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Vidéosurveillance : 13 octobre 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 19/11149

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Vidéosurveillance : 13 octobre 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 19/11149

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-2

ARRÊT AU FOND

DU 13 OCTOBRE 2023

N° 2023/284

Rôle N° RG 19/11149 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BESQ6

SARL KEOLIS PAYS D’AIX

C/

[K] [A]

Copie exécutoire délivrée

le : 13 octobre 2023

à :

Me Rachel SARAGA-BROSSAT, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

(Vestiaire 125)

Me Sonia OULED-CHEIKH, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

(Vestiaire 52)

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’AIX-EN-PROVENCE en date du 28 Mai 2019 enregistré(e) au répertoire général sous le n° .

APPELANTE

SARL KEOLIS PAYS D’AIX prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Rachel SARAGA-BROSSAT de la SELARL SARAGA-BROSSAT RACHEL, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Alexis KIEFFER de l’ASSOCIATION KIEFFER LECOLIER AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de TOULON

INTIME

Monsieur [K] [A], demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Sonia OULED-CHEIKH, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 06 Septembre 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Ursula BOURDON-PICQUOIN, Conseillère, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Florence TREGUIER, Présidente de chambre

Mme Marianne FEBVRE, Président

Madame Ursula BOURDON-PICQUOIN, Conseillère

Greffier lors des débats : Mme Cyrielle GOUNAUD.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 13 Octobre 2023.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 13 Octobre 2023

Signé par Madame Florence TREGUIER, Présidente de chambre et Mme Cyrielle GOUNAUD, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCEDURE

Monsieur [K] [A] a été embauché par la société KEOLIS PAYS D’AIX par contrat à durée indéterminée en date du 17 novembre 2011 en qualité de conducteur-receveur avec reprise de son ancienneté au sein de l’entreprise AUTOBUS AIXOIS au 13 janvier 1992.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des réseaux de transports publics urbains de voyageurs.

L’entreprise occupait à titre habituel au moins onze salariés lors de la rupture des relations contractuelles.

Par courrier du 29 septembre 2016 remis en main propre, Monsieur [A] a été convoqué à un entretien préalable en vue d’une sanction pouvant aller jusqu’au licenciement prévu le 14 octobre 2016.

Il a été convoqué à un conseil de discipline fixé au 27 octobre 2016.

Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 31 octobre 2016, il a été licencié pour faute grave.

Monsieur [A] a saisi, par requête réceptionnée au greffe le 16 février 2017, le conseil de prud’hommes d’Aix-en-Provence pour contester son licenciement et solliciter une indemnisation à ce titre.

Par jugement du 28 mai 2019 notifié le 24 juin 2019, le conseil de prud’hommes d’Aix-en-Provence, section commerce, a ainsi statué :

– dit le licenciement de Monsieur [A] dépourvu de cause réelle ni sérieuse,

– condamne la SARL KEOLIS PAYS D’AIX à payer à Monsieur [K] [A] les sommes suivantes :

– 57 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 1 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à son obligation de sécurité,

– 4 813,36 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

– 481,33 euros à titre d’indemnité compensatrice de congé payé sur préavis,

– 17 356,66 euros à titre d’indemnité légale de licenciement,

– 1 080,00 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– fixe la moyenne mensuelle du salaire à la somme de 2 406,88 euros,

– rappelle l’exécution provisoire de droit en application de l’article R 1454-28 du code du travail,

– ordonne à la SARL KEOLIS PAYS D’AIX de délivrer à Monsieur [K] [A] l’attestation Pôle Emploi rectifié et un bulletin de salaire récapitulatif, conformément à la présente décision,

– déboute Monsieur [K] [A] du surplus de ses demandes,

– déboute la SARL KEOLIS PAYS D’AIX de l’ensemble de ses demandes,

– condamné la SARL KEOLIS PAYS D’AIX aux entiers dépens.

Par déclaration du 10 juillet 2019 déposée au greffe, la société KEOLIS PAYS D’AIX a interjeté appel de chacun des chefs du dispositif du jugement.

PRÉTENTIONS ET MOYENS

Dans ses dernières conclusions notifiées au greffe par voie électronique le 12 septembre 2022, la société KEOLIS PAYS D’AIX, appelante, demande à la cour de :

– réformer le jugement entrepris en ce qu’il a :

– dit le licenciement de Monsieur [A] dépourvu de cause réelle ni sérieuse,

– condamné la SARL KEOLIS PAYS D’AIX à payer à Monsieur [A] les sommes suivantes :

– 57 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 1 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à son obligation de sécurité,

– 4 813,36 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

– 481,33 euros à titre d’indemnité compensatrice de congé payé sur préavis,

– 17 356,66 euros à titre d’indemnité légale de licenciement,

– 1 080,00 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– fixé la moyenne mensuelle du salaire à la somme de 2 406,88 euros,

– rappelé l’exécution provisoire de droit en application de l’article R 1454-28 du code du travail,

– ordonné à la SARL KEOLIS PAYS D’AIX de délivrer à Monsieur [A] l’attestation Pôle Emploi rectifié et un bulletin de salaire récapitulatif, conformément à la présente décision,

– débouté Monsieur [A] du surplus de ses demandes,

– débouté la SARL KEOLIS PAYS D’AIX de l’ensemble de ses demandes,

– condamné la SARL KEOLIS PAYS D’AIX aux entiers dépens,

et, statuant à nouveau,

– débouter Monsieur [A] de toutes ses demandes, fins et conclusions, en ce compris de celles qu’il formule dans le cadre de son appel incident,

– subsidiairement, sur le quantum des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ramener la somme allouée à de plus justes proportions,

– le condamner au paiement d’une somme de 3 000,00 euros sur le fondement des dispositions

de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

La société appelante soutient que :

sur le manquement à l’obligation de sécurité :

– Monsieur [A] ne justifie d’aucun préjudice du fait de la non-réalisation de la visite médicale fin septembre 2014 ;

– la préconisation du médecin du travail en termes de temps de conduite a été respectée ;

– le salarié n’a nullement usé de son droit de retrait pour raisons médicales ;

– l’avis du médecin du travail concluant à une aptitude au poste avec aménagement, elle n’avait pas à procéder à une recherche de reclassement sur un autre poste ;

sur la demande d’annulation de la mise en garde du 30 mai 2014, de l’avertissement du 18 février 2016 et de l’avertissement du 11 juillet 2016 :

– la demande d’annulation de la mise en garde est irrecevable en ce qu’il ne s’agit pas d’une sanction disciplinaire ;

– les sanctions disciplinaires étaient justifiées ;

sur la contestation du licenciement pour faute grave :

– le compte-rendu de l’enregistrement de vidéo-protection n’est pas tronqué et en tout état de cause, les faits décrits ne sont pas contestés ;

– les dispositions légales ont été respectées s’agissant du système de vidéo-protection ;

– les faits reprochés n’ont aucun lien avec l’état médical du salarié, les faits reprochés à ce dernier consistant dans des réactions inadaptées lors d’un accident survenu le 27 septembre 2016, le dénigrement de l’entreprise auprès de tiers, une conduite inadaptée et dommageable du véhicule lors de son trajet vers un arrêt pour procéder à une relève et des propos mensongers ;

– les faits graves reprochés dans le cadre du licenciement sont justifiés.

