Vidéogrammes / DVD : 18 mai 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 19/12146

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Vidéogrammes / DVD : 18 mai 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 19/12146
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REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 6

ARRET DU 18 MAI 2022

(n° 2022/ , 9 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/12146 – N° Portalis 35L7-V-B7D-CBDES

Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 Novembre 2019 -Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de PARIS – RG n° 17/01167

APPELANTE

Madame [N] [I] épouse [W]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Lucie MARIUS, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

SOCIÉTÉ ANONYME D’ÉCONOMIE MIXTE D’EXPLOITATION DU STATIONNEMENT DE LA VILLE DE [Localité 6] – SAEMES

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Sarra JOUGLA, avocat au barreau de PARIS, toque : A0200

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 22 mars 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Christine DA LUZ, Présidente de chambre

Madame Nadège BOSSARD, Conseillère

Monsieur Stéphane THERME, Conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Monsieur Stéphane THERME, Conseiller, dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.

Greffier : Madame Julie CORFMAT, lors des débats

ARRÊT :

– contradictoire,

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

– signé par Madame Christine DA LUZ, Présidente de chambre et par Madame Julie CORFMAT, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :

Mme [V] épouse [W] a été engagée à compter du 19 mars 2009 par la société d’Economie Mixte d’Exploitation de la ville de [Localité 6], ci-après la SAEMES, en qualité d’agent d’exploitation. La SAEMES gère des parcs de stationnement. Mme [V] était initialement affectée sur le parc de stationnement [Adresse 5], situé à [Localité 6].

La société emploie plus de onze salariés.

La convention collective des services de l’automobile est applicable.

Le 19 juin 2014 Mme [V] a signalé à son supérieur hiérarchique subir le comportement d’un de ses collègues ; elle a déposé une main courante auprès des services de police. Elle a ensuite adressé un courrier à la direction de la SAEMES le 26 juin 2014.

Mme [V] a été en arrêt de travail du 27 juin au 31 juillet 2014.

Par avenant du 7 juillet 2014 Mme [V] a été mutée au parc [Adresse 7], situé à [Localité 6].

Mme [V] a écrit à la directrice des ressources humaines le 12 juillet 2014 et l’a rencontrée le 28 août 2014.

Le 31 mars 2015 l’enquête relative aux risques psycho-sociaux a conclu que Mme [V] n’avait pas été victime de harcèlement moral ou sexuel.

Mme [V] a été en arrêt de travail à compter du 8 novembre 2015.

Mme [V] a été licenciée pour inaptitude le 15 novembre 2016.

Mme [V] a saisi le conseil de prud’hommes de Paris le 15 février 2017, aux fins de demander la nullité du licenciement et des dommages et intérêts.

Par jugement du 15 novembre 2019 le conseil de prud’hommes, statuant en formation de départage, a :

Dit que 1e licenciement de Mme [V] est nul ;

En conséquence, condamné la SAEMES à payer à Mme [V] les sommes suivantes :

2 000 euros au titre du harcèlement sexuel ;

l 000 euros au titre du harcèlement moral ;

9 990 euros au titre du licenciement nul ;

3 330 euros au titre de l’indemnité de préavis;

333euros au titre des congés payés afférents ;

1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Ordonné la remise des bulletins de paye et de l’attestation Pôle Emploi conformes au jugement;

Rappelé que les sommes ayant la nature de salaire produisent intérêts à compter de la saisine de la juridiction prud’homale ;

Dit que les sommes ayant la nature de dommages-intérêts sont assorties du taux légal à compter du jour du jugement et que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produiront intérêts à compter de la saisine de la juridiction prud’homale ;

Reçu l’intervention de l’association européenne contre les violences faites aux femmes au travail,

Condamné la SAEMES de la Ville de [Localité 6] à payer à l’association européenne contre les violences faites aux femmes au travail les sommes suivantes :

1 000 euros au titre du préjudice moral ;

500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Débouté les parties du surplus de leurs demandes ;

Dit que la SAEMES supportera les dépens de l’instance ;

Ordonné l’exécution provisoire du jugement.

Mme [V] a formé appel le 10 décembre 2019.

