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Se trouvé adjudicataire d’une oeuvre d’art (par téléphone) et ne pas en payer le prix expose non seulement à la résolution de la vente mais également au paiement des frais et de la commission d’enchères.
En matière de vente aux enchères, l’article L. 321-14 aliéna 3 du code de commerce, « A défaut de paiement par l’adjudicataire, après mise en demeure restée infructueuse, le bien est remis en vente à la demande du vendeur sur réitération des enchères ; si le vendeur ne formule pas cette demande dans un délai de trois mois à compter de l’adjudication, la vente est résolue de plein droit, sans préjudice de dommages et intérêts dus par l’adjudicataire défaillant ». Le préjudice de la maison d’enchères tient aussi à la perte de la commission qu’elle devait percevoir sur la vente. De plus, l’adjudicataire, professionnelle du marché de l’art, ne peut ignorer, du fait de son activité, le paiement de frais par le propriétaire de l’oeuvre, en cas de vente réalisée. |
Résumé de l’affaire :
Contexte de la vente aux enchèresLe 15 octobre 2020, la SAS Cornette de Saint Cyr Maison de ventes (CSCMV) a organisé une vente aux enchères consacrée aux arts de l’Asie, présentant notamment une statuette de la déité Vasudhara (lot n° 60) et une statuette de la déité Surya (lot n° 62). Un mandat de vente a été établi avec la succession d'[M] [L], stipulant une commission de 12 % TTC pour la CSCMV. Enchères et paiement partielLa société [O] Galleries Inc, représentée par son gérant M. [P] [O], a enchéri par téléphone et a remporté les deux lots pour des montants respectifs de 70.000 euros pour le lot n° 60 et de 2.500 euros pour le lot n° 62, hors commission. Cependant, le 7 décembre 2020, la CSCMV a mis en demeure la société [O] de régler les sommes dues, ce qui a conduit à un paiement partiel de 19.970 euros le 8 janvier 2021. Demande de résolution de la venteLe 18 octobre 2021, face à l’absence de paiement du solde, la succession d'[M] [L] a demandé la résolution de la vente du lot n° 60, conformément à l’article L. 321-14 du code de commerce. Le 11 mars 2022, le tribunal a autorisé la CSCMV à procéder à une saisie conservatoire sur le lot n° 62 et sur une somme de 16.720 euros détenue par la société [O] en France. Procédure judiciaireLe 3 juin 2022, la CSCMV a cité la société [O] devant le tribunal judiciaire de Paris. La CSCMV, désormais représentée par la SAS Bonhams France, a demandé des dommages-intérêts pour le préjudice subi en raison du non-paiement du lot n° 60, ainsi que des frais de stockage et un préjudice moral. Décision du tribunalLe tribunal a statué que la société [O] avait manqué à ses obligations contractuelles en ne réglant pas le prix du lot n° 60. Il a condamné la société [O] à verser 29.400 euros à titre de dommages-intérêts, 684 euros pour les frais de stockage, et 1.500 euros pour les frais irrépétibles. La demande de préjudice moral a été rejetée, et la société [O] a été condamnée aux dépens. Exécution provisoireLa décision est exécutoire par provision, conformément aux dispositions du code de procédure civile, et le jugement a été rendu le 22 octobre 2024. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le:
■
4ème chambre 1ère section
N° RG 22/08572
N° Portalis 352J-W-B7G-CXCK3
N° MINUTE :
Assignation du :
03 Juin 2022
JUGEMENT
rendu le 22 Octobre 2024
DEMANDERESSE
SAS BONHAMS FRANCE, venant aux droits de la S.A.S. CORNETTE DE SAINT CYR MAISON DE VENTES – CSCMV
[Adresse 3]
[Localité 4]
représentée par Me Anne LAKITS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C0765
DÉFENDERESSE
Société de droit étranger [O] GALLERIES INC
[Adresse 2]
[Localité 1] (ETATS UNIS)
défaillante
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Par application des articles R.212-9 du Code de l’Organisation Judiciaire et 812 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été attribuée au Juge unique.
Avis en a été donné aux avocats constitués qui ne s’y sont pas opposés.
Monsieur Pierre CHAFFENET, Juge, statuant en juge unique.
assisté de Madame Nadia SHAKI, Greffier,
Décision du 22 Octobre 2024
4ème chambre 1ère section
N° RG 22/08572 – N° Portalis 352J-W-B7G-CXCK3
DÉBATS
A l’audience du 03 Septembre 2024 tenue en audience publique devant
Monsieur CHAFFENET, Juge, statuant en juge unique, avis a été rendu que la décision serait prononcée ce jour.
JUGEMENT
Prononcé par mise à disposition
Réputé contradictoire
En premier ressort
Le 15 octobre 2020, la SAS Cornette de Saint Cyr Maison de ventes (ci-après la CSCMV) a organisé une vente aux enchères dédiée aux arts de l’Asie, au cours de laquelle ont été présentés les deux biens suivants :
-une statuette représentant la déité Vasudhara (lot n° 60),
-une statuette représentant la déité Surya (lot n° 62).
