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Vidéosurveillance : 12 septembre 2023 Cour d’appel de Grenoble RG n° 21/03283

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Vidéosurveillance : 12 septembre 2023 Cour d’appel de Grenoble RG n° 21/03283

C4

N° RG 21/03283

N° Portalis DBVM-V-B7F-K7J5

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée le :

la SELARL AVOCATS CHAPUIS ASSOCIES (ACA)

Me Jean EISLER

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

Ch. Sociale -Section A

ARRÊT DU MARDI 12 SEPTEMBRE 2023

Appel d’une décision (N° RG 20/00087)

rendue par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de VIENNE

en date du 14 juin 2021

suivant déclaration d’appel du 15 juillet 2021

APPELANT :

Monsieur [U] [J] [E]

né le 08 Novembre 1986 à [Localité 7]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 5]

représenté par Me Josselin CHAPUIS de la SELARL AVOCATS CHAPUIS ASSOCIES (ACA), avocat au barreau de VIENNE, substitué par Me Stéphane ABBAD, avocat au barreau de VIENNE,

INTIMEE :

S.A.S. CARREFOUR HYPERMARCHES, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège,

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 6]

et en son établissement situé au [Adresse 3] – [Localité 4]

représentée par Me Jean EISLER, avocat au barreau de GRENOBLE,

et par Me Annick SALQUE, avocat au barreau de LYON, substituée par Me Philippe GAUTIER, avocat au barreau de LYON,

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Valéry CHARBONNIER, Conseillère faisant fonction de Présidente,

Madame Gwenaëlle TERRIEUX, Conseillère,

Madame Isabelle DEFARGE, Conseillère,

DÉBATS :

A l’audience publique du 05 juin 2023,

Mme Gwenaëlle TERRIEUX, Conseillère chargée du rapport, assistée de Mme Mériem CASTE-BELKADI, Greffière, a entendu les parties en leurs conclusions et plaidoiries, les parties ne s’y étant pas opposées conformément aux dispositions de l’article 805 du code de procédure civile.

Puis l’affaire a été mise en délibéré au 12 septembre 2023, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.

L’arrêt a été rendu le 12 septembre 2023.

Exposé du litige :

M. [J] (nom d’usage [E]) a été engagé en qualité d’équipier de vente, dans le cadre d’un contrat de travail à durée déterminée du 4 mai 2005 au 2 juillet 2005, puis du 04 juillet 2005 au 17 septembre 2005 par la SAS GML France exerçant sous l’enseigne CARREFOUR. La relation de travail s’est ensuite poursuivie dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 18 septembre 2005.

Par avenant en date du 8 juin 2007, M. [J] a été promu en qualité d’assistant de vente.

Par un nouvel avenant en date du 1er janvier 2013, le salarié a été promu en qualité de conseiller de vente.

Par un dernier avenant en date du 28 novembre 2019, la durée du travail était réduite à la demande du salarié à 21 heures de travail effectif pour la période du 1er janvier 2020 au 1er janvier 2021.

Le 12 août 2019, suite à un entretien du 6 août 2019, M. [J] a reçu de la part de son employeur une lettre de « sensibilisation » lui reprochant le non-respect du règlement intérieur et d’avoir pris son poste à 5 heures 35 au lieu de 13 heures 30 et de l’avoir quitté à 13heures au lieu de 21 heures le samedi 27 juillet 2019.

Le 11 février 2020, suite à un entretien du 19 décembre 2019, M. [J] recevait de la part de son employeur une nouvelle lettre de « sensibilisation » lui reprochant d’avoir le 11 décembre 2019 pris sur une palette d’arrivage en plus de jeux vidéos, un smartphone sans y être autorisé, l’avoir isolé en réserve Culture sans autorisation et alors qu’aucun téléphone ne doit être stocké dans cette réserve, et reposé celui-ci sur la palette d’arrivage avant la fin de son poste.

