Vidéogrammes / DVD : 2 juin 2022 Cour d’appel de Rennes RG n° 21/00675

·

·

Vidéogrammes / DVD : 2 juin 2022 Cour d’appel de Rennes RG n° 21/00675

4ème Chambre

ARRÊT N° 208

N° RG 21/00675

N° Portalis DBVL-V-B7F-RJ2A

NM / FB

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 02 JUIN 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Hélène RAULINE, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Brigitte DELAPIERREGROSSE, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Nathalie MALARDEL, Conseillère,

GREFFIER :

Madame Françoise BERNARD, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 07 Avril 2022

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 02 Juin 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

****

APPELANTE :

S.A. AXA FRANCE IARD

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 10]

Représentée par Me Hélène DUFAYOT DE LA MAISONNEUVE de la SELARL ANTARIUS AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Ludovic GAUVIN de la SELARL ANTARIUS AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau d’ANGERS

INTIMÉS :

Monsieur [E] [N]

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représenté par Me Etienne GROLEAU de la SELARL GROLEAU, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représenté par Me Geneviève VEYRIER de la SCP DROUINEAU-VEYRIER- LE LAIN-BARROUX-VERGER, Plaidant, avocat au barreau de POITIERS

S.A.M.C.V. MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS

[Adresse 2]

[Localité 7]

Représentée par Me Etienne GROLEAU de la SELARL GROLEAU, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Geneviève VEYRIER de la SCP DROUINEAU-VEYRIER- LE LAIN-BARROUX-VERGER, Plaidant, avocat au barreau de POITIERS

IVEBAT ENTREPRISE SAS

Prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité au dit siège

[Adresse 1]

Parc eco

[Localité 9]

Représentée par Me Bertrand GAUVAIN de la SCP GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Pascal TESSIER de la SELARL ATLANTIC JURIS, Plaidant, avocat au barreau de LA ROCHE-SUR-YON

SMABTP

Prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité au dit siège

[Adresse 8]

C.S. 71201

[Localité 6]

Représentée par Me Bertrand GAUVAIN de la SCP GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Pascal TESSIER de la SELARL ATLANTIC JURIS, Plaidant, avocat au barreau de LA ROCHE-SUR-YON

FAITS ET PROCÉDURE

 

La « [Adresse 11] » située à [Localité 12] est un immeuble de neuf étages, édifié en 1964. Les garde-corps en acier d’origine, fixés à l’anglaise à l’extérieur des relevés, ont été remplacés par des garde-corps en aluminium en 1992.

Courant 2004, le syndic de la copropriété a constaté le risque de détachement de blocs de béton de certains bandeaux des balcons.

 

Le 2 juin 2005, la société Socotec a établi un diagnostic alertant de la dégradation des bétons et des revêtements de façade, ainsi que celle des garde-corps des balcons, exposant la sécurité des personnes. Elle a émis des préconisations quant aux réparations nécessaires.

 

Par un contrat en date du 10 décembre 2005, la maîtrise d”uvre complète des travaux de rénovation a été confiée à M. [E] [N], architecte, assuré auprès de la Mutuelle des Architectes Français (MAF).

Le lot traitement technique des façades, maçonnerie et étanchéité des balcons a été confié suivant devis du 18 octobre 2006 à la société Ivebat, assurée auprès de la SMABTP.

Les travaux ont été réalisés entre octobre 2006 et juin 2007. Ils ont été réceptionnés le 15 août 2008, avec réserves.

 

Se plaignant de fissures et de désolidarisation de morceaux de béton sur le nez de balcons de l’immeuble, le syndicat des copropriétaires a saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Saint-Nazaire aux fins d’expertise. Il a été fait droit à cette demande par ordonnance du 3 mars 2014.

Le 5 juin 2014, le syndic de la copropriété a déclaré le sinistre (fissurations généralisées sur la façade avant avec des risques de chute de morceaux de béton) auprès de la société Axa France Iard en qualité d’assureur dommages-ouvrage.

L’expert, M. [T], a déposé son rapport le 1er mars 2017.

 

Par acte d’huissier du 3 octobre 2017, le syndicat des copropriétaires a fait assigner la société Axa France Iard devant le juge des référés aux fins de condamnation provisionnelle au titre de la reprise des désordres.

 

La société Axa France Iard a appelé en garantie la MAF, M. [N] et la SMABTP, en qualité d’assureur de la société Ivebat.