Dans ses dernières écritures transmises au greffe par voie électronique le 12 novembre 2019, Monsieur [A], relevant appel incident, demande à la cour, au visa de l’article L 1121-1 du code civil, et de l’article L 251-1 du code de la sécurité intérieure, de :

– confirmer le jugement de première instance en ce qu’il a :

– constaté que la société KEOLIS PAYS D’AIX a manqué à son obligation de résultat de sécurité vis-à-vis de son salarié

– constaté que les griefs invoqués à son encontre sont infondés,

– dit que le licenciement prononcé à son encontre dépourvu de tout faute grave et dénué de cause réelle et sérieuse,

– condamné la société KEOLIS PAYS D’AIX au paiement des sommes 4 813,36 euros au titre de de l’indemnité compensatrice de préavis, 481,34 euros au titre des congés payés afférents, 17 356,66 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement ; 1 080,00 euros au titre de l’indemnité légale de l’article 700 du code de procédure civile allouée en première instance, ainsi qu’aux entiers dépens,

– fixé la moyenne mensuelle du salaire à la somme de 2 406,68 euros,

– ordonné à la SARL KEOLIS PAYS D’AIX de lui délivrer l’attestation pôle emploi rectifiée et un bulletin de salaire récapitulatif,

– débouté la société KEOLIS PAYS D’AIX de l’ensemble de ses demandes,

– infirmer le jugement de première instance en ce qu’il a :

– condamné la société KEOLIS PAYS D’AIX à payer la somme de 57 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et 1 000,00 euros à titre de dommages intérêts pour manquement à son obligation de sécurité,

– l’a débouté du surplus de ses demandes,

– condamner en conséquence la société KEOLIS PAYS D’AIX à lui payer les sommes suivantes :

– 30 000 euros à titre de dommages intérêts pour manquements à l’obligation de sécurité,

– 72 200,40 euros à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– annuler la mise en garde du 30 mai 2014, l’avertissement du 18 février 2016, l’avertissement du 11 juillet 2016,

– condamner la société KEOLIS PAYS D’AIX à payer la somme de 3 000,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,

– ordonner la capitalisation des intérêts,

– condamner la société KEOLIS PAYS D’AIX au paiement des entiers dépens de l’instance d’appel.

Monsieur [A] fait valoir que :

– la société a manqué à son obligation de sécurité en ce qu’elle n’a pas respecté les préconisations du médecin du travail faites lors de la visite médicale du 15 juillet 2014, ni organisé conformément à l’avis de la médecine du travail une visite médicale en septembre 2014 ;

– les faits reprochés dans le cadre du licenciement sont intervenus alors qu’il avait dix jours plus tôt fait valoir son droit de retrait pour des douleurs importantes à l”il et qu’au moment des faits reprochés, il avait dépassé le nombre d’heures de conduite sans interruption visé par l’aménagement de poste décidé par la médecine du travail le 15 juillet 2014 ;

– la retranscription de la vidéo-protection est incomplète ce qui permet de douter sérieusement de son objectivité ;

– il appartient à l’employeur de justifier des démarches préalables s’agissant de la vidéo-protection à savoir les déclarations CNIL et l’autorisation préfectorale ;

– la société s’est servie de l’exploitation de la vidéosurveillance dans le but de le sanctionner et non pour veiller à la sécurité des personnes et des biens ;

– les faits qui lui sont reprochés ne sont pas constitués et en tout état de cause, la mesure de licenciement prononcée à son encontre est totalement disproportionnée ;

– il conteste les mises en garde et sanctions disciplinaires antérieures ;

– l’avertissement du 18 février 2016 ne lui a pas été notifié, la signature faite lors de sa remise n’étant pas la sienne ;

– s’il reconnaît la matérialité des faits reprochés dans le cadre du licenciement, il conteste leur caractère fautif ;

– la rupture s’inscrit en réalité dans une politique de ressources humaines mise en ‘uvre par la société visant à procéder à des licenciements de salariés présentant une ancienneté importante et un coût salarial en adéquation prétendument pour motif personnel.

Une ordonnance de clôture est intervenue le 27 février 2023, renvoyant la cause et les parties à l’audience des plaidoiries du 29 mars suivant.

Monsieur [A] a déposée et notifié le 12 septembre 2023 des conclusions d’intimé et d’appel incident n°2 et aux fins de de révocation de l’ordonnance de clôture.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens et de l’argumentation des parties, il est expressément renvoyé aux conclusions des parties et au jugement déféré.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, la cour constate que la demande de rabat d’ordonnance de clôture formée par Monsieur [A] dans la partie discussion de ses écritures n’a pas reprise été dans le dispositif de ses dernières conclusions adressées après la clôture de l’instruction et qu’il formule les mêmes prétentions que celles énoncées au dispositif de ses précédentes conclusions. Or, le dispositif des conclusions seul saisit la cour en application des dispositions de l’article 954 du code de procédure civile.

Les conclusions et la pièce déposées le 12 septembre 2023 postérieurement à l’ordonnance de clôture par Monsieur [A] seront en conséquence déclarées irrecevables.

Il sera statué sur les conclusions d’intimé déposées et notifiées le 12 novembre 2019 avant l’ordonnance de clôture.

