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Lors de la prise d’un local commercial aux fins de restauration / traiteur, attention à vérifier la conformité de la ventilation.
La responsabilité des prestataires de matériel réfrigéré peut être engagée. En la cause, l’utilisation du local réfrigéré aux fins de stockage de produits de charcuterie impliquait nécessairement de pouvoir nettoyer régulièrement cette pièce à grande eau et à l’eau sous pression, conformément aux conditions d’hygiène requises par les services vétérinaires et que ne pouvait prétendre ignorer la SARL Bizern spécialisée en installation d’armoires réfrigérées. Il appartenait donc à la SARL Bizern de réaliser des parois et des plinthes suffisamment étanches pour résister aux opérations de lavage à grande eau ou à l’eau sous pression telles que doivent les pratiquer les professionnels dans une usine de charcuterie. Par ailleurs, l’existence d’un siphon dans la pièce rappelait qu’elle devait pouvoir être nettoyée à grande eau. De même, la présence d’étanchéité par résine dans les locaux adjacents ne pouvait qu’attirer l’attention de la SARL Bizern sur la nécessité d’assurer une étanchéité similaire dans le local. Cette étanchéité devait être assurée par l’entreprise y compris en l’absence de demande spécialement exprimée en ce sens par le maître d’ouvrage. L’application d’un simple mastic en bas de cloisons a été insuffisante pour assurer la fonction d’étanchéité requise. Cette insuffisance technique est reconnue par la SARL Bizern qui ne peut prétendre être exonérée de sa responsabilité en soutenant dans ses écritures avoir « pensé que la résine serait posée après sa prestation ». |
→ Résumé de l’affaireLa SAS Roussillon Salaisons a confié à la SARL Bizern la fourniture et la mise en place de l’équipement frigorifique de son atelier de fabrication. Suite à des désordres allégués par la SAS Roussillon Salaisons, un litige est né concernant le paiement de la facture. Après une expertise judiciaire, le tribunal de commerce de Perpignan a condamné la SAS Roussillon Salaisons à payer à la SARL Bizern la somme de 30 024 euros TTC. La SAS Roussillon Salaisons a fait appel de ce jugement, mais a ensuite été placée en redressement judiciaire. La SARL Bizern a déclaré sa créance à la procédure collective et a demandé à la cour d’appel de confirmer le jugement initial. Les parties ont formulé des demandes contradictoires et l’affaire est en attente de jugement.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D’APPEL DE MONTPELLIER
3e chambre civile
ARRET DU 25 AVRIL 2024
Numéro d’inscription au répertoire général :
N° RG 19/07047 – N° Portalis DBVK-V-B7D-OMAS
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 01 OCTOBRE 2019
TRIBUNAL DE COMMERCE DE PERPIGNAN
N° RG 2019j100
APPELANTE :
S.A.S ROUSSILLON SALAISONS immatriculée au RCS de [Localité 6] sous le n°B 342 811 551 prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège social sis
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 6]
Représentée par Me Fanny LAPORTE de la SELARL LX MONTPELLIER, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et Me CODERCH, avocat au barreau desPYRÉNÉES ORIENTALES, avocat plaidant
INTIMEE :
S.A.R.L. BIZERN en la personne de son représentant légal domicilié ès qualités au siège
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 6]
Représentée par Me David DUPETIT de la SCP GIPULO – DUPETIT – MURCIA, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES
INTERVENANTES FORCÉES :
SELARL MJSA, prise en la personne de Me [Z] [D], ès qualités de mandataire judiciaire de la société ROUSSILLON SALAISONS, société placée en redressement judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Perpignan du 30/11/22
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Localité 6]
Représentée par Me Fanny LAPORTE de la SELARL LX MONTPELLIER, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et Me CODERCH, avocat au barreau des PYRÉNÉES ORIENTALES, avocat plaidant
SELARL FHBX, prise en la personne de Me [I] [C], ès qualités d’administrateur judiciaire de la société ROUSSILLON SALAISONS, placée en redressement judiciaire selon jugement du tribunal de commerce de Perpignan du 30/11/22
[Adresse 4]
[Localité 6]
Représentée par Me Fanny LAPORTE de la SELARL LX MONTPELLIER, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et Me CODERCH, avocat au barreau des PYRÉNÉES ORIENTALES, avocat plaidant
Ordonnance de clôture du 24 Janvier 2024
COMPOSITION DE LA COUR :
En application de l’article 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 14 février 2024, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l’article 804 du même code, devant la cour composée de :
M. Gilles SAINATI, président de chambre
M. Fabrice DURAND, conseiller
Mme Emmanuelle WATTRAINT, conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : M. Salvatore SAMBITO
ARRET :
– contradictoire ;
– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
– signé par M. Gilles SAINATI, président de chambre, et par Mme Hélène ALBESA, greffier.
