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COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 39A
14e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 19 MAI 2022
N° RG 21/06056 – N° Portalis DBV3-V-B7F-UYPP
AFFAIRE :
S.A.S. CLINISCIENCES
C/
SA EUROBIO SCIENTIFIC
Décision déférée à la cour : Ordonnance rendu le 30 Septembre 2021 par le Président du TC de [Localité 4]
N° RG : 2021R00771
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le : 19.05.2022
à :
Me Bertrand LISSARRAGUE, avocat au barreau de VERSAILLES
Me Fabrice HONGRE-BOYELDIEU, avocat au barreau de VERSAILLES
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DIX NEUF MAI DEUX MILLE VINGT DEUX,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
S.A.S. CLINISCIENCES
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège
N° Siret 319 449 765 (Rcs [Localité 4])
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentant : Me Bertrand LISSARRAGUE de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 – N° du dossier 2167185
Assistée de Me Erwan LE MORHEDEC, avocat plaidant au barreau de Paris
APPELANTE
****************
SA EUROBIO SCIENTIFIC
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège
N° SIRET : 414 488 171 (Rcs Evry)
[Adresse 7]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentant : Me Fabrice HONGRE-BOYELDIEU de l’ASSOCIATION AVOCALYS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 620 – N° du dossier 005100
Assistée de Me Sophie DELAHAIE-ROTH, avocat plaidant au barreau de Strasboug, substituée par Me Tiffany RAJERIARISON
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
L’affaire a été débattue à l’audience publique du 23 Mars 2022, Madame Marina IGELMAN, conseiller ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :
Madame Nicolette GUILLAUME, Président,
Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, Conseiller,
Madame Marina IGELMAN, Conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Mme Elisabeth TODINI
EXPOSE DU LITIGE
La société Clinisciences est une société spécialisée dans la commercialisation de réactifs et produits pour la recherche scientifique et le diagnostic in vitro.
Elle a distribué les produits de la société américaine Vector Laboratories de façon non exclusive de 2006 à 2018, cette relation non exclusive étant formalisée dans un contrat de distributeur en date du 21 novembre 2016, avant qu’il ne soit mis fin à ce contrat de distribution.
La société américaine Vector Laboratories, membre du groupe Maravai Lifesciences, développe, fabrique et distribue des produits de laboratoire, notamment sous les marques « Vector », « Vectastain » et « Vectashield ».
La société Eurobio Scientific est une société française spécialisée dans la recherche et la commercialisation de produits destinés à la recherche dans le domaine des sciences de la vie et aussi, notamment, un distributeur de diagnostics in vitro.
Faisant valoir qu’elle est le distributeur exclusif contractuel des produits de la société Vector Laboratories sur le territoire français, la société Eurobio Scientific a, par requête en date du 20 octobre 2022, saisi le président du tribunal de commerce de Nanterre afin de voir prononcer des mesures d’instruction in futurum à l’encontre de la société Clinisciences, alléguant des actes constitutifs de pratiques « restrictives » de concurrence et des actes de concurrence déloyale de sa part, pour avoir en substance continué à vendre des produits en violation du réseau d’exclusivité.
Par ordonnance en date du 23 octobre 2020, le président du tribunal de commerce de Nanterre a autorisé Maître [X] [O], huissier de justice, à se rendre au sein de la société Clinisciences pour se faire remettre :
– tous documents (papiers et/ou informatiques, notamment sous format .pdf, .ppt, .doc, docx, et xls) y compris les documents supprimés, modifiés ou falsifiés, contenus et/ou accessibles sous quelque forme que ce soit (disques durs, réseaux, serveurs, cloud, clés USB, CD-ROM, DVD, disquettes, bandes de sauvegarde et de manière générale tous supports externes’), en français, anglais, dans /via les ordinateurs, fixes et portables, situés dans les locaux de la société Clinisciences ou utilisés par elle ainsi que tous supports d’information, identifiés avec l’aide de mots-clés, expressions et/ou mots et/ou groupes de mots listés dans le paragraphe suivant depuis le 26 janvier 2017 ;
– tous les courriels dont la société Clinisciences a été l’expéditrice et/ou la destinataire y compris les courriels supprimés, modifiés ou falsifiés, le cas échéant avec leurs pièces jointes, et/ou tous les fichiers informatiques (notamment sous format.pdf, ppt, doc, docx et xls) contenus et/ou accessibles sous quelques forme que ce soit (disques durs, réseaux, serveurs, cloud, clés USB, CD-ROM, DVD, disquettes, bandes de sauvegarde et de manière générale tous supports externes) en français, anglais, dans/via les ordinateurs, fixes et portables, situés dans les locaux de la société Clinisciences, et contenant une ou plusieurs des expressions et/ou mots-clés et/ou groupes de mots suivants, par locution ou abréviation, depuis le 26 janvier 2017 :
o Vector,
o Vectastain,
o Vectashield,
o Vector + devis
o Vector + commande
o Vector + offre
o Vector + Eurobio
o Vector + Maravai Lifesciences
o Vector + stock
o Vector + livraison
o Vectastain + devis
o Vectastain + commande
o Vectastain + offre
[Adresse 6]
o Vectastain + Maravai Lifesciences
o Vectastain + stock
o Vectastain + livraison
o Vectashield + devis
o Vectashield + commande
o Vectashield + offre
[Adresse 5]
o Vectashield + Maravai Lifesciences
o Vectashield + stock
o Vectashield + livraison
– la liste des stocks détenus par Clinisciences,
– tous fichiers clients / fournisseurs,
– la liste des achats / ventes,
– la comptabilité complète de la société Clinisciences au titre des années 2017 – 2018 – 2019 – 2020,
– les relevés des comptes bancaires de la société Clinisciences au titre des années 2017 – 2018 – 2019 – 2020,
et contenant les termes « Vector », « Vectastain », « Vectashield », « Maravai Lifesciences »,
– les codes d’accès, mots de passe informatiques, nécessaires à l’exécution de leur mission,
– connecter si nécessaire à la réalisation de la mission tout dispositif et installer tout logiciel sur les ordinateurs susvisés.
