuait presque exclusivement des vacations de chef de poste depuis août 2016 et que l’employeur ne justifie pas que les vacations du salarié étaient effectuées à des fins de remplacement temporaire/intérim, le salarié aurait dû bénéficier à compter d’août 2016 a minima du coefficient 140 , en application de l’article 3 de l’accordprécité.

Le salarié établit par son échange de courriels avec M. [Z], chef de site Thales [Localité 7] et coordinateur de sites Fiducial Sécurité Prévention des 28 au 30 août 2017 (pièce n°4), que l’employeur appliquait un coefficient 160 aux chefs de poste de l’entreprise de sorte que ce coefficient devait s’appliquer au salarié.

L’employeur ne discute pas utilement le statut d’agent de maîtrise appliqué aux chefs de poste selon le salarié.

Le rapport du cabinet d’expertise comptable Axcio, produit par le salarié et non discuté par l’employeur, fait état d’un écart de rémunération entre le salaire perçu par le salarié en tant qu’agent de sécurité confirmé, prime différentielle incluse, et le salaire qu’il aurait perçu en qualité de chef de poste, niveau 1, échelon 2, coefficient 160, de 6 717,26 euros bruts pour la période d’août 2016 à octobre 2018.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il condamne l’employeur à verser au salarié la somme de 6 106,60 euros bruts à titre de rappel de salaire pour la période d’août 2016 à octobre 2018 outre la somme de 610,66 euros bruts au titre des congés payés afférents.

Sur le rappel de salaire relatif à la journée du 4 octobre 2018

Le salarié prétend ne pas avoir été rémunéré des 7 heures de travail effectuées le 4 octobre 2018 entre minuit et 7h, ce que réfute l’employeur.

Nonobstant la délivrance de la fiche de paie, l’employeur doit prouver le paiement du salaire (cf. Soc., 29 mars 2023, pourvoi n° 21-19.631).

Si le document de pré-saisie de la paie d’octobre 2018 (pièce n°20) fait apparaître le paiement de 24 heures travaillées entre le 1er et le 4 octobre 2018, le bulletin de salaire d’octobre 2018 non discuté par l’employeur fait apparaître une retenue de salaire correspondant à 134,09 heures de sorte que le salarié n’a été rémunéré ce mois-là que pour 17,58 heures de travail.

L’employeur n’apportant aucun autre élément établissant le paiement de la totalité des heures travaillées, il sera fait droit aux demandes du salarié, dont les montants ne sont pas contestés.

Par voie d’infirmation du jugement, l’employeur sera condamné à verser au salarié la somme de 92,95 euros bruts à titre de rappel de salaire pour la journée du 4 octobre 2018 outre la somme de 9,29 euros bruts au titre des congés payés afférents.

Sur la rupture du contrat de travail

Sur la faute grave

A l’appui de son appel, l’employeur expose que les faits sont établis et que la gravité de la faute doit s’apprécier au regard de la qualité de chef de poste du salarié lors de sa vacation.

Le salarié rétorque que la consigne qu’il aurait méconnue n’était pas applicable dès lors que l’individu ne s’est pas introduit sur le site placé sous vidéosurveillance mais a traversé le parking accessible depuis un chantier mitoyen sans limitation / protection, qu’il n’a jamais bénéficié d’une formation à la fonction de chef de poste, qu’il n’a jamais fait l’objet d’une sanction disciplinaire et qu’il a été maintenu à son poste pendant toute la durée de la procédure de licenciement.

***

Il résulte de l’article L.1232-1 du code du travail que tout licenciement pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse.

Le motif inhérent à la personne du salarié doit reposer sur des faits objectifs, matériellement vérifiables et qui lui sont imputables.

L’article L.1235-1 du code du travail prévoit qu’en cas de litige, le juge, à qui il appartient d’apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

Enfin, la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise et qui justifie la rupture immédiate de son contrat de travail, sans préavis ; la charge de la preuve pèse sur l’employeur.