M. [J] [E] a saisi le conseil de prud’hommes de Vienne, en date du 28 avril 2020 afin de solliciter l’annulation de l’avertissement du 11 février 2020.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 6 juillet 2020, M. [J] a pris acte de la rupture de son contrat de travail en raison selon lui d’ agissements de son employeur qui sont constitutifs de harcèlement.

Il a sollicité du conseil de prud’hommes, l’annulation de l’avertissement du 11 février 2020, dire que sa prise d’acte de la rupture du contrat de travail du 6 juillet 2020 doit produire les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse et se voir octroyer les indemnités afférentes.

Par jugement du 14 juin 2021, le conseil de prud’hommes de Vienne, a :

Ordonné la jonction des affaires enregistrées sous les numéros RG 20/00087 et 20/00200 sous le numéro le plus ancien c’est-à-dire sous le numéro RG 20/00087,

Dit que la lettre de sensibilisation est fondée,

Dit que la prise d’acte est requalifiée en démission en date du 06 juillet 2020,

Débouté M. [J] [E] de l’ensemble de ses demandes,

Débouté la société CARREFOUR hypermarché au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Laissé la charge des entiers dépens aux parties.

La décision a été notifiée aux parties et M. [J] en a interjeté appel.

Par conclusions du 10 mai 2022, M. [J] (nom d’usage [E]) demande à la cour d’appel de :

Voir réformer le jugement du 14 avril 2021,

Débouter la société CARREFOURS HYPERMARCHES de ses demandes, moyens, fins et conclusions plus amples ou contraires,

Prononcer l’annulation de la « lettre de sensibilisation » du 11 février 2020,

Dire que la prise d’acte de la rupture de son contrat de travail par M. [J] en date du 6 juillet 2020 produira les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Condamner la société CARREFOUR HYPERMARCHES à lui payer :

Indemnités de licenciement : 9 365,66 euros

Dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 29 224,00 euros

Indemnité de préavis : 4 437,46 euros,

Indemnités de congés payés sur préavis 449,74 euros.

Condamner la société CARREFOUR HYPERMARCHES à payer à M. [J] la somme de 3 000 € de dommages et intérêts en réparation de l’attestation UNEDIC erronée,

Condamner la société CARREFOUR HYPERMARCHES à payer à M. [J] la somme de 2 400 € en application de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamner la société CARREFOUR HYPERMARCHES aux dépens.

Par conclusions en réponse du 25 novembre 2021, la Société CARREFOUR HYPERMARCHES demande à la cour d’appel de :

Voir dire et juger que la rupture du contrat de travail est imputable à M. [J] [E],

Voir déclarer la demande de M. [J] [E] sur le fondement de l’inexécution fautive du contrat de travail irrecevable, injustifiée et non fondée,

Le débouter de l’intégralité de ses demandes.

A titre subsidiaire

Ramener à de plus justes proportions les dommages et intérêts sollicités sur le fondement de l’inexécution fautive du contrat de travail.

En tout état de cause

Condamner M. [J] [E] à verser à la Société CARREFOUR HYPERMARCHES la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Le condamner aux dépens.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 02 mai 2023.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux dernières conclusions déposées.

SUR QUOI :

Sur la demande d’annulation de la sanction du 11 février 2020 :

Moyens des parties :

M. [J] sollicite l’annulation de la lettre de sensibilisation du 11 février 2020. Il expose qu’il a contesté les termes de cette lettre qui faisait état de prétendus agissements de sa part, et d’aveux ou de propos qu’il aurait tenus. Il conteste avoir pris, isolé, puis reposé un smartphone, et relève que les témoignages versés aux débats ont été rédigés pratiquement un an plus tard et postérieurement à la saisine du Conseil de prud’hommes et sont faits par des personnes qui n’ont pas assisté aux faits qu’ils rapportent. La vidéosurveillance évoquée par l’employeur n’ayant jamais été produite en justice et la responsable de sécurité ayant refusé de lui faire visionner les images qui l’incrimineraient.

