Monsieur [O] [G] a acheté une pelleteuse d’occasion de marque CASE à Monsieur [P] [R] le 5 août 2020 pour 14 000 €. Peu après l’achat, des désordres ont été constatés sur la pelleteuse. Le 24 août 2020, Monsieur [O] [G] a demandé l’annulation de la vente par courriel. Une expertise amiable a été réalisée le 1er octobre 2021, concluant à un vice caché et évaluant les réparations à 3 962,69 € HT. Un commissaire de justice a également constaté des désordres sur la pelleteuse. Le 1er octobre 2021, Monsieur [O] [G] a assigné Monsieur [P] [R] devant le tribunal judiciaire de Bordeaux, invoquant la garantie des vices cachés. Monsieur [O] [G] a demandé la restitution d’une partie du prix de vente, des dommages et intérêts, ainsi que le remboursement des frais de justice. En réponse, Monsieur [P] [R] a contesté l’existence de vices cachés et a soutenu que la vente avait été faite « en l’état ». Le tribunal a finalement jugé que la pelleteuse était affectée de vices cachés, condamnant Monsieur [P] [R] à verser 4 072,73 € à Monsieur [O] [G] pour les réparations, tout en déboutant ce dernier de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice de jouissance.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
5EME CHAMBRE CIVILE
SUR LE FOND
50D
N° RG : N° RG 21/07794 – N° Portalis DBX6-W-B7F-V4BB
Minute n° 2024/00
AFFAIRE :
[O] [G]
C/
[P] [R]
Grosses délivrées
le
à
Avocats :
Me Aurélie BALESTRO
Me Gaëlle CHEVREAU
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
5EME CHAMBRE CIVILE
JUGEMENT DU 15 OCTOBRE 2024
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Lors du délibéré
Madame Marie WALAZYC, Vice-Présidente
Mme Angélique QUESNEL, Juge
Monsieur Pierre GUILLOUT, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles
Isabelle SANCHEZ, Greffier lors des débats et Pascale BUSATO, Greffier lors du prononcé
DÉBATS :
A l’audience publique du 25 Juin 2024, tenue en rapporteur
Sur rapport conformément aux dispositions de l’article 786 du code de procédure civile
JUGEMENT:
Contradictoire
Premier ressort
Par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du Code de procédure civile
DEMANDEUR :
Monsieur [O] [G]
de nationalité Française
7, ch. du Pelet
33370 LOUPES
représenté par Maître Jacques SIRET de la SELARL SIRET & ASSOCIES, avocats au barreau de LA ROCHE-SUR-YON, avocats plaidant, Me Gaëlle CHEVREAU, avocat au barreau de BORDEAUX, avocat postulant
DEFENDEUR :
Monsieur [P] [R]
de nationalité Française
Chez les époux [H], 10a, rue Massé-barré
33750 ST QUENTIN DE BARON
N° RG : N° RG 21/07794 – N° Portalis DBX6-W-B7F-V4BB
représenté par Me Aurélie BALESTRO, avocat au barreau de BORDEAUX, avocat plaidant
Exposé des faits et procédure :
Par acte du 5 août 2020, Monsieur [O] [G] (ci-après, l’acheteur) a acquis de Monsieur [P] [R] (ci-après, le vendeur), une pelleteuse d’occasion de marque CASE, modèle 9007, série DCH0700642, moyennant le prix de 14 000 €.
Quelques jours après la vente, Monsieur [O] [G] a constaté plusieurs désordres sur la pelleteuse.
Le 24 août 2020, Monsieur [O] [G] mécontent de l’état de la pelleteuse, a demandé à Monsieur [P] [R] par courriel l’annulation de la vente.
Monsieur [O] [G] a sollicité unilatéralement une expertise amiable en date du 17 décembre 2020. L’expertise amiable de la pelleteuse, à laquelle Monsieur [P] [R] ne s’est pas présenté, a été réalisée le 1er octobre 2021 par la SARL “Audit Auto Expertise”.
Le 20 janvier 2021, le rapport de l’expertise amiable a conclu à un vice caché. Le montant de l’ensemble des travaux de réparation a été évalué à la somme de 3 962,69€ HT.
Le 30 mars 2021, un commissaire de justice a constaté plusieurs désordres. Il a constaté que “le bras de soudure est presque coupé en deux, avec des boursoufflures de soudures au niveau de la fissure. Il constatait également l’existence d’une fissure rouillée sur le haut du bras, ainsi que les défauts affectant la chenille du véhicule”.
