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Vidéosurveillance : 1 février 2024 Cour d’appel de Versailles RG n° 22/03589

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Vidéosurveillance : 1 février 2024 Cour d’appel de Versailles RG n° 22/03589

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

Chambre sociale 4-5

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 01 FEVRIER 2024

N° RG 22/03589

N° Portalis DBV3-V-B7G-VRZK

AFFAIRE :

[Y] [N]

C/

S.A.S. STILE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 03 Novembre 2022 par le Conseil de Prud’hommes Formation paritaire de POISSY

N° Section : C

N° RG : F21/00232

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Yazid ABBES

Me Emilie LESNE

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE UN FEVRIER DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Monsieur [Y] [N]

né le 06 Juillet 1984 à SENEGAL

de nationalité Sénégalaise

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentant : Me Yazid ABBES, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 260

APPELANT

****************

S.A.S. STILE

N° SIRET : 528 94 3 9 70

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentant : Me Oriane DONTOT de la SELARL JRF AVOCATS & ASSOCIES, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617

Représentant : Me Emilie LESNE, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 15 Décembre 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Laure TOUTENU, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Thierry CABALE, Président,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

Madame Laure TOUTENU, Conseiller,

Greffier lors des débats : Mme Nouha ISSA,

EXPOSE DU LITIGE

M. [Y] [N] a été engagé par la société de transport interurbain des lignes express (ci-après dénommée STILE) suivant un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er janvier 2017 en qualité de conducteur receveur, coefficient 140V, avec le statut d’ouvrier.

La relation de travail était régie par la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport.

M. [N] a fait l’objet de plusieurs arrêts de travail pour maladie du 1er juillet au 14 septembre 2020.

Le 25 septembre 2020, la CPAM des Yvelines l’a informé de la prise en charge de sa maladie comme étant d’origine professionnelle.

Par lettre du 15 mars 2021, M. [N] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé le 26 mars 2021.

Par lettre du 7 avril 2021, l’employeur a licencié le salarié pour faute grave.

Contestant son licenciement, le 3 juin 2021 M. [N] a saisi le conseil de prud’hommes de Poissy afin d’obtenir sa réintégration et la condamnation de la société STILE au paiement d’une indemnité entre son éviction et sa réintégration sur le fondement de la nullité du licenciement.

Par jugement en date du 3 novembre 2022, auquel il est renvoyé pour exposé de la procédure antérieur et des demandes initiales des parties, cette juridiction a :

– dit que la procédure est régulière,

– dit que le licenciement de M. [N] est nul,

– condamné la SAS STILE à verser à M. [N] avec intérêts légaux à compter du 10 juin 2021, date de réception de la convocation pour le bureau de conciliation par la partie défenderesse les sommes suivantes :

* 15 812,88 euros d’indemnité de provision au titre des salaires,

* 1 581,28 euros au titre des congés payés afférents,

– rappelé que l’exécution est de droit à titre provisoire sur les créances visées à l’article R 1454-14 alinéa 2 du code du travail,

– fixé la moyenne mensuelle des salaires en application des dispositions de l’article R. 1454-28 du code du travail à la somme de 2 635,48 euros bruts,

– condamné la SAS STILE à verser à M. [N], la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouté M. [N] du surplus de ses demandes,

– débouté la SAS STILE de ses demandes reconventionnelles,

– condamné la SAS STILE aux dépens y compris ceux afférents aux actes et procédure d’exécution éventuels.

Le 7 décembre 2022, M. [N] a interjeté appel à l’encontre de ce jugement.