EXPOSE DU LITIGE
La SAS Roussillon Salaisons exerce une activité de fabrication et de commercialisation de charcuterie dans des locaux dont elle est propriétaire sis [Adresse 1] à [Localité 6] (Pyrénées-Orientales).
Selon devis n°16000522 du 8 septembre 2016, la SAS Roussillon Salaisons a confié à la SARL Bizern la fourniture et la mise en place de l’équipement frigorifique de l’atelier de fabrication de l’usine au prix de 23 670 euros HT.
L’ouvrage a été réceptionné sans réserve le 23 novembre 2016.
La facture n°5429 des travaux de 25 020 euros HT (30 024 euros TTC) a été adressée le 20 décembre 2016 par la SARL Bizern à la SAS Roussillon Salaisons qui ne l’a pas payée.
La SARL Bizern mettait en demeure le 27 mars 2017 la SAS Roussillon Salaisons de payer cette facture.
Par courrier recommandé du 4 avril 2017, la SAS Roussillon Salaisons notifiait à la SARL Bizern son refus de payer la facture tant que les désordres qu’elle avait évoqués dans un courriel du 21 mars 2017 n’étaient pas réparés : présence d’humidité dans les pièces de stockage créées, dysfonctionnement de la porte d’accès et étanchéité à l’eau en bas de cloisons.
Par courrier recommandé du 11 avril 2017, la SARL Bizern contestait l’existence des désordres allégués par la SAS Roussillon Salaisons et la mettait en demeure de payer la facture à hauteur de 95 % des travaux, soit la somme de 28 522,80 euros TTC.
Par courrier recommandé du 31 juillet 2017, la SARL Bizern mettait à nouveau en demeure la SAS Roussillon Salaisons de lui payer le solde des travaux réalisés de 30 024 euros TTC.
Par acte d’huissier signifié le 21 septembre 2017, la SARL Bizern a fait assigner la SAS Roussillon Salaisons devant le juge des référés du tribunal de commerce de Perpignan aux fins de voir ordonner une expertise judiciaire sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile.
Par ordonnance du 4 décembre 2017, le juge des référés ordonnait une expertise judiciaire confiée à M. [G] [N].
L’expert judiciaire a déposé son rapport le 31 octobre 2018.
Par acte d’huissier du 27 février 2019, la SARL Bizern a fait assigner la SAS Roussillon Salaisons devant le tribunal de commerce de Perpignan en paiement du solde du prix du contrat d’entreprise conclu avec elle le 8 septembre 2016.