Le 1er octobre 2021, Monsieur [O] [G] a assigné Monsieur [P] [R] devant le tribunal judiciaire de BORDEAUX sur le fondement des articles 1641 et suivants du code civil.
Suivant les dernières conclusions, notifiées par RPVA le 22 mai 2023, Monsieur [O] [G] sollicite du tribunal de :
Déclarer Monsieur [O] [G] recevable et bien fondé en toutes ses demandes, fins et prétentions, Juger que la pelleteuse d’occasion de marque CASE, modèle 9007 (n°série : DCH0700642), vendue par Monsieur [P] [R] à Monsieur [O] [G] le 5 août 2020, était alors affectée de plusieurs vices cachés la rendant impropre à son usage, Juger que Monsieur [P] [R], vendeur professionnel et sachant, avait connaissance de ces vices et qu’il doit à ce titre la garantie des vices cachés à Monsieur [O] [G], outre les dommages et intérêts.
En conséquence,
Débouter Monsieur [P] [R] de toutes ses demandes, fins et prétentions, Condamner Monsieur [P] [R] à restituer la somme de 4 072,73€ sur le prix de vente de 14 000 €,
Condamner Monsieur [P] [R] à payer à Monsieur [O] [G] la somme de 8 000 € à titre de dommages et intérêts, en réparation de son préjudice de jouissance, Ordonner que le montant des condamnations porte intérêts au taux légal à compter du jour de la présente assignation valant mise en demeure de payer, les intérêts échus étant eux-mêmes capitalisés par périodes annuelles, conformément aux articles 1231-6 et 1343-2 du code civil, Condamner Monsieur [P] [R] à payer à Monsieur [O] [G] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, Condamner Monsieur [P] [R] aux entiers dépens, avec distraction au profit de Me Gaelle CHEVREAU, avocate postulante, pour ceux dont elle aurait fait l’avance sans avoir reçu provision, en application des articles 696 et 699 du code de procédure civile.
Au soutien de ses prétentions, Monsieur [O] [G] fait valoir sur le fondement des articles 1641 et suivants du code civil :
que l’expertise amiable démontre que la pelleteuse est affectée de plusieurs désordres la rendant impropre à sa destination. Il fait observer que Monsieur [P] [R] a bien été convoqué aux opérations d’expertise mais n’a pas daigné s’y rendre. Par conséquent, le rapport d’expertise est bien opposable à Monsieur [P] [R]. Certes, il ne s’agit pas d’une expertise amiable contradictoire, cependant, la Cour de cassation a admis qu’un rapport qui a été régulièrement communiqué à la procédure et qui a pu être librement discuté par les parties peut fonder la décision du juge sans que les parties, qui n’ont pas participé à l’expertise, puissent invoquer le caractère non contradictoire de celle-ci. Il fait observer que l’expertise non judiciaire est corroborée par le procès-verbal de constat du commissaire de justice et, l’intervention d’un garagiste qui confirme l’existence des vices.
que les conditions de la garantie des vices cachés sont bien réunies. En effet, les défauts constatés ne sont pas dus à une mauvaise utilisation mais à des désordres existants qui ne pouvaient être décelés par un acquéreur profane tel que lui, rappelant qu’il est agriculteur de profession. Il fait observer qu’il a constaté ces dysfonctionnements après quelques heures d’utilisation de la pelleteuse. Il souligne que selon l’expertise ces vices étaient cachés et que Monsieur [P] [R] ne pouvait en ignorer l’existence. Si ce dernier invoque que l’engin a été vendu “en l’état” et que les parties seraient convenues d’une clause d’exclusion de la garantie légale des vices cachés, il est parfaitement de mauvaise foi. En effet, la stipulation d’une vente “dans l’état” ne peut suffire à elle seule, à établir que les parties sont convenues d’exclure la garantie légale des vices cachés.
que Monsieur [P] [R] est un vendeur professionnel comme l’atteste l’avis SIRENE et la carte professionnel qu’il a donnée lors de la vente. Il rappelle que dès lors que le vendeur dispose de compétences professionnelles qui lui permettent d’apprécier l’état du bien qu’il vend, il est considéré par la jurisprudence comme un vendeur professionnel, même s’il agit dans le cadre de son patrimoine privé. Il précise que l’entreprise de Monsieur [P] [R] était toujours active lors de la vente et qu’elle avait pour objet la réalisation de travaux de terrassement courants et travaux préparatoires. Ainsi, il sera tenu de l’indemnisation du préjudice de jouissance à hauteur de 8 000€.