Cette ordonnance a été signifiée au président de la société Clinisciences par Maître [X] [O], huissier de justice, en date du 17 novembre 2020.
Selon procès-verbal de constat du même jour, converti en procès-verbal de difficultés, la société Clinisciences a refusé de laisser l’huissier de justice, assisté d’un informaticien, effectuer les investigations définies par l’ordonnance, en conséquence de quoi l’huissier de justice et l’informaticien se sont retirés.
Sur nouvelle requête de la société Eurobio Scientific en date du 26 novembre 2020, le président du tribunal de commerce de Nanterre a, par ordonnance en date du 9 décembre 2020, condamné la société Clinisciences à déférer à l’ordonnance du 23 octobre 2020, sous astreinte de 500 euros par jour après la signification de l’ordonnance pendant un délai de 4 mois, et s’est réservé la liquidation de l’astreinte.
Par procès-verbal de réception et de séquestre en date du 31 décembre 2020, Maître [X] [O], huissier de justice, a certifié avoir reçu un courrier de la société Clinisciences et une clé USB contenant divers documents.
Par ordonnance en date du 30 mars 2021, le président du tribunal de commerce de Nanterre a déclaré irrecevable la demande de la société Eurobio Scientific de mainlevée du séquestre opéré le 31 décembre 2020, par Maître [O], huissier de justice, portant sur la clé USB et la lettre remises par la société Clinisciences, aux motifs que ce séquestre ne respectait ni les termes de l’ordonnance du 23 octobre 2020, ni ceux de l’ordonnance du 9 décembre 2020.
Par ordonnance du 4 mai 2021, le président du tribunal de commerce de Nanterre a mis fin à la mission de Maître [X] [O] et commis Maître [I] [K] avec pour mission de faire exécuter les ordonnances des 23 octobre et 9 décembre 2020.
Par procès-verbal de constat en date du 14 juin 2021, Maître [I] [K] a attesté qu’il a pu, avec un expert informatique, réaliser une copie sur une clé USB de l’ensemble des éléments conformément aux termes de l’ordonnance du 23 octobre 2020, éléments conservés sous séquestre.
Par acte d’huissier de justice délivré le 30 juin 2021, la société Clinisciences a fait assigner en référé la société Eurobio Scientific aux fins d’obtenir principalement de voir dire que les requêtes de la société Eurobio Scientific en date des 20 octobre 2020 et 7 avril 2021 étaient irrecevables en tant qu’elles n’ont pas indiqué de façon précise les pièces évoquées à leur soutien, et ont violé le principe du contradictoire, et la rétractation intégrale des ordonnances en date des 23 octobre 2020, 9 décembre 2020 et 4 mai 2021, à titre subsidiaire, la rétractation des ordonnances en date des 23 octobre 2020 et 4 mai 2021 en tant que : elles portent sur la période antérieure au 12 octobre 2018, elles autorisent la recherche ou la remise de documents accessible selon le seul mot-clé « Vector » à l’exclusion de tout mot-clé complémentaire.
Par ordonnance contradictoire rendue le 30 septembre 2021, le juge des référés du tribunal de commerce de Nanterre a :
– dit que les requêtes en date des 20 octobre 2020 et 7 avril 2021 sont recevables,
– confirmé partiellement les ordonnances du 23 octobre 2020, 9 décembre 2020 et du 4 mai 2021 du tribunal de commerce de Nanterre pour la période postérieure au 12 octobre 2018,
– ordonné la remise à la société Eurobio Scientific des documents placés sous séquestre à l’étude de Maître [I] [K] et relatifs à la période postérieure au 12 octobre 2018,
– liquidé l’astreinte provisoire prononcée par l’ordonnance du 9 décembre 2020 et condamné la société Clinisciences à payer à la société Eurobio Scientific la somme provisionnelle de 60 000 euros,
– condamné la société Clinisciences à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné la société Clinisciences aux dépens,
– rappelé que l’exécution provisoire est de droit,
– liquidé les dépens à recouvrer par le greffe à la somme de 47,42 euros, dont TVA 6,78euros.
Par déclaration reçue au greffe le 5 octobre 2021, la société Clinisciences a interjeté appel de cette ordonnance en tous ses chefs de disposition.
Sur saisine de la société Clinisciences, le magistrat délégué par le premier président de la cour d’appel de céans a, par ordonnance en date du 25 novembre 2021, en substance, arrêté l’exécution provisoire de l’ordonnance prononcée le 30 septembre 2021 par le juge des référés du tribunal de commerce de Nanterre, mais seulement en ce qu’elle a ordonné la remise à la société Eurobio Scientific des documents placés sous séquestre à l’étude de Maître [I] [K] et relatifs à la période postérieure au 12 octobre 2018.