Par jugement du 1er octobre 2019, le tribunal de commerce de Perpignan a :
‘ condamné la SAS Roussillon Salaisons à payer à la SARL Bizern la somme principale de 30 024 euros TTC, outre la somme de 40 euros à titre d’indemnité de recouvrement ;
‘ condamné la SARL Bizern à prendre à sa charge les travaux de 3 000 euros TTC ;
‘ condamné la SAS Roussillon Salaisons à payer à la SARL Bizern la somme de 1 000 euros au titre de la clause pénale ;
‘ dit qu’il y avait lieu de procéder à la compensation de ces sommes ;
‘ condamné la SAS Roussillon Salaisons à payer à la SARL Bizern la somme de 28 064 euros ;
‘ condamné la SAS Roussillon Salaisons au paiement des intérêts de retard au taux légal depuis la première mise en demeure ;
‘ débouté la SAS Roussillon Salaisons de ses autres demandes ;
‘ dit n’y avoir lieu à exécution provisoire de la décision ;
‘ condamné la SAS Roussillon Salaisons à payer à la SARL Bizern 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
‘ qui lui sera versée par la SAS Roussillon Salaisons ;
‘ condamné la SAS Roussillon Salaisons aux dépens de l’instance, dans lesquels seront compris les frais et taxes y afférant et notamment ceux de greffe liquidés selon tarif en vigueur, ainsi que les frais d’expertise judiciaire.
Par déclaration au greffe formée le 25 octobre 2019, la SAS Roussillon Salaisons a relevé appel de ce jugement.
Par jugement du 30 novembre 2022, le tribunal de commerce de Perpignan a placé la SAS Roussillon Salaisons en redressement judiciaire et désigné la SELARL FHB et la SELARL MJSA respectivement comme administrateur et mandataire judiciaires.
La SARL Bizern a régulièrement déclaré sa créance à la procédure collective le 12 janvier 2023 à hauteur de 34 149,94 euros et a fait assigner le 20 février 2023 la SELARL FHB et la SELARL MJSA en intervention forcée devant la cour d’appel.
Par jugement du 26 juillet 2023, le tribunal de commerce de Perpignan a autorisé la cession des actifs de la SAS Roussillon Salaisons à la SAS Les Goûts du Sud et la conclusion d’un bail commercial entre les deux parties précitées
Vu les dernières conclusions de la SAS Roussillon Salaisons, de la SELARL MJSA et de la SELARL FHB déposées au greffe le 22 janvier 2024 aux termes desquelles elles sollicitent l’infirmation du jugement en toutes ses dispositions et demandent à la cour, statuant à nouveau sur le fondement des articles 1792 et suivants et 1103 et suivants du code civil de :
‘ condamner la SARL Bizern à verser la somme de 30 625,98 euros TTC au titre des coûts des travaux de réfection des désordres, avec intérêt au taux légal à compter du dépôt du rapport d’expertise le 31 octobre 2018 ;
‘ condamner la SARL Bizern à verser la somme de 10 000 euros au titre de la perte de produits ;
‘ rejeter la demande de la SARL Bizern de faire partir les intérêts sur sa facture depuis la première mise en demeure ;
‘ ordonner la compensation entre les dettes et créances réciproques des parties ;
Et y ajoutant,
‘ de condamner la SARL Bizern aux dépens de l’instance dont distraction au profit des avocats de la cause ;
‘ de condamner la SARL Bizern à leur payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Vu les dernières conclusions de la SARL Bizern déposées au greffe le 11 décembre 2023 aux termes desquelles elle demande à la cour :
‘ de confirmer le jugement en ce qu’il a jugé qu’elle était créancière de la SAS Roussillon Salaisons à hauteur de 31 064 euros outre les intérêts de retard au taux légal depuis la première mise en demeure et de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et statuant à nouveau ;
‘ d’infirmer le jugement pour le surplus ;
Statuant à nouveau,
‘ de déclarer irrecevable les demandes de SAS Roussillon Salaisons pour défaut de qualité à agir ;