Dans ses conclusions déposées au greffe et notifiées par le réseau privé virtuel des avocats le 10 mars 2020, auxquelles la cour fait expressément référence Mme [V] demande à la cour de:

Confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Paris en ce qu’il a dit nul le licenciement intervenu, en ce qu’il a reconnu l’existence d’un harcèlement sexuel et moral et sur le principe des condamnations prononcées à l’encontre de la société SAEMES ;

Le réformer quant aux quanta retenus et en ce qu’il a débouté Mme [V] de ses demandes au titre de la discrimination et du manquement à l’obligation de sécurité,

Statuant à nouveau

Constater le harcèlement discriminatoire subie par Mme [V] ;

Constater le manquement de la SAEMES à son obligation de sécurité ;

En conséquence, sur l’exécution du contrat :

Condamner la SAEMES au paiement de la somme de 20 000 euros de dommages et intérêts pour harcèlement sexuel ;

Condamner la SAEMES au paiement de la somme de 10 000 euros de dommages et intérêts pour harcèlement moral ;

Condamner la SAEMES au paiement de la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice découlant de la discrimination ;

Condamner la SAEMES au paiement de la somme de 20 000 euros de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité ;

Sur la rupture du contrat :

A titre principal

Condamner la SAEMES au paiement de la somme de 123 210 euros d’indemnité pour licenciement nul sur le fondement de l’article L.1235-3-1 ;

Condamner la SAEMES au paiement de la somme de 3 330 euros d’indemnité compensatrice de préavis outre 333 euros de congés payés afférents ;

A titre subsidiaire

Dire et juger que le licenciement de Mme [V] est sans cause réelle et sérieuse ;

En conséquence,

Condamner la SAEMES à verser à Mme [V] la somme de 20 000 euros au titre du préjudice subi ;

Le tout avec intérêt légal à compter du jour de l’introduction de la demande.

Condamner la SAEMES à verser à Mme [V] 2 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamner la SAEMES aux entiers dépens.

Dans ses conclusions déposées au greffe et notifiées par le réseau privé virtuel des avocats le 10 juin 2020, auxquelles la cour fait expressément référence, la SAEMES demande à la cour de :

A titre principal

Constater que :

Mme [V] n’a pas été victime de harcèlement moral ou de harcèlement sexuel,

Mme [V] n’a jamais été victime de discrimination,

Le licenciement pour inaptitude de Mme [V] est parfaitement valable,

En conséquence

Infirmer le jugement rendu par le conseil des prud’hommes de Paris le 15 novembre 2019

Débouter Mme [V] de l’ensemble de ses demandes

Condamner Mme [V] à verser à la SAEMES la somme de 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

A titre subsidiaire :

Confirmer intégralement le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Paris le 15 novembre 2019.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 18 janvier 2022.

MOTIFS

Sur le harcèlement moral et le harcèlement sexuel

L’article 1152-1 du code du travail dispose que :

‘Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.’

L’article L.1153-1 du code du travail, en sa version applicable à l’instance dispose que ‘Aucun salarié ne doit subir des faits :

1° Soit de harcèlement sexuel, constitué par des propos ou comportements à connotation sexuelle répétés qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante ;

2° Soit assimilés au harcèlement sexuel, consistant en toute forme de pression grave, même non répétée, exercée dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l’auteur des faits ou au profit d’un tiers.’

L’article L. 1153-1 du code du travail dispose que ‘Aucun salarié, aucune personne en formation ou en stage, aucun candidat à un recrutement, à un stage ou à une formation en entreprise ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des faits de harcèlement sexuel tels que définis à l’article L. 1153-1, y compris, dans le cas mentionné au 1° du même article, si les propos ou comportements n’ont pas été répétés.’

En application de l’article L. 1154-1 du code du travail, alors applicable, il incombe au salarié qui l’invoque de présenter des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement. Dans cette hypothèse, il incombera à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Mme [V] expose avoir subi les agissements répétés de plusieurs personnes de sexe masculin avec lesquelles elle travaillait, M. [S], M.[C] et M. [F] lorsqu’elle était affectée sur le parc [Adresse 5], constitués de propos répétés sur son physique et ses moeurs, des allusions à caractère sexuel constituant des propositions de plus en plus explicites. Elle précise que M.[S] lui a montré son sexe dans les vestiaires, qui étaient mixtes, qu’il s’approchait d’elle pour lui toucher les épaules et sentir ses cheveux, qu’on lui a proposé à plusieurs reprises des DVD pornographiques, qu’une photographie de godemichet a été affichée sur son placard et qu’un magazine pornographique a été placé dans son casier. Elle indique avoir été violemment prise à partie par M. [F] le 19 juin 2014, qui a tenu des propos sexistes.