L’employeur soutient pour sa part que la lettre de sensibilisation est justifiée. Il expose que l’attitude suspecte le 11 décembre 2019 de M. [J] a alerté le service de sécurité qui a contrôlé sa sacoche (déposée dans la réserve sensible en contradiction du règlement intérieur lors de son départ de l’entreprise) et que le salarié a reconnu devant les agents de sécurité et le directeur du magasin ensuite qu’il avait l’intention de dérober le smartphone mais avait pris peur et avait renoncé.

Selon l’employeur, M. [J] a gravement dérogé aux règles de l’entreprise et au règlement intérieur en se rendant dans la zone de contrôle où il n’avait rien à faire et en ouvrant une palette contenant des produits sensibles dans la réserve sensible qu’il ne lui appartenait pas d’ouvrir. Il a ensuite pris des jeux vidéo et DVDs ainsi qu’un smartphone blanc qu’il a caché dans la réserve sensible où il a déposé sa sacoche qui aurait dû être déposée au vestiaire. Il a enfin entrepris de jeter le bon de réception dans la poubelle de réception de la réserve sensible. Ces faist étant relatés par les gardiens qui ont constaté les faits sur la vidéo de la réserve.

Sur ce,

L’article L. 1333-1 du code du travail dispose qu’en cas de litige, le conseil de prud’hommes apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction.

L’article L. 1333-2 du code du travail dispose que le conseil de prud’hommes peut annuler une sanction irrégulière en la forme, ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise.

En l’espèce, il est reproché dans la lettre de sensibilisation du 11 février 2020 à M. [J] d’avoir le 11 décembre à 15 heures 26, pris sur une même palette d’arrivage, en plus des jeux vidéos, un smartphone alors qu’il n’y était pas autorisé, de l’avoir isolé en réserve Culture sans autorisation et alors qu’aucun téléphone ne doit être stocké dans cette réserve, puis d’avoir reposé celui-ci sur la palette d’arrivage avant la fin de son poste.

Il ressort de l’attestation de M. [P] [M], agent de sécurité, que le 11 décembre 2019, alors qu’il venait de prendre son service vers 14 heures15, il a constaté lors de sa ronde habituelle une palette cerclée de téléphonie au niveau de la zone de contrôle à la réception’ que lors de sa deuxième ronde vers 18 heures, cette palette avait été ouverte. Il a contacté son collègue (dénommé [A]) operateur vidéo le jour des faits pour qu’il visionne la palette cerclée et lors du visionnage, ils se sont aperçus que c’est M. [J] qui avait décerclé la palette, récupéré la marchandise de son rayon (jeux vidéo et DVDs) ainsi qu’un téléphone blanc SAMSUNG (produit qui n’est pas de son rayon) et qu’il avait amené et posé ces produits dans la réserve dite « sensible » et jeté le bon de livraison dans la poubelle de la même réserve sensible. M. [J] a ensuite continué ses tâches de travail et à la fin de son service est venu récupérer sa sacoche personnelle dans la réserve sensible.

M. [P] [M] explique que le fait que les effets personnels des salariés ne doivent pas être entreposés dans la réserve et les surfaces de vente et que des vestiaires sont à disposition pour ce faire, les a alerté sur le comportement de M. [J]. Ils en ont informé le responsable qui n’était pas sur place et qui leur a donné l’autorisation de vérifier la sacoche à la sortie dès la fin de service. M. [J] ne s’y est pas opposé et sur interrogation de savoir « où était passé le téléphone SAMSUNG’, M. [J] a répondu « j’avais l’intention de le prendre mais j’ai eu peur quand je vous ai vu faire des va et vient et je l’ai reposé dans le carton, ne le dis à personne car j’ai honte ». M. [P] [M] indique en avoir informé sa responsable qui lui a demandé de filmer la palette.