‘ de fixer au passif privilégié (au vu du nantissement sur fonds de commerce opéré) du redressement judiciaire de la SAS Roussillon Salaisons les créances suivantes de la SARL Bizern :
– 30 024 euros au titre du paiement du solde de facture dû ;
– 40 euros à titre d’indemnité forfaitaire de recouvrement ;
– 4 503,60 euros au titre de la clause pénale ;
– les intérêts de retard au taux légal du 11 avril 2017 au 30 novembre 2022, soit 5 538,49 euros ;
‘ de débouter la SAS Roussillon Salaisons de l’ensemble de ses demandes ;
‘ subsidiairement de cantonner les réclamations de la SAS Roussillon Salaisons aux sommes de 3 000 euros en réparation du désordre d’infiltration en pied de cloison et de 2 500 euros en réparation du désordre affectant la ventilation du local de stockage ;
‘ d’ordonner la compensation des créances réciproques ;
Et y ajoutant,
‘ de fixer les dépens au passif privilégié du redressement judiciaire de la SAS Roussillon Salaisons en ce incluant les dépens de référé, les frais d’expertise, les frais de première instance et d’appel ;
‘ de condamner la SAS Roussillon Salaisons et la SELARL MJSA ès-qualités de mandataire judiciaire de la SAS Roussillon Salaisons à payer à la SARL Bizern la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
‘ de déclarer le jugement opposable à la SELARL MJSA en sa qualité de mandataire judiciaire de la SAS Roussillon Salaisons et à la SELARL FHB en sa qualité d’administrateur judiciaire de la SAS Roussillon Salaisons.
Pour plus ample exposé des éléments de la cause, moyens et prétentions des parties, il est fait renvoi aux écritures susvisées, conformément à l’article 455 du code de procédure civile.
L’instruction a été clôturée par ordonnance du 24 janvier 2024.
A titre liminaire, il convient de rappeler que, conformément aux dispositions du troisième alinéa de l’article 954 du code de procédure civile, les demandes tendant simplement à voir « constater », « rappeler » ou « dire et juger » ne constituent pas des demandes en justice visant à ce qu’i1 soit tranché sur un point litigieux mais des moyens, de sorte que la cour n’y répondra pas dans le dispositif du présent arrêt.
Sur la fin de non-recevoir soulevée par la SARL Bizern contre la SAS Roussillon Salaisons pour défaut de qualité à agir,
La SARL Bizern soutient que suite au jugement du 26 juillet 2023 arrêtant le plan de cession, l’acquisition par la SAS Les Goûts du Sud de tous les éléments corporels et incorporels attachés au fonds de commerce de la SAS Roussillon Salaisons aurait fait perdre à cette dernière sa qualité à agir contre elle sur le fondement du marché d’entreprise du 8 septembre 2016.
Il ressort cependant des pièces versées aux débats que la SAS Roussillon Salaisons est demeurée propriétaire des locaux sis [Adresse 1] à [Localité 6] qu’elle a achetés le 28 mai 2003.
La cession du fonds de commerce à la SAS Les Goûts du Sud et la conclusion d’un bail commercial avec cette dernière à compter du 1er septembre 2023 n’ont donc pas privé la SAS Roussillon Salaisons de sa qualité à agir en réparation de désordres affectant l’immeuble dont elle est propriétaire suite à l’exécution du contrat d’entreprise conclu le 6 septembre 2016.
En conséquence, le jugement déféré doit être confirmé en ce qu’il a déclaré recevable l’action exercée par la SAS Roussillon Salaisons contre la SARL Bizern.
Sur les demandes en réparation des désordres formées par la SAS Roussillon Salaisons,
La SAS Roussillon Salaisons vise formellement dans le dispositif de ses conclusions à la fois l’article 1792 du code civil et les articles 1103 et suivants du code civil.
Toutefois, dans les motifs de ces mêmes conclusions, la SAS Roussillon Salaisons ne développe que les conditions d’application de l’article 1147 du code civil quant à la faute et au préjudice causé par cette faute, sans jamais évoquer l’article 1792 du code civil.