 

Par ordonnance de référé du 4 décembre 2017, la société Axa France Iard a été condamnée, en qualité d’assureur dommages-ouvrage, à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 60 425 euros HT à titre de provision, une indemnité de 2 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et a été débouté de sa demande en garantie.

 

Par acte d’huissier en date du 8 février 2018, la société Axa France Iard a fait assigner M. [N] et la MAF, la société Ivebat et la SMABTP devant le tribunal de grande instance de Saint-Nazaire en remboursement de la somme de 82 085, 52 euros TTC.

 

Par un jugement assorti de l’exécution provisoire en date du 17 décembre 2020, le tribunal judiciaire a :

 

– dit la société Axa France Iard recevable en son action ;

– condamné in solidum M. [N], la MAF, la société Ivebat et la SMABTP à verser à la société Axa France Iard une somme de 31 075,71 euros HT ;

– débouté la société Axa France Iard de ses plus amples demandes indemnitaires ;

– condamné in solidum M. [N], la MAF, la société Ivebat et la SMABTP aux dépens de l’instance, en ce compris les frais d’expertise judiciaire, ainsi qu’à verser à la société Axa France Iard la somme de 4 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– dit que les défendeurs conserveront la charge de leurs frais irrépétibles ;

– dit que dans leurs rapports entre eux la société Ivebat et la SMABTP devront garantir M. [N] et son assureur la MAF de toute condamnation prononcée contre eux au profit de la société Axa France Iard en principal, au titre des dépens et de l’article 700 du code de procédure civile, à hauteur de 85 %.

 

La société Axa France Iard a interjeté appel de cette décision le 29 janvier 2021, intimant M. [N], la MAF, la société Ivebat et la SMABTP.

 

L’instruction a été clôturée le 5 avril 2022.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

 

Dans ses dernières conclusions en date du 25 janvier 2022, la société Axa France Iard demande à la cour de :

 

– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a dit la société Axa France Iard recevable en ses demandes ;

– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la société Ivebat et son assureur la SMABTP, M. [N] et la MAF in solidum, au paiement de la somme de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance à la société Axa France Iard et aux dépens de l’instance, en ce compris les frais d’expertise judiciaire ;

– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a limité l’indemnisation de la société Axa France Iard à la somme de 31 075,71 euros  et l’a déboutée du surplus de ses demandes indemnitaires ;

– condamner in solidum M. [E] [N], et la MAF, son assureur, la société Ivebat et la société SMABTP, son assureur, à payer à la société Axa France Iard la somme de 84 585,52 euros et ce avec intérêts au taux légal à compter de la demande se décomposant comme suit :

– 72 510 euros TTC au titre des travaux de reprise ;

– 2 500 euros au titre du remboursement des frais de procédure ;

– 9 575,52 euros au titre des dépens du référé provision (655,62 euros) et des frais d’expertise judiciaire (8 919,90 euros) ;

– débouter M. [N], et la MAF son assureur, la société Ivebat et la société SMABTP, son assureur de leur appel incident, et de leurs demandes fins et conclusions dirigées contre la société Axa France Iard ;

– condamner in solidum M. [N], et la MAF son assureur, la société Ivebat et la société SMABTP, son assureur, à payer à la société Axa France Iard la somme de 4 000 euros au titre de ses frais irrépétibles d’appel ;

– condamner in solidum M. [N], et la MAF son assureur, la société Ivebat et la société SMABTP son assureur, aux dépens de première instance et d’appel.

 

Dans leurs dernières conclusions en date du 24 septembre 2021, M. [N] et la MAF demandent à la cour de :

 

À titre principal,

– réformer le jugement dont appel ;

– déclarer irrecevable l’action engagée par Axa à l’encontre de M. [N] et de la MAF en l’absence de preuve d’un paiement effectif et sur la base du contrat d’assurance ;

À titre subsidiaire,

– débouter Axa de l’ensemble de ses demandes présentées à l’encontre de l’architecte et son assureur ;

À titre très subsidiaire,

– confirmer l’indemnisation déterminée par le tribunal et arrêtée à la somme de 31 075,71 euros HT ;

– dire et juger que le recours d’Axa ne saurait excéder la somme de 31 075 euros HT, en l’absence de constatation d’un dommage certain par l’expert judiciaire ;

– dire et juger qu’en l’absence de justificatif concernant la TVA que la somme retenue ne l’être que HT ;

– débouter Axa de toutes demandes plus amples ou contraires ;

– condamner la société Ivebat et son assureur et la SMABTP à garantir et relever indemnes M. [N] et la MAF de l’ensemble des condamnations prononcées à leur encontre ;