Suivant les dernières conclusions, notifiées par RPVA le 17 novembre 2023, Monsieur [P] [R] sollicite du tribunal de :
Juger que Monsieur [G] ne produit aucune preuve contradictoire,Juger que Monsieur [G] ne démontre pas l’existence d’un vice caché affectant le bien, En conséquence,
Débouter Monsieur [G] de l’ensemble de ses demandes,Subsidiairement et si la juridiction devait juger l’existence de vices cachés affectant le bien :
Prononcer la réduction du prix de vente à hauteur de 3 914,93€ (4 072,73-157,80€), Débouter Monsieur [G] de ses demandes au titre du préjudice de jouissance, lequel n’est pas justifié,
En tout état de cause :
Condamner Monsieur [G] à régler à Monsieur [R] la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile; ainsi qu’aux entiers dépens, Débouter Monsieur [G] de toute demande qui serait formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile et sur les dépens, Débouter Monsieur [G] du surplus de ses demandes.
En défense, Monsieur [P] [R] réplique :
à titre principal, que le rapport d’expertise produit est un rapport d’expertise amiable non contradictoire auquel il n’a pas participé et que le juge ne peut fonder sa décision uniquement sur cet élément. Selon la jurisprudence de la Cour de cassation, les expertises amiables ne sont opposables au défendeur que lorsque celui-ci a été régulièrement convoqué par courrier recommandé avec accusé réception, ce qui n’a pas été le cas en l’espèce. Dès lors, un seul rapport d’expertise amiable non contradictoire ne peut suffire comme élément de preuve s’il n’est corroboré par aucun autre élément. En effet, il expose que le rapport d’expertise amiable non contradictoire n’est corroboré par aucun des éléments techniques que Monsieur [O] [G] verse aux débats.
qu’il a toujours entretenu cet engin, comme en atteste les différentes factures données à Monsieur [O] [G] et que la pelleteuse a toujours bien fonctionné. Par ailleurs, il pointe les insuffisances de l’expertise privée de son contradicteur, sommaire et fondée sur quelques photographies. Il précise également que les éléments constatés ne suffisent pas à démontrer l’existence d’un vice. Il rappelle que la pelleteuse est un bien d’occasion et que Monsieur [O] [G] en avait parfaitement connaissance. Il ajoute que le procès-verbal du commissaire de justice se borne à reprendre les affirmations de l’existence, sans rapporter l’existence d’un vice.
que l’acte de vente indique clairement que la vente se fait en “l’état” et qu’il n’est pas un vendeur professionnel contrairement à ce qu’indique Monsieur [O] [G]. Il fait observer qu’il est ouvrier de chantier et non vendeur professionnel. En effet, il précise qu’il ne possède aucune connaissance approfondie de la mécanique.
à titre subsidiaire, que la somme de 157,80€ devra être déduite du prix de la facture produite ramenant l’indemnisation à 3 914,93€. Il rappelle qu’il avait changé les batteries peu de temps avant la vente. Il fait observer également que Monsieur [O] [G] ne produit aucune facture payée mais que des devis et offres de location. Par conséquent, il ne rapporte pas la preuve de telles dépenses.
La mise en état a été clôturée par ordonnance en date du 15 mai 2024 et l’affaire fixée à plaider à l’audience du 25 juin 2024, puis mise en délibéré au 15 octobre 2024, par mise à disposition au greffe.
A titre liminaire, il convient de rappeler que les demandes des parties tendant à voir le tribunal “déclarer” ne constituant pas des prétentions au sens des articles 4, 5, 31 et 768 du code de procédure civile mais des moyens ou arguments au soutien des véritables prétentions, il n’y a pas lieu de statuer sur celles-ci.
1 – Sur la demande principale de garantie des vices cachés :
Il résulte de l’article 1641 du code civil que le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l’usage auquel on la destine, ou qui en diminuent tellement cet usage que l’acheteur ne l’aurait pas acquise, ou n’en aurait donné qu’un moindre prix, s’il les avait connus.
