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CIV. 1
CF
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 22 septembre 2021
Rejet non spécialement motivé
Mme DUVAL-ARNOULD, conseiller doyen faisant fonction de président
Décision n° 10667 F
Pourvoi n° J 20-16.027
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 22 SEPTEMBRE 2021
La société [E] Group DA, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° J 20-16.027 contre l’arrêt rendu le 26 février 2019 par la cour d’appel de Paris (pôle 5, chambre 1), dans le litige l’opposant :
1°/ à la société Kuiv productions, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3],
2°/ à M. [N] [O], domicilié [Adresse 2],
défendeurs à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Serrier, conseiller référendaire, les observations écrites de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société [E] Group DA, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Kuiv productions et de M. [O], après débats en l’audience publique du 15 juin 2021 où étaient présents Mme Duval-Arnould, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Serrier, conseiller référendaire rapporteur, M. Girardet, conseiller, et Mme Tinchon, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
1. Les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l’encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
2. En application de l’article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n’y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société [E] Group DA aux dépens ;
En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux septembre deux mille vingt et un.
MOYENS ANNEXES à la présente décision
Moyens produits par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la société [E] Group DA
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR confirmé le jugement en ce qu’il a jugé que le contrat intitulé « mandat de distribution » signé entre la société Kuiv et la société [E] a pris fin le 29 avril 2014,
AUX MOTIFS PROPRES QUE le « mandat de distribution » signé entre les parties le 3 juin 2008 prévoit que la durée du mandat est de 5 ans à compter de la date d’acceptation du PAD par le distributeur (article 6) et prévoit une option selon laquelle “Le distributeur a la première option pour renouveler ses droits à la fin de la durée de la licence” (article 11) ; qu’il est constant que le PAD ayant été accepté par la société [E] le 30 avril 2009, le contrat devait prendre fin, en l’absence de reconduction, le 29 avril 2014 ; que par lettre recommandée avec accusé de réception du 14 février 2014, la société [E] a indiqué qu’elle entendait “conformément à l’article 11 du contrat, lever l’option pour renouveler [ses] droits sur” le documentaire et que par lettre recommandée avec accusé de réception du 31 mars 2014, la société Kuiv, invoquant notamment l’absence totale de ventes du documentaire après deux années d’exploitation, a indiqué reprendre l’intégralité de ses droits et réclamé la remise du matériel de distribution ; qu’en l’absence d’éléments nouveaux fournis en appel, c’est par des motifs pertinents et exacts, tant en fait qu’en droit, adoptés par la cour, que le tribunal a estimé que l’article 11 du mandat de distribution ne pouvait s’analyser en une clause de tacite reconduction du mandat mais en une clause de préférence donnée au distributeur pour d’éventuelles négociations entre les parties dans le cadre de la conclusion d’un nouveau contrat, éventualité qui ne pouvait qu’être exclue en l’état des relations entre les parties et de la volonté clairement manifestée par la société Kuiv de ne pas poursuivre les relations contractuelles, et qu’il a, par conséquent, dit que le contrat avait pris fin le 29 avril 2014 et condamné la société [E] à restituer le matériel de distribution à la société Kuiv ; que le jugement sera confirmé de ces chefs ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE l’article 6 du contrat de distribution fixe la durée du mandat à « 5 ans à compter de la date d’acceptation du PAD par le Distributeur ». Les parties sont en accord pour dire que le PAD a été accepté par la société [E] le 30 avril 2009 et que dès lors en l’absence d’une reconduction le contrat a pris fin le 29 avril 2014 ; que l’article 11 intitulé « Option » stipule : « Le distributeur a une première option pour renouveler ses droits à la fin de la durée de la Licence » ; que le 14 février 2014, la société [E] indiquait qu’elle entendait « lever l’option pour renouveler nos droits sur «EINSATZGRUPPEN, les commandos de la mort » ; que par lettre recommandée avec accusé de réception du 31 mars 2014, la société Kuiv