Sur le manquement à l’obligation de sécurité :

Aux termes de l’article L. 4121-1 alinéa 1 du code du travail, l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

L’employeur, tenu d’une obligation de sécurité en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l’entreprise, doit en assurer l’effectivité en prenant en considération les propositions de mesures individuelles telles que mutations ou transformations de postes, justifiées par des considérations relatives notamment à l’âge, à la résistance physique ou à l’état de santé physique et mentale des travailleurs que le médecin du travail est habilité à prendre en application de l’article L. 4624-1 du code du travail dans sa version antérieure à la loi n°2016-1088 du 8 août 2016 entrée en vigueur le 1er janvier 2017 et des articles L. 4624-3 et L.4624-6 du code du travail issu de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, en vigueur depuis le 1er janvier 2017.

Monsieur [A], suite à une problème de santé, a subi une intervention chirurgicale au niveau d’un oeil le 5 septembre 2013. Lors de la visite du 15 juillet 2014, le médecin du travail a émis l’avis médical suivant : ‘Apte aménagement du poste, maximum 5h de conduite d’affilée par jour, pas de travail après 18h30. A revoir fin septembre’.

Il ne fait pas débat que la visite médicale qui devait être effectuée en septembre 2014 n’a jamais été organisée. Le premier manquement à l’obligation de sécurité invoqué par le salarié est donc établi.

S’agissant du respect du maximum de durée de conduite prescrit par le médecin du travail, l’employeur considère avoir respecté l’avis du médecin du travail et se réfère pour en justifier aux relevés journaliers sur trois années (du 16 juillet 2014 au 31 octobre 2016).

Après vérifications, il apparaît que Monsieur [A] a été affecté à plusieurs reprises sur des services de plus de 5 heures en continu. Par exemple, le 4 avril 2015, le salarié quitte le dépôt à 6h10, commence le service passagers à 6h30 et est relevé à 14h19.

Ainsi que le relève l’employeur, Monsieur [A], qui effectuait des circuit d’environ 35 minutes, pouvait avoir des temps d’attente entre deux lignes au terminus allant de quelques minutes à plus de 10 minutes. Durant ces temps, si le salarié ne pouvait vaquer à ses occupations personnelles, il ne conduisait pas et était à l’arrêt.

Néanmoins, il est observé que ces temps d’attente sont aléatoires ; qu’ils ne peuvent être pris en compte dans la mesure où leur durée n’est connue par l’employeur qu’a posteriori ; que la société KEOLIS PAYS D’AIX ne justifie donc pas avoir pris de mesure garantissant que le salarié n’ait pas un service de conduite en continu inférieur à 5 heures ni pris attache avec le médecin du travail pour lui demander de préciser ses préconisations en matière d’aménagement du poste de travail. Ce manquement est donc également retenu.

Sans formuler de demande à ce titre, Monsieur [A] expose avoir effectué deux droits de retrait en 2016 antérieurement à son licenciement. Il verse aux débats deux documents à compléter avec l’en-tête ‘KEOLIS Pays d’Aix’, intitulés ‘Décharge de responsabilité’ et expose que ses demandes des 22 mars et 17 septembre 2016 tendant à être déchargé de ses fonctions doivent s’analyser comme l’exercice de droits de retrait.

Le document daté du 22 mars 2016 est rédigé et complété comme suit :

‘Je soussigné(e) [M [A] : mention manuscrite] déclare avoir demandé à être relevé de mon service ce jour à. [9 : mention manuscrite] heures [45 : mention manuscrite] min.

Objet de la demande :

[Problème de vision (oeil droit) : mention manuscrite]

J’ai conscience que la présente décharge me libère de mes engagements professionnels ; j’ai ainsi conscience qu’à compter de l’heure indiquée ci-dessus, je ne suis plus en temps de travail, ni rémunéré pour tel.

Je dégage KEOLIS PAYS D’AIX de toute responsabilité en cas d’accident de quelque nature que ce soit ou de dommages sans aucune exception ni réserve, causés ou subis par moi-même ou par autrui, personnes et généralement tout objet et biens quelconques rencontrés à compter de mon départ volontaire de mon service.

En cas d’incidents subis à la suite de mon départ, J’en assumerai les frais financiers correspondants.

A [Localité 3], le [22/03/16 : mention manuscrite]

Signature du salarié

Le second document complété par le salarié est daté du 17 septembre 2016 et fait mention d’une demande de relevé de service à 9h25 en raison d’une ‘Douleur oeil droit’.

Le salarié produit deux certificats médicaux émanant du docteur [U] [I], médecin généraliste :

– un certificat médical du 16 janvier 2017 faisant état d’une ‘asthénie chronique et des douleurs aux deux yeux suite à son intervention de 2014 en rapport avec une fatigue occulaire permanente au travail’ ainsi qu’un état dépressif important suite à sa procédure de licenciement’ ;

-un certificat médical du 17 mai 2018 évoquant le ‘suivi d’un épithélioma basocellulaire de la paupière inférieure droite avec greffe cutanée, lombalgie chronique et dépression réactionnelle (burn out)’.

L’exercice du droit de retrait n’est subordonné à aucun formalisme. Toutefois, dans le cas d’espèce, le salarié ne justifie pas d’une situation de travail présentant pour sa vie ou sa santé un danger grave et imminent ou du moins qu’il pouvait raisonnablement le penser conformément aux dispositions de l’article L. 4131-1 du code du travail. Les certificats médicaux produits sont l’un et l’autre postérieurs au licenciement et il n’est justifié d’aucune consultation ou arrêt de travail à une période concomitante.

Si Monsieur [A] n’alerte pas son employeur par rapport à l’existence d’un danger grave et immiment et reprend ensuite son activité normale, il rappelle à ces deux occasions qu’il a une fatigue visuelle plus importante, motif pour lequel son poste de travail doit être aménagé.

Au vu de ce qui précède, les manquements de l’employeur à son obligation de sécurité sont justifiés et seront réparés par l’octroi au salarié de dommages et intérêts à hauteur de 6 000,00 euros, par infirmation du jugement sur le quantum.

Sur la mise en garde du 30 mai 2014 :

Sur la qualification de sanction de la mise en garde du 30 mai 2014 :

Selon l’article L. 1331-1 du code de travail ‘constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l’employeur à la suite d’un agissement du salarié, considéré par lui comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l’entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération’.

La notion de sanction disciplinaire suppose donc la prise en compte par l’employeur d’un fait fautif imputable au salarié (Soc., 28 janvier 1998) et la mesure adoptée affecte la présence du salarié dans l’entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération (Soc., 27 fév. 1985).

Pour retenir le caractère d’une sanction disciplinaire, il convient de rechercher si l’employeur a entendu imputer des fautes au salarié et formuler des mises en garde ou injonctions.