Mme [V] ajoute qu’après son changement d’affectation elle a continué à voir les personnes en cause, M. [S] travaillant deux jours par semaine sur le site de [Adresse 7], qu’elle a ensuite reçu des SMS à plusieurs reprises, qu’on lui a demandé de se rendre sur le site de [Adresse 5] dans le cadre de prise de tailles pour les tenues de travail.

Mme [V] produit la main courante qu’elle a établie sur le registre professionnel le 19 juin 2014 dans laquelle elle détaille le comportement de M. [F] à son égard et l’altercation qu’elle a eue, ainsi que la main courante pénale.

Mme [V] a adressé un courrier à la direction de la SAEMES le 26 juin 2014 pour demander son changement d’affectation en raison des comportements subis, un autre à l’attention de la directrice des ressources humaines le 12 juillet 2014, puis un nouveau courrier le 15 septembre 2014 dans lequel elle détaille les faits de chacune des personnes en cause.

Mme [V] a déposé une nouvelle main courante le 11 septembre 2014, relative à la réception de messages SMS.

Mme [V] a été assistée par l’association européenne contre les violences faites aux femmes au travail, à laquelle elle a renouvelé un récit des faits qu’elle indique avoir subis.

Mme [V] a maintenu ses déclarations lors de son audition dans le cadre de l’enquête effectuée par l’employeur au mois de mars 2015. Elle a été entendue par le défenseur des droits le 28 octobre 2015.

L’appelante explique qu’elle n’a pas réagi aux premiers comportements de ses collègues depuis sa prise de fonctions, mais qu’ils se sont aggravés et sont devenus insupportables, jusqu’à sa démarche du mois de juin 2014.

Mme [V] produit l’attestation d’une personne non salariée de la SAEMES, qui travaillait sur le site du parc [Adresse 5], qui indique qu’elle a été témoin des propos répétés à connotation sexuelle tenus à Mme [V] par deux personnes, M. [J] et [R] (M. [S]), précisant que ce dernier a également fait référence, devant lui, au fait qu’il était sorti de la douche sans être habillé.

Mme [Y], atteste s’être rendue à de nombreuses reprises dans le parc [Adresse 5] pour voir son père qui y travaillait et avoir personnellement assisté aux propos à connotation sexuelle de M. [F] et de M. [J], ainsi qu’au comportement de M. [S] qui a proposé des CD pornographiques à Mme [V].

M. [P], un collègue de Mme [V], lui a indiqué dans un SMS ne pas pouvoir lui faire d’attestation, ne souhaitant pas avoir de problème.

Mme [V] a fait l’objet de nombreux arrêts de travail, notamment:

– du 5 au 14 février 2014, pour asthénie et anxiété,

– du 27 juin au 31 juillet 2014 pour un syndrome anxio-dépressif,

– du 11 au 18 septembre 2014,

– du 21 janvier au 1er février 2015 pour syndrome anxio-dépressif,

– du 14 avril au 1er juin 2015,

– du 7 octobre au 8 novembre 2015, arrêts qui ont ensuite été renouvelés jusqu’à la visite de reprise du médecin du travail.

Mme [V] justifie d’un suivi psychologique jusqu’au mois de juin 2016. Le psychologue a constaté un syndrome dépressif sévère, en lien avec les faits de harcèlements subis au travail.

Le 20 septembre 2016, à l’occasion du second examen de la visite de reprise, le médecin du travail a conclu à l’inaptitude de Mme [V] à son poste, et à tout autre poste sur le site [Adresse 7], indiquant qu’un reclassement au siège social à un poste de type administratif pourrait convenir.

Mme [V] a fait l’objet d’un licenciement pour inaptitude médicale et impossibilité de reclassement le 15 novembre 2016.

Pris dans leur ensemble, ces faits laissent présumer l’existence de harcèlements moral et sexuel.

La SAEMES fait valoir que les mises en cause des autres salariés faites par Mme [V] ont évolué au fur et à mesure, expliquant qu’au départ elle n’a impliqué qu’un seul salarié, pour étendre par la suite ses propos à d’autres personnes de son environnement professionnel.