En l’espèce, la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, reproche au salarié de ne pas avoir respecté les consignes de sécurité applicables en cas d’intrusion et plus particulièrement, de ne pas avoir immédiatement averti le chef de site et l’officier de sécurité de l’intrusion d’un individu sur le site et de ne pas avoir rempli sa fonction. 

L’employeur produit :

un document intitulé « Consignes d’application Thalès/SQY ‘ Gestion des alarmes » qui prévoit que « lors d’une intrusion constatée visuellement, ou suite à plusieurs alarmes indiquant une progression dans les bâtiments », il convient d’appeler immédiatement la police et d’avertir concomitamment le chef de site Fiducial SP et l’officier de sécurité de l’entité concernée,

un compte-rendu rédigé par le salarié le 12 août 2018 à 19h55 comme : « traversée rapide du parking P2 par un inconnu. Rentré par le chantier et sorti en grimpant sur la rambarde à côté de la guérite H. Aucun déclenchement d’alarme. »

un compte-rendu complémentaire rédigé par le salarié le 13 août 2018 à 19h25 comme suit : « Faisant suite à la conversation téléphonique d’aujourd’hui avec C.Coffre, les précisions complémentaires à l’incident d’intrusion d’hier 12/08/2018 sont les suivantes : – du PC sécurité, nous avons simplement vu un individu gravir la grille métallique à côté de la guérite H et partir vers l’extérieur en direction de la clé [6]. Cette personne avait les mains vides. ‘ Cachés par les arbres, nous ne l’avons pas vue discuter avec l’opérateur du CCO au niveau du portail d’entrée. ‘ Le maître-chien étant alors en ronde et sans qu’aucune alarme ne se soit déclenchée, nous avons supposé que cet inconnu avait traversé rapidement le parking P2 en entrant par les chantiers, histoire de prendre rapidement un raccourci. ‘ l’officier sécurité n’a pas été dérangé pour les raisons ci-dessus (absence d’alarme, non-interception par le maître-chien en ronde, inconnu torse nu et ayant les mains vides, forte présomption d’une simple traversée par le parking P2 comme raccourci). ‘ un signalement d’incident a néanmoins été réalisé par la rédaction immédiate d’un compte-rendu »

l’attestation de M. [Z], chef de site selon lequel il a pris connaissance à son retour de congés le 20 août 2018 des rapports rédigés par le salarié, et a indiqué que ce dernier aurait dû mettre en ‘uvre la consigne applicable et surtout prévenir les forces de l’ordre et l’officier de sécurité de Thalès. Il ajoute que suite à cet incident majeur sur un site classé secret défense dans un contexte d’attentats, M. [X], officier sécurité a organisé une réunion avec visionnage de l’incident (vue de l’individu sortant du site) afin d’éviter que de tels dysfonctionnements ne se reproduisent. Il conclut que cet incident constituant un manquement aux obligations de la société envers son client était de nature à remettre en cause cette relation commerciale.

Il ressort ainsi des éléments versés au débat et non contestés que le 12 août 2018, un individu torse nu s’est introduit sur un parking qui était accessible depuis un chantier mitoyen sans limitation et protection et qu’aucune alarme ne s’est déclenchée.

L’employeur n’apporte aucun élément tel que le plan du site, des extraits de vidéosurveillance, des attestations de salariés présents lors de cette vacation ou du client, permettant d’une part d’établir les contours du site placé sous surveillance et d’autre part de justifier des conditions réelles de l’intrusion de l’individu sur le site.

Par ailleurs, il n’est pas démontré que la consigne consistant à avertir immédiatement le responsable devait s’appliquer à l’incident du 12 août 2018, de sorte qu’il ne peut être reproché au salarié de l’avoir méconnue.

Ainsi, les faits reprochés au salarié ne sont pas établis.

Au surplus, le salarié fait justement valoir qu’il a continué d’exercer ses missions de chef de poste sur ce site pendant la durée de la procédure disciplinaire soit plus d’un mois, remettant ainsi en cause la gravité des faits reprochés.