Par conclusions signifiées par voie électronique le 27 novembre 2023, M. [N] demande à la cour de confirmer la décision entreprise en ce qu’elle a déclaré son licenciement nul et de nul effet, mais pour le surplus, d’infirmer la décision entreprise en ce qu’elle l’a débouté de sa demande de réintégration, et statuant à nouveau, de :

– ordonner sa réintégration à son poste ou dans un poste équivalent sous astreinte de 300 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir,

– dire que la cour se réservera la possibilité de liquider ladite astreinte,

– condamner la société STILE à lui payer, à titre de provision, les sommes suivantes :

* 84 335,36 euros au titre des salaires arrêtés au 15 décembre 2023,

* 8 433,53 euros au titre des congés y afférents,

* 8 433,53 euros au titre d’une revalorisation des salaires de 10%,

* 843,35 euros au titre des congés y afférents,

* 8 433,53 euros à titre de 10% d’intéressement et participation,

* 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– ordonner conformément à l’article 1343-2 du code civil, la capitalisation des intérêts légaux, à compter de la saisine du conseil, sur les sommes ci-dessus octroyées ayant une nature salariale,

– ordonner conformément aux dispositions de l’article L313-3 du code financier et monétaire, la majoration du taux de l’intérêt légal de cinq points à l’expiration d’un délai de deux mois à compter du jour où la décision de justice est devenue exécutoire, fût-ce par provision,

– à titre subsidiaire, condamner la société STILE au paiement des sommes suivantes :

* 5 270,96 euros à titre d’indemnité de préavis,

* 527,09 euros au titre des congés y afférents,

* 2 800,19 euros à titre d’indemnité de licenciement,

* 37 907,01 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,

– condamner la société STILE aux entiers dépens.

Par conclusions signifiées par voie électronique le 27 novembre 2023, la société STILE demande à la cour de :

– confirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. [N] de sa demande de réintégration,

– infirmer le jugement en ce qu’il a :

– dit que le licenciement est nul,

– l’a condamné à verser à M. [N] avec intérêts légaux à compter du 10 juin 2021 les sommes suivantes :

* 15 812,88 euros à titre d’indemnité de provision au titre des salaires,

* 1 581,28 euros au titre des congés payés afférents,

– rappelé que l’exécution est de droit à titre provisoire sur les créances visées à l’article R 1454-14 alinéa 2 du code du travail,

– fixé la moyenne mensuelle des salaires en application de l’article R 1454-18 du code du travail à la somme de 2 635,48 euros bruts,

– l’a condamné à verser à M. [N] la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouté la société de ses demandes reconventionnelles,

– condamné la société aux dépens y compris ceux afférents aux actes et procédure d’exécution éventuels,

– en conséquence, statuant à nouveau:

– déclarer irrecevables les demandes subsidiaires formées par M. [N] par voie de conclusions signifiées le 7 novembre 2023, comme se heurtant au principe de concentration des prétentions énoncé à l’article 910-4 du code de procédure civile,

– juger que le licenciement pour faute grave de M. [N] est justifié,

– fixer le salaire de référence de M. [N] à la somme de 2 494,55 euros bruts,

– débouter M. [N] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

– condamner M. [N] à lui rembourser la somme de 17 934,16 euros bruts, qui lui a été versée au titre de l’exécution provisoire du jugement dont appel,

– condamner M. [N] à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, au titre de la première instance,

– à titre subsidiaire, limiter le montant de l’indemnité d’éviction aux salaires dont M. [N] a été privé en tenant compte du salaire de référence de 2 494,55 euros, en déduisant les revenus professionnels et de remplacement perçus par M. [N] depuis son licenciement et la somme de 17 934,16 euros bruts versée par la société au titre de l’exécution provisoire du jugement de première instance,

– à titre infiniment subsidiaire, si par extraordinaire la cour jugeait le licenciement nul et déclarait recevables les demandes subsidiaires formées par M. [N], limiter sa condamnation au titre de l’indemnité compensatrice de préavis à 4 989,10 euros, au titre de l’indemnité de licenciement à 2 650,46 euros, au titre de l’indemnité pour licenciement nul à 1 967,30 euros,

– en tout état de cause, condamner M. [N] à lui payer la somme de 500 euros sur le fondement de l’article 1240 du code civil à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

– condamner M. [N] à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner M. [N] en tous les dépens et accorder à Maître Dontot, avocat, le bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

L’ordonnance de clôture de l’instruction est intervenue le 28 novembre 2023.

