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En matière d’accès aux données de connexion, le procureur de la République n’ayant pas compétence pour autoriser l’accès à ces données, le grief pris de ce que son autorisation devait être spéciale et motivée est inopérant.
En la cause, pour écarter le moyen de nullité, l’arrêt attaqué justifie la conservation des données au titre de la sauvegarde de la sécurité nationale et détaille des éléments du dossier caractérisant le critère de la lutte contre la délinquance et la criminalité graves au titre desquelles ces données peuvent faire l’objet d’une conservation rapide. Les juges énoncent que le procès-verbal d’autorisation d’accès aux données de trafic et de localisation du 16 février 2023 est suffisamment motivé et précis dès lors que, d’une part, il indique que les réquisitions d’accès autorisées sont celles qui, par principe, sont nécessaires aux investigations et proportionnées à la gravité des faits, s’agissant d’infractions de nature criminelle ou relevant de la criminalité et de la délinquance organisée prévue aux articles 706-73 et suivants du code de procédure pénale, d’autre part, il vise la procédure d’enquête préliminaire ouverte le 8 février 2023 pour trafic de stupéfiants. . Les juges exposent ensuite qu’en l’espèce, les réquisitions ont été à la fois nécessaires et proportionnées à la poursuite des infractions en cause. Ils relèvent enfin que si les actes ont été accomplis en méconnaissance des exigences du droit de l’Union européenne sur l’autorisation du procureur de la République donnée dans le cadre d’une enquête préliminaire sans contrôle par une juridiction ou une autorité indépendante extérieure à l’enquête, l’irrégularité n’affecte, en tout état de cause, qu’un intérêt privé, l’existence d’un grief n’étant établie que lorsque l’irrégularité elle-même a occasionné un préjudice au requérant, lequel ne peut résulter de la seule mise en cause de celui-ci par l’acte critiqué, et qu’elle constitue une ingérence injustifiée dans la vie privée de la personne concernée, de sorte que cet accès aurait dû être prohibé. |
Résumé de l’affaire :
Ouverture de l’enquêteUne enquête préliminaire a été initiée concernant un important point de vente de produits stupéfiants situé à [Localité 2]. Des renseignements ont désigné MM. [Y] [I] et [G] [F] comme les gérants de ce lieu de trafic. L’analyse des données de connexion et des interceptions téléphoniques a confirmé leur implication dans cette affaire. Mise en examenLe 14 avril 2023, une information judiciaire a été ouverte, et MM. [I] et [F] ont été mis en examen ce même jour pour les chefs d’accusation liés à cette affaire. Par la suite, ils ont déposé des requêtes en nullité les 1er et 8 juin 2023. Critique de l’autorisation d’accès aux donnéesLe premier moyen de contestation soulève des critiques concernant l’arrêt attaqué, qui a rejeté la demande d’annulation de l’autorisation d’accès aux données de trafic et de localisation. Il est soutenu que l’accès à ces données ne peut être requis que sur autorisation préalable d’un magistrat, et que l’absence d’une telle autorisation entraîne la nullité des réquisitions et des opérations subséquentes. Réponse de la CourPour écarter le moyen de nullité, l’arrêt justifie la conservation des données au nom de la sécurité nationale et évoque des éléments du dossier qui caractérisent la lutte contre la délinquance grave. Les juges affirment que le procès-verbal d’autorisation est suffisamment motivé et précise que les réquisitions d’accès sont nécessaires et proportionnées aux infractions en cause. Évaluation des irrégularitésLes juges notent que, bien que les actes aient été réalisés en méconnaissance des exigences du droit de l’Union européenne, cette irrégularité n’affecte qu’un intérêt privé. Ils concluent que les requérants n’ont pas établi de grief résultant de cette irrégularité, et que l’accès aux données n’a pas constitué une ingérence injustifiée dans leur vie privée. Conclusion de la chambre de l’instructionLa chambre de l’instruction a confirmé que le procureur de la République n’avait pas compétence pour autoriser l’accès aux données, rendant inopérant le grief concernant la nécessité d’une autorisation spéciale et motivée. Elle a également vérifié que les mesures d’investigation n’avaient pas excédé le strict nécessaire, ce qui a conduit à l’écartement du moyen de nullité. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
N° 01267
SL2
22 OCTOBRE 2024
REJET
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 22 OCTOBRE 2024
MM. [Y] [I] et [G] [F] ont formé des pourvois contre l’arrêt de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Lyon, en date du 12 décembre 2023, qui, dans l’information suivie contre eux, des chefs, notamment, d’infractions à la législation sur les stupéfiants, association de malfaiteurs et blanchiment, a prononcé sur leurs demandes d’annulation de pièces de la procédure.
Par ordonnance du 29 avril 2024, le président de la chambre criminelle a joint les pourvois et prescrit leur examen immédiat.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de Mme Chaline-Bellamy, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de MM. [Y] [I] et [G] [F], et les conclusions de Mme Caby, avocat général, après débats en l’audience publique du 24 septembre 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Chaline-Bellamy, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l’article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
1. Il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Une enquête préliminaire a été ouverte sur un important point de vente de produits stupéfiants à [Localité 2].