En tout état de cause,

– réformer la condamnation de M. [N] et de la MAF au paiement d’une indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et condamner Axa ou tout autre défaillant à verser à M. [N] et la MAF une somme de 2 000 euros par application des dispositions l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

 

Dans leurs dernières conclusions en date du 1er juillet 2021, la société Ivebat Entreprise et la SMABTP demandent à la cour de :

 

– infirmer le jugement en ce qu’il a dit la société Axa France Iard recevable en ses demandes ;

– infirmer le jugement en ce qu’il a condamné in solidum les sociétés Ivebat, SMABTP, MAF et M. [N] au paiement de la somme de 31 075,71 euros au titre de l’indemnité sollicitée par la société Axa ;

– infirmer le jugement en ce qu’il a condamné in solidum les sociétés Ivebat, SMABTP, MAF et M. [N] au paiement de la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et aux dépens de l’instance, en ce compris les frais d’expertise judiciaire ;

– infirmer le jugement en ce qu’il a mis à la charge de la société Ivebat 85 % du sinistre ;

En conséquence, et statuant à nouveau,

À titre principal,

– débouter la société Axa de l’intégralité de ses demandes ;

À titre subsidiaire,

– confirmer le jugement en ce qu’il a limité l’indemnisation de la société Axa France Iard à la somme de 31 075,71 euros et l’a déboutée du surplus de ses demandes ;

– condamner MAF et M. [N] à garantir la SMABTP et la société Ivebat de toutes les condamnations prononcées à leur encontre et à tout le moins à hauteur de 50 % ;

– condamner la société Axa à prendre en charge les dépens d’expertise judiciaire et des instances antérieures ;

– condamner in solidum les sociétés Axa France Iard, MAF et M. [N] à payer aux sociétés Ivebat et SMABTP la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile;

– condamner in solidum les sociétés Axa France Iard, MAF et M. [N] aux entiers dépens de l’instance ;

– débouter la société Axa France Iard pour le surplus.

MOTIFS

Sur la recevabilité des demandes de la société Axa France Iard

L’intérêt pour agir

M. [N] et la MAF soutiennent que la société Axa France Iard ne démontre pas sa qualité à agir en l’absence de production du contrat d’assurance.

 

Le contrat d’assurance est un contrat consensuel qui est parfait dès la rencontre des volontés. Son existence peut être démontrée par toute preuve écrite qui émane de l’assureur.

Le syndic de la copropriété a déclaré le sinistre le 5 juin 2014 à la société Axa France Iard avec la mention « déclaration sinistre DO » (pièce 15 Axa).

L’assureur a le 6 avril 2016 proposé au syndicat une indemnité qui a été refusée (pièce 14 Axa). Le courrier fait mention d’un contrat dommages ouvrage n°3666849304. Il est également inscrit sur celui-ci ‘règlement construction DO et CMI’. Ce document suffit à prouver la qualité d’assureur dommages-ouvrage de la société Axa France Iard.

Le premier juge a par ailleurs exactement rappelé que le juge des référés du tribunal de grande instance des Sables-d’Olonne a condamné la société Axa France Iard le 4 décembre 2017, en sa qualité d’assureur dommages-ouvrage du syndicat des copropriétaires à lui payer la somme provisionnelle de 60 425 euros HT au titre des désordres. Le président du tribunal mentionnait, sans que cela ne soit contesté, que les intimés concluaient que la copropriété avait souscrit auprès de la société Axa France Iard une police dommages-ouvrage. M. [N] et la MAF sont donc mal fondés à contester la qualité de la société Axa France Iard à hauteur d’appel.

La subrogation

M. [N] et la MAF font valoir que la société Axa France Iard ne rapporte pas la preuve du paiement de l’indemnité à laquelle elle a été condamnée au syndicat des copropriétaires de sorte que son action subrogatoire n’est pas recevable.

Pour démontrer son paiement, l’appelante produit :

une lettre-chèque du 15 décembre 2017 d’un montant de 62 745 euros à l’ordre de la CARPA adressé à son conseil sur laquelle est mentionnée la remise du chèque en exécution de l’ordonnance de référé provision du 4 décembre 2017 et de ce qu’il manque 180 euros,

le courrier d’accompagnement du conseil de la société Axa en date du 28 décembre 2017 d’un chèque de 62 745 euros faisant suite « à l’ordonnance de référé du 4 décembre dernier du président du TGI des Sables-d’Olonne »

un courrier, du 5 janvier 2018, de l’avocate ayant représenté le syndicat à l’audience de référé du 5 janvier 2017 accusant réception du chèque Carpa de 62 745 euros et réclamant le solde au titre des frais de procédure de 21 840, 52 euros.

une lettre-chèque du 15 janvier 2018 d’un montant de 22 020,52 euros à l’ordre de la CARPA adressé à son conseil sur laquelle est mentionnée la remise du chèque en exécution de l’ordonnance de référé provision du 4 décembre 2017 (21 840,52+180),

le courrier du conseil de la société Axa adressé le 13 mars 2018 à celui du syndicat mentionnant l’envoi d’un chèque de 21 840,52 euros.