MOTIVATION

Sur l’irrecevabilité des demandes nouvelles

L’employeur soulève l’irrecevabilité des demandes subsidiaires formées par le salarié par conclusions signifiées le 7 novembre 2023, comme se heurtant au principe de la concentration des prétentions.

Le salarié fait valoir que sa demande est recevable dans la mesure où elle est le complément de la demande tendant à voir déclarer son licenciement nul, en cas d’éventuelle impossibilité de réintégration.

Aux termes de l’article 910-4 du code de procédure civile, à peine d’irrecevabilité, relevée d’office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l’ensemble de leurs prétentions sur le fond. L’irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures.

Néanmoins, et sans préjudice de l’alinéa 2 de l’article 802, demeurent recevables, dans les limites des chefs du jugement critiqués, les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l’intervention d’un tiers ou de la survenance ou de la révélation d’un fait.

En l’espèce, l’appelant a formé par voie de conclusions signifiées le 7 novembre 2023, soit au-delà du délai de trois mois de l’article 908 du code de procédure civile, des demandes subsidiaires, si la cour jugeait impossible sa réintégration, en condamnation de l’employeur au paiement des sommes consécutives à la nullité du licenciement. Par conséquent, ces demandes subsidiaires étant le complément à la contestation du licenciement sur le fondement de la nullité formée initialement, celles-ci sont recevables et le moyen soulevé par l’employeur doit être rejeté.

Sur la validité du licenciement et ses conséquences

La lettre de licenciement, qui fixe les termes du litige, est libellée comme suit :

“Vous avez de nouveau eu des comportements fautifs que nous vous récapitulons ci-après :

en date du 4 mars 2021, vous êtes présentés à l’accueil de la société STILE pour voir le responsable exploitation afin qu’il vous donne votre fiche de paye en attente. En effet vous êtes actuellement en absence. Vous n’avez pas prévenu de votre venue et vous n’avez pas effectué de demande de rendez-vous. Dès votre arrivée dans son bureau vous avait déclaré « ma fiche de paie vous pensait la mettre en cadre ‘ ». S’enchaîne une suite de phrases de votre part que nous avons pris comme des menaces et des agressions verbales, que ce soit par les mots utilisés mais aussi sur votre ton agressif. À savoir :

‘vous êtes un menteur’

‘vous êtes un raciste’

‘vous êtes incompétent’

‘c’est à cause de vous qu’on a perdu des lignes car vous n’êtes pas compétent’

‘vous n’aimez pas les noirs, vous en embauchez juste pour ne pas qu’on que l’on pense ça. Ici vous n’êtes pas en Algérie. Vous êtes incompétents. Vous êtes un menteur. RATPDEV sont des bons à rien’

En effet, vous apostrophez le responsable exploitation comme quoi il effectue du favoritisme envers certains salariés, que ce dernier raciste envers les personnes ayant une couleur de peau noire. Vous insistez en précisant « ici vous n’êtes pas en Algérie ». Vous continuez sur les propos suivants « vous êtes incompétents et vous êtes un menteur ». Vous ajoutez que c’est par sa faute si RATPDEV a perdu le futur marché de transport mis en concurrence.

Toutes ces allégations sont sans fondements et vous ne pouvez pas avoir ces propos au sein de notre entreprise. Nous ne pouvons accepter ce comportement et des insultes à caractère racial. La société STILE travaille dans le respect de chacun. Aujourd’hui ce n’est pas votre cas. D’autant que vous avez également eu des propos inadaptés envers un autre salarié au moment de partir concernant un rapport à votre encontre. Durant tous ces échanges la direction vous a demandé de vous calmer. Malheureusement cela n’a pas été le cas. Votre ton est resté menaçant et agressif. Une main courante a été déposée au commissariat concernant votre comportement. Lors de cette altercation, responsable exploitation a eu le directeur au téléphone qui cherchait à le joindre pour une réunion. Le directeur a également entendu votre ton agressif envers le responsable exploitation. Trois témoins de cette altercation considèrent que vos propos étaient diffamants, votre ton agressif et injurieux notamment lorsque vous avez traité le responsable exploitation de raciste.

