Vidéogrammes / DVD : 5 octobre 2021 Cour de cassation Pourvoi n° 21-82.331

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Vidéogrammes / DVD : 5 octobre 2021 Cour de cassation Pourvoi n° 21-82.331
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N° Z 21-82.331 F-B

N° 01144

CK
5 OCTOBRE 2021

REJET

M. SOULARD président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 5 OCTOBRE 2021

Mme [S] [Y] a formé un pourvoi contre l’arrêt de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Versailles, en date du 8 avril 2021, qui, dans l’information suivie contre elle du chef de prise illégale d’intérêts, a prononcé sur sa demande d’annulation d’actes de la procédure.

Par ordonnance en date du 1er juin 2021, le président de la chambre criminelle a prescrit l’examen immédiat du pourvoi.

Un mémoire a été produit.

Sur le rapport de M. Violeau, conseiller référendaire, les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de Mme [S] [Y], et les conclusions de M. Aldebert, avocat général, après débats en l’audience publique du 7 septembre 2021 où étaient présents M. Soulard, président, M. Violeau, conseiller rapporteur, M. Bonnal, conseiller de la chambre, et Mme Guichard, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l’article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. Le 3 janvier 2013, Tracfin a adressé au procureur de la République de [Localité 1] une note d’information concernant les opérations financières atypiques réalisées par l’association pour l’organisation des festivals, présidée par M. [V] [U].

3. Entre janvier 2010 et octobre 2012, cette association aurait enregistré sur son compte bancaire des flux créditeurs supérieurs à 260 000 euros provenant, notamment, de l’office du tourisme de [Localité 2], lui-même subventionné par la municipalité au conseil de laquelle siégeait Mme [Y], fille de M. [U].

4. Le 13 juin 2013, à l’issue de l’enquête préliminaire, le procureur de la République a ouvert une information judiciaire contre personne non dénommée des chefs d’abus de confiance, de prise illégale d’intérêts, ainsi que de complicité et de recel de ces délits.

5. Les investigations ont révélé que Mme [Y], en sa qualité de première-adjointe au maire, avait participé, personnellement ou par procuration, aux différents votes intervenus entre le 11 décembre 2009 et le 31 mai 2013, portant sur les budgets, les comptes financiers et les conventions d’objectifs de l’Office du tourisme de la ville, ainsi qu’aux délibérations relatives à l’attribution de ses subventions, notamment celle concernant le Festival des jeunes réalisateurs, organisé par l’association pour l’organisation des festivals.

6. Mme [Y] a été mise en examen pour prise illégale d’intérêt.

7. Par arrêt du 27 février 2020, la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Versailles a prononcé l’annulation de son audition libre, d’une réquisition judiciaire du 21 décembre 2016 tendant à la communication de procès-verbaux de délibération du conseil municipal, des procès-verbaux de réception et d’exploitation de ces documents et ordonné en conséquence la cancellation d’un certain nombre de pièces.

8. Par arrêt du 10 novembre 2020 (pourvoi n° 20-81.601), la Cour de cassation a cassé sans renvoi cet arrêt et ordonné des cancellations complémentaires.

9. Les fonctionnaires de police ont, sur commission rogatoire, diligenté une perquisition au sein de la mairie de [Localité 2] et procédé à la saisie d’un disque dur contenant les archives des enregistrements sonores des conseils municipaux sur la période de 2008 à 2016.

10. Un investigateur en cybercriminalité en a extrait les fichiers correspondant aux neufs séances du conseil municipal tenues entre 2009 et 2013 en relation avec les faits objet de l’information judiciaire, lesquels ont été gravés sur DVD-Rom, placé sous scellé.

11. Une copie de travail de ce scellé a été remise aux enquêteurs, qui ont procédé, sur cette base, à une retranscription partielle des propos en relation avec l’enquête.

12. Le 23 janvier 2020, Mme [Y] a été interrogée par le juge d’instruction qui, compte tenu des contestations de l’intéressée, a procédé à l’écoute des enregistrements litigieux, à partir de la copie de travail précitée.