En l’espèce, le courrier recommandé avec accusé de réception du 2 novembre 2016 est rédigé comme suit :

‘Nous tenons à porter à votre connaissance les faits qui vous sont ne réprochés et pour lesquels nous revenons vers vous.

Le 22 mai 2014, alors que vous effectuiez le service 283 sur la ligne 2, nous avons constaté à 9h21 que vous rouliez ce jour avec le contacteur de sécurité désactivé. Ce système permettant l’enclenchement du frein d’exploitation lors des ouvertures des portes pour la sécurité de tous. Il est évident que vous avez dû vous en apercevoir sans pour autant réenclencher cette sécurité. En conséquence de quoi et au vue de votre expérience à la conduite votre responsabilité est engagée.

Nous sommes désolés de constater le non-respect des consignes. Nous vous rappelons q que la note de service n°2013/72 stipule formellement cette interdiction (Note ci- jointe).

Pour ces motifs, nous vous notifions par la présente une mise en garde afin que cette situation ne se reproduise plus.

Votre poste exige un professionnalisme sur le plan du respect des procédures internes et des consignes.

Ainsi, si de tels incidents devaient se renouveler, nous pourrions être amenés à envisager à votre encontre une mesure de sanction disciplinaire.

Comptant sur votre professionnalisme, et souhaitant que notre collaboration se poursuive dans les meilleures conditions, je vous prie d’agréer, Monsieur [A], nos salutations cordiales’.

Ce courrier de ‘mise en garde’ constitue une sanction disciplinaire au regard de sa rédaction. En effet, il vise de manière claire un comportement fautif du salarié consistant dans le non-respect des consignes concernant l’activation du contacteur de sécurité et évoque les suites possibles en cas de réitération.

Monsieur [A] est donc fondé à solliciter l’annulation de cette sanction.

Sur la demande d’annulation de la ‘mise en garde’ du 30 mai 2014 :

En cas de contestation du bien-fondé d’une sanction disciplinaire, l’annulation est encourue si la sanction apparaît irrégulière dans la forme, injustifiée ou disproportionnée à la faute commise. Il appartient à l’employeur de fournir les éléments qu’il a retenus pour prendre la sanction et au salarié de produire également les éléments qui viennent à l’appui de ses allégations. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

A l’appui de cette sanction disciplinaire, l’employeur produit :

– un rapport de contrôle qualité de service établi le 22 mai 2014 par le contrôleur ‘148″ concernant Monsieur [A] indiquant que celui-ci ‘roule avec le système de sécurité des portes désactivé. Appel radio pour le prévenir’ ;

– une note de service du 29 novembre 2013 adressée à l’ensemble du personnel relative au contacteur de sécurité.

Au regard de ces éléments, les faits reprochés au salarié sont caractérisés.

Par voie de confirmation, la demande d’annulation de la sanction du 30 mai 2014 est rejetée.

Sur l’avertissement du 18 février 2016 :

En vertu de l’article R. 1332-2 du code du travail, la sanction prévue à l’article L. 1332-2 fait l’objet d’une décision écrite et motivée.

La décision est notifiée au salarié soit par lettre remise contre récépissé, soit par lettre recommandée, dans le délai d’un mois prévu par l’article L. 1332-2.

Par courrier du 18 février 2016 remis en main propre contre décharge, Monsieur [A] est sanctionné d’un avertissement pour une absence injustifiée le 24 décembre 2015. Il est précisé dans le courrier de sanction que le salarié a expliqué lors de l’entretien qu’il était dans l’impossibilité de travailler en raison d’une nuit blanche et qu’il n’était pas en mesure de produire un justificatif.

Monsieur [A] ne conteste pas les faits reprochés mais remet en cause la signature figurant sur le courrier de sanction en soutenant qu’il n’en est pas l’auteur.

Le salarié déniant sa signature, il appartient au juge de procéder à l’examen des écrits litigieux.

Il résulte de la comparaison des signatures attribuées au salarié (hormis celle du solde de tout compte qui serait selon le salarié lui-même celle de son épouse) qui figurent sur différents documents versés aux débats que les quelques variations dans la signature ne sont pas assez déterminantes pour en contester l’auteur.

L’absence injustifiée n’étant pas sur le fond contestée, la demande d’annulation de l’avertissement est rejetée. Le jugement querellé est confirmé sur ce point.

Sur l’avertissement du 11 juillet 2016 :

En cas de contestation du bien-fondé d’une sanction disciplinaire, l’annulation est encourue si la sanction apparaît irrégulière dans la forme, injustifiée ou disproportionnée à la faute commise. Il appartient à l’employeur de fournir les éléments qu’il a retenus pour prendre la sanction et au salarié de produire également les éléments qui viennent à l’appui de ses allégations. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

Par courrier du 11 juillet 2016, Monsieur [A] s’est vu notifier un avertissement pour les faits suivants :

‘- le mercredi 27 avril 2016 alors que vous étiez sur le service 114 vous avez effectué une sortie dépôt avec 6 minutes de retard.

– Le samedi 21 mai 2016 vous avez eu une avance de 9 minutes sur la ligne 19 au stade [4].

Le jeudi 26 mai 2016 (jour de débrayage l’après-midi) vous étiez absent à la deuxième partie du service 125 à 16h25 et de plus vous aviez déjà signé la feuille de présence sur la deuxième partie. Le mardi 14 juin 2016 vous auriez dû sortir du dépôt à 6h30 et à 6h35 vous étiez toujours au dépôt.’

L’employeur n’apportant aucun élément pour justifier les faits reprochés, cet avertissement est annulé. Le jugement querellé est infirmé sur ce point.

Sur le licenciement pour faute grave :

Aux termes de l’article L.1232-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.

L’article L.1235-1 du code du travail dispose qu’en cas de litige, le juge, à qui il appartient d’apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. Il incombe à l’employeur d’en rapporter la preuve.

La lettre de licenciement du 31 octobre 2016 énonce :

‘Monsieur,

Par courrier daté du 29/09/2016, nous vous avons convoqué à un entretien préalable à une éventuelle mesure de sanction disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement le 14/10/2016 afin de vous exposer les faits qui vous sont reprochés. Vous vous êtes rendu à l’entretien accompagné de Monsieur [J], salarié de l’entreprise.