Le mandat pour la vente de ces deux biens, conclu avec la succession d’[M] [L], prévoyait une commission de 12 % TTC au profit de la CSCMV.
La société de droit étranger [O] Galleries Inc (ci-après la société [O]) s’est inscrite, par l’intermédiaire de son gérant M. [P] [O], pour porter des enchères par téléphone lors de cette vente et s’est portée adjudicataire pour ces deux lots, pour un prix respectif de 70.000 euros pour le lot n° 60 et de 2.500 euros pour le lot n° 62, hors commission due à la CSCMV.
Le 7 décembre 2020, la CSCMV, n’ayant reçu aucun paiement de la société [O], a mis en demeure cette dernière de s’acquitter des sommes dues. Celle-ci a réglé la somme de 19.970 euros suivant virement bancaire du 8 janvier 2021.
Le 18 octobre 2021, faute de paiement du solde après différentes relances adressées à la société [O], la succession d’[M] [L] a sollicité la résolution de la vente du lot n° 60 en application de l’article L. 321-14 du code de commerce.
Suivant ordonnance en date du 11 mars 2022, le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Paris, saisi par la CSCVM, a autorisé cette dernière à faire pratiquer une saisie conservatoire entre ses mains au préjudice de la société [O] sur le lot n° 62 ainsi que sur la somme de 16.720 euros sur un compte ouvert par cette dernière en France au sein de la banque BNP Paribas. Cette ordonnance a été exécutée le 5 mai 2022.
C’est dans ces circonstances que par acte d’huissier transmis à l’autorité américaine compétente le 3 juin 2022, la CSCMV a fait citer la société [O] devant le tribunal judiciaire de Paris.
Aux termes de son acte introductif d’instance, la société CSCMV, aux droits de laquelle vient désormais la SAS Bonhams France, demande au tribunal de :
« DÉCLARER la société CORNETTE DE SAINT CYR recevable et bien fondée en ses demandes;
CONDAMNER la société [O] GALLERIES à payer à la société CORNETTE DE SAINT CYR la somme de 29 400 € à titre de dommages-intérêts, sauf à parfaire ou compléter ;
CONDAMNER la société [O] GALLERIES à payer à la société CORNETTE DE SAINT CYR la somme de 2 000 € au titre du préjudice moral, sauf à parfaire ou compléter ;
CONDAMNER la société [O] GALLERIES à payer à la société CORNETTE DE SAINT CYR la somme de 684 € au titre des frais de stockage, sauf à parfaire ou compléter ;
CONDAMNER la société [O] GALLERIES à payer à la société CORNETTE DE SAINT CYR la somme de 3 000 € par application de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;
CONDAMNER la société [O] GALLERIES en tous les dépens ».
Elle expose en substance que la société [O] a manqué à ses obligations en ne s’acquittant pas du prix du lot n° 60 et que ce manquement, ayant justifié la résolution de la vente, lui a alors causé un préjudice financier car la privant de sa commission et des frais liés à cette vente. Elle ajoute subir un préjudice moral lié à l’atteinte portée à sa réputation et que, depuis la vente, elle a été contrainte d’engager des frais de stockage du lot en cause.
La clôture a été ordonnée le 12 septembre 2023.
La société [O] Galleries Inc, régulièrement attraite devant le juridiction conformément aux dispositions de la convention de La Haye du 15 novembre 1965 relative à la signification et la notification à l’étranger des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile ou commerciale et aux dispositions de l’article 688 du code de procédure civile, n’ayant pas constitué avocat, le présent jugement, susceptible d’appel, sera réputé contradictoire.
Pour un plus ample exposé des faits de la cause et des prétentions des parties, il est fait expressément référence aux pièces du dossier et aux écritures de la société Bonhams conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
A titre liminaire, conformément à l’article 472 du code de procédure civile, l’absence de comparution du défendeur ne fait pas obstacle à ce qu’une décision soit rendue sur le fond du litige, le juge ne faisant droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable et bien fondée.
Aux termes de l’article 1103 du code civil, « Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits ». L’article 1104 du même code dispose : « Les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi. Cette disposition est d’ordre public ».
Par ailleurs, conformément à l’article 1231-1 du code civil, « Le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure ».
Enfin, en matière de vente aux enchères, l’article L. 321-14 aliéna 3 du code de commerce, « A défaut de paiement par l’adjudicataire, après mise en demeure restée infructueuse, le bien est remis en vente à la demande du vendeur sur réitération des enchères ; si le vendeur ne formule pas cette demande dans un délai de trois mois à compter de l’adjudication, la vente est résolue de plein droit, sans préjudice de dommages et intérêts dus par l’adjudicataire défaillant ».
En l’espèce, il ressort des pièces mises aux débats que la CSCMV a été sollicitée par la société [O] pour recevoir de cette dernière des enchères par téléphone pour les lots n° 60 et n° 62 proposés lors de la vente du 15 octobre 2020.