Aux termes de l’article 1643, le vendeur est tenu des vices cachés, quand même il ne les aurait pas connus, à moins que dans ce cas, il n’ait stipulé qu’il ne sera obligé à aucune garantie.
Ainsi, pour que le vendeur soit tenu à garantie, quatre conditions doivent être réunies : en premier lieu, la chose doit être affectée d’un défaut; en second lieu, ce défaut doit rendre la chose impropre à l’usage auquel elle était destinée et il doit donc revêtir une certaine gravité ; en troisième lieu, le défaut doit être caché, l’article 1642 du code civil excluant cette garantie en cas de vices apparents dont l’acheteur a pu se convaincre lui même; enfin, il doit être antérieur ou concomitant à la vente.
Le vice de la chose s’entend de toute défectuosité qui empêche la chose de rendre pleinement les services que l’on en attend. Il réside dans le mauvais état ou le mauvais fonctionnement de la chose, l’impossibilité de s’en servir dans les conditions satisfaisantes, les conséquences nuisibles produites à l’occasion d’une utilisation normale. Il faut que la qualité faisant défaut soit une des principales que l’on reconnaît à la chose.
Sur la caractère contradictoire de l’expertise amiable :
Aux termes de l’article 16 du code de procédure civile, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction. Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d’en débattre contradictoirement. Il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu’il a relevés d’office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations.
Sur le fondement de ce dernier texte, il est de jurisprudence constante de la Cour de cassation que lorsqu’une partie à laquelle un rapport d’expertise est opposé n’a pas été appelée ou représentée au cours des opérations d’expertise, le juge ne peut refuser d’examiner ce rapport, dès lors que celui ci a été régulièrement versé aux débats et soumis à la discussion contradictoire des parties. Il lui appartient alors de rechercher s’il est corroboré par d’autres éléments de preuve.
Ainsi, le juge ne peut se fonder exclusivement sur une expertise non contradictoire établie à la demande d’une des parties.
Dans la présente espèce, il est relevé que l’expertise amiable réalisée par la SARL “AUDIT AUTO EXPERTISE” en date du 17 décembre 2020 a été sollicitée unilatéralement par Monsieur [O] [G] pour faire valoir ses droits. Il ressort des pièces du dossier que l’expertise n’a pas été établie contradictoirement, Monsieur [P] [R] étant resté étranger à son élaboration et n’ayant pas débattu des résultats des investigations techniques auxquelles il avait été procédé hors sa présence.
Toutefois, il est constaté que la rapport de cette expertise (20 janvier 2021) a été soumis à la discussion contradictoire des parties dans le cadre de la présente instance. En effet, ce rapport a régulièrement été communiqué et versé aux débats. De plus, ce rapport n’est pas le seul élément sur lequel se fonde le demandeur, qui produit également un procès-verbal de constat de commissaire de justice et une facture de travaux.
Par conséquent, il convient de dire que ce rapport d’expertise constitue une preuve contradictoire.
Sur l’existence d’un vice caché:
Selon l’article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.
Selon l’article 1353 du code civil celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver, réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.
En l’espèce, il est établi que la pelleteuse a été vendue par Monsieur [P] [R] à Monsieur [O] [G] à la date du 5 août 2020.
Il est relevé des pièces du dossier que la pelleteuse totalise 5 418 heures d’utilisation. L’acheteur a pu sommairement essayer l’engin préalablement à la vente et aucun problème de fonctionnement n’ a été décelé à cette occasion. Aucun carnet d’entretien n’ a été remis à Monsieur [O] [G] au moment de la vente.
Toutefois, Monsieur [O] [G] a produit un rapport d’expertise non judiciaire, réalisé par un expert mandaté par l’assurance de protection juridique de son père Monsieur [Y] [G] ainsi qu’un constat de commissaire de justice et une facture de l’établissement DUCLOS qui a procédé aux travaux de réparation.
Il résulte du rapport d’expertise non judiciaire établi le 20 janvier 2021 par la SARL “AUDIT AUTO EXPERTISE les constats suivants :
– rupture de la soudure au niveau de la flèche, ancienne réparation antérieure à la vente ; les soudures effectuées sont de mauvaise qualité,
– fissure du bras primaire, fissure de fatigue,
– mise en route impossible, batterie HS,
-mauvaise étanchéité au niveau du joint de balancier,
Il est relevé que l’expert non judiciaire en conclu que “l’origine des désordres constatés après l’achat ne permet pas à M. [G] l’utilisation de la pelleteuse conformément aux tâches qu’elle devrait pouvoir accomplir. Si les soudures avaient été effectuées dans les règles de l’art, elles auraient permis l’utilisation du matériel. Les endroits réparés n’ont pas été décapés, chanfreinés, les soudures ne pouvaient pas tenir, elles n’ont pas été effectuées par un professionnel. La responsabilité du vendeur est engagée au titre des vices cachés”.