Les faits qui vous sont reprochés sont les suivants :

Le 27/09/2016, alors que vous effectuez le service 129, avec le bus 113237, vous signalez un accident de la circulation avec votre véhicule et un VL tiers. Vous signalez au PC que des tiers sont blessés à bord de votre bus. À la fin de la rédaction de votre constat, le PC vous donne la consigne de rejoindre l’arrêt [Adresse 5] afin d’effectuer la relève. Arrivé à l’arrêt [Adresse 5] vous appelez le PC pour l’informer d’un problème de fuite d’air. Le PC vous informe que l’on va vous changer le véhicule. Le bus est rapatrié au dépôt dans l’atelier. Après expertise, le PC est rapidement alerté par le service maintenance de dégâts occasionnés sous le châssis du véhicule. Après vérifications du PC, il s’avère que vous avez effectué votre retournement sur l'[Adresse 5]. Les dégâts proviennent d’un passage au-dessus d’un terre-plein central.

Interrogé sur les faits par votre manager, vous niez votre responsabilité dans un premier temps avant d’avouer avoir emprunté le mauvais itinéraire et occasionné des dégâts sur le véhicule une fois informé que l’incohérence de vos propos nous amène à visionner ce qu’il s’est passé. Le visionnage de la vidéo-protection met en exergue une accumulation de faits fautifs ci-après détaillés :

– Non-prise en compte des blessés à bord du bus : demande répétée d’une cliente de prise en compte sans suite de votre part

– Non-application des consignes relatives à la prise des coordonnées des personnes blessées à bord du véhicule

– Attitude de dénigrement de l’entreprise en déclarant à maintes reprises au tiers impliqué dans l’accident que le matériel n’est pas de bonne qualité ‘c’est de la merde’, ‘c’est de la quincaillerie’

– Remplissage du constat afin de favoriser le tiers. Les propos employés sont : ‘C’est pour vous, je vous le dis ! Moi je ne perds rien de toute manière…’

– Attitude de dénigrement des personnes de l’entreprise. Les propos employés sont : ‘mais bien sûr, y a une bande d’incompétents dans cette boite,… une bande d’incompétents. C’est impressionnant.’

– Non-respect de la signalisation : réalisation d’un demi-tour avec franchissement d’une ligne blanche

– Dissimulation au PC de l’origine du dysfonctionnement

– Attitude de dénigrement des personnes de l’entreprise. Les propos employés sont : ‘Putain ! ils sont lourds !’

Vous avez régulièrement été convoqué à audition dans le cadre de l’instruction du dossier le 21/10/2016, puis en conseil de discipline le 27/10/2016.

A chaque étape de la procédure vous avez reconnu les faits qui vous sont reprochés et avez expliqué que ce débordement était lié aux multiples refus de vos candidatures aux postes ouverts dans l’entreprise depuis 2012. Pour ce qui est de la dissimulation sur l’origine de la panne du véhicule, vous avez déclaré que vous ne vouliez pas aggraver votre cas.

Nous ne pouvons tolérer de tels faits qui constituent une violation de vos obligations professionnelles.

Les faits qui vous sont reprochés constituent une violation grave aux dispositions de notre règlement intérieur (en particulier les articles 13, 15, 21 et 24) et de votre obligation professionnelle de loyauté envers votre employeur.

Par conséquent, nous sommes contraints de vous notifier, par la présente, votre licenciement pour faute grave.’

Monsieur [A] soulève l’illicéité du moyen de preuve utilisé par l’employeur.

Sur la licéité de la preuve tirée de la vidéo-protection :

La surveillance des salariés est encadrée respectivement par le code du travail et la loi informatique et libertés n° 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée en raison du fait que la mise en place d’un outil de surveillance peut impliquer la collecte de données à caractère personnel.

Aux termes de l’article L. 1121-1 du code du travail, nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché.

Le salarié a droit, même au temps et au lieu de travail, au respect de l’intimité de sa vie privée.

Aux termes de l’article L. 1222-4 du code du travail, aucune information concernant personnellement un salarié ne peut être collectée par un dispositif qui n’a pas été portée préalablement à sa connaissance.

L’information préalable du salarié ne se justifie pas lorsque le système de surveillance n’est pas destiné à contrôler l’activité professionnelle des salariés (Soc.19 mars 2008, n° 06-42284).

Si les caméras filment un lieu ouvert au public tels que des espaces d’entrée et de sortie du public, des zones marchandes, des comptoirs, ou des caisses, il s’agit alors d’un dispositif, dit de vidéo-protection, qui doit être autorisé par le préfet du département. S’agissant de la distinction entre vidéo-protection et vidéo-surveillance, est pris en compte l’usage effectif du système installé et non sa vocation initiale.

En application des articles 6 et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, l’illicéité d’un moyen de preuve, au regard des dispositions susvisées, n’entraîne pas nécessairement son rejet des débats, le juge devant apprécier si l’utilisation de cette preuve a porté atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit au respect de la vie personnelle du salarié et le droit à la preuve, lequel peut justifier la production d’éléments portant atteinte à la vie personnelle d’un salarié à la condition que cette production soit indispensable à l’exercice de ce droit et que l’atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi (Soc., 10 novembre 2021, pourvoi n° 20-12.263, FS, P).

En l’espèce, la société KEOLIS PAYS D’AIX verse aux débats les pièces suivantes :

– une déclaration du 19 janvier 2012 du dispositif auprès de la CNIL ;

– un arrêté du 10 avril 2012 du Préfet des Bouches-du-Rhône autorisant la société KEOLIS PAYS D’AIX à installer un système de vidéo-protection, pendant 5 ans, et qui précise à l’article 5 : ‘La finalité de ce dispositif de vidéo-protection est, dans les lieux et établissements ouverts au public, la prévention des atteintes à la sécurité des personnes et des biens, dès lors qu’ils sont particulièrement exposés à des risques d’agression, de vol ou d’actes de terrorisme, sans permettre la visualisation de l’intérieur des immeubles d’habitations riverains ou de leurs entrées.’ ;

– le procès-verbal de la réunion du comité d’entreprise du 19 septembre 2012 mentionnant ‘l’information et la consultation sur des bandes de vidéosurveillances dans les bus’.

Au regard de ces éléments, il est justifié que le système de vidéo-protection, qui n’avait pas pour objet de contrôler l’activité du salarié, est licite et régulier. Le moyens de preuve tiré de l’exploitation des images captées et enregistrées le jour des faits n’est dès lors pas irrecevable et est opposable au salarié.

