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COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 61A
3e chambre
ARRET N°
DEFAUT
DU 19 MAI 2022
N° RG 21/00236
N° Portalis DBV3-V-B7F-UIF3
AFFAIRE :
[G] [W]
C/
S.A. EUROP ASSISTANCE FRANCE
…
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 12 Novembre 2020 par le TJ de NANTERRE
N° Chambre : 2
N° RG : 18/01473
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Oriane DONTOT de la SELARL JRF & ASSOCIES
Me Stéphanie SCHWEITZER du LLP HOLMAN FENWICK WILLAN France LLP
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DIX NEUF MAI DEUX MILLE VINGT DEUX,
La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
Monsieur [G] [W]
né le 04 Avril 1951 à [Localité 10]
de nationalité Française
[Adresse 9]
[Adresse 9]
[Localité 5]
Représentant : Me Oriane DONTOT de la SELARL JRF & ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617 – N° du dossier 20210034
Représentant : Me Elodie ABRAHAM de la SELAS ABRAHAM AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : G0391
APPELANT
****************
1/ SA EUROP ASSISTANCE FRANCE
[Adresse 1]
[Localité 7]
INTIMEE DEFAILLANTE
2/ SAS CLUB MED
N° SIRET : B 572 185 684
[Adresse 2]
[Localité 6]
Représentant : Me Stéphanie SCHWEITZER du LLP HOLMAN FENWICK WILLAN France LLP, Postulant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : J040
Représentant : Me Fabienne HUOT SOUDAIN, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
INTIMEE
3/ MSA COTES NORMANDES
[Adresse 4]
[Localité 3]
INTIMEE DEFAILLANTE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 10 Mars 2022 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Marie-José BOU, Président chargé du rapport et Madame Caroline DERNIAUX, Conseiller,
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Marie-José BOU, Président,
Madame Françoise BAZET, Conseiller,
Madame Caroline DERNIAUX, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Claudine AUBERT,
——
Le 11 août 2015, M. [G] [W] a souscrit un contrat de vente auprès de la société Club Med en vue d’un séjour au village Club Med de [Localité 8] du 24 août au 4 septembre 2015 pour lui-même, son épouse et leur fils âgé de 7 ans.
Le 29 août 2015, alors qu’il était en train de filmer un crocodile se trouvant dans un lagon bordé d’une barrière, contigu au village de vacances, il a laissé tomber son appareil photographique et l’une de ses caméras dans l’eau. En essayant de les récupérer, l’animal l’a mordu.
Blessé, il a d’abord été pris en charge par l’infirmerie du Club Med puis par le centre hospitalier de [Localité 8] où il a subi une intervention locale au niveau du quatrième rayon de la main droite.
Le jour des faits, M. [W] a fait une déclaration d’accident auprès du Club Med de [Localité 8]. La société Marsh lui a répondu le 15 octobre 2015 en se présentant comme l’assureur conseil du Club Med. Elle l’a informé le 22 mars 2016 de son refus de garantie et de prise en charge de l’indemnisation de ses préjudices mais a accepté de diligenter une expertise médicale amiable confiée au docteur [Y], en présence du docteur [I], médecin conseil de M. [W].
L’expert amiable a déposé un rapport le 31 janvier 2017 aux termes duquel il a fixé la date de consolidation au 20 janvier 2017 et a notamment conclu à l’existence d’un déficit fonctionnel permanent de 4%.
À la suite de cette expertise, la société Marsh a, le 5 mai 2017, formulé une offre d’indemnisation à M. [W] à hauteur de 680 euros que ce dernier a refusée.
C’est dans ce contexte que M. [W] a, par actes des 31 janvier et 1er février 2018, assigné devant le tribunal de grande instance de Nanterre la société Club Med, la société Marsh ainsi que la Mutualité sociale agricole Côtes normandes, ci-après la MSA, en responsabilité.
Par acte du 26 novembre 2018, M. [W] a assigné devant le même tribunal la société Europ assistance France en intervention forcée.
Les deux procédures ont été jointes le 26 février 2019 par le juge de la mise en état.
Par jugement du 12 novembre 2020, le tribunal judiciaire de Nanterre a :
– mis hors de cause la société Marsh,
– débouté M. [W] et la MSA de l’ensemble de leurs demandes,
– condamné M. [W] aux entiers dépens avec recouvrement direct,
– débouté les sociétés Club Med et Marsh de leurs demandes fondées sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Suivant déclaration du 13 janvier 2021, M. [W] a interjeté appel du jugement contre la société Club Med, la société Europ assistance France et la MSA.