écrivait : « Nous avons bien reçu vos derniers relevés d’exploitation faisant apparaître des ventes nulles du documentaire. En conséquence, sur la base de notre accord, et de l’absence totale de ventes que vous avez réalisée sur ce film après deux années d’exploitation nous reprenons l’intégralité de nos droits et vous enjoignons de nous remettre le matériel livré dans les 8 jours suivant la réception de ce courrier » ; qu’une seconde lettre adressée le 13 mai 2014 par le conseil de la société Kuiv reprenait les critiques tout en ouvrant une possibilité de reprendre les discussions pour éventuellement trouver un terrain d’entente ; que la société [E] prétend que l’option de l’article 11 du contrat oblige à considérer le contrat reconduit à son terme pour une nouvelle durée de 5 années par l’effet de la seule volonté de la société [E] notifiée le 14 février 2014 ; que la société Kuiv indique qu’un contrat de mandat ne peut être renouvelé que par l’intention commune des parties et qu’elle a suffisamment montré sa vive opposition au maintien et/ou à la reprise des relations contractuelles après le ternie du premier contrat ; que le tribunal constate que l’article 11 du mandat de distribution intitulé « option » ne peut s’analyser en une clause de tacite reconduction du mandat ; que le mandat pour se poursuivre ou se renouveler au-delà du terme initialement fixé nécessite un accord formel des parties qui peut certes être prévu dès le contrat initial par le jeu d’une clause de tacite reconduction, soit être contracté à l’issue du premier contrat celui-ci pouvant également prévoir les conditions de discussions pour aboutir à la poursuite de relations contractuelles ; qu’en l’espèce le contrat ne prévoyait aucune clause de tacite reconduction et l’option de son article 11 ne peut se comprendre que comme une préférence qui doit être donnée à la société [E] pour d’éventuelles négociations sur un nouveau contrat de distribution à conclure ; qu’or, il ne fait pas de doute que les relations entre les parties et les reproches formulés par la société Kuiv à l’encontre de la société [E] étaient tels que la société Kuiv a suffisamment manifesté son souhait de ne pas continuer de relations contractuelles ; que le contrat a dès lors pris fin au 29 avril 2014 ;
ALORS QUE le juge doit respecter la loi des parties ; que l’article 11 du contrat intitulé « mandat de distribution » conclu le 3 juin 2008 stipulait : « Option : Le distributeur a la première option pour renouveler ses droits à la fin de la Durée de la Licence » ; qu’en jugeant qu’une telle clause ne pouvait s’analyser en une clause de tacite reconduction du mandat mais devait être analysée comme une clause de préférence donnée au distributeur pour d’éventuelles négociations entre les parties dans le cadre de la conclusion d’un nouveau contrat, cependant qu’une telle clause conférait un droit d’option au profit du distributeur, que ce dernier pouvait librement décider de lever, en quel cas le contrat était automatiquement renouvelé, la cour d’appel a violé l’article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle de l’ordonnance du 10 février 2016.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR confirmé le jugement en ce qu’il a jugé que le contrat a été exécuté de manière fautive par la société [E], d’AVOIR condamné en conséquence la société [E] à payer à la société Kuiv la somme de 40 000 € à titre de dommages et intérêts, et d’AVOIR rejeté la demande subsidiaire de la société [E] visant à la résolution judiciaire du contrat de distribution aux torts de la société Kuiv,
AUX MOTIFS PROPRES QU’en vertu du contrat de distribution conclu le 3 juin 2008, deux obligations pesaient sur la société [E], mandataire : assurer la commercialisation du film (article 4 du contrat) et rendre des comptes au producteur mandant, cette dernière obligation, non expressément prévue au contrat comme l’observe la société [E], résultant cependant de l’article 1993 du code civil qui dispose que tout mandataire est tenu de rendre compte de sa gestion ; qu’il est constant que la société [E] n’a réalisé aucune vente du documentaire ; qu’elle avance qu’elle a pourtant mis en oeuvre plusieurs moyens pour y parvenir – distribution de “flyers”, de “news letters” et de “screeners”, présence sur des marchés français et internationaux, mise à la disposition de clients d’une plate-forme permettant de visionner les oeuvres de son catalogue – mais se borne, pour tenter d’établir la réalité de ses efforts, à verser des échanges de courriels, certains en langue portugaise, non traduits, et peu compréhensibles pour la cour, desquels il ressort