En outre, il n’est pas contesté que le salarié n’avait jamais fait l’objet d’une sanction disciplinaire depuis son engagement, en 2015

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences financières du licenciement sans cause réelle et sérieuse

S’agissant de l’indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents, le salarié se prévaut du salaire minimum mensuel conventionnel applicable à un chef de poste, agent de maîtrise, niveau 1, échelon 2, coefficient 160 correspondant à 1 855,46 euros bruts en octobre 2018. L’employeur évoque quant à lui un salaire mensuel brut de 1 501,94 euros.

Il est établi que le minimum conventionnel prévu pour un agent de maîtrise, niveau 1, échelon 2, coefficient 160 correspond à 1 855,46 euros bruts en octobre 2018 et il n’est pas discuté que la durée du préavis applicable est de deux mois.

Compte tenu des développements qui précèdent, le jugement sera confirmé en ce qu’il condamne l’employeur au paiement de la somme de 3 710,92 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis et de la somme de 371,09 euros au titre des congés payés afférents.

S’agissant de l’indemnité légale de licenciement, son montant n’étant pas contesté par l’employeur, le jugement sera confirmé en ce qu’il condamne à juste titre l’employeur au paiement de la somme de 1 734,74 euros à ce titre.

S’agissant de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, le salarié se prévaut d’un salaire mensuel brut de 2 135,07 euros et l’employeur d’un salaire mensuel brut de 1 501,94 euros.

Le rapport du cabinet d’expertise comptable Axcio, produit par le salarié et non autrement discuté par l’employeur, permet de retenir un salaire brut mensuel de 2 135,07 euros.

En application des dispositions de l’article L. 1235-3, dans sa rédaction applicable au litige, issue de l’ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017, qui octroient au salarié, en cas de licenciement injustifié, une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux variant en fonction du montant du salaire mensuel et de l’ancienneté du salarié, le salarié ayant acquis une ancienneté de trois années complètes au moment de la rupture dans la société employant habituellement au moins onze salariés, le montant de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse est compris entre 3 mois et 4 mois de salaire.

Compte tenu notamment des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée au salarié, de son âge (59 ans), de son ancienneté, de sa capacité à retrouver un nouvel emploi, et du fait qu’il était toujours sans emploi en février 2021, le jugement sera confirmé en ce qu’il alloue au salarié la somme de 8 540,28 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le licenciement étant sans cause réelle et sérieuse, il y a lieu, en application de l’article L. 1235-4 du code du travail qui l’imposent et sont donc dans le débat, d’ordonner d’office le remboursement par l’employeur aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

Il y a lieu de confirmer le jugement déféré en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.

Il y a lieu de condamner l’employeur aux dépens de l’instance d’appel.

Il y a lieu de condamner l’employeur à payer au salarié la somme de 3 050 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en cause d’appel et de rejeter sa demande fondée sur ce texte.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, en dernier ressort et prononcé par mise à disposition au greffe :

CONFIRME le jugement entrepris sauf en ce qu’il déboute M. [S] de sa demande de rappel de salaire relatif à la journée du 4 octobre 2018,

Statuant à nouveau du seul chef infirmé, et y ajoutant,

CONDAMNE la société Fiducial Sécurité Prévention à payer à M. [S] la somme de 92,95 euros bruts à titre de rappel de salaire pour la journée du 4 octobre 2018 et la somme de 9,29 euros bruts au titre des congés payés afférents,

ORDONNE d’office le remboursement par l’employeur, à l’organisme concerné, du montant des indemnités de chômage éventuellement servies au salarié du jour de son licenciement au jour du prononcé de l’arrêt dans la limite de 6 mois d’indemnités,

DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

CONDAMNE la société Fiducial Sécurité Prévention à payer à M. [S] la somme de 3 050 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société Fiducial Sécurité Prévention aux dépens.

. prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

. signé par Mme Aurélie Prache, Présidente et par Mme Marine MOURET, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière La Présidente

 


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