Par dernières écritures du 6 octobre 2021, M. [W] prie la cour de :
– infirmer le jugement déféré en ce qu’il a débouté M. [W] de l’ensemble de ses demandes et en ce qu’il l’a condamné aux entiers dépens,
statuant à nouveau,
– juger recevables les demandes de M. [W] ;
– juger que la société Club Med est entièrement responsable des préjudices de M. [W] sur le fondement de l’article L.211-16 du code du tourisme,
– à titre subsidiaire, juger que la société Club Med est entièrement responsable des préjudices de M. [W] sur le fondement de l’article 1217 du code civil,
– liquider les préjudices subis par M. [W] à la suite de l’accident dont il a été victime le 29 août 2015,
– évaluer les préjudices de M. [W], victime directe, de la manière suivante :
au titre des dépenses de santé actuelles…………………………………………………8 342,39 euros,
créance MSA………………………………………………………………………….8 171,09 euros
créance Generali……………………………………………………………………….1 71,30 euros
au titre des frais divers……………………………………………………………………….1 304,68 euros,
au titre de la tierce personne avant consolidation………………………………..2 223, 90 euros,
au titre des pertes de gains professionnels actuels………………………………..53 387,48 euros,
au titre de l’incidence professionnelle……………………………………………………15 000 euros,
au titre du déficit fonctionnel temporaire…………………………………………….3 179,75euros,
au titre des souffrances endurées…………………………………………………………12 000 euros,
au titre du préjudice esthétique temporaire………………………………………………2 000 euros,
au titre du déficit fonctionnel permanent…………………………………………………4 400 euros,
au titre du préjudice d’agrément………………………………………………………….10 000 euros,
au titre du préjudice esthétique permanent……………………………………………….2 500 euros,
– condamner la société Club Med à verser à M. [W] la somme totale de 114 338,20 euros à titre d’indemnisation des dommages subis,
– condamner la société Club Med à verser à l’organisme social MSA la somme de 8 171, 09 euros en remboursement des frais de santé de M. [W],
– condamner la société Club Med à verser à la société Generali la somme de 171, 30 euros en remboursement des frais de santé de M. [W],
– constater qu’aucune demande n’est formulée à l’encontre de la société Europ assistance,
– débouter les intimés, et notamment la société Club Med, de l’ensemble de leurs demandes,
– condamner la société Club Med aux entiers dépens de l’instance avec recouvrement direct, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile, ainsi qu’à la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code précité.
Par dernières écritures du 13 janvier 2022, la société Club Med prie la cour de :
– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté M. [W] de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions,
à titre subsidiaire,
– liquider le préjudice de M. [W] comme suit :
au titre des frais divers………………………………………………………………………1 199,68 euros,
au titre de l’assistance tierce personne avant consolidation……………………1 606,15 euros,
au titre de l’incidence professionnelle……………………………………………………….5 000 euros,
au titre du déficit fonctionnel temporaire……………………………………………..3 179,75 euros,
au titre des souffrances endurées……………………………………………………………..8 000 euros,
au titre du préjudice esthétique temporaire…………………………………………………800 euros,
au titre du déficit fonctionnel permanent………………………………………………..4 400 euros,
au titre du préjudice d’agrément………………………………………………………………2 000 euros,
au titre du préjudice esthétique permanent………………………………………………..1 000 euros,
total……………………………………………………………………………………………….27 185,58 euros,
– débouter M. [W] du surplus de ses prétentions,
en tout état de cause,
– condamner M. [W] à verser la somme de 6 000 euros à la société Club Med à titre d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner le même aux dépens avec recouvrement direct, sur le fondement de l’article 699 du code de procédure civile.
M. [W] a fait signifier la déclaration d’appel et ses conclusions à la société Europ assistance France, par actes des 19 février 2021 et 13 avril 2021 remis à personne habilitée, ainsi qu’à la MSA, par actes du 22 février 2021 remis à étude et du 14 avril 2021 remis à personne habilitée. Néanmoins, ces intimées n’ont pas constitué avocat.