qu’un représentant de la société RMC a pu visionner le film sur son site (sa pièce 11), et trois autres courriels concernant la communication d’un login à M. [D] [E] pour la participation à un salon MIPCOM 2009 (courriel non daté – pièce 16), l’inscription de la société Kuiv – et non de la société [E] – à une manifestation “Sunny Side of the Docs” et la transmission par la société Kuiv à la société [E] d’une jaquette de DVD en vue de la réalisation d’un “flyer” (pièces 17 et 18) ; que ces seuls éléments ne sont pas de nature à rapporter la preuve de moyens suffisants mis en oeuvre par la société [E] pour mener à bien sa mission ; que de son côté, la société Kuiv produit plusieurs courriels adressés à la société [E] entre la fin avril 2009 et septembre 2009 pour réclamer des compte-rendus de prospection et de vente et déplorer des erreurs concernant un projet de flyer, l’absence du distributeur à un salon (salon “Sunny Side of the Docs” à [Localité 1]), des problèmes de factures non réglées ou encore les difficultés pour trouver un interlocuteur au sein de la société [E] (pièces 8 à 12) ; que par ailleurs, comme le tribunal l’a relevé, la société [E] n’a respecté son obligation de rendre des comptes au mandant que très tardivement et après relances ; que la société [E] argue d’empêchements ou de difficultés imputables à la société Kuiv qui l’auraient empêchée de remplir ses obligations ; que le contrat prévoyait une présentation du film en un seul épisode selon deux formats définis : 1×90 mn et 1×52 mn (article 3) et une livraison du matériel de diffusion par le producteur mandant le 31 janvier 2009 (article 10-3) ; que par un courriel du 30 janvier 2009, la société Kuiv a informé la société [E] qu’à la suite d’un accord intervenu avec France 2, le format du film avait changé et que le film serait livré fin mars au lieu de fin janvier ; que la société [E] alors pris note des modifications annoncées (ses courriels des 2 février 2009) sans exprimer d’opposition, pas plus qu’à la livraison du PAD ni ultérieurement, sauf, comme l’a relevé le tribunal, en 2014 quand il s’est agi du sort des relations contractuelles entre les parties et de la reconduction du contrat au-delà de son terme ; que par un courriel du 14 décembre 2009, la société Kuiv rappelait à la société [E] un accord intervenu entre elles à la suite d’une réunion tenue le 9 décembre, selon lequel elle-même allait assurer également la commercialisation du film, les deux partenaires devant se tenir “informées mutuellement de leurs avancées respectives en matière de commercialisation afin de ne pas se porter préjudice mutuellement” et faire un bilan au 30 juin 2010 afin de prendre éventuellement la décision de continuer la “co-commercialisation” (pièce 15 de la société KUIV) ; que sont également versés un courriel de la société [E] à la société Kuiv du 27 avril 2013 pour évoquer l’échange des relevés d’exploitation respectifs des deux entités et un courrier du 29 juillet 2013 dans lequel la société [E] demande si, “conformément au contrat de distribution”, la société Kuiv a effectué des ventes, qui sont de nature à établir que le distributeur avait acquiescé à cette co-distribution ; que la société [E] ne peut donc arguer du fait que la société Kuiv lui aurait autoritairement retiré l’exclusivité de la commercialisation du film ; que l’échange de courriels du 25 janvier 2010 à propos de la vente du film à la société finlandaise Yle par la société Kuiv ne permet pas de déterminer si, comme l’affirme la société [E], cette vente a été portée à sa connaissance tardivement, la société Kuiv contestant ce reproche en expliquant de façon circonstanciée, dans sa réponse, les circonstances de cette vente dont elle prétend que sa partenaire était informée ; que la vente conclue avec la société Planète l’a été en 2008, soit avant la remise du PAD à la société [E] marquant le début de l’exécution du contrat de distribution et la société Kuiv indique, sans être démentie, qu’il s’est agi d’un pré-achat de droits – ce que confirment les termes du courrier de la société Planète du 3 avril 2008 – en vue de permettre le financement du film, une telle vente n’entrant pas dans les recettes d’exploitation ; que du reste, le “pré-achat” par Planète et par France 2 est expressément mentionné dans l’annexe 1 du contrat de distribution du 3 juin 2008 ; qu’il ressort cependant des pièces au dossier que la société Kuiv a, courant 2013, revendu les droits sur le documentaire à France Télévisions sans en avoir préalablement tenu informée la société [E], laquelle s’en est émue dans un courrier du 16 janvier 2014 ; qu’ainsi, la société Kuiv