À plusieurs reprises nous vous avons déjà notifié des sanctions disciplinaires en raison d’un manquement aux obligations contractuelles. Depuis le 1er janvier 2017, nous avons d’ores et déjà pus constater et sanctionner les manquements de même nature à vos obligations :

‘ un rappel à l’ordre en date du 27 juillet 2017 pour une absence injustifiée,

‘ une mise en garde le 4 juin 2018 pour deux accidents,

‘ un avertissement en date du 25 avril 2019, pour un retard,

‘ une mise en garde en date du 14 mai 2019, pour de multiples retards,

‘ une journée de mise à pied disciplinaire le 15 avril 2020, pour le fait de ne pas avoir eu sur vous votre carte conducteur au moment de la prise de service, d’où un certain retard le temps d’aller la récupérer chez vous.

Les manquements dont vous faites preuve compromettent notre obligation de sécurité vis-à-vis de nos clients, de nos collaborateurs, vous y compris, ainsi qu’aux autres usagers de la route, et sont en totale contradiction avec notre mission de délégation de service public, ce que nous ne saurions cautionner plus longtemps. Ces manquements compromettent également nos résultats qualités de service que nous devons à nos clients. Votre attitude agressive et injurieuse n’est pas en adéquation avec un comportement professionnel.

Ainsi, et pour l’ensemble de ces faits, nous considérons que votre comportement n’est définitivement plus compatibles la poursuite de nos relations contractuelles.

Par conséquent, nous vous informons que nous sommes amenés à vous notifier par la présente votre licenciement pour faute grave. Compte tenu de la gravité des faits qui vous sont reprochés, votre maintien dans l’entreprise est impossible.”

Le salarié appelant conteste la faute grave qui lui est reprochée. Il fait valoir que les témoignages produits par l’employeur sont contradictoires et que la production d’extraits de vidéosurveillance aurait permis de démontrer qu’il n’est sorti que du bureau du responsable d’exploitation M. [K] après un court échange avec M. [X] et a été raccompagné par M. [R]. Il soutient qu’en réalité, il a subi des agissements de harcèlement moral de la part du responsable d’exploitation et qu’en dépit de ses alertes, l’employeur n’a diligenté aucune enquête interne, manquant à son obligation de sécurité. Il ajoute qu’il était tenu de se déplacer pour récupérer ses bulletins de paie, le responsable d’exploitation lui ayant alors indiqué qu’ils étaient introuvables.

L’employeur intimé fait valoir que le salarié a eu un comportement inadmissible à l’encontre de son supérieur hiérarchique, constitutif d’une faute grave, empêchant définitivement son maintien au sein des effectifs de la société. Il soutient que le salarié a tenu des propos injurieux à l’égard de son supérieur, l’a accusé de faire du favoritisme envers certains salariés sans fondement, l’a blâmé pour avoir perdu le futur marché de transport et s’en est pris à un collègue en sortant du bureau, les faits étant établis par cinq attestations concordantes de témoins. L’employeur rappelle également le passif disciplinaire du salarié.

Aux termes de l’article L. 1226-9 du code du travail, au cours des périodes de suspension du contrat de travail, l’employeur ne peut rompre ce dernier que s’il justifie soit d’une faute grave de l’intéressé, soit de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l’accident ou à la maladie.

Aux termes de l’article L. 1226-13 du code du travail, toute rupture du contrat de travail prononcée en méconnaissance des dispositions des articles L. 1226-9 et L. 1226-18 est nulle.

Il résulte des dispositions de l’article L. 1234-1 du code du travail que la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise et implique son éviction immédiate.

La preuve de la faute grave incombe à l’employeur.