La cour renvoie aux écritures des parties en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile pour un exposé complet de leur argumentation.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 3 février 2022.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur le régime de responsabilité applicable
Le tribunal a retenu que le contrat unissant M. [W] à la société Club Med constitue un forfait touristique au sens de l’article L.211-2 du code du tourisme dans sa version issue de la loi du 22 juillet 2009 et que la mare aux crocodiles fait partie intégrante du village de sorte que la responsabilité de la société Club Med peut être recherchée sur le fondement de l’article L. 211-16 du code précité.
M. [W] soutient que le régime de responsabilité prévu par cet article est applicable au motif que le contrat inclut l’hébergement, un transfert vers l’aéroport, la pension complète et les nombreuses activités proposées par le Club et qu’il a fait l’achat de deux excursions organisées par celui-ci. A défaut, il considère que le litige est soumis à l’article 1217 du code civil relatif à la responsabilité contractuelle de droit commun.
La société Club Med réplique que le transport aérien n’est pas inclus et que le transfert ne concerne que l’acheminement entre l’aéroport et le village, soit une prestation accessoire à l’hébergement ne représentant pas une part significative dans le coût du séjour. Elle conteste ainsi la qualification de forfait touristique, notant que les excursions invoquées ont fait l’objet de contrats distincts. Elle en déduit que sa responsabilité suppose la preuve d’une faute.
***
Il résulte de l’article L. 211-16 du code du tourisme, dans sa version issue de la loi du 22 juillet 2009, que toute personne physique ou morale qui se livre aux opérations mentionnées à l’article L. 211-1 est responsable de plein droit à l’égard de l’acheteur de la bonne exécution des obligations découlant du contrat.
L’article L. 211-1 I du même code, dans sa version en vigueur à la date de conclusion du contrat, vise les opérations consistant en l’organisation ou la vente :
a) de voyages ou de séjours individuels ou collectifs ;
b) de services pouvant être fournis à l’occasion de voyages, notamment la délivrance de titres de transport, la réservation de chambres dans des établissements hôteliers ou dans des locaux d’hébergement touristique et la délivrance de bons d’hébergement ou de restauration ;
c) de services liés à l’accueil touristique, notamment l’organisation de visites de musées ou de monuments historiques ;
et les opérations de production ou de vente de forfaits touristiques tels que ceux-ci sont définis à l’article L. 211-2 ainsi qu’aux opérations liées à l’organisation et à l’accueil de foires, salons et congrès ou de manifestations apparentées dès lors que ces opérations incluent tout ou partie des prestations prévues aux a, b et c du présent I.
L’article L. 211-2 du code du tourisme, dans sa version applicable issue de la loi 22 juillet 2009, dispose que constitue un forfait touristique la prestation :
1° Résultant de la combinaison préalable d’au moins deux opérations portant respectivement sur le transport, le logement ou d’autres services touristiques non accessoires au transport ou au logement et représentant une part significative dans le forfait ;
2° Dépassant 24 heures ou incluant une nuitée ;
3° Vendue ou offerte à un prix tout compris.
Au cas présent, il n’est pas contesté que les deux dernières conditions sont remplies.
La société Club Med a, selon les conditions particulières du contrat versé aux débats, vendu à M. [W] un ‘forfait Club Med’ avec chambre Deluxe famille plage et un transfert depuis et vers l’aéroport de [Localité 8]. Aux termes des conditions générales, le forfait comprend la pension complète, les activités sportives indiquées comme comprises dans le forfait de base, et lorsque celui-ci est proposé dans le village, le mini Club Med, le junior’s Club Med et le Club Med Passworld, ainsi que l’animation par les GO en journée et soirée. L’appelant produit aussi la brochure Club Med [Localité 8] qui décrit, au titre des sports et activités sans supplément, plusieurs sports nautiques, sports terrestres et loisirs en cours collectifs ou en accès libre (plongée libre, écoles de planche à voile, de voile, de ski nautique et wakeboard, de trapèze, de fitness, de tennis, kayak, stand up paddle…) ainsi que des clubs enfants dont un mini Club Med pour ceux de 4 à 10 ans et des activités enfants (petit chef program…). Ces activités et services, nombreux, étaient susceptibles d’être pratiqués et utilisés par l’ensemble des membres de la famille [W].
Les prestations vendues incluaient donc le logement, les repas, les transferts et des activités ainsi que des services non accessoires au logement, représentant une part significative dans le forfait compte tenu de leur grand nombre. Le tribunal en a justement déduit qu’il s’agissait d’un forfait touristique.
Par ailleurs, la société Club Med ne critique pas le jugement en ce qu’il a énoncé que le lieu où s’est produit le dommage fait partie intégrante du village de sorte que l’accident est bien survenu à l’occasion de l’exécution du contrat.
