La société Crédipar a conclu un contrat de location avec option d’achat avec Mme [K] pour un véhicule Citroën C3 d’une valeur de 19 364,44 euros, avec des loyers mensuels de 305,62 euros et une option d’achat de 11 045,687 euros. En raison de mensualités impayées, Crédipar a mis en demeure Mme [K] et a résilié le contrat. Elle a ensuite assigné Mme [K] en justice pour obtenir le paiement d’une somme de 19 092,24 euros, ainsi que la restitution du véhicule. Le juge des contentieux de la protection a condamné Mme [K] à payer 5 838,16 euros sans intérêts et à restituer le véhicule, tout en rejetant la demande de Crédipar pour des intérêts et des frais. Crédipar a interjeté appel, demandant le paiement intégral de la somme initiale et des intérêts. La cour a confirmé certaines décisions du jugement initial tout en condamnant Mme [K] à payer 15 387,49 euros avec intérêts, tout en précisant que le prix de revente du véhicule serait déduit des sommes dues. La demande de Crédipar au titre de l’article 700 a été rejetée, et Mme [K] a été condamnée aux dépens.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
DE RIOM
Troisième chambre civile et commerciale
ARRET N°
DU : 25 Septembre 2024
N° RG 23/01719 – N° Portalis DBVU-V-B7H-GCVM
ACB
Arrêt rendu le vingt cinq Septembre deux mille vingt quatre
Décision dont appel : Jugement au fond, origine Juge des contentieux de la protection d’AURILLAC, décision attaquée en date du 03 Mai 2023, enregistrée sous le n° 23/00001
COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :
Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre
Mme Virginie THEUIL-DIF, Conseiller
Madame Anne Céline BERGER, Conseiller
En présence de : Mme Cécile CHEBANCE, Greffier placé, lors de l’appel des causes et Mme Christine VIAL, Greffier, lors du prononcé
ENTRE :
La société CREDIPAR
SA immatriculée au RCS de Versailles sous le n° 317 425 981
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentants : Maître Xavier BARGE, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND (postulant) et Maître Amélie GONCALVES, de la SELARL LEVY-ROCHE-SARDA, avocat au barreau de LYON (plaidant)
APPELANTE
ET :
Mme [C] [K]
[Adresse 3]
[Localité 1]
Non représentée, assignée à étude
INTIMÉE
DÉBATS :
Après avoir entendu en application des dispositions de l’article 786 du code de procédure civile, à l’audience publique du 12 Juin 2024, sans opposition de leur part, les avocats des parties, Madame THEUIL-DIF et Madame BERGER, magistrats chargés du rapport, en ont rendu compte à la Cour dans son délibéré.
ARRET :
Prononcé publiquement le 25 Septembre 2024 par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre, et par Mme Christine VIAL, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Suivant contrat conclu le 15 octobre 2020, la société Crédipar a consenti à Mme [C] [K] une location avec option d’achat sur un véhicule de marque Citroën modèle C3 BLUE HDI d’une valeur de 19 364,44 euros pour une durée de 36 mois moyennant des loyers de 305,62 euros et une option d’achat en fin de contrat de 11 045,687 euros.
Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 13 décembre 2021, la société Crédipar a mis en demeure Mme [K] de s’acquitter des mensualités impayées et a, par courrier du 24 décembre 2021 prononcé la résiliation du contrat.
Par acte d’huissier en date du 6 janvier 2023, la société Crédipar, a fait assigner Mme [K] devant le juge des contentieux de la protection d’Aurillac aux fins d’obtenir sa condamnation au paiement d’une somme de 19 092,24 euros outre intérêts au taux légal à compter du 13 décembre 2021 et du 24 décembre 2021, outre la restitution du véhicule C3 et sa condamnation à lui payer la somme de 350 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Lors de l’audience devant le JCP, celui-ci a soulevé tous les moyens relatifs à la déchéance du droit à intérêts.