Dans ses dernières conclusions déposées le 24 février 2022 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Clinisciences demande à la cour, au visa des articles 16, 145, 494 et 495 du code de procédure civile et R. 153-8 du code de commerce, de :
à titre principal,
– déclarer irrecevables les requêtes de la société Eurobio Scientific en date des 20 octobre 2020 et 7 avril 2021 dès lors qu’elles n’ont pas indiqué de façon précise les pièces invoquées à leur soutien, et ont violé le principe du contradictoire ;
– constater qu’il a déjà été jugé que la société Eurobio Scientific ne justifiait pas d’un motif légitime aux fins d’obtenir les mesures d’investigation prévues au sein de l’ordonnance du 23 octobre 2020 et à défaut, constater que la société Eurobio Scientific ne justifie pas d’un motif légitime aux fins d’obtenir les mesures d’investigation prévues au sein de l’ordonnance du 23 octobre 2020 ;
– juger que le recours à une procédure non-contradictoire est insuffisamment motivé dans la requête en date du 26 novembre 2020 et l’ordonnance en date du 23 octobre 2020 ;
– juger que le recours à une procédure non-contradictoire n’est pas motivé dans la requête en date du 7 avril 2021 et l’ordonnance en date du 4 mai 2021;
en conséquence,
– rétracter intégralement ses ordonnances en date des 23 octobre 2020, 9 décembre 2020 et 4 mai 2021 ;
– prononcer la nullité des procès-verbaux établis sur la base des ordonnances des 23 octobre 2020, 9 décembre 2020 et 4 mai 2021 ;
– ordonner la restitution à la société Clinisciences dans les 48h à compter du prononcé de l’arrêt à intervenir de l’ensemble des documents saisis par les huissiers instrumentaires agissant en exécution des ordonnances des 23 octobre 2020, 9 décembre 2020 et 4 mai 2021, sous astreinte de 1 500 euros par jour de retard ;
à titre subsidiaire,
– rétracter les ordonnances en date des 23 octobre 2020 et 4 mai 2021 en tant que : elles portent sur la période antérieure au 12 octobre 2018 ; elles autorisent la recherche ou la remise de documents accessible selon le seul mot-clé « Vector » à l’exclusion de tout mot-clé complémentaire ;
– ordonner la restitution à la société Clinisciences dans les 48h à compter du prononcé de l’arrêt à intervenir de l’ensemble des documents correspondants saisis par les huissiers instrumentaires agissant en exécution des ordonnances des 23 octobre 2020 et 4 mai 2021, sous astreinte de 1 500 euros par jour de retard ;
à titre infiniment subsidiaire, dans l’hypothèse où la cour ne ferait pas droit, intégralement ou partiellement, à la demande de rétractation, dire n’y avoir lieu au versement d’une astreinte ou la modérer substantiellement ;
en tout état de cause,
– condamner la société Eurobio Scientific à lui verser la somme de 15 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens, en ce compris le remboursement des dépens exposés pour les instances précédentes.
Dans ses dernières conclusions déposées le 1er mars 2022 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Eurobio Scientific demande à la cour, au visa de l’article 145 du code de procédure civile, de :
– confirmer l’ordonnance du tribunal de commerce de Nanterre en date du 30 septembre 2021 dans son intégralité ;
en conséquence,
– débouter la société Clinisciences de l’intégralité de ses demandes, fins, et prétentions ;
en tout état de cause :
– condamner la société Clinisciences à 15 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner la société Clinisciences aux entiers frais et dépens, dont factures des huissiers instrumentaires.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 15 mars 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur l’allégation de l’irrégularité de la requête du 20 octobre 2020 pour violation du principe du contradictoire :
La société Clinisciences, appelante, soulève tout d’abord l’irrecevabilité de la requête du 20 octobre 2020 en alléguant la violation de l’article 494 alinéa 1 du code de procédure civile et celle du principe du contradictoire, au motif que la requête litigieuse lui a été signifiée le 17 novembre 2020, sans que lui soit jointe la liste des pièces invoquées pour la soutenir, peu important à cet égard selon elle que le greffe ait bien reçu cette liste des pièces visées, le contradictoire devant être respecté à l’égard du contradicteur.
Elle entend dès lors voir rétracter l’ordonnance du 23 octobre 2020 ainsi que celle du 9 décembre 2020 établie sur la base de la première et annuler les procès-verbaux établis en application de ces ordonnances, ainsi que voir déclarer irrecevable la requête du 7 avril 2021 en tant qu’elle vise à donner effet à une ordonnance rétractée et rétracter l’ordonnance du 4 mai 2021 et les procès-verbaux établis en application de cette ordonnances annulés.
La société Eurobio Scientific, intimée, rétorque qu’elle a parfaitement respecté le principe de la contradiction et que la cour devra confirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a jugé recevables les requêtes qu’elle a présentées.
Elle fait tout d’abord observer que la requête du 20 octobre 2020 était bien accompagnée d’une liste de pièces justificatives, ce qui a été confirmé par le président du tribunal dans son ordonnance.
Elle allègue ensuite que la société Clinisciences est malvenue à se prévaloir d’un manquement à ce principe alors qu’elle n’a pas exécuté l’ordonnance du 23 octobre 2020 et que l’argument est en tout état de cause infondé, la requête lui ayant bien été signifiée.
Elle ajoute que dans un arrêt du 14 janvier 2021, la Cour de cassation (Cass. Civ. 2, 14 janvier 2021, n° 20-15.673) est venue rappeler que l’absence de communication des pièces n’entachait pas la régularité de l’ordonnance et qu’en outre, l’intégralité des pièces sur lesquelles étaient fondées la requête et l’ordonnance du 23 octobre 2020 ont bien été communiquées comme l’appelante l’a reconnu dans le cadre de la procédure relative à la levée du séquestre.