13. Le 21 juillet 2020, les avocats de Mme [Y] ont déposé une requête en annulation.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

14. Le moyen critique l’arrêt attaqué en ce qu’il a rejeté la requête en nullité de l’interrogatoire de Mme [Y] du 23 janvier 2020 et a dit seulement y avoir lieu à cancellation des passages de cet interrogatoire visés à son dispositif en conséquence de l’arrêt de la Cour de cassation du 10 novembre 2020, alors :

« 1°/ que les prescriptions de l’article 114 du code de procédure pénale, qui ont pour objet de permettre à l’avocat de la personne mise en examen de prendre connaissance de l’ensemble du dossier de l’information quatre jours ouvrables au plus tard avant chaque interrogatoire de la personne mise en examen, sont essentielles aux droits de la défense et doivent être observées à peine de nullité ; qu’en retenant, pour rejeter le moyen de nullité de l’interrogatoire de Mme [Y] du 23 janvier 2020 en l’absence de mise à disposition de ses conseils préalablement à cet interrogatoire de la copie de travail sur laquelle étaient gravés les enregistrements audio des séances des conseils municipaux ayant eu lieu sur la période visée par les faits objets de l’information, que la copie de travail ne constitue pas une pièce de la procédure faute d’avoir été annexée à un procès-verbal de la procédure et qu’elle n’était pas de fait mise d’office en procédure (arrêt p. 12), cependant que la chambre de l’instruction a constaté que les avocats de la mise en examen n’avaient pas pu prendre connaissance, durant le délai prévu par l’article 114 du code de procédure pénale, de l’ensemble du dossier de l’information et spécialement de la copie de travail, sous forme de DVD-Rom, des enregistrements des séances des conseils municipaux ayant eu lieu pendant la période des faits qui, n’ayant pas été placée sous scellés et déposée au greffe à titre de pièces à conviction, fait partie du dossier de la procédure au sens de l’article 114 du code de procédure pénale, peu important qu’elle n’ait pas été annexée à un procès-verbal de la procédure, et en relevant dès lors de façon inopérante, pour exclure toute atteinte aux droits de la défense, que les conseils de la mise en examen avaient connaissance de la teneur des enregistrements par les retranscriptions établies par les policiers, qu’ils auraient pu solliciter pendant la consultation du dossier la mise à disposition de la copie de travail avec le matériel nécessaire pour préparer l’interrogatoire, ce qu’ils se sont abstenus de faire, et qu’enfin la mise en examen, à qui a été donnée lecture des retranscriptions des enquêteurs et qui a pu entendre les enregistrements, a pu discuter utilement les retranscriptions lors de son interrogatoire, la chambre de l’instruction a violé les articles préliminaire, 114 du code de procédure pénale et 6 de la Convention européenne des droits de l’homme ;

2°/ qu’en tout état de cause, tout accusé a droit à disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense ; que démontre la réalité de l’atteinte aux droits de la défense qu’il a subie le mis en examen qui établit avoir été interrogé sur un élément de preuve n’ayant pas été mis à la disposition de ses conseils avant son interrogatoire, lesquels ont élevé immédiatement une contestation sur ce point, et dont la teneur a été portée à sa connaissance pour la première fois en cours d’interrogatoire ; qu’en retenant qu’au cours de son interrogatoire, le juge d’instruction avait donné lecture du contenu des quatre retranscriptions faites par les enquêteurs des enregistrements et avait procédé à la diffusion des enregistrements correspondants, que la mise en examen pouvait utilement discuter les retranscriptions et que ses conseils ne démontraient dès lors aucun grief (arrêt p. 13), cependant que le juge d’instruction a fait entendre à la mise en examen pour la première fois pendant son interrogatoire les enregistrements audio gravés sur une copie de travail qui n’avait pas été mise à la disposition de ses conseils préalablement à l’interrogatoire, ce que ceux-ci ont fait valoir sur le champ, et l’a interrogée immédiatement sur le contenu de ces enregistrements dont elle n’a pas pu avoir connaissance antérieurement par le biais des procès-verbaux de retranscriptions établis par les enquêteurs dont le magistrat instructeur a reconnu lui-même à plusieurs reprises le caractère erroné (arrêt p. 13), la chambre de l’instruction a violé les articles préliminaire, 114 du code de procédure pénale et 6 de la Convention européenne des droits de l’homme. »

Réponse de la Cour

15. Pour rejeter le moyen de nullité pris de la communication incomplète du dossier aux avocats de l’intéressée, l’arrêt attaqué énonce, en substance, que les fichiers correspondant aux enregistrements sonores litigieux ont été gravés sur un DVD-Rom, lequel a été placé sous scellé.