3. Un renseignement a mis en cause MM. [Y] [I] et [G] [F] comme gérants de ce lieu de trafic.
4. L’exploitation de données de connexion et des interceptions téléphoniques ont confirmé leur mise en cause.
5. Une information a été ouverte le 14 avril 2023.
6. MM. [I] et [F] ont été mis en examen ce même jour notamment des chefs susmentionnés.
7. Ils ont déposé des requêtes en nullité respectivement les 1er et 8 juin 2023.
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
8. Le moyen critique l’arrêt attaqué en ce qu’il a rejeté leur demande tendant à l’annulation de l’autorisation d’effectuer toutes réquisitions d’accès à des données de trafic et de localisation, de l’exploitation des résultats issus des réquisitions effectuées et de l’ensemble des actes subséquents dont elle constitue le support nécessaire, alors :
« 1°/ que l’accès aux données de connexion ne peut être requis par un policier que sur autorisation particulière préalable d’un magistrat définissant la nature de la mesure, son étendue et sa durée, afin que ce magistrat s’assure que la mesure est limitée à ce qui est strictement nécessaire ; que l’absence d’autorisation préalable donnée à l’agent de police judiciaire emporte la nullité de ses réquisitions et des opérations subséquentes indépendamment de tout grief ; qu’en jugeant régulières les réquisitions adressées, en enquête préliminaire, par un agent de police judiciaire à des opérateurs de téléphonie au seul visa d’une autorisation «de procéder à toutes réquisitions d’accès à des données de trafic et de localisation nécessaires aux investigations et proportionnées à la gravité des faits, s’agissant d’infractions de nature criminelle ou relevant du régime de la criminalité et de la délinquance organisée », cependant que cette autorisation générale qui ne précise ni la finalité de la mesure, ni les lignes téléphoniques concernées, ni la durée des réquisitions, modalités abandonnées à l’appréciation du policier, équivaut à une absence d’autorisation, la cour d’appel a violé l’article 77-1-1 du code de procédure
pénale et 15 de la directive 2002/58 CE du Parlement européen et du Conseil du 12 juillet 2002 ;
2°/ qu’il appartient à la chambre de l’instruction de s’assurer que l’autorisation préalable du magistrat, et non les réquisitions des policiers prises en exécution de cette autorisation, d’accès aux données de trafic et
de localisation n’a pas excédé les limites du strict nécessaire ; qu’en retenant, pour écarter le moyen tirée de la nullité de l’autorisation d’accès aux données, que les réquisitions prises par le policier en exécution de cette autorisation étaient limitées par les nécessités de l’enquête, la cour d’appel a violé l’article 77-1-1 du code de procédure pénale et 15 de la directive 2002/58 CE du Parlement européen et du Conseil du 12 juillet 2002. »
9. Pour écarter le moyen de nullité, l’arrêt attaqué justifie la conservation des données au titre de la sauvegarde de la sécurité nationale et détaille des éléments du dossier caractérisant le critère de la lutte contre la délinquance et la criminalité graves au titre desquelles ces données peuvent faire l’objet d’une conservation rapide.
10. Les juges énoncent que le procès-verbal d’autorisation d’accès aux données de trafic et de localisation du 16 février 2023 est suffisamment motivé et précis dès lors que, d’une part, il indique que les réquisitions d’accès autorisées sont celles qui, par principe, sont nécessaires aux investigations et proportionnées à la gravité des faits, s’agissant d’infractions de nature criminelle ou relevant de la criminalité et de la délinquance organisée prévue aux articles 706-73 et suivants du code de procédure pénale, d’autre part, il vise la procédure d’enquête préliminaire ouverte le 8 février 2023 pour trafic de stupéfiants au [Adresse 1].
11. Les juges exposent ensuite qu’en l’espèce, les réquisitions ont été à la fois nécessaires et proportionnées à la poursuite des infractions en cause.
12. Ils relèvent enfin que si les actes ont été accomplis en méconnaissance des exigences du droit de l’Union européenne sur l’autorisation du procureur de la République donnée dans le cadre d’une enquête préliminaire sans contrôle par une juridiction ou une autorité indépendante extérieure à l’enquête, l’irrégularité n’affecte, en tout état de cause, qu’un intérêt privé, l’existence d’un grief n’étant établie que lorsque l’irrégularité elle-même a occasionné un préjudice au requérant, lequel ne peut résulter de la seule mise en cause de celui-ci par l’acte critiqué, et qu’elle constitue une ingérence injustifiée dans la vie privée de la personne concernée, de sorte que cet accès aurait dû être prohibé.
13. Ils en concluent que les requérants n’établissent pas de grief résultant de l’irrégularité.
14. En statuant ainsi, la chambre de l’instruction n’a méconnu aucun des textes visés au moyen pour les motifs qui suivent.
15. En premier lieu, le procureur de la République n’ayant pas compétence pour autoriser l’accès à ces données, le grief pris de ce que son autorisation devait être spéciale et motivée est inopérant.
16. En second lieu, il résulte de ce qui précède que la chambre de l’instruction s’est assurée que les mesures d’investigation diligentées auprès des opérateurs de télécommunications portant sur des faits relevant de la criminalité grave n’avaient pas excédé le strict nécessaire.
17. Dès lors, le moyen ne peut qu’être écarté.