Par suite, le régime de responsabilité applicable est celui prévu à l’article L. 211-16 précité.
Sur la responsabilité de la société Club Med
Le tribunal a considéré que dans la mesure où le dommage de M. [W] était survenu durant l’exécution du forfait touristique, la responsabilité de la société Club Med se trouvait engagée mais que celle-ci cherchait à s’en exonérer au motif d’une faute de la victime. Or il a jugé que M. [W] avait passé la main par dessous la barrière pour récupérer sa caméra et qu’il n’avait pas respecté les consignes de sécurité mentionnées sur le panneau présent à côté mais avait également commis une faute d’imprudence à l’origine exclusive de son dommage.
M. [W] reproche à la société Club Med d’avoir banalisé la présence des crocodiles, incitant même les touristes à s’en approcher en les qualifiant d’inoffensifs, de n’avoir pris aucune précaution permettant de tenir les visiteurs à distance des animaux, l’appelant invoquant le caractère inadapté de la petite barrière en place, et de n’avoir respecté aucune des règles prévues par l’arrêté du 25 mars 2004 pour les établissements zoologiques présentant au public des spécimens vivants de faune locale et étrangère faute d’avertissement suffisant. Il affirme que cette attitude caractérise un manquement flagrant à l’obligation de sécurité de l’établissement vis-à-vis de son client. Il conteste sa faute, disant avoir agi par réflexe sans intention de troubler l’animal dont il ne connaissait pas la vitesse de déplacement.
La société Club Med réplique que M. [W] a franchi la barrière de sécurité avec son bras, a plongé celui-ci dans l’eau et que son comportement agité a provoqué une réaction instinctive du crocodile de protection de son territoire. Elle relève que M. [W], âgé de 64 ans et dirigeant un centre équestre, était conscient des mesures de sécurité et de prudence à respecter avec les animaux. Elle souligne de plus la présence d’un panneau devant les barrières interdisant de franchir celles-ci et d’agresser les crocodiles. Elle conclut ainsi à la confirmation du jugement, ajoutant que l’arrêté invoqué est inapplicable, son activité n’étant pas celle d’un zoo et les faits s’étant passés au Mexique.
***
L’article L. 211-16 du code du tourisme dans sa version applicable dispose que toute personne physique ou morale qui se livre aux opérations mentionnées à l’article L. 211-1 est responsable de plein droit à l’égard de l’acheteur de la bonne exécution des obligations résultant du contrat, que ce contrat ait été conclu à distance ou non et que ces obligations soient à exécuter par elle-même ou par d’autres prestataires de services, sans préjudice de son droit de recours contre ceux-ci et dans la limite des dédommagements prévus par les conventions internationales.
Toutefois, elle peut s’exonérer de tout ou partie de sa responsabilité en apportant la preuve que l’inexécution ou la mauvaise exécution du contrat est imputable soit à l’acheteur, soit au fait, imprévisible et insurmontable, d’un tiers étranger à la fourniture des prestations prévues au contrat, soit à un cas de force majeure
La responsabilité ainsi instituée est une responsabilité de plein droit, purement objective, en vertu de laquelle l’agence se trouve tenue d’une obligation de résultat dont elle ne peut s’exonérer que par la preuve d’une cause étrangère ou d’une faute de la victime.
Au cas d’espèce, le dommage est survenu au sein du village de vacances, soit lors de l’exécution du forfait, de sorte qu’est engagée la responsabilité de plein droit de la société Club Med qui, pour s’en exonérer, doit prouver la faute de M. [W] invoquée et le lien de causalité avec le préjudice subi.
Il ressort de la lettre du 23 février 2016 rédigée par M. [W] que le 29 août 2015, à deux reprises, celui-ci, à bord d’une navette, a vu un crocodile se trouvant dans l’eau du lagon, à quelques mètres derrière une barrière longeant la route. Il explique qu’en fin d’après-midi, il est retourné sur place pour le filmer, que le crocodile se trouvant à 5/6 mètres, il s’est accolé à la barrière avec une caméra Gopro fixée sur une perche télescopique mais qu’un appareil et une caméra qui étaient dans une sacoche à sa ceinture ont basculé par dessus la barrière et sont tombés derrière dans quelques centimètres d’eau. Il précise qu’il est arrivé à récupérer l’appareil photographique à l’aide de sa perche et qu’il a passé rapidement le bras à travers les barreaux de la barrière pour reprendre la caméra mais qu’à cet instant, le crocodile l’a mordu.