Le marché de travaux confié le 8 septembre 2016 à la SARL Bizern porte sur la fourniture et la réalisation d’un équipement frigorifique comportant les éléments suivants :
‘ refroidissement des postes positifs : évaporateurs à double flux, équipement frigorifique de chaque chambre froide ou laboratoire, autres matériels (tubes et supportage) et ouvrages d’électricité/régulation/GTC ;
‘ isolation frigorifique des postes positifs : local de conditionnement, local d’étiquetage, chambre froide stockage, local de stockage emballage et déplacement de la hotte d’aspiration du bain de thermo-rétraction.
Ce devis excluait expressément tous travaux ne concernant pas le corps de métier, le contrôle par un organisme agréé, les renforcements éventuels de charpente et les éclairages.
Dans le silence du marché d’entreprise du 8 septembre 2016 quant aux caractéristiques de l’ouvrage litigieux en matière d’étanchéité en pied de cloison et de ventilation, il appartenait au constructeur d’édifier un ouvrage conforme aux normes en vigueur et adapté à la destination que lui réservait le maître de l’ouvrage.
La SAS Roussillon Salaisons soutient que les ouvrages réalisés en application de ce marché sont affectés de deux désordres :
‘ l’absence de ventilation de la pièce créée ;
‘ l’absence d’étanchéité en pied de cloisons.
Sur l’absence de ventilation de la pièce créée,
Ainsi que l’a relevé l’expert judiciaire, la SAS Roussillon Salaisons n’a jamais évoqué avec la SARL Bizern la question du traitement de l’air du local technique stockage/emballage lors des discussions techniques préalables à la conclusion du marché.
La SAS Roussillon Salaisons, entreprise spécialisée dans la fabrication de produits de charcuterie, a pris soin de joindre au devis du 8 septembre 2016 toutes les données physiques de base à prendre en compte excluant toute exigence particulière en matière de traitement de l’humidité.
Contrairement aux affirmations de la société appelante, l’expert judiciaire n’a jamais indiqué que « cet équipement doit impérativement être installé, car il est un élément essentiel pour permettre la maîtrise des conditions atmosphériques de la pièce et lutter contre les apparitions de moisissures ».
Bien au contraire, l’expert judiciaire a constaté la présence de moisissures sur une porte de l’ancien local de stockage/emballage pourtant équipé d’un système de ventilation. Ce constat démontre que les moisissures préexistaient et que leur survenue n’est pas liée à un défaut de ventilation affectant le nouveau local.
L’expert judiciaire conclut que « en l’état de nos investigations, l’origine de ce développement des moisissures n’est pas cernée » et ajoute que « le sec n’est pas réalisable » en présence d’une température basse de 13/14°C.
Le refus de la SAS Roussillon Salaisons de verser aux débats et de communiquer à l’expert judiciaire le dossier des services vétérinaires confirme l’absence d’exigence particulière en matière d’hygrométrie et de ventilation des locaux.
La SAS Roussillon Salaisons ne démontre donc pas la violation par le constructeur d’une quelconque norme réglementaire afférente à la ventilation du local.
Enfin, il ressort des termes du bail commercial accordé à partir du 1er septembre 2023 à la SAS Les Goûts du Sud par la SAS Roussillon Salaisons que cette dernière n’a pas informé le preneur d’un quelconque défaut de conformité des locaux loués à usage d’activité alimentaire.
La SAS Les Goûts du Sud a par ailleurs déclaré dans ce bail que « les locaux sont parfaitement adaptés aux activités qu’elle entend y exercer », activités dont la cour constate qu’elles sont identiques à celles précédemment exercées par la SAS Roussillon Salaisons.
Dans la mesure où la SAS Roussillon Salaisons ne justifie pas avoir installé la ventilation dont elle reproche l’absence à la SARL Bizern dans le cadre du présent litige, l’existence de ce bail commercial confirme les conclusions de l’expert judiciaire selon lesquelles aucun désordre de ventilation n’affecte le local emballage/stockage.
Il résulte des précédents développements qu’aucun désordre lié à l’absence de ventilation n’est démontré par la SAS Roussillon Salaisons.