Sur ce,
Il est constant qu’en application de l’article 495 alinéa 3 du code de procédure civile, une copie de la requête et de l’ordonnance est laissée à la personne à laquelle elle est opposée, à l’exclusion des pièces invoquées à l’appui de cette requête, de sorte qu’en vertu de cette règle, le moyen soulevé par la société Clinisciences est inopérant.
En outre, l’article 494 précédent impose seulement l’indication précise des pièces fournies à l’appui de la requête, à l’exclusion de leur communication entre les parties.
L’ordonnance querellée sera confirmée en ce qu’elle a déclaré les requêtes en date des 20 octobre 2020 et 7 avril 2021 recevables, les demandes subséquentes de l’appelante étant rejetées.
Sur le moyen tiré de l’autorité de la chose jugée :
L’appelante fait ensuite valoir que l’ordonnance du 4 mai 2021 se heurtait à l’autorité de la chose jugée attachée à l’ordonnance du 30 mars 2021, de sorte que l’ordonnance du 30 septembre 2021 devra être réformée ou annulée et l’ordonnance du 4 mai 2021 rétractée.
Elle soutient que dans son ordonnance du 30 mars 2021, le président du tribunal de commerce de Nanterre a jugé qu’ « Eurobio ne justifie ainsi pas d’un motif légitime » et considère qu’elle ne pouvait pas se présenter de nouveau devant le président du tribunal en arguant d’un motif légitime.
La société Eurobio Scientific répond qu’elle a sollicité deux mesures d’instruction différentes et qu’en outre, le président du tribunal de commerce de Nanterre n’a pas jugé qu’elle ne disposait pas d’un motif légitime dans son ordonnance du 30 mars 2021 mais n’a fait que constater que l’ordonnance du 23 octobre 2020 et celle du 9 décembre 2020 condamnant la société Clinisciences à s’exécuter sous astreinte n’avaient pas été exécutées.
Elle souligne que la procédure de référé ayant donné lieu à l’ordonnance du 30 mars 2021 ne portait pas sur une demande de rétractation mais sur une demande de levée de séquestre, de sorte que le juge ne s’est pas prononcé sur l’intérêt légitime qu’elle avait d’obtenir les mesures d’instruction décrites dans l’ordonnance du 23 octobre 2020.
Elle fait également valoir que le dispositif de l’ordonnance du 30 mars 2021 ne se prononce pas sur l’existence d’un motif légitime et n’a autorité de chose jugée que pour la levée du séquestre opéré par Maître [O].
Sur ce,
Il découle de l’article 1355 du code civil que l’autorité de la chose jugée n’a lieu qu’à l’égard de ce qui fait l’objet d’un « jugement » et qui a été tranché dans son dispositif.
Partant, le moyen soulevé à ce titre par l’appelante est inopérant dès lors qu’elle invoque l’autorité de la chose jugée d’un motif de l’ordonnance du 30 mars 2021 qui, serait-il le soutien nécessaire du dispositif, ce qui n’est au demeurant pas le cas en l’espèce en ce qui concerne la requête initiale, n’a pas autorité de chose jugée.
Ainsi qu’en a jugé le premier juge, ce moyen sera écarté.
Sur la rétractation :
Selon l’article 145 du code de procédure civile, ‘s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées, à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé’.
Le juge, saisi d’une demande de rétractation d’une ordonnance sur requête ayant ordonné une mesure sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile et tenu d’apprécier au jour où il statue les mérites de la requête, doit s’assurer de l’existence d’un motif légitime, au jour du dépôt de la requête initiale et à la lumière des éléments de preuve produits à l’appui de la requête et de ceux produits ultérieurement devant lui, à ordonner la mesure probatoire et des circonstances justifiant de ne pas y procéder contradictoirement.
Sur la motivation de la dérogation au principe de la contradiction
L’appelante soutient tout d’abord que les ordonnances en date des 23 octobre 2020 et 4 mai 2021 ne respectent pas les conditions de motivation requises pour justifier du recours à une procédure non-contradictoire, de sorte que l’ordonnance du 30 septembre 2021 devra être réformée ou annulée, et les ordonnances des 23 octobre 2020 (ainsi que les ordonnances prises en son exécution) et le 4 mai 2021 devront être rétractées.
En ce qui concerne l’ordonnance du 23 octobre 2020, elle prétend qu’elle relève de formules de style applicables à toutes sortes d’affaires sans caractérisation des faits précis susceptibles de justifier le recours à la procédure non-contradictoire, une présomption ne pouvant en outre faire office de fait.
Elle précise que le seul élément prétendument spécifique à l’espèce était l’existence d’un devis qui aurait « manifesté un comportement dissimulé et déloyal » alors qu’il n’en est rien, le fait qu’elle ne l’ait pas communiqué étant une circonstance ordinaire dans la vie des affaires et alors que ces appréciations portent sur le fond de l’affaire et n’ont pas de lien avec le recours ou non à une procédure contradictoire.
Elle ajoute que les autres éléments de motivation sont des considérations standardisées, sans aucune recherche d’application aux faits de l’espèce.
En ce qui concerne l’ordonnance du 4 mai 2021, elle dénonce le fait qu’elle ne comporte « strictement aucune motivation » relative au recours à une procédure non-contradictoire, ce que le président du tribunal de commerce a reconnu implicitement en se « contentant de juger » que : « l’ordonnance du 4 mai 2021 visait simplement à confirmer les ordonnances antérieures et à confier à un nouvel huissier la mission, décidée par l’ordonnance du 23 octobre 2020, qui n’avait pas pu être effectuée (…) ».