M. [H] ([A]), agent de sécurité confirme que le 11 décembre 2019 à 18 heures, M. [P] [M], permanent sécurité, l’a appelé pour visionner la caméra qui se situe sur la zone de réception et qu’ils ont vu M. [J] décercler la palette, récupérer des jeux vidéos et DVDs ainsi qu’un carton de téléphone blanc SAMSUNG ; qu’il a ensuite amené les articles dans la réserve sensible et a froissé et jeté le bon de livraison dans la poubelle. M. [H] déclare avoir averti le permanent qui a contacté le chef de service qui n’était pas sur place. M. [J] ayant été vu sortir de la réserve sensible avec une sacoche (grande capacité). Il explique qu’à la fin du service, le permanent lui a demandé de présenter sa sacoche dans la galerie marchande et de lui donner des explications pour la boite de téléphone prise sur la palette et que M. [J] a répondu que son téléphone ne marchait plus et qu’il avait voulu le prendre mais qu’il avait eu peur car il avait vu des va et vient de la sécurité en réserve. Il s’est excusé et a dit avoir honte et leur a demandé de ne pas en parler.

La SAS CARREFOUR HYPERMARCHES justifie par ailleurs que M. [J], aux termes de ses missions en qualité de conseiller de vente et du règlement intérieur de l’établissement, n’était pas habilité à exercer les missions d’un assistant de réception qui est affecté à la réception des marchandises.

De plus aux termes du règlement intérieur, conformément à ce qui est relaté par les agents de sécurité présents le jour des faits, il est interdit aux salariés de déposer vêtements et objets personnels en dehors des armoires et casiers mis à disposition par l’employeur.

M. [J] qui conteste la véracité des témoignages concordants susvisés des deux agents de sécurité, ne démontre pas leur fausseté, le seul fait que Mme [N], collègue de travail de M. [J], qualifie de façon subjective et générale M. [H], de personne « peu honnête, agressif et rabaissant » est inopérant s’agissant des faits précis reprochés et relatés. De plus Mme [N] ne fait que relater les propos de M. [J] qui lui a indiqué s’être vu refuser le visionnage de la vidéo malgré sa demande, alors qu’elle n’a pas été témoin direct de ce prétendu refus. Elle indique d’ailleurs à titre liminaire dans son témoignage que « M. [J] l’a entretenue de l’accusation de vol à son encontre ».

Aucun élément ne vient corroborer le fait que M. [J] se serait vu refuser le visionnage demandé de la vidéo.

Si Mme [S] (ancienne Manager RH et Mme [O], ancienne collègue de M. [J]), atteste que les salariés possédaient un badge pour accéder à la réserve sensible et que les palettes n’étant pas homogènes, il leur arrivait d’être obligés de les trier eux-mêmes pour remplir leur rayon et respecter le catalogue en cours, il doit être rappelé qu’il n’est pas reproché à M. [J] d’avoir récupéré des produits pour son rayon mais d’avoir mis de côté des produits dans la réserve, le badge et les accès occasionnels accréditant la thèse de l’employeur selon laquelle M. [J] a pu se rendre dans une zone où il n’était pas censé être habituellement.

Le seul fait de déposer une main-courante à la gendarmerie à titre préventif ne démontre pas que M. [J] n’est pas l’auteur des faits reprochés, M. [J] ayant pu vouloir se constituer une preuve à lui-même en cas de dépôt de plainte de l’employeur comme il l’explique d’ailleurs aux forces de l’ordre.

Les éléments susvisés permettent à la cour de se convaincre que les faits fautifs reprochés sont établis et que la sanction légère prononcée par la SAS CARREFOUR HYPERMARCHES à l’encontre de M. [J] est suffisamment proportionnée aux faits reprochés. Il convient donc de confirmer le rejet de la demande d’annulation de l’avertissement du 11 février 2020.