Si la main courante du 19 juin 2014 établie par l’appelante ne fait état que de M. [F], le courrier du 26 juin indique clairement que les faits concernent plusieurs collègues, ce qui a été maintenu dans les autres récits qui ont ensuite été effectués par Mme [V].

La SAEMES produit les comptes-rendus des auditions des trois salariés mis en cause et de deux autres personnes qui intervenaient sur le parc de [Adresse 5], réalisées dans le cadre de l’enquête sur les risques psycho-sociaux.

Les anciens collègues de l’appelante indiquent ne pas avoir été témoins de faits particuliers, ramènent la situation à une altercation qui aurait eu lieu entre Mme [V] et M. [F] au mois de juin 2014. Ils font état de l’évolution du comportement de Mme [V], notamment après son mariage, qui souhaitait changer de poste et ne plus exercer dans un parking, ainsi que de tensions relatives aux tâches de nettoyage qu’elle n’accomplissait pas. Ils précisent que M.[S] prenait sa douche dans les locaux et se changeait dans les vestiaires, mais à des horaires constants, ce que tout le monde savait.

L’employeur n’apporte pas d’explication aux deux témoignages concordants produits par Mme [V] qui indiquent avoir assisté à plusieurs faits à caractère sexuel commis à son égard par les trois autres salariés.

Faute pour la SAEMES de démontrer que les faits établis par l’appelante étaient justifiés par des éléments étrangers à tout harcèlement, le harcèlement moral et le harcèlement sexuel à l’encontre de Mme [V] doivent être retenus.

Les éléments produits par Mme [V], démontrent que son état de santé à l’origine de l’inaptitude professionnelle est bien la conséquence des faits de harcèlement subis.

Le fait que Mme [V] n’ait pas accepté le poste qui lui a été proposé par la SAEMES dans un autre parc de stationnement dans le cadre du reclassement est sans conséquence sur le lien entre les faits de harcèlement subis et le licenciement prononcé.

Le licenciement doit en conséquence être annulé par application de l’article L. 1152-3 du code du travail.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur l’indemnité pour licenciement nul

Mme [V] sollicite sur le fondement de l’article L. 1235-3-1 du code du travail des dommages et intérêts comprenant une indemnité correspondant à dix mois de salaire, majoré des salaires qui auraient dû être perçus jusqu’à la décision de justice.

Mme [V] ne demande pas sa réintégration.

L’article L. 1235-3-1 du code du travail, en sa version applicable au moment du licenciement, dispose que ‘Lorsque le juge constate que le licenciement est intervenu en méconnaissance des articles L. 1132-1, L. 1153-2, L. 1225-4 et L. 1225-5 et que le salarié ne demande pas la poursuite de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge octroie au salarié une indemnité, à la charge de l’employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois. Elle est due sans préjudice du paiement du salaire, lorsqu’il est dû, qui aurait été perçu pendant la période couverte par la nullité et, le cas échéant, de l’indemnité de licenciement prévue à l’article L. 1234-9.’

Le paiement du salaire est dû lorsque le salarié licencié bénéficiait d’une période de protection spécifique, ce qui n’est pas le cas de Mme [V].

Mme [V] avait une ancienneté de près de sept années et percevait un salaire mensuel de 1650 euros au moment de son licenciement. Elle justifie avoir perçu des prestations versées par Pôle Emploi jusqu’au mois de juillet 2019.

Compte tenu de ces éléments, l’indemnité pour licenciement nul doit être fixée à la somme de 20 000 euros.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur l’indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents

Mme [V] est fondée à obtenir le paiement de l’indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents, dont les montants ne sont pas contestés par l’intimée.

Le jugement sera confirmé de ces chefs.

Sur l’indemnisation du préjudice subi

Le préjudice subi par Mme [V] en raison du harcèlement moral sera réparé par la condamnation de l’employeur à lui verser la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts.

La somme de 3 000 euros sera également allouée en réparation du préjudice subi au titre du harcèlement sexuel.

Le jugement sera infirmé de ces chefs.

Mme [V] sollicite également une indemnité sur le fondement de l’article L. 1142-2-1 du code du travail qui dispose que ‘Nul ne doit subir d’agissement sexiste, défini comme tout agissement lié au sexe d’une personne, ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant.’