Elle sera donc intégralement déboutée de ses demandes indemnitaires visant à faire installer un système de ventilation et à réparer la perte d’un stock d’un montant allégué de 10 000 euros, ce en quoi le jugement déféré sera confirmé.
Sur l’étanchéité en pied de cloisons,
L’expert judiciaire a confirmé dans son rapport l’absence d’étanchéité en bas de cloisons.
L’utilisation du local réfrigéré aux fins de stockage de produits de charcuterie impliquait nécessairement de pouvoir nettoyer régulièrement cette pièce à grande eau et à l’eau sous pression, conformément aux conditions d’hygiène requises par les services vétérinaires et que ne pouvait prétendre ignorer la SARL Bizern spécialisée en installation d’armoires réfrigérées.
Il appartenait donc à la SARL Bizern de réaliser des parois et des plinthes suffisamment étanches pour résister aux opérations de lavage à grande eau ou à l’eau sous pression telles que doivent les pratiquer les professionnels dans une usine de charcuterie.
Par ailleurs, l’existence d’un siphon dans la pièce rappelait qu’elle devait pouvoir être nettoyée à grande eau. De même, la présence d’étanchéité par résine dans les locaux adjacents ne pouvait qu’attirer l’attention de la SARL Bizern sur la nécessité d’assurer une étanchéité similaire dans le local.
Cette étanchéité devait être assurée par l’entreprise y compris en l’absence de demande spécialement exprimée en ce sens par le maître d’ouvrage.
L’application d’un simple mastic en bas de cloisons a été insuffisante pour assurer la fonction d’étanchéité requise. Cette insuffisance technique est reconnue par la SARL Bizern qui ne peut prétendre être exonérée de sa responsabilité en soutenant dans ses écritures avoir « pensé que la résine serait posée après sa prestation ».
La SARL Bizern a donc commis une faute en n’assurant pas l’étanchéité en bas de cloisons imposée par la destination de l’ouvrage, ou le cas échéant en ne s’assurant pas qu’une autre entreprise posait la résine d’étanchéité indispensable à l’ouvrage.
Toutefois, la cour relève aussi que l’audit réalisé les 12 et 13 juillet 2016 par Mérieux Nutrisciences dont la SAS Roussillon Salaisons verse aux débats les seules pages 13 et 14 insistait particulièrement sur l’étanchéité des locaux en ces termes :
« Les cloisons de la totalité du site de sont pas étanches (passage d’eau de lavage d’une zone à l’autre lors du nettoyage)
Recommandations :
Planifier très rapidement (en fonction de l’assurance du prestataire) la réfection de la résine au sol du secteur charcuterie.
Revoir très rapidement l’étanchéité des cloisons de la totalité du site ».
Ce rapport a été rapidement suivi de la pose d’une résine d’étanchéité à l’initiative de la SAS Roussillon Salaisons sur la totalité du site par l’EURL RSI qui a facturé cette prestation le 22 août 2016 pour 18 812,28 euros TTC.
Ces éléments détenus par la SAS Roussillon Salaisons mettant en évidence l’importance essentielle du traitement de l’étanchéité des cloisons du secteur charcuterie n’ont pas été communiqués à la SARL Bizern lors des discussions techniques préalables à la conclusion du contrat le 8 septembre 2016.
La SARL Bizern est parfaitement fondée à soutenir dans ses écritures que la SAS Roussillon Salaisons aurait dû lui communiquer ces éléments issus de l’audit réalisé les 12 et 13 juillet 2016 par Mérieux Nutrisciences
La SAS Roussillon Salaisons, maître d’ouvrage professionnel ayant entretenu de nombreux échanges avec les services administratifs et les experts compétents en matière de normes d’hygiène, a commis une faute en ne communiquant pas les documents techniques et administratifs à la SARL Bizern.