Or, précise-t-elle, par cette ordonnance, le président du tribunal a ordonné de nouvelles mesures d’instruction, outre le fait qu’une telle mesure avait déjà été exécutée et une procédure de référé pour la levée du séquestre menée à bien, de sorte qu’il ne pouvait en aucun cas être soutenu que le non-contradictoire pouvait encore être motivé par un quelconque effet de surprise ou risque de déperdition des preuves.
La société Eurobio Scientific, intimée, demande à la cour de confirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a jugé l’absence de contradictoire nécessaire à l’efficacité des mesures d’instruction, justification confortée par l’attitude de la société Clinisciences au cours des opérations de saisies.
Elle fait plus précisément valoir que l’absence de recours à une procédure contradictoire est pleinement justifiée par la nécessité de conserver l’effet de surprise, les fichiers informatiques et documents papiers étant des fichiers facilement effaçables et que le président du tribunal de commerce dans son ordonnance du 23 octobre 2020 a « parfaitement caractérisé » les circonstances justifiant l’absence de contradiction en invoquant en plus du caractère facilement effaçable des documents demandés, le comportement dissimulé et déloyal de la société Clinisciences, qui continue de vendre des produits qu’elle n’est plus autorisée à distribuer.
Concernant l’ordonnance du 4 mai 2021, elle fait valoir qu’elle vise « simplement à confirmer les ordonnances antérieures et à confier à un nouvel huissier de justice la mission, décidée par l’ordonnance du 23 octobre 2020, qui n’avait pas pu être effectuée ».
Elle prétend ainsi n’avoir fait qu’appliquer les termes de l’ordonnance du 23 octobre 2020 par laquelle le président du tribunal indiquait qu’il lui en sera référé en cas de difficultés.
Elle ajoute que l’ordonnance du 4 mai 2021 fait expressément référence à l’ordonnance du 23 octobre 2020 et à sa motivation, et expose que la Cour de cassation a dit pour droit que l’ordonnance, qui, visant la requête, en adopte les motifs, de sorte que rien ne s’oppose à ce qu’une ordonnance puisse adopter les motifs d’une ordonnance antérieure en y faisant expressément référence.
Elle expose encore que les agissements déloyaux de la société Clinisciences se sont par la suite confirmés lors des tentatives d’exécution de l’ordonnance du 23 octobre 2020, justifiant le maintien d’une procédure non contradictoire pour l’ordonnance du 4 mai 2021 puisque l’appelante a d’abord refusé de se soumettre à la première ordonnance, puis, malgré l’astreinte prononcée à son encontre, ne l’a pas exécutée, en opérant un tri dans les documents remis à l’huissier.
Sur ce,
En application des articles 493 et 495 du code de procédure civile, l’ordonnance sur requête rendue non contradictoirement doit être motivée de façon précise, le cas échéant par l’adoption des motifs de la requête, s’agissant des circonstances qui exigent que la mesure d’instruction sollicitée ne soit pas prise contradictoirement.
Le juge saisi d’une demande de rétractation statue sur les mérites de la requête en se prononçant, au besoin d’office, sur la motivation de la requête ou de l’ordonnance justifiant qu’il soit dérogé au principe de la contradiction, motivation qui doit s’opérer in concreto et ne peut pas consister en une formule de style.
Au cas présent, l’ordonnance du 23 octobre 2020 comporte un titre consacré au « recours à une procédure non contradictoire », au sein duquel il est relevé, à la suite de l’énoncé des faits constituant des suspicions de violation d’un réseau de vente exclusif et de concurrence déloyale, le comportement dissimulé et déloyal de la société Clinisciences, la nature des éléments à saisir, et donc la nécessité de solliciter la mesure de façon non contradictoire, au vu du « risque évident de déperdition ou d’altération des éléments de preuve nécessaires à l’action envisagée à l’encontre de Clinisciences et en raison du comportement présumé déloyal et dissimulé des dirigeants de la société ».
De par ces énonciations, il convient de retenir que l’ordonnance du 23 octobre 2020 comporte la motivation nécessaire à la justification du recours à une procédure non contradictoire.
Par ailleurs, en application de la disposition de cette première ordonnance ayant dit qu’il en sera référé au président du tribunal en cas de difficulté, et en considération de l’ordonnance rendue le 30 mars 2021 par le président du tribunal, ayant refusé de faire droit à la demande de la société Eurobio Scientific de levée de séquestre estimant que le « séquestre opéré par Me [X] [O], ès qualités, ne respecte ni les termes de l’ordonnance (‘) du 23 octobre 2020, ni ceux de l’ordonnance (‘) du 10 décembre 2020 », le président du tribunal a rendu une ordonnance le 4 mai 2021 afin de commettre un nouvel huissier de justice, avec pour mission de faire exécuter les ordonnances ci-dessus visées.
L’ordonnance ainsi rendue le 4 mai 2021, qui se réfère explicitement à l’ordonnance du 20 octobre 2020 dont il a été ci-dessus jugé qu’elle comportait une juste motivation de la nécessité de déroger au principe du contradictoire, et prise pour sa bonne exécution, en adopte donc implicitement les motifs pour justifier de la dérogation au principe du contradictoire.
Partant, les deux ordonnances critiquées par l’appelante sont conformes aux exigences posées par les articles 493 et 495 susvisés et le moyen de ce chef sera écarté.