Sur le harcèlement moral :

Moyens des parties :

M. [J] soutient avoir été victime de faits de harcèlement moral de la part de son employeur comme il l’a exposé dans son courrier de prise d’acte de la rupture de son contrat de travail. Il expose ainsi avoir été victime des faits suivants :

Gestes douteux, caresses déplacées et gifles de la part de M. [F] [B] l’obligeant à se cacher quand il le voyait arriver,

Avoir été laissé seul pendant 1 an sur la totalité du rayon culture par Mme [D] [Y] qui lui reprochait son incompétence et de ne pas en faire assez ayant eu pour conséquence un burn-out,

Avoir été fouillé et retenu pendant près d’une heure à la fin de son travail par les agents de sécurité de l’entreprise qui ont essayé de l’intimider puis l’ont menacé et lui ont demandé de n’en parler à personne,

Avoir été convoqué par M. [C] une semaine après les faits pour l’accuser de vol en essayant de l’intimider et en tenant des propos injurieux, diffamatoires et discriminants à son encontre, puis en refusant de lui dire bonjour,

Les agissements de la société CARREFOUR ayant eu un retentissement sur sa santé du salarié au point qu’il a été mis en arrêt de travail du 14 février 2020 au 23 février 2020. L’arrêt de travail a ensuite été prolongé à plusieurs reprises jusqu’au 8 mai 2020 pour un nouveau burn-out.

La SAS CARREFOUR HYPERMARCHES conteste les faits de harcèlement moral.

Sur ce,

Aux termes des articles L.1152-1 et L. 1152- 2 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel et aucun salarié, aucune personne en formation ou en stage ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.

Suivants les dispositions de l’article L 1154-1 du même code, lorsque le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement, il appartient au juge d’apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, laissent supposer l’existence d’un harcèlement moral; dans l’affirmative, il appartient ensuite à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement et le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Le harcèlement moral n’est en soi, ni la pression, ni le surmenage, ni le conflit personnel ou non entre salariés, ni les contraintes de gestion ou le rappel à l’ordre voire le recadrage par un supérieur hiérarchique d’un salarié défaillant dans la mise en ‘uvre de ses fonctions.

Les règles de preuve plus favorables à la partie demanderesse ne dispensent pas celle-ci d’établir la matérialité des éléments de fait précis et concordants qu’elle présente au soutien de l’allégation selon laquelle elle subirait un harcèlement moral au travail.

En application des dispositions de l’article L.1152-3 du code du travail, toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1152-2, toute disposition ou tout acte contraire est nul.

En l’espèce, s’agissant de la matérialité des faits allégués par le salarié :

Sur les faits reprochés à M. [B], ancien directeur du magasin de 2013 à 2017 :

M. [J] ne produit pas d’élément probant suffisant établissant « les gestes douteux, caresses déplacées et gifles » dénoncés de la part de M. [F] [B] « l’obligeant à se cacher quand il le voyait arriver » comme conclu.

En effet, Le témoignage de M. [V], collègue de travail qui atteste qu’il « a été témoin des faits par M. [E] [J] » et .. « qu’il vivait de plus en plus mal le fait de se rendre à son travail se sentant harcelé en permanence », est peu compréhensible et n’apporte aucun élément probant s’agissant des faits dénoncés par M. [J].

Mme [K] qui évoque dans son témoignage « des gestes déplacés » et des « corrections publiques que M. [B] lui faisait subir » ne donne pas suffisamment de précision sur ce qu’elle a vu, la nature des « corrections et des gestes déplacés » qu’elle aurait vus et la date des faits permettant de se convaincre de la matérialité des faits.

D’autant d’une part que M. [J] ne justifie pas s’être plaint à son employeur durant la longue relation contractuelle, des faits qu’il dénonce lors de la rupture de son contrat de travail à l’encontre de l’ancien directeur M. [B], et d’autre part que ce dernier a quitté ses fonctions depuis mai 2017, ces faits étant dès lors anciens et terminés lors de la prise d’acte et de leur dénonciation.

Ces faits ne sont pas établis.