Les lettres-chèques et la correspondance entre les conseils du syndicat des copropriétaires et d’Axa France Iard démontrent du paiement par cette dernière en qualité d’assureur dommages-ouvrage, au syndicat, de la somme de 84 585,52 euros en exécution de l’ordonnance de référé du 4 décembre 2017. C’est à juste titre que le premier juge a écarté la fin de non-recevoir. Le jugement est confirmé.

Sur le fond

Il résulte de l’expertise que la société Ivebat a retiré au marteau piqueur les scellements en acier des anciens garde-corps, qui étaient restés incrustés dans les nez des balcons lors de la mise en ‘uvre des nouvelles balustrades en aluminium en 1992.

M. [T] indique que de nombreux relevés de balcons se sont cassés en raison de l’utilisation du marteau piqueur pour désincruster ces résidus. Il a constaté que la société Ivebat les avait réparés avec du mortier qui n’a pas adhéré et s’est fissuré ou détaché du support. Il conclut que le risque de chute de morceaux de béton porte atteinte à la sécurité des personnes.

Sur l’étendue des désordres

La cause des désordres retenue par l’expert n’est pas contestée.

La société Axa France Iard reproche au tribunal d’avoir dit que les désordres affectaient 18 balcons alors que les photographies gravées sur un cd-rom annexé à l’expertise établissent que 35 balcons étaient dégradés.

L’annexe du rapport d’expertise comprend en effet de nombreuses photographies gravées sur un DVD annexé à l’expertise illustrant les fissures sur 35 balcons.

L’expert indique avoir visité les 18 balcons dont les désordres étaient jugés les plus importants pour diagnostiquer leur cause et a estimé suffisant de travailler sur les photographies pour les autres balcons.

Il a préconisé, pour supprimer les désordres, de faire tomber tous les morceaux qui présentaient des fissures, même légères.

En cours d’expertise, les désordres se sont aggravés et l’expert a dû autoriser une intervention pour faire tomber les morceaux de ciment sur trois balcons.

Le diaporama photographique a pu être discuté contradictoirement pendant l’expertise. L’expert, lors de ses dix-huit visites, a pu vérifier la correspondance des dommages photographiés avec la réalité et a pu s’en rapporter aux photographies pour les autres balcons.

Il ressort de l’expertise que ces fissures étaient évolutives et nécessitaient, même pour les fissures mineures, une intervention urgente. En outre, l’expert rappelle la nécessité de repeindre l’ensemble des sous-faces des balcons pour assurer une peinture uniforme sur la façade.

Il s’en déduit que le risque de chute de morceaux de béton sur trente-cinq balcons était caractérisé, contrairement à ce qu’a retenu le premier juge, ce qui commandait leur reprise à bref délai.

Les responsabilités

La société Ivebat

Le tribunal a retenu la responsabilité décennale de la société qui ne la conteste pas.

La matérialité des désordres et leur imputabilité aux travaux de la société Ivebat ont été démontrées par l’expert et ne sont pas discutées.

La gravité du désordre, qui entraine un risque pour les personnes, est caractérisée.

Le premier juge a, à juste titre, retenu que la responsabilité décennale de la société Ivebat était engagée.

M. [N]

M. [N] ne conteste pas la nature décennale du désordre. Il fait, cependant, valoir que seule la responsabilité de la société Ivebat est susceptible d’être mise en cause, arguant que les désordres ont pour seule cause un problème d’exécution et qu’ils ne lui sont pas imputables.

M. [N], investi d’une mission de maîtrise d”uvre complète, est tenu envers le maître de l’ouvrage d’une présomption de responsabilité dont il ne peut s’exonérer que par la preuve d’une cause étrangère.

La faute d’un autre constructeur ne peut l’exonérer de sa responsabilité et ne sera examinée que dans le cadre du partage de responsabilité.

Le premier juge a exactement dit que le la responsabilité décennale de M. [N] était engagée et la garantie de la MAF mobilisable.