Sur la qualité et fiabilité de la retranscription de l’enregistrement de vidéo-protection :

Monsieur [A] remet ensuite en cause la qualité de la retranscription de la vidéoprotection de 12h17 à 13h18 effectuée par Madame [Z] [M], Responsable suivi temps réel, dont il ne conteste pas l’habilitation. Il souligne que Monsieur [E], secrétaire du comité d’entreprise, a également visionné la vidéo-protection le 24 octobre 2016 dans le cadre de la vérification du compte-rendu de huit pages effectué par Madame [M] et que celui-ci a formulé les observations suivantes :

– ‘les échanges entre la police municipale et le conducteur ne sont pas retranscrits, où le CR signale à la PM qu’il y a une dame qui a tapé et la PM demande au CR s’il a engagé quelque chose

– il manque des parties dans la retranscription précise des échanges compris entre 12h21 et 12h24 entre le CR et le tiers ;

– Idem à partir de 13h01 où tous les échanges entre le PC et le CR ne sont pas retranscrits’.

Il résulte de ces éléments que Monsieur [E], secrétaire du comité d’entreprise, ne remet pas en cause l’exactitude de ce qui est retranscrit mais évoque quelques lacunes s’agissant notamment des échanges du salarié avec la police municipale et certains échanges avec un tiers et le PC.

Il n’y a donc pas lieu d’écarter le compte-rendu litigieux.

Sur les différents griefs à l’appui du licenciement :

Sur la non-prise en compte des blessés à bord du bus et la non-application des consignes relatives à la prise de leurs coordonnées (Premier et deuxième griefs) :

L’employeur reproche d’abord au salarié dans le cadre de deux premiers griefs de ne pas avoir pris en compte les blessés suite à l’accident de la circulation après qu’il ait percuté l’arrière d’un véhicule particulier qui était à l’arrêt.

Il lui est fait grief d’une part de ne pas avoir pris en compte la demande répétée d’une cliente et d’autre part de ne pas avoir pris les coordonnées des personnes blessées à bord du véhicule conformément aux consignes.

Il résulte du compte-rendu du visionnage de la vidéo-protection du 27 septembre 2016 qu’à 12h17, Monsieur [A] fait état suite à l’accident d’une personne blessée (‘Oui PC je viens d’avoir un accrochage et il y a une autre personne qui est blessée. Il y a une personne qui a tapé la barre il y a la PM [police municipale] avec moi pour appeler les secours’) ; que le PC demande alors : ‘donne à peu près l’âge de la personne et renseignements’ ; que le chauffeur de bus répond : ‘elle a tapé la lèvre contre la barre juste devant, elle a à peu près 75 ans’.

Il est mentionné peu après dans le compte-rendu : ‘Un client déclare au CR que sa compagne a mal à la jambe’. Le client demande : ‘faut le déclarer ‘ Comment ça se passe ” Monsieur [A] répond : ‘Il y a les pompiers qui vont arriver pour la dame…’

A 12h21, Monsieur [A] dit aux cinq clients présents dans le bus : ‘J’en ai pour un moment’. Il est précisé que ‘les voyageurs descendent’ et que la cliente qui s’est mal à la jambe dit ‘j’ai tapé là’, que le conducteur la coupe et dit ‘autrement il y a les pompiers qui vont arriver pour la dame’. La cliente répond : ‘oui d’accord mais si j’ai un souci j’appellerai après votre société, je ne vais pas attendre’. Il est souligné que le dos tourné le conducteur répond : ‘Ouais ouais’ et que dans le véhicule reste la cliente blessée à la lèvre qui attend les secours.

Il est observé ensuite que le conducteur (Monsieur [A]) discute avec le tiers (conducteur du véhicule particulier accidenté) afin de pouvoir remplir le constat ; qu’il va ensuite ‘prendre des nouvelles de la dame et dit que les pompiers vont arriver’.

Le PC dit à Monsieur [A] : ‘ok fais-moi un petit retour de l’accident. tu m’as dit avoir eu un accrochage engendré un freinage d’urgence et qui a généré un corporel à l’intérieur c’est ça ”. Monsieur [A] répond : ‘oui la dame elle est coupée au niveau de la lèvre mais bon par sécurité je préfère faire appeler les pompiers, y a la PM de toute manière à côté’.

PC indique : ‘profites en pour faire ton constat avec le véhicule’, ce à quoi répond Monsieur [A] : ‘C’est ce que je fais’.

Il est mentionné qu’à 12h24, ‘le conducteur du bus [Monsieur [A]] et le tiers commencent à remplir le constat. Ils discutent’.

(…)

A 12h32, le PC demande à la radio : ‘tu me récupères les coordonnées de la victime stp ‘ Et éventuellement les coordonnées des témoins’.

Monsieur [A] répond : ‘là ils l’ont prise en charge elle est partie et j’ai rien pris là…’

PC : ‘On ne sait pas à qui on a affaire’

Monsieur [A] : ‘beh non ils sont arrivés ils étaient à côté, ils l’ont prise en charge’.

La société KEOLIS PAYS D’AIX communique le constat amiable d’accident de la circulation établi par Monsieur [A] et le conducteur du véhicule qu’il a percuté à l’arrière. Est coché ‘NON’ à la case relative à la présence de ‘blessé(s) même légers’.

Lors de son audition, le salarié explique ne pas avoir pensé à demander le nom et les coordonnées de la personne blessée. Il évoque une omission liée au fait que les pompiers avaient été appelés par les policiers municipaux et qu’il était pour sa part occupé à compléter le constat amiable d’accident.

Au vu de ces éléments, le caractère fautif de l’absence de prise des coordonnées de la personne blessée à la lèvre n’est pas mis en évidence eu égard à l’intervention des policiers municipaux qui se sont chargés d’appeler les secours.

S’il ne peut être affirmé avec certitude que c’est Monsieur [A] qui a mentionné dans le constat amiable l’absence de tout blessé, même léger, lors de l’accident de la circulation et non l’automobiliste, force est de constater que le salarié ignore totalement une cliente et le compagnon de celle-ci qui se manifestent auprès de lui pour une douleur à la jambe, qu’il ne prend pas en compte cette cliente, ne la signale pas au PC. Il la laisse partir sans prendre ses coordonnées en dépit de l’interrogation du compagnon de celle-ci concernant la déclaration d’une lésion (‘faut le déclarer ‘ Comment ça se passe ‘).

Le premier grief est caractérisé et le second partiellement.