Sur l’existence d’un motif légitime
L’appelante conclut à l’infirmation de l’ordonnance du 30 septembre 2021 comme étant fondée sur une erreur manifeste d’appréciation, portant sur la nature même de la situation contractuelle du requérant, et à la rétractation des ordonnances du 20 octobre 2020 et celles subséquentes.
Elle prétend rapporter la preuve que la société Eurobio Scientific n’a jamais signé de contrat de distribution exclusive avec la société Vector Laboratories, soulignant que comme le tribunal de première instance l’a retenu en limitant les mesures ordonnées à la période postérieure au 12 octobre 2018, elle était elle-même titulaire d’un contrat de distribution signé avec la société Vector Laboratories le 21 novembre 2016, en vigueur jusqu’au 12 octobre 2018.
Elle soutient que la société Eurobio Scientific était titulaire d’un contrat de distribution non-exclusive jusqu’au 3 octobre 2020, date de l’avenant signé « opportunément » quinze jours avant le dépôt de la requête.
Elle dénonce le fait que l’intimée ne produise pas le contrat, mais seulement cet avenant qui ne saurait valablement produire un effet rétroactif au 12 octobre 2018, le premier juge ayant dénaturé les faits en attribuant à cet avenant la date du 3 octobre 2018.
Ainsi, elle considère que c’est sur la base d’une tromperie que la société Eurobio Scientific a pu obtenir le prononcé des mesures d’instruction, alors qu’elle a délibérément caché au juge des requêtes le seul contrat de distribution la liant à la société Vector Laboratories, le contrat en date du 26 janvier 2017, qui n’est pas un contrat de distribution exclusive.
En réponse à l’argumentation adverse, elle entend souligner que rien ne permet d’affirmer que l’intimée aurait avec la société américaine une relation de distribution « sélective », alors qu’elle ne produit pas le contrat et que les critères de sélection ne sont pas posés.
Elle expose encore que le premier juge n’a pas répondu à son argumentation relative à l’absence de la part de l’intimée de démonstration de sa prétendue pratique de « prix cassés » alors qu’elle démontre au contraire que c’est la société Eurobio Scientific qui pratiquait de tels prix.
L’intimée sollicite quant à elle la confirmation de l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a confirmé les ordonnances en date des 23 octobre, 9 décembre 2020 et 4 mai 2021, à tout le moins pour la période postérieure au 12 octobre 2018.
Elle rappelle qu’il est de jurisprudence constante que les infractions soupçonnées n’ont pas à être avérées et prouvées, la seule condition étant que la commission de telles infractions soit plausible, ce qu’elle prétend démontrer en raison de la violation par la société Clinisciences de l’interdiction de distribuer les produits Vector et de leur détention à son catalogue, alors qu’elle n’appartient pas au réseau de distribution sélective de produits, en contravention avec les dispositions de l’article L. 442-2 du code de commerce.
Ainsi, elle indique que contrairement à elle, la société Clinisciences ne figure pas sur la liste des distributeurs agréés sur le site internet de la société Vector Laboratories et que d’ailleurs l’appelante ne conteste pas avoir continué à vendre les produits du fournisseur alors qu’elle n’y était plus autorisée depuis début 2018 (et prouvé au plus tard depuis début octobre 2018).
Elle répond à l’appelante que les contrats de distribution sont des contrats consensuels de sorte qu’aucun écrit n’est obligatoire pour matérialiser une telle convention et qu’elle produit aux débats l’avenant du 3 octobre 2020 ainsi que l’attestation du 19 janvier 2019 démontrant le caractère exclusif du contrat qu’elle a conclu avec la société Vector Laboratories.
Elle reproche également à la société Clinisciences des faits de concurrence déloyale, l’accusant d’avoir pratiqué la revente de produits Vector à prix cassés, comme le démontre le devis qu’elle produit, laissant apparaître des remises systématiques à hauteur de 30 % sur les produits Vector, rappelant à cet égard que les prix pratiqués sur un marché monopolistique sont différents de ceux pratiqués par un concurrent.
Sur ce,
Le demandeur à la mesure d’instruction n’a pas à démontrer l’existence des faits qu’il invoque au soutien de sa demande de mesure in futurum puisque celle-ci est destinée à les établir, l’application de l’article 145 du code de procédure civile n’impliquant aucun préjugé sur la responsabilité des parties appelées à la procédure, ni sur les chances de succès du procès susceptible d’être ultérieurement engagé.
Il lui incombe simplement de justifier d’éléments rendant crédibles les griefs allégués, étant précisé que l’existence du motif légitime s’apprécie à la lumière des éléments de preuve produits à l’appui de la requête initiale et de ceux produits ultérieurement devant le juge des référés et la cour à sa suite.
Par ailleurs, la cour n’étant tenue d’apprécier les mérites de la requête au regard des seules conditions de l’article 145 du code de procédure civile et des pièces produites destinées à établir l’existence du motif légitime allégué, le moyen tiré d’un éventuel défaut de loyauté l’égard du juge des requêtes dans la présentation des faits dénoncés est inopérant.
Au cas d’espèce, il n’est pas contesté par la société Clinisciences qu’elle n’est plus contractuellement liée à la société Vector Laboratories depuis le 12 octobre 2018, date à laquelle le contrat de distribution les liant a été rompu.
Par ailleurs, le devis établi par la société Clinisciences le 29 septembre 2020, versé par la société Eurobio Scientific à l’appui de sa requête, démontre que l’appelante vendait à cette date des produits fournis par la société Vector Laboratories et qu’elle pratiquait sur l’ensemble des produits mentionnés (Vectastain, Vector DAB, Vectashield) une remise de 30 %.