En effet, alors même qu’elle déclare avoir fait réaliser les travaux litigieux par la SARL Bizern à la suite d’un « contrôle par les services d’hygiène et de la santé, qui ont exigé que soient réalisés un certain nombre de travaux pour la mise aux normes de l’usine de fabrication », la SAS Roussillon Salaisons a elle-même contribué à la survenue de son propre préjudice en négligeant de communiquer ce rapport d’inspection des services d’hygiène ainsi que l’audit Mérieux Nutrisciences à la SARL Bizern.
Cette rétention de documents est fautive, la SAS Roussillon Salaisons n’ignorant pas que ces documents étaient de nature à faciliter et à sécuriser la conception du projet par la SARL Bizern.
En particulier, la remise de ces documents à la SARL Bizern aurait attiré son attention sur les normes réglementaires à respecter, et tout particulièrement sur la question de l’étanchéité des cloisons qui n’a pas été envisagée lors de l’élaboration du projet et n’a jamais été évoquée par la SAS Roussillon Salaisons qui avait pourtant dû traiter ce problème en urgence très récemment suite à l’audit Mérieux Nutrisciences de juillet 2016.
Cette abstention fautive commise par la SAS Roussillon Salaisons a contribué à hauteur de 50 % à la survenue de son préjudice.
L’expert judiciaire a évalué contradictoirement le coût de la pose de la résine d’étanchéité nécessaire à la somme de 3 000 euros TTC, soit 2 500 euros HT.
La cour observe que le coût de réalisation de l’étanchéité des cloisons figurant dans le devis établi par Thermelec 66 à la demande de la SAS Roussillon Salaisons pour un montant total de 18 737,27 euros TTC incluant un système de ventilation est en réalité de 1 572,49 euros HT (postes n°7 à n°10 et n°11 pour moitié du devis) et donc sensiblement inférieur à celui proposé par l’expert à hauteur de 2 500 euros HT.
La cour relève d’autre part que la SAS Roussillon Salaisons ne démontre pas qu’elle n’était pas soumise à la TVA (taux de 20 %) et qu’elle ne pouvait pas récupérer cette taxe payée en amont, ouvrant ainsi un droit à indemnisation limité à la somme hors taxes.
Toutefois, dans l’hypothèse où la cour ferait droit en tout ou partie aux réclamations de la SAS Roussillon Salaisons, la SARL Bizern accepte subsidiairement dans ses conclusions que le montant du préjudice soit fixé à hauteur de 3 000 euros pour le désordre d’infiltration en pied de cloisons.
Cette fixation du préjudice à la somme de 3 000 euros s’impose à la cour qui n’est pas autorisée à statuer infra petita.
Compte tenu de la faute commise par le maître d’ouvrage (50 %), il sera donc alloué à la SAS Roussillon Salaisons une indemnité de 3 000 euros x 50 % = 1 500 euros.
Le jugement déféré sera donc infirmé en ce sens.
Sur la demande en paiement formée par la SARL Bizern et sur la clause pénale,
La SAS Roussillon Salaisons reconnaît n’avoir jamais payé la facture n°5429 des travaux de 25 020 euros HT (30 024 euros TTC) établie le 20 décembre 2016 par la SARL Bizern.
Au regard de la procédure collective ouverte le 30 novembre 2022, il convient donc de fixer au passif de la SAS Roussillon Salaisons la somme de 30 024 euros TTC.
L’article 2-2 des conditions générales de vente et de garantie (CGVG) stipule que le solde du prix est payable au comptant au jour de la livraison.
En l’espèce, la réception des ouvrages a eu lieu le 23 novembre 2016 mais la facture n°5429 du 20 décembre 2016 précise que le règlement doit intervenir par chèque au plus tard le 20 janvier 2017.