Par jugement réputé contradictoire du 3 mai 2023, le JCP a :
– déclaré recevable l’action en paiement introduite par la société Crédipar à l’encontre de Mme [K] ;
– condamné Mme [K] à payer à la société Crédipar la somme de 5.838,16 euros ;
– dit que cette somme ne produira aucun intérêt même au taux légal ;
– condamné Mme [K] à restituer à la société Crédipar le véhicule de marque Citroën modèle C3, objet du contrat de location résilié ainsi que les pièces administratives afférentes dans un délai d’un mois à compter de la signification du présent jugement ;
– rejeté la demande de condamnation de Mme [K] à payer à la société Crédipar la somme de 300 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné Mme [K] aux dépens ;
– rejeté toute autre demande ;
– rappelé que l’exécution provisoire est de droit.
Le tribunal a énoncé principalement que l’action de la société Crédipar était recevable ; que sa créance était fondée en son principe ; qu’en l’absence de vérification de la solvabilité de Mme [K] il y avait lieu de prononcer la déchéance totale du droit aux intérêts, la somme restant due au loueur, après imputation du prix de revente, étant de 5 838,16 euros.
La société Crédipar a interjeté appel de cette décision le 9 novembre 2023.
Par conclusions déposées le 6 février 2024 et signifiées le 14 février 2024, l’appelante demande à la cour, vu l’article L.312-40 du code de la consommation, de :
– infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 3 mai 2023 par le JCP d’Aurillac sauf en ce qu’il a :
‘ déclaré recevable son action en paiement introduite ;
‘ condamné Mme [K] à lui restituer le véhicule de marque CITROEN modèle C3 objet du contrat de location résilié ainsi que les pièces administratives afférentes dans un délai d’un mois à compter de la signification du présent jugement ;
‘ condamné Mme [K] aux dépens ;
– statuant à nouveau et y ajoutant :
– condamner Mme [K] à lui payer au titre du contrat du 15 octobre 2020, la somme de :
‘ 19.092,24 euros outre les intérêts au taux légal à compter du 13 décembre 2021 ;
‘ 850 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile en cause d’appel ;
– condamner Mme [K] à lui restituer le véhicule de marque Citroën modèle C3 objet du contrat de location résilié ainsi que les pièces administratives afférentes dans un délai d’un mois à compter de la signification du jugement ;
– condamner Mme [K] aux entiers dépens de l’appel.
Elle soutient que, sauf anomalies ou informations manifestement inexactes, le banquier est en droit de se fier aux informations qui lui sont communiquées par l’emprunteur ; que la situation patrimoniale des emprunteurs doit être appréciée au jour de la conclusion du contrat et que le crédit n’est pas excessif s’il ne dépasse par 33 % des revenus. Elle déclare que Mme [K] a rempli et signé une fiche de dialogue dans laquelle elle a indiqué percevoir 1 200 euros par mois ; qu’elle a sollicité la communication de différentes pièces justificatives établissant que le remboursement d’une échéance de 241,07 euros était en adéquation avec ses capacités financières de sorte que la déchéance du droit aux intérêts n’est pas encourue. Enfin, elle fait valoir que la revente du véhicule n’est pas intervenue de sorte qu’il n’y avait pas lieu de soustraire le prix du véhicule.
Mme [K], à qui la SA Crédipar a signifié sa déclaration d’appel et ses conclusions le 14 février 2024 (à étude), n’a pas constitué avocat.
Il sera renvoyé pour l’exposé complet des demandes et moyens de l’appelante, à ses dernières conclusions.
La procédure a été clôturée le 6 juin 2024.
L’offre préalable ayant été signée le 15 octobre 2020, le litige est soumis aux dispositions du code de la consommation dans sa rédaction et codification postérieures à l’entrée en vigueur de l’ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016.
Sur la vérification de la solvabilité de la débitrice :
L’article L. 312-16 du code de la consommation dispose que avant de conclure le contrat de crédit, le prêteur vérifie la solvabilité de l’emprunteur à partir d’un nombre suffisant d’informations, y compris des informations fournies par ce dernier à la demande du prêteur.
Plus précisément, l’article L. 312-17 dudit code prévoit que lorsque les opérations de crédit sont conclues sur le lieu de vente ou au moyen d’une technique de communication à distance, une fiche d’informations distincte de la fiche mentionnée à l’article L. 311-6 est remise par le prêteur ou par l’intermédiaire de crédit à l’emprunteur. Cette fiche, établie par écrit ou sur un autre support durable, comporte notamment les éléments relatifs aux ressources et charges de l’emprunteur ainsi que, le cas échéant, aux prêts en cours contractés par ce dernier. Ladite fiche est signée ou son contenu est confirmé par voie électronique par l’emprunteur et contribue à l’évaluation de sa solvabilité par le prêteur. Les informations figurant dans la fiche doivent faire l’objet d’une déclaration certifiant sur l’honneur leur exactitude. Cette fiche est conservée par le prêteur pendant toute la durée du prêt. Si le montant du crédit accordé est supérieur à un seuil défini par décret, la fiche doit être corroborée par des pièces justificatives dont la liste est définie par décret.