Il ressort donc du rapport d’expertise non judiciaire que :
– les désordres multiples liés notamment aux défauts de soudure du bras de la flèche et du bras inférieur sont constitutifs d’un vice antérieur : en effet, l’expert non judiciaire précise que l’origine du vice est antérieure à la transaction du 5 août 2020 puisqu’il écrit que “la rupture de la soudure au niveau de la flèche, ancienne réparation antérieure à la vente ; les soudures effectuées sont de mauvaise qualité”;
– la gravité du vice rend le véhicule impropre à sa destination au regard des conséquences des désordres : en effet, l’expert précise que les défauts ne permettent pas “l’utilisation de la pelleteuse conformément aux tâches qu’elle devrait pouvoir accomplir”;
– le vice était caché lors de la vente : en effet, l’expertise mentionne que les anomalies n’ont pas été constatées lors de la vente par Monsieur [O] [G]. S’il est relevé que la soudure de la flèche était visible au moment de la vente, il convient de noter que cette fissure avait fait l’objet d’une réparation. De ce fait, il était raisonnable de supposer que les travaux avaient été réalisées dans les règles de l’art. Cependant, d’autres vices, tel que la fissure du bras primaire, demeuraient non apparents. Même si Monsieur [O] [G] est un agriculteur, il doit être considéré comme un vendeur non averti sauf preuve d’une compétence particulière en matière mécanique des engins de chantier, non rapportée en l’espèce.
Les désordres suivants sont en outre corroborés par d’autres éléments de preuve :
– le procès-verbal de constat de commissaire de justice établi le 30 mars 2021, relate les éléments suivants : “le bas du bras est presque coupée en deux, au niveau de la fissure il y a des boursouflures de soudures, le bras est particulièrement sale, la chenille de droite par rapport à l’engin n’est pas alignée il y a un manque de tension, le joint de piston quittant la chenille est bouchée par cette plaque en métal soudée”.
Ce document relate parfaitement les constatations matérielles des différents désordres sur la pelleteuse.
– facture de l’établissement DUCLOS d’un montant de 4 072,73€ qui relate les travaux de réparations qui ont été effectués sur la pelleteuse : changement de plusieurs joints, de la batterie et de l’alternateur, soudure du bras de flèche et du bras inférieur et enfin transfert de la machine.
Les termes de la facture corroborent les désordres constatés par l’expertise non judiciaire. En effet, la facture détaille les interventions réalisées, notamment le renforcement par soudure du bras intérieur et celui du bras de la flèche.
Enfin, si Monsieur [P] [R] invoque dans ses conclusions la notion de vente “en l’état”sans étayer ses arguments par des moyens appropriés, cette défense doit être considérée comme inopérante.
Par conséquent, il y a lieu de faire droit à la demande de Monsieur [O] [G] sur la garantie des vices cachés puisqu’il n’aurait pas acheté la pelleteuse s’il avait eu connaissance de ces différents vices.
Sur l’action estimatoire :
Selon l’article 1644 du code civil, dans le cas des articles 1641 et 1643, l’acheteur a le choix de rendre la chose et se faire restituer le prix, ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix.
L’action estimatoire permet de replacer l’acheteur dans la situation où il serait trouvé si la chose vendue n’avait pas été atteinte de vices. Il peut donc solliciter la restitution du prix correspondant au coût des travaux nécessaires pour remédier à ceux-ci.
En l’espèce, Monsieur [O] [G] sollicite le versement de la somme de 4 072,73 € correspondant au montant de la facture de l’établissement DUCLOS.
L’expert a chiffré le coût des travaux de reprise rendus nécessaires par le vice à la somme de 3 962,69 € HT. Ce montant fait l’objet d’une contestation à hauteur de 157,80 €, somme correspondante au prix de la batterie. Bien que Monsieur [P] [R] prétende avoir remplacé la batterie peu de temps avant la vente, il ne verse au dossier aucun élément de preuve à cet égard au dossier.