A l’issue des enchères, la société [O] a été déclaré adjudicataire au prix de 70.000 euros pour le lot n° 60 et de 2.500 euros pour le lot n° 62. Les échanges qui s’en sont suivis entre les parties, communiqués par la demanderesse, établissent que la société [O] n’a jamais remis en cause ces deux acquisitions, sans toutefois en payer l’ensemble du prix en dépit des relances et mises en demeure adressées puisqu’elle n’a effectué qu’un virement à hauteur de 19.970 euros le 8 janvier 2021.
En l’absence de précision de la société [O] quant à l’imputation de cette somme et compte tenu de l’égalité d’intérêt à régler le prix d’achat de chacun des biens, c’est de manière conforme aux dispositions de l’article 1342-10 du code civil que la CSCMV a décidé de l’affecter en règlement de la totalité du prix du lot n° 62, sa commission comprise, et pour le reste, sur une partie du prix du lot n° 60.
Du tout, il résulte qu’en s’abstenant de régler l’entier prix d’achat du lot n° 60 dont elle avait été déclarée adjudicataire, la société [O] a manqué à ses obligations contractuelles.
La CSCMV justifie qu’en raison de ce manquement, la succession d’[M] [L] a sollicité le 18 octobre 2021 la résolution de plein droit de la vente en application de l’article L. 321-14 susvisé du code de commerce.
Dans ces circonstances, la demanderesse établit suffisamment que le manquement de la société [O] lui a causé un préjudice tenant à la perte de la commission qu’elle devait percevoir sur cette vente.
Il résulte alors des conditions de la vente, annexées à son catalogue, que cette commission devait s’élever, compte tenu du prix d’adjudication, à 30 % TTC de ce prix, soit la somme de 21.000 euros.
De plus, la société [O], dont il résulte des pièces qu’elle est une professionnelle du marché de l’art, n’ignorait pas, du fait de son activité, que la CSCMV obtiendrait de sa vendeuse le paiement de frais en cas de vente réalisée. Le bordereau de réquisition de vente démontre alors que ces frais s’élevaient à 12 % du prix, soit la somme de 8.400 euros.
Ce préjudice étant ainsi prévisible pour la défenderesse au sens de l’article 1231-3 du code civil, il y a lieu de procéder à son indemnisation à hauteur de la somme de 8.400 euros.
La société [O] sera par conséquent condamnée à payer à la société Bonhams, venant aux droits de la CSCMV en suite d’une fusion-absorption du 30 novembre 2023, la somme de 29.400 euros à titre de dommages-intérêts en lien avec ses gains manqués sur la vente.
Il résulte des conditions de vente que la société [O] a également été informée qu’en l’absence de retrait des oeuvres acquises, des frais de stockage lui seraient facturés à hauteur de 36 euros par mois et par lot.
Compte tenu du délai écoulé depuis la vente, la société Bonhams, qui justifie par ailleurs avoir été autorisée à pratiquer une saisie-conservatoire sur le lot en cause, est ainsi fondée à réclamer à la société [O] la somme de 684 euros en lien avec les frais de stockage.
En revanche, la société Bonhams ne justifie par aucune pièce de ce que le manquement de la société [O] lui aurait fait perdre la confiance de ses clients et qu’elle aurait de ce fait, subi une atteinte à son image et à sa réputation.
Sa demande de préjudice moral fondé sur ces allégations, dont la preuve n’est ainsi pas rapportée, sera rejetée.
La société [O], succombant, sera condamnée aux dépens.
Il convient, en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, de mettre à sa charge une partie des frais non compris dans les dépens et exposés par la société Bonhams à l’occasion de la présente instance. Elle sera ainsi condamnée à lui payer la somme de 1.500 euros à ce titre.
L’exécution provisoire est, en vertu des articles 514-1 à 514-6 du code de procédure civile issus du décret 2019-1333 du 11 décembre 2019, de droit pour les instances introduites comme en l’espèce à compter du 1er janvier 2020. Il n’y a pas lieu de l’écarter.
Le tribunal, statuant publiquement par jugement réputé contradictoire, en premier ressort et par mise à disposition au greffe,
Condamne la société de droit américain [O] Galleries Inc à payer à la SAS Bonhams France la somme de 29.400 euros à titre de dommages-intérêts,
Condamne la société de droit américain [O] Galleries Inc à payer à la SAS Bonhams France la somme de 684 euros à titre de ses frais de stockage,
Déboute la SAS Bonhams France de sa demande indemnitaire pour préjudice moral,
Condamne la société de droit américain [O] Galleries Inc à payer à la SAS Bonhams France la somme de 1.500 euros au titre de ses frais irrépétibles,
Condamne la société de droit américain [O] Galleries Inc aux dépens,
Déboute la SAS Bonhams France de toute autre demande plus ample ou contraire,
Rappelle que la présente décision est, de droit, exécutoire par provision.
Fait et jugé à Paris le 22 Octobre 2024.
Le Greffier Le Président
Nadia SHAKI Pierre CHAFFENET