n’a pas respecté l’accord dont elle se prévaut, résultant de l’ “avenant” conclu en décembre 2009 par lequel les parties ont convenu d’une “co-commercialisation” mais en s’engageant à se tenir “informées mutuellement de leurs avancées respectives en matière de commercialisation” ; que la société Kuiv ne s’explique pas sur cette vente réalisée en 2013 auprès de France Télévisions ; que la portée de sa faute doit cependant être relativisée puisque la vente des droits à France Télévisions est intervenue à une date où la société [E] avait largement montré ses défaillances dans la distribution du documentaire, n’ayant réalisé aucune vente alors que la société Kuiv avait, elle, procédé à trois ventes comme elle en justifie ; que dans ces conditions, ce seul manquement de la société Kuiv ne conduit pas la cour à remettre en cause l’analyse du tribunal qui a retenu l’inexécution fautive par la société [E] de ses obligations contractuelle vis-à-vis de la société Kuiv, s’agissant notamment de l’obligation essentielle d’assurer la diffusion du film ; que le comportement de la société Kuiv devra toutefois être pris en compte dans l’appréciation de son préjudice et du montant des dommages et intérêts devant lui être alloués ; que l’exécution fautive du contrat de distribution par la société [E] a entraîné un préjudice direct pour la société Kuiv qui a été privée de rémunérations sur les bénéfices tirées des ventes du documentaire ; qu’au vu des éléments produits et des circonstances examinées ci-avant, le montant de dommages et intérêts alloués à la société Kuiv sera ramenée à 40 000 € ; que le jugement sera réformé en ce sens ; que par ailleurs le sens de cet arrêt conduit à confirmer le jugement en ce qu’il a rejeté la demande de dommages et intérêts présentée par la société [E] du fait de l’inexécution par la société Kuiv de ses obligations contractuelles, la société appelante ne démontrant pas au demeurant le préjudice résultant pour elle de l’unique manquement relevé à l’encontre de sa cocontractante,
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE le contrat prévoyait à sa conclusion que le film se présente en un seul épisode selon deux formats définis :1 X90 min et 1 x52 min (clause n°3 du contrat) ; que la livraison du matériel de diffusion devait intervenir le 31 janvier 2009 (clause n°10.3) ; qu’il était également stipulé que le distributeur disposerait d’une première option pour renouveler ses droits à la fin de la durée de la licence (clause n°11) ; que par avenant au contrat d’association à la production du 14 avril 2009 et à la suite d’un accord entre la société Kuiv et France 2, diffuseur, le format du documentaire initialement prévu pour une durée de 1 x 90 minutes a évolué, passant à une durée de 2 x 90 minutes ou 4 x 45 minutes ; que pourtant, le tribunal constate qu’un mail avait été adressé le 30 janvier 2009 par la société Kuiv à la société [E] indiquant que le format du documentaire avait changé et d’un retard dans la livraison ; qu’aucune observation n’a été faite quant à ce changement de format, ni en réponse à ce courrier, ni à la livraison du PAD, ni ultérieurement dans les années qui ont suivi sauf en 2014 lorsqu’il s’est agi du sort des relations contractuelles entre les parties et de la reconduction du contrat après son terme ; que par ailleurs, la société [E] qui ne conteste pas n’avoir effectué aucune vente du documentaire, ne justifie pas non plus des moyens qu’elle aurait mis en oeuvre pour y parvenir ; qu’elle n’a en outre pas respecté ou très tardivement et après relances, son obligation de rendre des comptes au producteur ; que dès lors, le tribunal retient à l’encontre de la société [E] une exécution fautive de ses obligations contractuelles vis à vis de la société Kuiv ; que cette exécution fautive du contrat de mandat de distribution entraîne un préjudice direct à la société Kuiv qui se voit dès lors privée de ses rémunérations dues sur les bénéfices tirées des ventes ; que le tribunal au vu des éléments produits fixe à la somme de 60 000 euros les dommages et intérêts dus à ce titre à la société Kuiv par la société [E] ;
1/ ALORS QU’il appartient à celui qui invoque une inexécution contractuelle de la prouver ; qu’en l’espèce, après avoir relevé que la société [E] n’était tenue que d’une obligation de moyens, la cour d’appel lui a reproché de ne pas rapporter la preuve qu’elle aurait mis en oeuvre des moyens suffisants pour mener à bien sa mission de commercialisation ; qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a inversé la charge de la preuve, en violation de l’article 1315, devenu l’article 1353, du code civil.