La société Eurobio Scientific démontre en outre, par la production de l’avenant en date du 3 octobre 2020, d’extraits du site internet de la société Vector Laboratories la mentionnant comme distributeur officiel de ses produits en France ainsi que par la « lettre d’autorisation » de la société Vector Laboratories en date du 10 janvier 2019, par laquelle elle atteste (attestation valable jusqu’au 31 décembre 2019) que la société Eurobio Scientific est le seul distributeur exclusif et agréé de ses produits en France, l’existence d’indices suffisants laissant supposer qu’elle est seule autorisée depuis a minima le 12 octobre 2018, à vendre les produits de la marque Vector en France, sans qu’à ce stade de la procédure le débat sur la nature du contrat de distribution, « exclusive » ou « sélective », doive être tranché.
Il infère de ces éléments que la requérante à la mesure d’instruction justifie d’indices rendant plausibles la commission par la société Clinisciences d’actes de vente en violation du réseau Vector et de concurrence déloyale, légitimant le motif d’obtention d’une mesure d’instruction in futurum.
Le moyen de rétractation pris d’un défaut de caractérisation du motif légitime sera également écarté.
Sur les mesures ordonnées
La société Clinisciences sollicite l’infirmation de l’ordonnance du 30 septembre 2021 en vue d’une rétractation sinon totale, à tout le moins partielle des ordonnances des 23 octobre 2020 et 4 mai 2021, faisant valoir que le terme « vector » est un terme générique et l’appellation même d’autres réactifs qu’elle commercialise.
Ainsi, elle prétend que le mot-clé « vector » en langue anglaise renvoie dans son catalogue à plus de mille références, dont pas une n’est fournie par la société Vector Laboratories, et que ses devis adressés à des entités françaises emploient le terme anglais « vector ».
Elle considère qu’en demandant la copie de tous les documents contenant le terme « vector », l’intimée est susceptible d’obtenir communication d’informations confidentielles relevant du secret des affaires sans aucun lien avec la distribution des produits de la société Vector Laboratories.
Elle insiste sur le fait que la mission de saisie de l’huissier de justice telle que sollicitée par la société Eurobio Scientific permet d’appréhender des éléments à partir du seul mot-clé « vector », sans aucun autre associé.
La société Eurobio Scientific demande à la cour d’exclure l’existence de toute atteinte au secret des affaires, soulignant que la mesure confiée à l’huissier de justice concerne des documents très précis, combinés à des mots-clés en rapport avec le litige et qu’en outre, l’ordonnance entreprise a pris soin de limiter la communication des documents demandés à la période postérieure au 12 octobre 2018, durant laquelle il est incontestable que la société appelante n’était plus membre du réseau de distribution du fournisseur, contrairement à elle.
Elle soutient que le président du tribunal de commerce a parfaitement rappelé que le terme « vector » est une marque enregistrée à l’INPI et n’a aucun sens en langue française.
Elle prétend que ce terme n’est pas communément utilisé dans le langage courant, sauf pour désigner les produits de la société Vector Laboratories, comme en témoignent la pièce adverse n° 11 qui confirme que le terme utilisé en langue française est « vecteur » et non « vector » ainsi que la pièce adverse n° 8 qui indique que l’appelante fait bien référence aux produits Vector en utilisant le terme « vector » seul, de même que le devis établi par la société Clinisciences en septembre 2020, mentionnant le terme « Vector » seul.
Elle fait donc valoir que le recours au mot-clé « Vector » est justifié, d’autant qu’il n’est limité qu’à certains documents spécifiques (la liste des stocks, les fichiers clients/fournisseurs, la liste des achats, la comptabilité, les relevés bancaires).
Elle ajoute qu’en tout état de cause, l’utilisation du mot-clé « Vector » en combinaison avec d’autres mots-clés ne saurait être remise en cause.
Sur ce,
Selon l’article 145 du code de procédure civile, constituent des mesures légalement admissibles des mesures d’instruction circonscrites dans le temps et dans leur objet et proportionnées à l’objectif poursuivi.
Le secret des affaires ne constitue pas en soi un obstacle à l’application de ces dispositions dès lors que la mesure ordonnée était nécessaire à l’exercice du droit à la preuve du requérant et proportionnée aux intérêts antinomiques en présence.
Est en débat la captation par l’huissier de justice des éléments listés, à partir de l’utilisation du seul mot-clé « Vector », les autres mots-clés visés dans l’ordonnance du 23 octobre 2020 n’étant en eux-mêmes pas critiqués par l’appelante, de même que l’utilisation du terme « Vector » combiné à un autre mot-clé.
Il est constant que le terme « Vector » est utilisé par la société Vector Laboratories comme marque et qu’elle fournit des produits pour certains d’entre eux exclusivement commercialisés sous ce vocable.
Par ailleurs, il ressort du devis établi par la société Clinisciences le 29 septembre 2020, communiqué par la société Eurobio Scientific en pièce n° 11, que l’appelante aurait proposé à la vente un produit dénommé « Vector », sans y être autorisée, de sorte que les recherches effectuées par l’huissier à partir de ce mot-clé unique apparaissent nécessaires à l’exercice du droit à la preuve de la société Eurobio Scientific.
Il résulte également des pièces n° 14-1 et suivantes versées par l’appelante que celle-ci dispose dans son catalogue de nombreux produits comprenant la dénomination « vector » mais qui ne sont pas distribués par la société Vector Laboratories.