Sur le montant de l’indemnité

Selon l’article L 121-12 du Code des assurances prévoit que « L’assureur qui a payé l’indemnité d’assurance est subrogé, jusqu’à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l’assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l’assureur ».

La société Axa France Iard demande la condamnation in solidum de M. [N], la MAF et la société Ivebat à lui payer de la somme de 72 510 euros TTC payée pour la réfection de 35 balcons au lieu de celle de 31 075,71 euros HT allouée  par le tribunal pour la reprise de 18 balcons.

L’assureur dommages-ouvrage a justifié par les lettres chèques produites et les divers courriers échangés avec le conseil du syndicat avoir réglé les indemnités au syndicat assorties d’une TVA à 10%. Il est donc légitime à réclamer des sommes toutes taxes comprises.

La matérialité des désordres sur 35 balcons étant établie, il sera fait droit à la demande de l’assureur dommages-ouvrage par voie d’infirmation.

Sur les recours en garantie

L’expert a indiqué que les désordres concernent l’exécution des travaux par la société Ivebat, mais que le maître d”uvre, investi d’une mission complète, devait surveiller les techniques employées pour les travaux et qu’ils portent tous les deux la responsabilité des désordres.

M. [N] et la MAF demandent à être intégralement garantis par la société Ivebat de leurs condamnations. Ils font valoir que cette dernière ne démontre pas que le maître d’oeuvre a commis une faute de sorte que sa demande en garantie est vouée à l’échec.

La société Ivebat demande que sa responsabilité soit partagée avec celle du maître d”uvre à hauteur de 50% chacun. Elle considère que M. [N] aurait dû surveiller le chantier et l’alerter sur la méthode d’exécution des travaux et le risque d’imprégnation des massifs béton par le sel qui a empêché le mortier d’adhérer.

Ainsi que l’a relevé l’expert, le CCTP prévoyait, page 13, que pour extraire les reliquats des scellements en acier des anciens garde-corps, il était prévu de scier les nez des balcons suivant des dimensions précisées. La société Ivebat n’a pas respecté les instructions de l’architecte. Spécialiste du béton, elle aurait dû anticiper qu’une attaque du balcon au marteau piqueur allait entrainer des dégradations et surtout ne pas poursuivre cette technique sur tous les balcons après avoir constaté que les relevés se cassaient. Il lui appartenait alors de se rapprocher du maître d”uvre pour trouver des solutions pérennes.

Sa responsabilité est prépondérante.

Compte tenu du temps nécessaire pour ôter les scellements puis refaire les mortiers sur 45 balcons, le maître d”uvre ne pouvait pas ne pas avoir connaissance de l’utilisation du marteau piqueur.

Le premier juge a exactement fixé la part de responsabilité de M. [N] et de la société Ivebat à 15% pour le premier et 85% pour le second.

M. [N] et la MAF, d’une part, et la société Ivebat et la SMABTP, d’autre part, seront condamnés à se garantir réciproquement dans ces proportions.

Sur les autres demandes

Les dispositions prononcées par le tribunal au titre des frais irrépétibles sont confirmées.

Les dispositions du jugement relatives aux frais irrépétibles et aux dépens sont confirmées sauf à y ajouter les dépens de la procédure de référé provision.

M. [N], la MAF, la société Ivebat et la SMABTP seront condamnés à verser une indemnité supplémentaire de 3 500 euros à la société Axa France Iard et aux dépens de l’appel.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire

CONFIRME le jugement en ce qu’il a dit la société Axa France Iard recevable en son action, et en ses dispositions prononcées au titre des frais irrépétibles,

INFIRME le jugement entrepris pour le surplus,

STATUANT à nouveau et y ajoutant,

CONDAMNE in solidum M. [N], la MAF, la société Ivebat et la SMABTP à verser à la société Axa France Iard une somme de 72 510 euros TTC au titre des travaux de reprise,

FIXE la part de responsabilité de M. [N] à 15% et celle de la société Ivebat à 85%,

CONDAMNE M. [N] et la MAF, d’une part, et la société Ivebat et la SMABTP, d’autre part, à se garantir réciproquement dans ces proportions,

CONDAMNE in solidum M. [N], la MAF, la société Ivebat et la SMABTP à verser à la société Axa France Iard une somme de 3 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE in solidum M. [N], la MAF, la société Ivebat et la SMABTP aux dépens de première instance, en ce compris les frais de référés et de l’expertise judiciaire, et aux dépens d’appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Le Greffier, Le Président,

 


0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x