16. Les juges retiennent que ce scellé n’avait pas à être mis à disposition des avocats des parties, pas plus que la copie de travail faite expressément à la demande du juge d’instruction, qui ne constitue pas une pièce de la procédure, dès lors qu’elle n’était pas annexée à un procès-verbal.

17. Ils relèvent que les avocats avaient connaissance de l’existence des enregistrements en cause ainsi que de leur teneur, de par les retranscriptions établies par les policiers, et qu’ils avaient la possibilité de solliciter l’ouverture du scellé contenant les fichiers originaux.

18. Les juges ajoutent qu’ils pouvaient ainsi utilement préparer l’interrogatoire prévu en discutant les retranscriptions avec la personne mise en examen et, au vu de ses constatations quant aux retranscriptions faites, solliciter pendant la consultation du dossier, la mise à disposition de la copie de travail avec le matériel nécessaire pour préparer l’interrogatoire, ce qu’ils se sont abstenus de faire.

19. Ils en déduisent qu’il ne peut être utilement soutenu que la procédure était incomplète.

20. En l’état de ces énonciations, la chambre de l’instruction a justifié sa décision pour les raisons suivantes.

21. En premier lieu, la copie de travail d’un support numérique de stockage placé sous scellé ne constitue pas une pièce de la procédure devant être communiquée aux avocats des parties dans les conditions prévues par l’article 114 du code de procédure pénale. Elle ne peut être consultée, comme l’original, que dans les conditions prévues par l’article 97, alinéas 6 et 7, du code de procédure pénale.

22. En second lieu, la demanderesse ne saurait se prévaloir d’une atteinte aux droits de la défense, dès lors qu’il lui appartenait de solliciter la mise à disposition du scellé en cause ou de sa copie de travail, mentionnée en procédure, selon les modalités de l’article 82-1 du code précité et dans les formes prévues par l’article 81, alinéa 10, du même code.

23. Ainsi, le moyen n’est pas fondé.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

24. Le moyen critique l’arrêt attaqué en ce qu’il a ordonné la cancellation exclusivement de passages de l’interrogatoire de Mme [Y] du 23 janvier 2020, alors « que doit être cancellée toute référence directe et explicite aux actes irréguliers ; qu’en retenant, alors qu’elle était saisie par la défense de la personne mise en examen d’une requête en nullité du rapport de synthèse coté D3308 à D3311 et des études et transcriptions partielles du conseil municipal cotées D3335 à D3353 en ce que ces pièces faisaient référence aux réquisitions cotées D2255 à D2265 qui ont été annulées définitivement par arrêt de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Versailles du 27 février 2020, que la Cour de cassation a déjà répondu à la défense en indiquant qu’elle était en mesure de s’assurer que les déclarations effectuées par Mme [Y] dans le cadre de la procédure d’audition libre et qui ont été annulées n’en étaient pas le support (arrêt p. 13), cependant que la chambre criminelle, dans son arrêt du 27 février 2020, s’est bornée à retenir que les pièces cotées au-delà de la pièce D3301 n’avaient pas pour support nécessaire les déclarations effectuées par l’exposante lors de l’audition libre et à exclure qu’elles puissent être annulées par voie de conséquence, la chambre de l’instruction, qui aurait dû ordonner, en conséquence de l’arrêt du 27 février 2020 devenu définitif ayant annulé le procès-verbal coté en D2255 à D2265, la cancellation du rapport de synthèse et des études et transcriptions partielles du conseil municipal en leurs passages faisant référence à cette pièce annulée, n’a pas justifié légalement sa décision au regard des articles 174 et 593 du code de procédure pénale. »

 


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