Il ressort des dispositions combinées des articles D. 312-7 et D. 312-8 dudit code que le seuil mentionné à l’article L. 311-10 du code de la consommation est fixé à 3 000 euros et que les pièces justificatives à jour à produire au moment de l’établissement de la fiche d’information mentionnées à l’article L. 311-10 sont les suivantes :
1° Tout justificatif du domicile de l’emprunteur ; et
2° Tout justificatif du revenu de l’emprunteur ; et
3° Tout justificatif de l’identité de l’emprunteur.
Par ailleurs, dans le but également de s’assurer de la solvabilité de l’emprunteur, l’article L. 312-16 du code de la consommation dispose qu’« avant de conclure le contrat de crédit, le prêteur consulte le fichier prévu à l’article L. 751-1, dans les conditions prévues par l’arrêté mentionné à l’article L. 751-6, sauf dans le cas d’une opération mentionnée au 1 de l’article L. 511-6 ou au 1 du I de l’article L. 511-7 du code monétaire et financier ».
Cette obligation repose sur la volonté d’inciter le prêteur à refuser l’octroi d’un crédit si la solvabilité de l’emprunteur est insuffisante et le crédit inadapté à sa situation.
Elle suppose une démarche pro-active du prêteur consistant à demander, obtenir et analyser les justificatifs de l’emprunteur au titre de ses ressources et charges, les seules ressources ne permettant pas d’évaluer une solvabilité. Il appartient aux juges du fond de déterminer en fonction des circonstances de l’espèce, et notamment du montant et de la nature du crédit, les informations, ainsi que la nature et le nombre de pièces que le prêteur doit raisonnablement exiger.
Les dispositions de l’article L.341-2 du code de la consommation prévoient la déchéance, partielle ou totale du droit aux intérêts contractuels du prêteur dès lors qu’il ne justifie pas avoir effectivement vérifié la solvabilité de l’emprunteur, quelles que soient les capacités réelles de remboursement de celui-ci ou en l’absence de consultation du FICP.
En l’espèce, la société Crédipar a consenti le 15 octobre 2020 à Mme [K] un contrat de location avec option d’achat portant sur un véhicule C3 Blue HDI 100 d’un montant de 19 363,44 euros. La durée de location était de 36 mois avec une option d’achat de 57,044 % du prix du véhicule.
Une fiche de dialogue a été signée par Mme [K], emprunteur, le 15 octobre 2020, celle-ci ayant certifié sur l’honneur que les renseignements y figurant, en particulier ceux relatifs à son identité, ses charges et ses ressources, étaient exacts et ne comportaient aucune omission.
Elle a déclaré être née en 1982, être célibataire et avoir un emploi dans le secteur public pour une rémunération mensuelle de 1 200 euros.. Les ressources ont été attestées au moyen de pièces justificatives (bulletins de salaire et avis d’imposition). Elle a justifié également de son identité et de son domicile.
Au niveau des charges, l’intéressée n’a déclaré avoir aucune charge, notamment au titre de son loyer ou d’autres crédits en cours.
Ainsi, au regard des éléments déclarés et justifiés, la charge du crédit n’induisait pas un risque d’endettement excessif au regard de son revenu moyen mensuel de 1 200 euros .
Dans ces conditions, la société Crédipar justifie avoir vérifié la solvabilité de Mme [K] de façon réelle et sérieuse et à partir d’un nombre suffisant d’informations préalablement à la signature du contrat de prêt.
S’agissant de la consultation du FICP, les pièces versées au débats établissent que si la société Crédipar justifie avoir consulté le FCC (Fichier Central des Chèques) le 15 octobre 2020, elle ne justifie pas avoir consulté le FICP. Si ces deux fichiers sont des fichiers tenus par la banque de France, ils ont des finalités différentes et le fichage dans l’un de ces fichiers n’entraîne pas le fichage dans le second.