Sur le dénigrement de l’entreprise et de personnes de l’entreprise devant le tiers impliqué dans l’accident de la circulation (troisième, cinquième et huitième griefs) :

La société se réfère au compte-rendu de l’enregistrement de la vidéo-protection qui met en évidence que le salarié dénigre l’entreprise auprès d’un tiers, à savoir l’automobiliste impliqué dans l’accident de la circulation, notamment dans les termes dénoncés dans la lettre de licenciement :

’12h35

[K] [A] explique au tiers qu’avant tous les dossiers des sièges étaient rembourrés.

CR : ‘C’est de la merde !! il tape sur les vitres, on finit la journee… c’est vraiment de la quincaillerie’

[K] [A] dénigre l’entreprise en expliquant que le matériel ne vaut rien.

Pendant que l’épouse remplit le constat, le mari discute avec le CR.

[K] [A] : ‘Il y a des véhicules on met des morceaux de papier, de chiffon, pour caler quand on roule, c’est infernal. Cest horrible I Ils nous prit repris KEOLIS il y a a 4 ans et depuis qu’ils sont là c’est un scandale, jamais vu ça ! Mais c’est des merdes ! Cest le cas de le dire… les gens se plaignent…’

Le tiers : ‘c’est fabriqué où ça ”

[K] [A] : ‘je ne sais pas ! je ne sais même pas si ça se fabrique quoi !! En Roumanie ”

Les deux s’éclatent de rire.

[K] [A] : ‘non je crois qu’ils sont fabriqués en Tchécoslovaquie ! Quand vous roulez vous

entendez ça !’ (en secouant le portillon). ‘La machine qui dit tous les arrêts, bing bang… et puis le plan Vigipirate constamment vous avez une voix…’

(…)

12h40

[K] [A] évoque les AT, la maladie dans l’entreprise avec le tiers. ‘C’est pire que les BTP’ dit [K] [A]

(…)

[K] [A] ne répond pas à la radio, mais dit à haute voix devant les 3 personnes : ‘mais bien sûr, y a une bande d’incompétents dans cette boite,… une bande d’incompétents. C’est impressionnant.’

Le tiers: ‘il faut qu’il trouvent du monde pour remplacer tout ça non ”

[K] [A] : ‘beh non même pas ! Il y a surtout des incompétents ! oh pétard ! ce n’a pas marché, oh la la…’ Il fait allusion au double du constat, il n’y a rien d’écrit’.’

(…)

PC : ‘Ok coupe le moteur circuit d’air afin de remettre à zéro, peut-être une vanne qui est restée ouverte…’

[K] [A] : ‘[N] ce n’est pas une vanne, c’est en roulant !!’ (En off [K] [A] dit ‘putain ! Ils sont lourds !)’.

Lors de son audition, le salarié a dit regretter ses propos reconnaissant être ‘allé trop loin’. Il a précisé : ‘Je pense avoir pété un plomb car je rencontre de nombreux problème dans ma vie personnelle. J’ai conscience que ce n’est pas une raison’. Aux termes de ses écritures, Monsieur [A] fait état d’un énervement et d’un stress faisant suite à l’accident.

Les faits de dénigrement sont matériellement établis.

Sur l’établissement du constat afin de favoriser le tiers :

L’employeur reproche également à Monsieur [A] d’avoir complété le constat amiable de manière à favoriser le conducteur de l’autre véhicule impliqué dans l’accident de la circulation.

A l’appui de ce grief, il se fonde sur des propos tenus par le salarié qui sont relevés dans la retranscription de la vidéo-protection :

’12h40

(…)

M. [A] explique alors les subtilités du remplissage du constat (croix à ne pas mettre).

[K] [A] dit : ‘C’est pour vous, je vous le dis ! Moi je ne perds rien de toute manière…’.

Si les paroles tenues par le salarié peuvent laisser entendre qu’il propose que le constat amiable soit complété de manière à faire prévaloir l’intérêt du conducteur de l’autre véhicule avant celui de la société, l’employeur ne précise pas quelle partie du constat amiable serait concernée et en quoi le tiers aurait été favorisé.

Ce grief, insuffisamment caractérisé, sera écarté.

Sur le non-respect de la signalisation :

La société KEOLIS PAYS D’AIX fait ensuite grief à Monsieur [A] d’avoir effectué un demi-tour avec le bus et le passage au-dessus d’un terre-plein central en franchissant une ligne blanche.

Elle se réfère à nouveau au compte-rendu de l’enregistrement de la vidéo-protection ainsi qu’à deux photographies des lieux où la manoeuvre a été réalisée qui sont insérées dans le compte-rendu du visionnage de la vidéo-protection et dans ses écritures.

Le compte-rendu de l’enregistrement mentionne :

’13h10

Le bus arrive sur le lieu de la relève lorsque celui-ci tourne à gauche (entre deux ilots centraux). Au moment du passage du bus, nous entendons un gros bruit et frottement. immédiatement l’alarme sonne et l’air s’échappe des bouteilles. La sonnerie est stridente (voir photos ci-dessous)

[K] [A] : ‘Oh putain !!!’

Le conducteur effectue deux marches arrière puis repart pour se mettre en place à l’arrêt [Adresse 5] où l’attend le conducteur de relève.

13h11

[K] [A] : ‘Bababa oh con !’

[K] [A] arrête son véhicule à hauteur de l’arrêt [Adresse 5], décompresse la porte avant et se dirige vers [F] [X], conducteur de relève.

[K] [A] se dirige vers l’arrière du bus, se penche en avant et regarde en dessous du véhicule.

[K] [A] : ‘laisse tomber je vais l’appeler et je vais rentrer avec le bus et voilà.’

M. [X] : ‘la tu as tapé ‘ Il y a de l’air qui s’échappe là !’

[K] [A] : ‘ouais ouais… attend je vais l’appeler’

M. [X] : ‘tu vas lui dire quoi ”

[K] [A] : ‘hein ””

M. [X] : ‘tu vas lui dire quoi ‘ ne lui dit pas que tu as fait demi-tour ”

[K] [A]: ‘beh non ! et alors pour les avoir c’est la misère !’

[K] [A] fait un appel radio pour joindre le PC.

(…)

13h13

(…)

[K] [A] : ‘PC pour 237, oui [N] il y a également une énorme fuite d’air au bus là ! Je ne peux pas partir là !’