Cette facture rappelait à la SAS Roussillon Salaisons les conditions générales de vente et de garantie applicables en cas de retard de paiement des sommes facturées sans nécessité de mise en demeure du débiteur :
‘ indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement de 40 euros (article 2-5 CGVG) ;
‘ intérêts au taux contractuel de 1,5 fois le taux légal à compter de l’échéance non respectée (article 2-5 CGVG) ;
‘ clause pénale de 15 % de la somme impayée.
La SARL Bizern est donc fondée à demander paiement de l’indemnité forfaitaire de 40 euros.
La SARL Bizern est également fondée à faire valoir la clause pénale de 15 % de la somme impayée dont l’application n’est aucunement contestée par la SAS Roussillon Salaisons dans ses écritures d’appel. Il sera donc alloué à la SARL Bizern la somme de 4 503,60 euros au titre de cette clause pénale.
La SARL Bizern ne sollicite pas dans ses écritures d’appel l’application des intérêts au taux majoré contractuellement prévu. La somme de 30 024 euros due par la SAS Roussillon Salaisons sera donc assortie des intérêts au taux légal à compter de l’échéance non respectée du 20 janvier 2017.
Le jugement déféré sera donc infirmé en ce sens.
Sur la compensation demandée par la SARL Bizern,
La SARL Bizern est fondée à solliciter la compensation entre sa dette de responsabilité de 1 500 euros envers la SAS Roussillon Salaisons et la créance de 4 503,60 euros au titre de cette clause pénale qu’elle-même détient sur cette société.
En conséquence, il sera procédé à la compensation entre ces deux sommes et la somme de 3 003,60 euros sera inscrite au passif de la SAS Roussillon Salaisons de ces chefs.
Sur les demandes accessoires,
La SAS Roussillon Salaisons succombe sur l’essentiel de ses demandes. Elle sera donc tenue de supporter les entiers dépens de première instance et d’appel.
L’équité commande de fixer au passif de la procédure de la SAS Roussillon Salaisons une indemnité de 1 500 euros en première instance et de 3 000 euros en cause d’appel sur le fondement l’article 700 du code de procédure civile.
La cour,
Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions soumises à la cour à l’exception de celle ayant déclaré recevable l’action exercée par la SAS Roussillon Salaisons contre la SARL Bizern et de celle ayant rejeté la demande de réparation du désordre lié à l’absence de ventilation et à la destruction de produits stockés ;
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés tout en reprenant les dispositions confirmées du jugement pour une meilleure compréhension du dispositif du présent arrêt,
Condamne la SARL Bizern à payer à la SAS Roussillon Salaisons la somme de 1 500 euros en réparation du désordre d’étanchéité ;
Dit que la SAS Roussillon Salaisons est tenue de payer à la SARL Bizern la somme de 4 503,60 euros par application de la clause pénale contractuelle ;
Ordonne la compensation entre les deux créances réciproques précitées entre la SAS Roussillon Salaisons et la SARL Bizern ;
Déboute la SAS Roussillon Salaisons de ses autres demandes indemnitaires à l’encontre de la SARL Bizern ;
Fixe au passif de la SAS Roussillon Salaisons, sous réserve du montant de 34 149,94 euros déclaré le 12 janvier 2023 par la SARL Bizern à la procédure collective de la SAS Roussillon Salaisons, les sommes suivantes au profit de la SARL Bizern :
‘ 30 024 euros TTC en paiement du prix du marché du 8 septembre 2016 outre les intérêts au taux légal à compter du 20 janvier 2017 ;
‘ 40 euros indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement ;
‘ 3 003,60 euros après compensation entre les sommes précitées ;
‘ 1 500 euros d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en première instance ;
‘ 3 000 euros d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en appel ;
‘ les entiers dépens de première instance et d’appel en ce compris les frais d’expertise ;
Déclare le présent arrêt opposable à la SELARL MJSA ès qualités de mandataire judiciaire de la SAS Roussillon Salaisons et à la SELARL FHB ès qualités d’administrateur judiciaire de la SAS Roussillon Salaisons.
le greffier le président