En l’espèce, la lettre de licenciement reproche, en substance, au salarié : des propos menaçants et agressifs, des insultes à caractère racial, des reproches infondés sur la perte de marché à l’égard de son supérieur hiérarchique, des propos inadaptés à l’égard d’un collègue.

Il n’est pas contesté que l’employeur était informé que le salarié était en arrêt de travail pour maladie professionnelle depuis septembre 2020 et que le 4 mars 2021, le salarié s’est présenté sur le site de la société et s’est entretenu avec M. [K], son responsable d’exploitation et supérieur hiérarchique, au sujet de la remise de ses bulletins de paie.

L’employeur verse aux débats une déclaration de main courante du 17 mars 2021 de M. [K] soit de treize jours après les faits, ainsi qu’une attestation de ce dernier du 22 novembre 2021, celui-ci se plaignant de propos et d’un comportement inacceptable du salarié à son encontre le 4 mars 2021 s’agissant de propos racistes et mettant en cause sa compétence, de manière générale et imprécise, ces éléments devant être regardés avec prudence puisque émanant du supérieur hiérarchique du salarié directement mis en cause par ce dernier.

L’employeur verse également aux débats l’attestation de M. [J], directeur, du 23 juillet 2021, ainsi que trois attestations de collègues : M. [D], assureur, du 4 juillet 2021, M. [I], contrôleur d’exploitation, du 30 juin 2021, M. [X], conducteur receveur, du 1er juillet 2021, l’ensemble de ces attestations vagues et imprécises relatant des propos virulents du salarié à l’égard de son supérieur hiérarchique en termes généraux, le directeur indiquant avoir entendu ces propos lors d’un appel téléphonique à M. [K] lors des faits, ce qui est contesté par le salarié, cet appel téléphonique n’étant pas mentionné par M. [K] dans son attestation ou sa main courante.

Au vu de ces éléments, l’employeur établit seulement, par la production d’attestations, un échange par le salarié de propos virulents avec son supérieur hiérarchique, alors que le salarié se trouvait en arrêt de travail pour maladie professionnelle et qu’il a dû se déplacer sur son lieu de travail pour obtenir des bulletins de salaire non communiqués par l’employeur, ce qui est insuffisant à caractériser une faute grave, l’employeur ne démontrant pas que le salarié a commis une faute d’une gravité telle qu’elle empêchait son maintien dans l’entreprise et impliquait son éviction immédiate.

Par conséquent, le licenciement du salarié pendant la suspension de son contrat de travail en raison de son arrêt de travail pour maladie professionnelle, est entaché de nullité en l’absence de faute grave caractérisée du salarié. Le jugement doit être confirmé sur ce point.

Sur la demande de réintégration et l’indemnité d’éviction

Le salarié dont le licenciement est nul en application des dispositions des articles L. 1226-9 et L. 1226-13 du code du travail et qui demande sa réintégration a droit au paiement d’une somme correspondant à la réparation de la totalité du préjudice subi au cours de la période qui s’est écoulée entre son licenciement et sa réintégration dans la limite du montant des salaires dont il a été privé.

En l’espèce, à défaut d’une impossibilité matérielle caractérisée de réintégrer le salarié dans son emploi ou à défaut, dans un emploi équivalent, il convient d’ordonner la réintégration du salarié dans la société STILE, conformément à sa demande, sans que le prononcé d’une astreinte soit nécessaire.

Il y a lieu de retenir un salaire de référence de 2 494,55 euros, sur la base de la moyenne des rémunérations perçues sur les douze derniers mois, la plus favorable au salarié.

Le préjudice étant évalué au jour où il est statué, il sera fait droit à la demande de revalorisation du salaire formée par le salarié à hauteur de 2,51% celle-ci étant justifiée au vu des accords sur la négociation annuelle obligatoire de l’année 2021 et de l’année 2022 et des augmentations générales accordées pour la catégorie du salarié.

Le salarié aurait donc dû percevoir sur 32 mois comme sollicité, les salaires suivants :

81 829,22 euros.