Dès lors, en l’absence de preuve de consultation du FICP par la banque, la société Crédipar sera déchue de son droit à intérêts.
En conséquence, le jugement qui a prononcé la déchéance du droit aux intérêts sera confirmé par substitution de motifs.
Sur le montant de la créance :
En application des dispositions de l’article L. 341-8 du code de la consommation, lorsque le prêteur est déchu du droit aux intérêts dans les conditions prévues aux articles L. 341-1 à L. 341-7, l’emprunteur n’est tenu qu’au seul remboursement du capital suivant l’échéancier prévu, ainsi que, le cas échéant, au paiement des intérêts dont le prêteur n’a pas été déchu.
Les sommes déjà perçues par le prêteur au titre des intérêts, qui sont productives d’intérêts au taux de l’intérêt légal à compter du jour de leur versement, sont restituées par le prêteur ou imputées sur le capital restant dû.
Pour la location avec option d’achat, en cas de déchéance du droit aux intérêts, le débiteur n’est tenu qu’au remboursement du seul capital restant dû après déduction des intérêts réglés à tort, conformément à l’article L.312-40 du code de la consommation. Cette déchéance s’étend aux frais, indemnités, commissions et assurances.
Ainsi, pour fixer le montant des sommes dues par l’emprunteur, il convient de soustraire des financements les versements effectués de déduire de la valeur d’origine du bien loué, le montant des loyers réglés et le prix de revente du véhicule loué lorsqu’il a été restitué et encaissé par le crédit-bailleur (Cass Civ. 1e, 1er décembre 1993, n° 91-20.894).
En l’espèce, il ressort des pièces produites que le véhicule n’a pas encore été restitué par Mme [K] à la société Crédipar et n’a donc pas pu être vendu.
Aussi, au vu des pièces justificatives produites, la créance de la société Crédipar s’établit de la façon suivante (créance arrêtée au 9 juin 2022) :
– prix d’achat du véhicule : 19 636,44 euros
– versements effectués par Mme [K] au regard du décompte produit par la société Crédipar (pièce 4) : – 4 248,95 euros
soit la somme de : 15 387,49 euros.
Mme [K] sera donc condamnée à payer à la société Crédipar la somme de 15 387,49 euros.
En revanche, le prêteur, bien que déchu de son droit aux intérêts, demeure fondé à solliciter le paiement des intérêts au taux légal, en vertu de l’article 1231-6 du code civil, à compter du 6 janvier 2023, date de l’assignation (la mise en demeure du 13 décembre 2021 n’ayant pas été réceptionnée par la débitrice). Le jugement déféré sera donc infirmé en ce qu’il a dit que la condamnation ne portera pas intérêts, même au taux légal.
Enfin, Mme [K] sera condamnée à restituer à la société Crédipar le véhicule Citroën C3 objet du contrat ainsi que les pièces administratives afférentes dans le délai d’un mois à compter de la signification du présent arrêt. Le prix de revente du véhicule sera ensuite déduit des sommes dues par Mme [K] lorsque le véhicule aura été restitué et que la vente sera intervenue.
-Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile
Succombant à l’instance, Mme [K] sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel.
Toutefois l’équité commande de ne pas faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
La cour, après en avoir délibéré, statuant par arrêt rendu par défaut, mis à la disposition des parties au greffe de la juridiction,
Confirme le jugement déféré en ce qu’il a :
– déclaré recevable l’action en paiement introduite par la société Crédipar à l’encontre de Mme [K] ;
– condamné Mme [K] à restituer à la société Crédipar le véhicule Citroën modèle C3 objet du contrat de location résilié ainsi que les pièces administratives afférentes dans le délai d’un mois à compter de la signification du jugement ;
L’infirme pour le surplus ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Condamne Mme [C] [K] à payer à la société Crédipar la somme de 15 387,49 euros avec intérêts au taux légal à compter du 6 janvier 2023 ;
Dit que le prix de revente du véhicule sera déduit des sommes dues par Mme [C] [K] à la société Crédipar ;
Déboute la société Crédipar de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile’;
Condamne Mme [C] [K] aux dépens de première instance et d’appel.
Le greffier, La présidente,