Sur les faits concernant Mme [D] [Y], directrice du magasin de juin 2017 à fin juin 2018 :

M. [J] ne verse aucun élément démontrant l’allégation selon laquelle il aurait été laissé seul un an dans son rayon Culture et qu’on lui en demandait toujours plus, au point de le conduire au burn-out, ni qu’il ait dénoncé cette situation à la direction au moment des faits, soit deux années avant sa prise d’acte. Aucun arrêt de travail n’est par ailleurs versé à la procédure au soutien de l’existence d’un burn-out à cette date.

Ces faits ne sont pas établis.

Sur les faits du 11 décembre 2019 :

Si M. [J] affirme avoir été retenu près d’une heure et fouillé, les agents de sécurité attestant pour leur part dans la procédure, contestent cette fouille et indiquent avoir uniquement contrôlé la sacoche ouverte de M. [J] sur demande. M. [J] n’apporte pas non plus d’éléments objectifs s’agissant d’actes d’intimidation de la part des agents de sécurité ni qu’ils lui aient demandé de n’en parler à personne, ceux-ci affirmant au contraire que c’est M. [J] qui leur aurait demandé de garder le silence sur les faits reprochés et reconnus.

Ces faits ne sont pas établis.

Sur les faits d’intimidation reprochés à M. [C] (directeur) :

Mme [N] ne fait que relater les propos que lui a tenu M. [J] s’agissant de sa convocation dans le bureau de M. [C] le 18 décembre 2019 et n’était pas présente, précisant même que « M. [J] n’a pas pris de conseil pour l’accompagner à cet entretien ».

Mme [K] précise également ne pas avoir accompagné M. [J] lors de cet entretien mais avoir été présente lors de sa convocation et quand il est sorti du bureau. Le seul fait qu’elle l’ait jugé de manière subjective « livide et abasourdi par ce qui venait de lui être dit » ne permet pas de démontrer que M. [J] aurait été victime d’intimidations de la part du directeur lors de l’entretien.

Ces faits ne sont pas établis.

Faute d’établir la matérialité des faits ci-dessus allégués, il ne résulte aucuns éléments précis, concordants et répétés permettant de présumer que M. [J] a subi des agissements répétés de la part de son employeur pouvant caractériser un harcèlement moral.

Sur la rupture du contrat de travail :

Moyens des parties :

M. [J] déclare que la prise d’acte de la rupture de son contrat de travail doit être requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse et qu’il a été placé par son employeur dans une situation telle que la poursuite de son contrat de travail lui était devenue insupportable. Il invoque au titre des manquements de son employeur, le harcèlement moral de l’employeur et l’avertissement injustifié du 11 février 2020.

La SAS CARREFOUR HYPERMARCHES conteste les manquements dénoncés et fait valoir que M. [J] a pris acte de la rupture de son contrat de travail à la suite du refus de sa demande de rupture conventionnelle.

Sur ce,

Il est constant que la prise d’acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l’employeur empêchant la poursuite du contrat de travail. C’est au salarié qu’il incombe de rapporter la preuve des manquements invoqués à l’encontre de son employeur.

Lorsqu’un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur, cette rupture, qui entraîne la cessation immédiate du contrat de travail, produit les effets soit d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d’une démission.

En l’espèce, la cour a jugé que M. [J] ne démontrait pas la réalité des faits dénoncés au soutien du harcèlement moral et que les faits ayant justifié son avertissement du 11 février 2020 étaient établis et la sanction proportionnée.

Par conséquent, il doit être jugé que la prise d’acte de M. [J] en date du 6 juillet 2020 produit les effets d’une démission et de débouter le salarié de l’ensemble de ses demandes financières à ce titre par voie de confirmation du jugement déféré.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi,

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

CONDAMNE M. [J] à payer la somme de 500 € à la SAS CARREFOUR HYPERMARCHES sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,

CONDAMNE M. [J] aux dépens d’appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Gwenaëlle Terrieux, Conseillère, en remplacement de Madame Valéry Charbonnier, Conseillère faisant fonction de Présidente légitimement empêchée, et par Madame Mériem Caste-Belkadi, Greffière, à qui la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.

La Greffière, La Conseillère,

 


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