Il convient de déduire les sommes perçues :

3 847,44 euros au titre de l’allocation de retour à l’emploi entre janvier et mars 2022,

10 518,42 euros au titre de l’aide à la reprise et à la création d’entreprise, entre juillet 2022 et janvier 2023,

15 812,88 euros en exécution du jugement rendu au vu du bulletin de paie de décembre 2022,

Soit un montant total de 30 178,74 euros

Il n’y a pas lieu de faire droit à la demande en paiement du salarié d’une somme de 8 433,53 euros à titre d’intéressement et de participation, ces sommes n’ayant pas le caractère de salaire et devant être exclues du calcul de l’indemnité d’éviction.

Au total, la société de transport interurbain des lignes express (STILE) doit donc être condamnée à payer à M. [N] la somme de 51 650,48 euros à titre d’indemnité d’éviction, outre 3 583,77 euros au titre des congés payés afférents, après déduction de la somme déjà perçue de 1 581,28 euros à titre de congés payés au titre de l’exécution provisoire.

Le jugement entrepris sera infirmé sur ces points.

Sur les dommages et intérêts pour procédure abusive

Le salarié appelant étant largement fondé en son appel, la présente procédure n’est donc pas abusive. La société intimée doit être déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Le jugement attaqué sera confirmé sur ce point.

Sur le cours des intérêts

En application des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, les créances salariales et assimilées produisent des intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l’employeur de la lettre de convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation du conseil de prud’hommes et les créances indemnitaires produisent des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

Il n’y a pas lieu de faire courir le point de départ des intérêts à une date antérieure comme sollicité.

Il convient d’ordonner la capitalisation des intérêts échus pour une année entière.

Il est prématuré d’ordonner la majoration de l’intérêt légal de cinq points conformément à l’article L. 313-3 du code financier et monétaire comme sollicité, cette demande sera donc rejetée.

Sur les autres demandes

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a statué sur les dépens et les frais irrépétibles.

La société STILE succombant à la présente instance, en supportera les dépens d’appel. Elle devra également régler une somme de 3 000 euros à M. [N] en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile. L’équité ne commande pas de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au profit de la société de transport interurbain des lignes express (STILE).

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire,

Rejette le moyen d’irrecevabilité des demandes subsidiaires de M. [Y] [N] soulevé par la société de transport interurbain des lignes express (STILE),

Confirme le jugement en ce qu’il a :

– Dit que le licenciement de M. [Y] [N] est nul,

– Débouté la société de transport interurbain des lignes express (STILE) de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

– Condamné la société de transport interurbain des lignes express (STILE) à payer à M. [Y] [N] la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– Condamné la société de transport interurbain des lignes express (STILE) aux dépens y compris ceux afférents aux actes et procédure d’exécution éventuels,

L’infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant :

Ordonne la réintégration de M. [Y] [N] à son poste ou dans un poste équivalent,

Déboute M. [Y] [N] de sa demande d’astreinte,

Condamne la société de transport interurbain des lignes express (STILE) à payer à M. [Y] [N] les sommes suivantes :

51 650,48 euros à titre d’indemnité d’éviction,

3 583,77 euros au titre des congés payés afférents,

Dit que les créances salariales et assimilées produisent des intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l’employeur de la lettre de convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation du conseil de prud’hommes et les créances indemnitaires produisent des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

Ordonne la capitalisation des intérêts échus pour une année entière,

Déboute M. [Y] [N] de sa demande de majoration du taux de l’intérêt légal de cinq points,

Déboute la société de transport interurbain des lignes express (STILE) de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

Déboute les parties de leurs autres demandes,

Condamne la société de transport interurbain des lignes express (STILE) aux dépens d’appel,

Condamne la société de transport interurbain des lignes express (STILE) à payer à M. [Y] [N] la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Dit n’y avoir lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au profit de la société de transport interurbain des lignes express (STILE),

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur Thierry CABALE, Président et par Monsieur Nabil LAKHTIB, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,

 


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