Mme [V] a également subi des agissements sexistes, caractérisés par des remarques formées sur la nature de son activité professionnelle, en ce qu’elle ne devrait pas être exercée par une femme, dont le préjudice subi sera réparé par la condamnation de l’employeur à lui verser la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur le manquement à l’obligation de sécurité

L’article L. 4121-1 du code du travail dispose que ‘L’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent :

1° Des actions de prévention des risques professionnels ;

2° Des actions d’information et de formation ;

3° La mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.

L’employeur veille à l’adéquation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes.’

La SAEMES produit le règlement intérieur de l’entreprise en date du 12 juin 2007 contenant des dispositions relatives au harcèlement sexuel et au harcèlement moral, dont le contenu n’a pas été adapté aux évolutions législatives.

Le document unique d’évaluation des risques professionnels est du mois de décembre 2015, soit postérieur à la majeure partie des faits en cause.

Un parcours de formation en lien avec la sécurité au travail existait dans l’entreprise depuis plusieurs années.

Il résulte de la rédaction de la main courante professionnelle établie par Mme [V], qu’informé par oral, son supérieur l’a incitée à saisir la direction par un courrier.

A la suite du courrier, la directrice des ressources humaines est entrée en relation avec Mme [V] pour lui proposer un changement d’affectation, avant qu’il ne soit formalisé par un avenant, puis qu’elle a saisi le CHSCT le 30 juillet 2014. Elle a demandé à Mme [V] de lui adresser un écrit circonstancié concernant les faits, afin d’être en mesure de les appréhender.

Il résulte du compte rendu du CHSCT du19 décembre 2014 que la DRH avait d’abord été incitée à entendre les protagonistes collectivement, puis qu’il a été décidé de mettre en oeuvre une procédure d’enquête suivie par la direction, assistée d’un délégué du personnel et d’un membre du CHSCT.

Cette enquête a conclu à l’absence de harcèlement subi par Mme [V], relevant par ailleurs qu’elle avait changé de lieu de travail.

Il résulte des mails qu’elle a adressés à la DRH que Mme [V] a dû revenir à plusieurs reprises vers elle pour être informée des suites réservées à son signalement.

Alors que dans son courrier du 26 juin 2014 elle imputait les faits à plusieurs personnes, elle a été affectée au parc [Adresse 7], site sur lequel M.[S] travaillait deux jours par semaine. Elle en a informé la direction dans son courrier du 15 septembre 2014, sans qu’aucune suite à celui-ci ne soit justifiée.

Le recensement des tailles des agents a été prévu sur le site de [Adresse 5], le 18 mai 2015 en ce qui concerne Mme [V], sans aucune mesure particulière alors que cela lui imposait d’y retourner et qu’elle était susceptible de rencontrer les personnes qu’elle avait mises en cause.

La SAEMES qui ne justifie donc pas avoir pris les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale de Mme [V], a manqué à son obligation de sécurité.

La SAEMES sera en conséquence condamnée à verser à Mme [V] la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur les intérêts

Conformément aux dispositions des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, les créances salariales portent intérêts au taux légal à compter de la réception par la société de la convocation à comparaître devant le bureau de conciliation du conseil de prud’hommes, et les dommages et intérêts alloués à compter de la présente décision.

Sur les dépens et frais irrépétibles

La SAEMES qui succombe supportera les dépens et sera condamnée à verser à Mme [V] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

INFIRME le jugement du conseil de prud’hommes, sauf en ce qu’il a dit le licenciement nul et a condamné la société d’Economie Mixte d’Exploitation de la ville de [Localité 6] à verser à Mme [V] la somme de 3 330 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis et celle de 333 euros au titre des congés payés afférents,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,

CONDAMNE la société d’Economie Mixte d’Exploitation de la ville de [Localité 6] à verser à Mme [V] épouse [W] les sommes suivantes :

– 20 000 euros au titre de l’indemnité pour licenciement nul,

– 3 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre du harcèlement moral,

– 3 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre du harcèlement sexuel,

– 2 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre des agissements sexistes,

– 3 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre du manquement à l’obligation de sécurité,

avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision,

CONDAMNE la société d’Economie Mixte d’Exploitation de la ville de Paris aux dépens,

CONDAMNE la société d’Economie Mixte d’Exploitation de la ville de [Localité 6] à payer à Mme [V] épouse [W] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE

 


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