Sont par ailleurs versés aux débats un disque DVD reproduisant la vidéo tournée sur place au moment des faits, des photographies extraites du film et une photographie du panneau d’information qui était sur place, à côté des barrières, lequel mentionnait en trois langues différentes, dont le français, en lettres capitales ‘ATTENTION’, mot suivi des phrases suivantes ‘Ne pas franchir la barrière’ ‘Ne pas nourrir les crocodiles’ ‘Ne pas agresser les crocodiles’.
Il résulte de l’ensemble de ces éléments que M. [W] a passé son bras entre les barreaux de la clôture entourant le lagon où se trouvait l’animal, à une distance très proche de la barrière. Contrairement à ce que soutient l’appelant, il ne s’agit pas d’un geste réflexe mais délibéré de sa part dans la mesure où après la chute de la caméra et de l’appareil photographique, il a d’abord récupéré ce dernier en s’aidant de sa perche puis, ne parvenant pas à reprendre la caméra, s’est accroupi pour passer son bras au delà de la clôture. Ce faisant, il a violé la consigne de sécurité -qu’il ne conteste pas avoir préalablement lue- puisqu’il a franchi la barrière avec son bras alors que l’emploi du mot ‘ATTENTION’ l’avertissait d’un danger. De plus, âgé lors des faits de 64 ans et exerçant la profession de directeur d’un centre équestre, il ne pouvait ignorer le risque de s’introduire dans le milieu naturel où évoluait un animal aux réactions imprévisibles et dont la nature même incite à la prudence, comme l’a justement énoncé le tribunal.
S’il n’est pas contesté que les membres du personnel invitaient la clientèle à observer le crocodile et à le prendre en photographie depuis le chemin où se trouvait M. [W], rien n’établit qu’ils aient incité ce dernier à franchir la clôture, alors que le panneau susvisé contient la consigne contraire. M. [W] ne saurait non plus, pour exclure sa faute et l’imputabilité du dommage à celle-ci, se prévaloir de la réponse faite le 7 janvier 2015 par l’équipe relations clients du Club Med à un autre client sur l’application Tripadvisor selon laquelle certains des crocodiles étaient inoffensifs et les autres ne s’aventuraient pas à la rencontre des ‘GM’. En effet, il n’est pas prouvé que M. [W] a eu connaissance de ce message avant les faits. A supposer même que tel ait été le cas, il ne pouvait légitimement penser pouvoir plonger sans risque son bras dans le lagon, ne sachant pas à quel type d’animal il avait à faire et compte tenu du message clair figurant sur le panneau se trouvant sur place. Le moyen tiré du caractère inadapté de la barrière est aussi inopérant dès lors que celle-ci, compte tenu de sa configuration et de sa hauteur, empêchait de toute évidence le crocodile de la franchir et que l’accident trouve sa seule cause dans le fait que M. [W] ait, quant à lui, franchi la barrière avec son bras contrairement à la consigne précitée. Enfin, le fait que le Club Med ait proposé une activité de ski nautique dans le lagon est également indifférent dans la mesure où l’accident n’est pas survenu dans une telle circonstance et que le bruit des moteurs des bateaux utilisés pour cette activité est de nature à effrayer les crocodiles, ainsi que le Club Med l’évoque dans la réponse précitée.
L’action de M. [W] manifeste ainsi un manque de prudence de la part d’un adulte censé agir de manière raisonnable mais caractérise aussi le non-respect d’une consigne claire de sécurité. Il en résulte qu’il a commis une faute, laquelle est la cause exclusive de l’accident et a pour effet d’exonérer la société Club Med de sa responsabilité.
Partant, le jugement est confirmé en ce qu’il a débouté M. [W] de ses demandes.
Ce dernier, qui succombe en son recours, est condamné aux dépens d’appel et débouté de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile. En équité, il n’y a pas lieu de le condamner aux frais non compris dans les dépens. Le jugement est confirmé sur les dépens et frais irrépétibles de première instance.
PAR CES MOTIFS
Statuant par défaut :
Confirme le jugement en toutes ses dispositions déférées à la cour ;
Ajoutant :
Rejette les demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. [W] aux dépens d’appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Madame Marie-José BOU, Président et par Madame Claudine AUBERT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier,Le Président,