[Les deux conducteurs M. [O] et M. [X] écoutent la conversation entre le PC et [K] [A] ]

13h14

[K] [A] : je suis à [Adresse 5] et il est en train de se vider d’air’

PC : ‘ok coupe le moteur circuit d’air afin de remettre à zéro, peut être une vanne qui est restée

ouverte…’

[K] [A] : ‘[N] ce n’est pas une vanne, c’est en roulant !! (en off [K] [A] dit ‘putain ! ils sont lourds !)

PC : ‘c’est à l’intérieur ou à l’extérieur ”

[K] [A] : ‘non c’est à l’extérieur, c’est sous le véhicule’.

Lors de son audition, le salarié ne conteste pas la réalisation du demi-tour avec franchissement d’une ligne blanche mais précise ne pas l’avoir fait de manière intentionnelle (‘Je n’ai pas remarqué la ligne blanche. J’ai fait cela pour faire la relève dans les temps’).

Le doute profitant au salarié, en l’absence d’élément démontrant que le salarié a conscience de franchir cette ligne blanche lors de son demi-tour, ce grief sera écarté.

Sur la dissimulation au PC de l’origine du dysfonctionnement :

Selon la société KEOLIS PAYS D’AIX, Monsieur [A] dissimule au PC l’origine de la fuite d’air.

Il résulte du compte-rendu du visionnage de la vidéo-protection rappelé ci-dessus que le salarié omet en effet d’expliquer au PC les circonstances dans lesquelles la fuite d’air est survenue lorsqu’il s’est rendu au lieu de relève, à savoir en faisant un demi-tour non autorisé et frottant ou raclant le dessous du bus (‘gros bruit et frottement’).

L’employeur verse en outre aux débats les pièces suivantes :

– une attestation du 13 décembre 2017 émanant de Monsieur [B], superviseur temps réel, qui explique avoir reçu Monsieur [A] le lendemain des faits le 28 septembre 2016 pour lui demander des explications concernant le ‘souci’ rencontré la veille avec le bus. Il précise que les agents de la maintenance après expertise concluaient à un accident alors que le salarié avait quant à lui déclaré une panne,. Il souligne que MonsieurM. [A] a démenti devant lui tout accrochage et affirmé avoir ‘bien suivi les consignes du poste de commandement’. Monsieur [B] souligne avoir ‘informé’ Monsieur [A] ‘des doutes émis par les techniciens’, lui avoir ‘demandé d’être sincère’ et de préciser ‘à deux reprises’ ‘son trajet avec précision’. Il indique qu’après avoir informé le salarié qu’une extraction vidéo serait faite pour comparer sa version avec celle des mécaniciens, celui-ci s’est ‘énervé’ et a ‘émis quelques insultes dirigées contre l’entreprise’, puis ‘est parti’ ;

– un courriel daté du 10 octobre 2016 émanant de Madame [Z] [M] qui relate que le 29 septembre 2016 (soit le surlendemain des faits), Monsieur [A] a sollicité un entretien avec elle pour évoquer l’accident de la circulation du 27 septembre. Elle explique que lors de l’entretien, celui-ci a d’abord commencé ‘par verser quelques larmes en évoquant des problèmes de santé’ pui déclaré : ‘je sens qu’à l’intérieur ça se resserre et quelque chose ne va pas’. Elle précise qu’après lui avoir conseillé de consulter son médecin, celui-ci a reconnu avoir menti la veille au soir au manager concernant l’accident.

Durant son audition, Monsieur [A], interrogé sur la dissimulation au PC de l’origine du dysfonctionnement, ne conteste pas les faits reprochés et indique : ‘sur le coup, je ne voulais pas aggraver mon cas. Après réflexion j’ai appelé [Z] pour l’en informer’.

Le grief est caractérisé au regard des éléments produits par l’employeur. Il est observé que le salarié ne reconnaît l’origine de la fuite d’air qu’après que le manager évoque le visionnage de la vidéo-protection.

Au total, la cour retient que les griefs retenus justifiaient au regard de leur caractère fautif le licenciement du salarié. Et il n’est pas mis en évidence que ces griefs aient un lien avec l’état de santé du salarié au moment des faits.

Toutefois, il y a lieu de dire que ces faits ne rendaient pas impossible le maintien du salarié dans l’entreprise pendant la durée limitée du préavis. En effet, le salarié, suite à l’accident, a continué de travailler et conduire des bus pour la société jusqu’au 31 octobre 2016, soit pendant un peu plus d’un mois.

Il convient de dire en conséquence que la faute grave ne peut être retenue en l’espèce.

Il convient dès lors par voie d’infirmation du jugement querellé de débouter Monsieur [A] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par voie de confirmation, la société KEOLIS PAYS d’AIX est par contre condamnée au paiement des sommes suivantes non contestées dans leur quantum par l’employeur :

– 4 813,36 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 481,33 euros au titre des congés payés afférents,

– 17 356,66 euros à titre d’indemnité de licenciement.

Sur les demandes accessoires :

En l’espèce, faute d’indication dans les dossiers fournis par les parties et dans celui envoyé par le conseil des prud’hommes, de la date de réception de la convocation devant le bureau de conciliation, les créances salariales objets de la demande initiale ont été connus de l’appelante lors de la tentative de conciliation du 28 mars 2017, qui est donc, pour ces créances, la date de départ des intérêts légaux.

La créance indemnitaire est productive d’intérêts au taux légal à compter du jugement entrepris pour le montant confirmé et de l’arrêt pour le surplus.

La remise des documents sociaux est confirmée.

Il y a lieu également de confirmer le jugement déféré en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.

L’équité ne commande pas qu’il soit fait application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Monsieur [K] [A] succombant principalement sera condamné aux dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement par arrêt mis à disposition au greffe et contradictoirement,

DIT irrecevables les conclusions et la pièce notifiées par Monsieur [K] [A] le 12 septembre 2023,

CONFIRME le jugement déféré en ses dispositions, sauf s’agissant du quantum des dommages et intérêts pour manquements à l’obligation de sécurité et en ce qu’il a dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse et octroyé des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE la société KEOLIS PAYS D’AIX à payer à Monsieur [K] [A] la somme de 6 000,00 euros pour manquements à l’obligation de sécurité,

ANNULE l’avertissement notifié à Monsieur [K] [A] par courrier du 11 juillet 2016,

DIT que le licenciement de Monsieur [K] [A] est fondé sur une cause réelle et sérieuse, mais non sur une faute grave,

DEBOUTE Monsieur [K] [A] de sa demande d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

DIT n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,

CONDAMNE Monsieur [K] [A] aux dépens d’appel.

Le greffier Le président

 


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