2/ ALORS QUE les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu’en se bornant à relever l’existence de reproches formulés par la société Kuiv à l’encontre de la société [E] (arrêt, p. 7 § 3), tout en s’abstenant d’examiner, comme elle y était pourtant invitée par la société [E] (écritures d’appel, p. 9 § 5 à p. 10 dern. §), l’argumentation et les pièces (prod. 9 à 14) qui démontraient qu’en réponse à chacun des reproches formulés par la société Kuiv, la société [E] avait apporté une réponse circonstanciée et immédiate, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;
3/ ALORS QUE le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs ; qu’en s’abstenant de répondre au moyen articulé par la société [E] qui exposait (écritures, p. 9 dern. § et p. 10 p § 1), preuves à l’appui (prod. 9 et 14), que son absence au salon du « Sunny Side of the docs » était justifiée par la circonstance que les parties s’étaient entendues pour que ce soit la société Kuiv et non la société [E] qui s’y présente, ce qui permettait d’écarter toute responsabilité en lien avec son absence à cette manifestation, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;
4/ ALORS QU’à défaut de délai convenu entre les parties au mandat pour l’exécution de l’obligation de rendre compte, la reddition des comptes peut intervenir à tout moment ; qu’en se bornant à reprocher à la société [E] l’exécution tardive de son obligation de reddition des comptes, après avoir constaté que cette obligation ne découlait d’aucune stipulation expresse du contrat, et sans mieux préciser quel délai s’imposait à la société [E] pour s’exécuter, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle de l’ordonnance du 10 février 2016, ensemble de l’article 1993 du même code ;
5/ ALORS QUE les dommages et intérêts ne sont dus que lorsque le débiteur est en demeure de remplir son obligation ; qu’en se bornant à reprocher à la société [E] l’exécution tardive de son obligation de reddition des comptes, sans caractériser que la société Kuiv aurait mis en demeure la société [E] de satisfaire à cette obligation, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle de l’ordonnance du 10 février 2016 ;
6/ ALORS QUE le juge ne peut pas dénaturer l’écrit qui lui est soumis ; qu’il ressortait des courriels produits aux débats que si Mme [R] [Q] avait, par mail du 2 février 2009, émis à 9h28, pris « bonne note » du courriel reçu le 30 janvier 2009 de Mme [M] [F] [P], elle se bornait, « concernant le changement de format pour la distribution » à « transmet[tre] [cette] demande à [D] [E] » ; que le même jour à 9h54, M. [D] [E] adressait un mail à Mme [M] [F] [P] en exprimant ses doutes sur la pertinence de la modification sollicitée dès lors qu’à « l’international, peu de chaînes ont des cases de 90′ pour les documentaires et je ne vois pas bien qui en a en 2×90′ », et la questionnait sur le maintien d’une « version en 1×90′ » ; qu’il en ressortait clairement et précisément que bien loin d’accepter l’offre de modification du format imposée par la société Kuiv, la société [E] avait au contraire émis les plus expresses réserves, de sorte qu’en jugeant pourtant que la société [E] en avait pris note sans exprimer d’opposition, la cour d’appel a dénaturé les courriels précités, en violation du principe précité ;
7/ ALORS QUE les contrats ne peuvent être modifiés que du consentement mutuel des parties ; que lorsque les parties ont convenu que l’accord entérinant cette modification devrait être passé en respectant certaines formes, le non-respect de la forme stipulée fait obstacle à la validité de cet accord ; qu’en se bornant à considérer que la société [E] aurait consenti à acquiescer à une codistribution du film litigieux selon les modalités prévues par le courriel du 14 décembre 2009 émis par la société Kuiv, cependant ce courriel faisait état de la nécessité de « formaliser » un tel accord « par un avenant [au] contrat de départ », la cour d’appel, qui n’a nullement relevé qu’un tel avenant avait été régularisé entre les parties, a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle de l’ordonnance du 10 février 2016 ;