Toutefois, à l’appui de son allégation d’une violation du secret des affaires, la société Clinisciences produit seulement 2 devis, établis les 3 décembre 2020 et 3 septembre 2021, comprenant chacun une seule référence incluant le terme « vector », de sorte qu’il n’est pas établi que les recherches autorisées à partir de ce mot-clé porteraient une atteinte disproportionnée à ses droits.
En conséquence, la demande de l’appelante d’exclure le terme litigieux de la mission confiée à l’huissier de justice sera rejetée.
Sur la liquidation de l’astreinte :
La société appelante, si la cour ne devait pas ordonner la rétractation de l’ordonnance du 23 octobre 2020 et par voie de conséquence celle du 9 décembre 2020 prise en application et prononçant l’astreinte, lui demande d’annuler ou de modérer substantiellement le montant de l’astreinte telle que liquidée par le président du tribunal de commerce de Nanterre.
Elle soutient à cet égard que les documents ayant tous fait l’objet de nouvelles mesures d’instruction, ils sont désormais compris dans le champ du séquestre et ajoute qu’elle avait d’ores et déjà remis à l’huissier l’ensemble des documents sollicités à la seule exception des documents ne répondant qu’au mot-clé « Vector » sans autre terme associé, correspondant aux termes abusivement extensifs de la mission, et sans aucun lien avec le litige en cause.
La société intimée demande quant à elle la confirmation de l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a condamné la société Clinisciences à lui verser la somme de 60 000 euros au titre de la liquidation de l’astreinte.
Elle rappelle que l’appelante a refusé de déférer à l’ordonnance du 23 octobre 2020, ce pour quoi elle a été condamnée à s’exécuter sous astreinte de 500 euros par jour de retard commençant à courir dans les 5 jours suivants la signification de l’ordonnance prise le 9 décembre 2020, et pendant 4 mois.
Elle précise qu’en application de cette ordonnance du 9 décembre 2020, l’appelante a remis à Maître [O] une clé USB contenant des documents pour lesquels elle admet dans ses conclusions qu’elle a elle-même effectué un tri.
Elle fait donc valoir que l’appelante n’a pas correctement exécuté l’ordonnance du 23 octobre 2020, de sorte que l’astreinte a couru et doit être liquidée.
Sur ce,
Il découle des dispositions de l’article L. 131-4 du code des procédures civiles d’exécution que l’astreinte provisoire est liquidée en tenant compte du comportement de celui à qui l’injonction a été adressée et des difficultés qu’il a rencontrées pour l’exécuter ; elle est supprimée en tout ou partie s’il est établi que l’inexécution ou le retard dans l’exécution de l’injonction du juge provient, en tout ou partie, d’une cause étrangère.
Il ressort du procès-verbal de signification qui a été faite de le 29 décembre 2020 de l’ordonnance prononçant l’astreinte, que l’huissier de justice, Maître [O], a demandé à la société Clinisciences de remettre « en [son] Etude, immédiatement et au plus tard dans le délai de 5 jours à compter de la date figurant en tête des présentes, tous les documents, fichiers et listes tels qu’énumérés dans ladite ordonnance ».
Par suite, comme il ressort toujours de ce même procès-verbal, l’appelante a remis à l’huissier une clé USB accompagnée d’une lettre de son président précisant transmettre l’ensemble des documents listés dans l’ordonnance mais avoir ‘toutefois exclu de ces documents les quelques fichiers concernant le terme ‘Vector’ qui ne sont en rapport ni avec Vector Laboratories ni avec ses produits’.
Ce faisant, il convient de constater que l’appelante n’a que partiellement exécuté l’ordonnance du 9 décembre 2020 la condamnant à déférer à l’ordonnance du 23 octobre 2020 sous astreinte de 500 euros par jour à compter de 5 jours après sa signification, pendant un délai de 4 mois, ce qui a notamment conduit le président du tribunal de commerce de Nanterre dans son ordonnance du 30 mars 2021 à considérer que ‘ce séquestre opéré par Me [X] [O], ès qualités, ne respecte ni les termes de l’ordonnance (…) du 23 octobre 2020,
ni ceux de l’ordonnance (…) Du 10 décembre 2020’.
Par conséquent,en considération de cette inexécution partielle, il convient de liquider l’astreinte à la moitié du montant total encouru.
L’ordonnance déférée sera infirmée en ce en sens.
Sur les demandes accessoires :
Compte tenu du sens de présente décision, l’ordonnance sera confirmée en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et dépens de première instance.
Partie essentiellement perdante, la société Clinisciences ne saurait prétendre à l’allocation de frais irrépétibles. Elle devra en outre supporter les dépens d’appel tels que limitativement énumérés par l’article 695 du code de procédure civile.
Il serait par ailleurs inéquitable de laisser à la société Eurobio Scientific la charge des frais irrépétibles exposés en cause d’appel. L’appelante sera en conséquence condamnée à lui verser une somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La cour statuant par arrêt contradictoire,
Confirme l’ordonnance du 30 septembre 2021 en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’elle a liquidé l’astreinte provisoire dans son intégralité,
Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant,
Liquide l’astreinte provisoire prononcée par l’ordonnance du 9 décembre 2020 partiellement et condamne la société Clinisciences à verser la somme provisionnelle de 30 000 euros à la société Eurobio Scientific,
Condamne la société Clinisciences à verser à la société Eurobio Scientific la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Déboute les parties du surplus de leurs demandes,
Dit que la société Clinisciences supportera les dépens d’appel.
Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, signé par Madame Nicolette GUILLAUME, Président et par Madame Elisabeth TODINI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier,Le président,