Par conséquent, Monsieur [P] [R] sera condamné à payer à Monsieur [O] [G] la somme de 4 072,73 €, qui portera intérêts au taux légal à compter de la présente décision.
2 – Sur la demande de réparation d’un préjudice de jouissance :
Conformément à une lecture combinée des articles 1645 et 1646 du Code civil, seul le vendeur de mauvaise foi qui connaissait les vices de la chose est tenu, outre la restitution du prix qu’il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l’acheteur ; dans le cas contraire, il n’est tenu qu’à la restitution du prix et au remboursement à l’acquéreur des frais occasionnés par la vente.
En l’espèce, il ressort des pièces produites et notamment du répertoire SIRENE que Monsieur [P] [R] est un entrepreneur individuel exerçant l’activité de “terrassement courants et travaux préparatoires”. Cette activité s’analyse en une profession qui dispose de compétences techniques étendues qui lui permettent d’apprécier l’état du bien vendu. Il est donc présumé avoir connu les vices de la chose, présomption qui ne saurait être renversée, s’agissant de jurisprudence constante d’une présomption irréfragable fondée sur le postulat que le vendeur professionnel connaît ou doit connaître les vices de la chose vendue, et qui a pour objet de contraindre ce vendeur, qui possède les compétences lui permettant d’apprécier les qualités et les défauts de la chose, à procéder à une vérification minutieuse de celle-ci avant la vente.
Il est par conséquent, tenue de réparer l’intégralité de tous les dommages subis par Monsieur [O] [G].
Toutefois, il ressort des pièces produites par Monsieur [O] [G], qu’il a soumis une offre de location de la société LOXAM en date du 24 mars 2021 pour un montant de 417,92 €. Cependant, il ne fournit aucune autre pièce justificative, telle qu’une facture acquittée ou tout autre document démontrant le paiement effectif de la somme de 8 000 €.
Par conséquent, il y a lieu de le débouter de sa demande de dommages et intérêts au titre d’un préjudice de jouissance.
3 – Sur les demandes accessoires :
3.1 Les dépens :
L’article 696 du code de procédure civile prévoit que la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.
En l’espèce, il y a lieu de condamner Monsieur [P] [R] aux dépens, avec distraction au profit de Me Gaelle CHEVREAU, avocate postulante, pour ceux dont elle aurait fait l’avance sans avoir reçu provision, en application des articles 696 et 699 du code de procédure civile.
3.2 – Les frais irrépétibles non compris dans les dépens :
Aux termes de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, et le cas échéant, à l’avocat du bénéficiaire de l’aide juridictionnelle partielle ou totale une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l’aide aurait exposés s’il n’avait pas eu cette aide. Dans ce cas, il est procédé comme il est dit aux alinéas 3 et 4 de l’article 37 de la loi no 91-647 du 10 juillet 1991.
Au cas présent, il convient de condamner Monsieur [P] [R] à indemniser Monsieur [O] [G] à hauteur de 1 500 euros.
3.3 – L’exécution provisoire :
Il convient de rappeler que la présente instance est soumise aux dispositions de l’article 514 du code de procédure civile aux termes duquel les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire.
En l’espèce, il convient de prononcer l’exécution provisoire.
Le tribunal,
Dit que la pelleteuse de marque CASE, modèle 9007, série DCH0700642, vendue le 5 août 2020 par Monsieur [P] [R] à Monsieur [O] [G] est affectée de vices cachés la rendant impropre à son usage,
Condamne Monsieur [P] [R] à verser à Monsieur [O] [G] la somme de
4 072,73 €, outre intérêts aux taux légal à compter de la présente décision, correspondant au montant des réparations réalisées sur la pelleteuse par l’établissement DUCLOS,
Déboute Monsieur [O] [G] de sa demande indemnitaire au titre du préjudice de jouissance,
Condamne Monsieur [P] [R] aux dépens, avec distraction au profit de Me Gaelle CHEVREAU, avocate postulante, pour ceux dont elle aurait fait l’avance sans avoir reçu provision, en application des articles 696 et 699 du code de procédure civile,
Condamne Monsieur [P] [R] au paiement à Monsieur [O] [G] de la somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Rappelle l’exécution provisoire de droit.
Le présent jugement a été signé par madame Marie WALAZYC, Vice-Présidente et par madame Pascale BUSATO, Greffier.
LE GREFFIER, LA PRESIDENTE,