8/ ALORS QUE le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; qu’en jugeant que l’inexécution fautive du contrat de distribution avait entraîné un préjudice direct pour la société Kuiv en ce qu’elle aurait été privée de rémunérations sur les bénéfices tirées des ventes du documentaire, tout en s’abstenant de répondre aux écritures de l’exposant (p. 11 § 5, p. 12 § 1, p. 14 § 2) qui justifiait, preuve à l’appui (prod. 1 adverse), de l’inexistence d’un tel poste de préjudice dès lors que la société Kuiv avait cédé ses droits de recettes dans l’exploitation du film au bénéfice de la société de financement de l’industrie cinématographique et de l’audiovisuel, en échange de son financement, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR confirmé le jugement en ce qu’il a condamné la société [E] à payer à M. [O] la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l’article 1240 du code civil ainsi qu’une somme au titre des frais irrépétibles,
AUX MOTIFS PROPRES QU’une faute contractuelle peut causer un préjudice à un tiers au contrat et constituer une faute délictuelle à son égard ; qu’en l’espèce, comme le tribunal l’a retenu, la faute contractuelle commise par la société [E] à l’égard de son cocontractant, la société Kuiv, constitue une faute délictuelle vis-à-vis du réalisateur, M. [O], en ce qu’elle lui a causé un préjudice au moins patrimonial du fait d’une moindre exploitation de son oeuvre ; que les premiers juges ont procédé à une exacte appréciation du préjudice de M. [O] en lui allouant la somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts ; que le jugement sera confirmé de ce chef,
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE cette faute contractuelle commise par la société [E] à l’égard de son co-contractant la société Kuiv constitue une faute délictuelle vis à vis de l’auteur, M. [O] qui lui cause également un préjudice du fait de la mauvaise commercialisation de son oeuvre ; que la société [E] sera dès lors également condamnée à verser à monsieur [O] la somme de 10 000 euros en réparation de son préjudice sur le fondement de l’article 1240 du code civil ;
1/ ALORS QUE la cassation d’un chef de dispositif entraîne par voie de conséquence celle des autres chefs qui lui sont rattachés par un lien d’indivisibilité ou de dépendance nécessaire ; que la cassation des chefs de dispositif de l’arrêt ayant jugé que le contrat a été exécuté de manière fautive par la société [E] Group entraînera, par voie de conséquence, l’annulation de la disposition de l’arrêt ayant condamné la société [E] à payer à M. [O] la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l’article 1240 du code civil, en application de l’article 624 du code de procédure civile ;
2/ ALORS QUE le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; qu’en s’abstenant de répondre aux écritures de l’appelante qui rappelait (p. 16 in fine et p. 17 in limine) que M. [O] ayant cédé, contre rémunération, son droit d’exploitation de l’oeuvre à la société Kuiv à titre exclusif, il ne subissait aucun préjudice patrimonial qui serait la conséquence des prétendus manquements imputés à la société [E], la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;
3/ ALORS QUE le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; qu’en s’abstenant de répondre aux écritures de l’appelante (écritures d’appel, p. 17 § 3 et 4) qui rappelait qu’en application du contrat de distribution du 3 juin 2008, la société Kuiv devait la garantir de tout recours exercé par M. [O], auteur du documentaire litigieux, de sorte qu’aucune demande ne pouvait prospérer contre elle à ce titre, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile.