Vente de véhicule d’occasion : constatation de vices cachés et conséquences pour le vendeur professionnel

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Vente de véhicule d’occasion : constatation de vices cachés et conséquences pour le vendeur professionnel

Acquisition du véhicule

Le 30 septembre 2023, Mme [E] [U] [N] a acheté un véhicule d’occasion, une Audi A1, à M. [R] [X] pour 9.000 euros. Le véhicule, mis en circulation le 6 novembre 2011, affichait 95.200 kilomètres.

Désordres constatés

Peu après l’achat, Mme [E] [U] [N] a remarqué plusieurs problèmes, notamment un décollement du pare-brise et une perte de puissance. Elle a informé M. [R] [X] de sa volonté de résoudre le contrat par lettre du 8 novembre 2023, mais n’a pas reçu de réponse.

Expertise du véhicule

La société Matmut, assureur de Mme [E] [U] [N], a mandaté un expert pour examiner le véhicule le 23 janvier 2024. Le rapport d’expertise, reçu le 23 février 2024, a révélé de multiples désordres, rendant le véhicule impropre à son usage.

Assignation en justice

Le 2 juillet 2024, Mme [E] [U] [N] a assigné M. [R] [X] devant le tribunal judiciaire de Nice, demandant la résolution de la vente et des dommages-intérêts pour préjudice de jouissance et moral.

Demande de résolution pour vice caché

Mme [E] [U] [N] a soutenu que les vices étaient cachés et préexistaient à la vente, rendant le véhicule impropre à son usage. Elle a affirmé que M. [R] [X], en tant que professionnel, ne pouvait ignorer ces défauts.

Décision du tribunal

Le tribunal a constaté l’existence de vices cachés et a prononcé la résolution de la vente. M. [R] [X] a été condamné à restituer 9.000 euros à Mme [E] [U] [N] et à reprendre le véhicule à ses frais.

Dommages et intérêts

Concernant les dommages-intérêts, le tribunal a débouté Mme [E] [U] [N] de sa demande de préjudice de jouissance, faute de preuves. En revanche, M. [R] [X] a été condamné à verser 1.500 euros pour préjudice moral et 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Conclusion

Le jugement a été rendu en premier ressort, avec exécution provisoire, et M. [R] [X] a été condamné aux dépens.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

4 novembre 2024
Tribunal judiciaire de Nice
RG
24/02474
COUR D’APPEL D’AIX EN PROVENCE

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE NICE

GREFFE
M I N U T E
(Décision Civile)

JUGEMENT : [E] [U] [N] c/ [R] [X]


Du 04 Novembre 2024

4ème Chambre civile
N° RG 24/02474 – N° Portalis DBWR-W-B7I-PXWV

Grosse délivrée à
l’AARPI DDA & ASSOCIES

expédition délivrée à

le 04 Novembre 2024

mentions diverses
Par jugement de la 4ème Chambre civile en date du quatre Novembre deux mil vingt quatre

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame SANJUAN-PUCHOL Présidente, assistée de Madame PROVENZANO, Greffier.

Vu les Articles 812 à 816 du Code de Procédure Civile sans demande de renvoi à la formation collégiale.

DÉBATS

Après accord de la partie ayant constitué avocat, le dépôt du dossier au greffe de la chambre a été autorisé conformément aux dispositions de l’article 778 alinéa 5 du Code de Procédure Civile et l’affaire a été mise en délibéré au 04 Novembre 2024 par mise à disposition au greffe de la juridiction.

PRONONCÉ

Par mise à disposition au Greffe le 04 Novembre 2024, signé par Madame SANJUAN-PUCHOL Présidente, assistée de Madame PROVENZANO, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

NATURE DE LA DÉCISION :
réputée contradictoire, en premier ressort, au fond.

DEMANDERESSE:

Madame [E] [U] [N]
[Adresse 2]
[Localité 5]
représentée par Me Régis DURAND de l’AARPI DDA & ASSOCIES, avocats au barreau de TOULON, avocats plaidant

DÉFENDEUR:

Monsieur [R] [X]
[Adresse 3]
[Localité 1]
non représenté

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 30 septembre 2023, Mme [E] [U] [N] a acquis auprès de M. [R] [X] un véhicule d’occasion de marque Audi A1 immatriculé [Immatriculation 6] mis en circulation le 6 novembre 2011 et affichant 95.200 kilomètres au compteur au prix de 9.000 euros.

Quelques jours après la conclusion du contrat de vente du véhicule, Mme [E] [U] [N] a constaté plusieurs désordres sur le véhicule, et notamment le décollement du pare-brise, ainsi qu’une perte de puissance.

Par lettre du 8 novembre 2023 restée infructueuse, Mme [E] [U] [N] a informé M. [R] [X] de sa volonté de procéder à la résolution du contrat de vente en raison des désordres affectant le véhicule.

Afin de déterminer l’origine des désordres affectant ce véhicule, la société Matmut, assureur de Mme [E] [U] [N], a mandaté un expert pour réaliser une expertise amiable qui a été organisée le 23 janvier 2024, les parties ayant été dûment convoquées.

Au terme du rapport d’expertise adressé au vendeur le 23 février 2024 :

« – le véhicule présente de multiples désordres affectant différents systèmes,
-le pare-brise est décollé sur une grande partie de son pourtour,
-ce décollement entraîne une humidité dans l’habitacle qui génère la formation de moisissure,
-le moteur fait état d’une importante fuite d’huile,
-le turbocompresseur présente un jeu important,
-le niveau d’huile moteur anormalement élevé a pour origine un apport important anormal de carburant suite à une défaillance du système d’injection,
-cet apport de carburant à fortement dilué l’huile moteur lui faisant perdre ses capacités de lubrification,
-ces désordres rendent impropre le véhicule à un usage normalement attendu,
-les détériorations n’étaient pas visibles par l’assuré dans les conditions d’achat du véhicule et présentent un caractère de dangerosité,
-ces désordres nécessitent des temps de formation bien supérieurs au temps de possession et au kilométrage parcouru par l’assuré ».

Par lettre recommandée avec avis de réception du 23 février 2024, restée infructueuse, la société Matmut a informé M. [R] [X] de la volonté de son assuré de procéder à la résolution de la vente du véhicule.

Mme [E] [U] [N] a, par acte d’huissier du 2 juillet 2024, fait assigner M. [R] [X] devant le tribunal judiciaire de Nice, afin d’obtenir :

la résolution de la vente du véhicule Audi A1 immatriculé [Immatriculation 6] intervenue le 30 septembre 2023,la condamnation de M. [R] [X] à :récupérer le véhicule à ses frais, dans un délai de quinze jours à compter de la signification du jugement et, passé ce délai, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, lui payer les sommes suivantes :- 9.000 euros en remboursement du prix de vente,
– 4.500 euros de dommages-intérêts en réparation de son préjudice de jouissance,
– 2.000 à titre de dommage-intérêts en réparation de son préjudice moral,
– 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir que les constatations techniques ont révélé que le véhicule était atteint de vice cachés, préexistant à la vente, indécelable par un acheteur profane et le rendant impropre à son usage si bien qu’elle est fondé à réclamer la résolution de la vente sur le fondement des articles 1641 et suivants du code civil. Elle précise que M. [R] [X], bien qu’ayant conclu le contrat du 30 septembre 2023 à titre personnel, est un professionnel de la vente de véhicule d’occasion et qu’il ne pouvait ignorer les défauts constatés dans le rapport de l’expertise réalisée le 23 janvier 2024 qui rendent le véhicule impropre à son utilisation.
Elle fait valoir qu’elle a été dans l’obligation de trouver un autre moyen de transport pour ses déplacements et notamment pour se rendre sur son lieu de travail si bien qu’elle a subi un préjudice de jouissance dont elle évalue la réparation à 20 euros par jour. Elle ajoute avoir subi un préjudice moral causé par la mauvaise foi manifeste de son vendeur.

M. [R] [X], assigné par dépôt de l’acte en l’étude du commissaire de justice ayant instrumenté, n’a pas constitué avocat avant la clôture de la procédure ordonnée le 18 septembre 2024 de sorte que la présente décision, susceptible d’appel, sera réputée contradictoire conformément à l’article 473 du code de procédure civile.

Mme [E] [U] [N] a été autorisée à faire déposer son dossier de plaidoirie et avisée que la décision a serait rendue par mise à disposition au greffe au 4 novembre 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

En vertu de l’article 472 du code de procédure civile, si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond mais il est fait droit à la demande que si elle est régulière, recevable et bien fondée.

Sur la demande principale de résolution de la vente pour vice caché

1. Sur l’existence d’un vice caché

Aux termes de l’article 1641 du code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l’usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l’acheteur ne l’aurait pas acquise, ou n’en aurait donné qu’un moindre prix, s’il les avait connus.

Le vice est ainsi caractérisé par ses conséquences : l’inaptitude de la chose à l’usage que l’on en attend. Ainsi, le vendeur est garant de ce que la chose présente les qualités qui sont normalement les siennes, ce qui est une obligation de résultat dont l’inexécution est démontrée dès lors que la défectuosité de la chose est établie.

C’est à l’acquéreur qu’il incombe d’établir l’existence, la gravité, le caractère caché et l’antériorité du vice par rapport à la vente ou, plus précisément, au transfert de propriété.

– Sur la gravité du vice :

En l’espèce, quelques jours après la conclusion du contrat de vente du véhicule, Mme [E] [U] [N] a constaté plusieurs désordres sur le véhicule, et notamment le décollement du pare-brise et une panne liée à un dysfonctionnement du turbo.

Elle a saisi son assureur de protection juridique, la société Matmut, qui a mandaté un expert afin d’examiner le véhicule.

Ce technicien a constaté que le véhicule présentait de multiples désordres, que le pare-brise était décollé sur une grande partie de son pourtour entraînant une humidité dans l’habitacle générant la formation de moisissures.

Il a également constaté que le moteur faisait état d’une importante fuite d’huile, que le turbocompresseur présentait un jeu important et que le niveau d’huile moteur anormalement élevé avait pour origine un apport important anormal de carburant suite à une défaillance du système d’injection

Il en a alors conclu que ces désordres rendaient impropre le véhicule à un usage normalement attendu, et présentaient un fort caractère de dangerosité, le rendant impropre à sa destination qui est de circuler.

– Sur l’origine de la panne et l’antériorité du vice au transfert de propriété :

Les désordres constatés sur le véhicule sont de telle nature qu’ils nécessitaient des temps de formation bien supérieurs au temps de possession et au kilométrage parcouru par Mme [E] [U] [N] depuis la vente si bien qu’ils existaient avant le 30 septembre 2023.

Au regard des éléments techniques fournis par le rapport amiable qui, bien que non contradictoire, est corroboré par la facture de réparation, il est rapporté la preuve que le véhicule cédé le 30 septembre 2023 à Mme [E] [U] [N] est affecté de vices cachés le rendant impropre à son usage qui est de circuler en toute sécurité.

Il est manifeste que si Mme [E] [U] [N] avait eu connaissance des vices empêchant tout usage, elle n’aurait pas acheté ce véhicule.

Par conséquent, par application de l’article 1644 du code civil, il convient de prononcer la résolution du contrat de vente conclu le 30 septembre 2023.

M. [R] [X] sera donc condamné à restituer à Mme [E] [U] [N] la somme de 9.000 euros en remboursement du prix de vente et à reprendre possession du véhicule à ses frais dans le délai de trois mois suivant la signification de la présente décision.

En revanche, le prononcé d’une astreinte ne se justifie pas à ce stade si bien que Mme [E] [U] [N] sera déboutée de cette demande.

Sur la demande additionnelle de dommages et intérêts

Aux termes de l’article 1645 du code civil, si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu’il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l’acheteur.

Pèse sur le vendeur professionnel, une présomption de connaissance des vices.

En l’espèce, M. [R] [X] a vendu le véhicule Audi A1 immatriculé [Immatriculation 6] par acte sous seing privé du 30 septembre 2023, en qualité de particulier.

Cependant, il ressort des pièces produites par Mme [E] [U] [N] que M. [R] [X] est un professionnel de la vente de véhicules d’occasion.

En effet, le technicien relève que « M. [R] [X] est le gérant d’une société dénommée «Monsieur [R] [X] » domiciliée au [Adresse 4] à [Localité 7] et dont l’activité est le commerce de voitures et de véhicules automobiles léger (4511Z) sous le numéro de Siren 953135670, si bien que M. [R] [X] peut être considéré comme un professionnel de l’automobile ».

M. [R] [X], professionnel, est donc présumé avoir eu connaissance des vices si bien qu’il est tenu, outre de la restitution du prix, d’indemniser les préjudices subis par l’acheteur.

1. Sur le préjudice de jouissance :

Pour rapporter la preuve de son préjudice de jouissance, Mme [E] [U] [N] fait valoir que son véhicule est immobilisé depuis le 20 octobre 2023 mais elle ne fournit pas de justificatif de l’utilisation d’un véhicule de remplacement durant cette période.

Elle sera par conséquent déboutée de ses demandes d’indemnisation d’un préjudice de jouissance à défaut de toute pièce probante.

2. Sur le préjudice moral :

Mme [E] [U] [N] a été trompée sur l’état du véhicule dont elle a fait l’acquisition par le vendeur, par ailleurs professionnel de l’automobile, qui s’est abstenu de répondre à ses demandes, ce qui ne permet pas de retenir qu’il a été de bonne foi.

Il a causé un préjudice moral à l’acheteuse en raison des tracas occasionnés par les démarches accomplies auprès de son assureur mais également de l’impossibilité d’utiliser le véhicule dont elle avait réglé le prix et qui était inutilisable.

La réparation de son préjudice sera évaluée à la somme de 1.500 euros que M. [R] [X] sera condamné à lui payer en réparation de son préjudice moral.

Sur les demandes accessoires

Il n’y a pas lieu d’écarter l’exécution provisoire de droit de la présente décision.

Partie perdante au procès, M. [R] [X], sera condamné aux dépens ainsi qu’à verser à Mme [E] [U] [N] la somme de 1.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant après débats publics, par jugement réputé contradictoire rendu en premier ressort par mise à disposition au greffe :

PRONONCE la résolution pour vice caché de la vente par M. [R] [X] à Mme [E] [U] [N] du véhicule de marque Audi A1 immatriculé [Immatriculation 6] intervenue le 30 septembre 2023 ;

CONDAMNE M. [R] [X] à payer à Mme [E] [U] [N] la somme de 9.000 euros en restitution du prix de vente ;

DIT qu’en conséquence de la résolution de la vente, M. [R] [X] devra reprendre possession à ses frais du véhicule Audi A1 immatriculé [Immatriculation 6], dans un délai de trois mois après la signification de la présente décision ;

CONDAMNE M. [R] [X] à payer à Mme [E] [U] [N] la somme de1.500 en réparation de son préjudice moral ;

CONDAMNE M. [R] [X] à payer à Mme [E] [U] [N], la somme de 1.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE Mme [E] [U] [N] de sa demande de dommages et intérêts en réparation de son préjudice de jouissance et de toutes ses autres demandes ;

DIT n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire de plein droit de la présente décision ;

CONDAMNE M. [R] [X] aux dépens.

Le présent jugement a été signé par le Président et le Greffier.

LE GREFFIER                                                    LE PRÉSIDENT


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